Estelle Brosset – Première approche de l’approche One Health en droit de l’Union européenne

Estelle Brosset
Professeure en droit public, Aix Marseille Univ, CNRS, DICE, CERIC, Aix-en-Provence, France, Institut universitaire de France

Résumé : L’approche One Health, portée initialement par l’OMS se retrouve-t-elle au niveau de l’Union et dans son droit ? C’est à cette question que la contribution tente, sous la forme d’une première approche, de répondre. La situation est contrastée. En première intention, il est tout à fait possible de relever des indices d’une telle approche (I). L’on a en effet, en droit de l’Union européenne, clairement assisté à la diffusion de l’approche One Health ainsi qu’à un début de structuration de celle-ci. Que ces indices puissent être relevés n’est pas illogique, même attendu car le contexte général en droit de l’Union est favorable, en quelque sorte « One Health-compatible ». Cependant en dépit de ces indices, les obscurités demeurent prégnantes (II). D’abord, à y regarder plus près, la diffusion de l’approche One Health est limitée à quelques domaines. Par ailleurs, la structuration est bien loin d’être achevée au plan institutionnel comme conceptuel. De notre point de vue, ces obscurités devraient durer car le contexte actuel n’est pas complètement favorable à des éclaircissements.

Lorsqu’en novembre dernier, avait lieu ce premier Workshop sur l’approche One Health en droit international et européen et que sa formidable coordinatrice, Éloïse Gennet, nous demandait, pour l’introduire, une première approche de l’approche (le jeu de mots était attendu) en droit de l’Union européenne, la situation pouvait paraître confortable.

L’Union européenne possède depuis plus de trente ans une compétence dans le domaine sanitaire[1] et elle a, depuis encore plus longtemps, adopté un ensemble de textes en ce domaine[2] et il n’était sans doute pas impossible d’y trouver évoquée, ici ou là, l’approche One Health. Par ailleurs, si l’Union n’est pas membre de l’OMS – qui n’admet comme Parties contractantes que des États –, une coopération institutionnelle s’est depuis longtemps organisée[3] et, de manière volontaire, le droit de l’OMS a été régulièrement intégré en droit de l’Union européenne[4]. Dès lors, l’approche One Health, portée initialement par l’OMS[5], pouvait sans doute se retrouver au niveau de l’Union[6]. Enfin, parce qu’il y a eu la pandémie Covid-19, la diffusion d’une telle approche semblait d’autant plus vraisemblable. Il faut dire que, plus que d’autres encore, la crise sanitaire du Covid-19 a révélé le lien étroit entre santé humaine, santé animale et santé de l’environnement, rappelant que la santé des écosystèmes pouvait directement et durablement impacter la santé humaine et mettant en évidence l’origine animale des nombreux nouveaux pathogènes humains[7]. D’ailleurs quelques jours à peine avant le workshop, la Commission européenne confirmait cette impression de départ en organisant une conférence précisément sur cette approche[8].

À l’analyse pourtant, la situation n’était pas si confortable. D’abord, si une compétence en matière de santé a été attribuée à l’Union européenne, la situation en ce domaine n’est pas simple. Souvenons-nous qu’initialement il avait été imaginé que la santé devait demeurer, du point de vue de l’Union, un sujet « totalement distinct. Elle formait un domaine de législation politique et, par conséquent, devait rester nationale »[9]. Certes, depuis 1992, une dynamique d’attribution de compétences s’est enclenchée, mais avec une grande prudence : la « protection constitutionnelle de la compétence nationale dans ce domaine »[10] a été une constante et en conséquence la santé humaine appartient, depuis son apparition, principalement à la catégorie des compétences complémentaires (c’est-à-dire ni exclusives ni partagées) qui permettent à l’Union uniquement « de mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres »[11], dans tous les cas « à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et règlementaires des États membres »[12] et en respectant pleinement la « responsabilité des États dans la définition de leur politique de santé ainsi que l’organisation et la fourniture des services de santé et de soins médicaux »[13].

Par ailleurs, si l’approche One Health a connu une médiatisation récente, elle est in fine une vieille idée, celle de nos « grands-pères »[14]. L’on sait en effet depuis fort longtemps que la santé animale, la santé humaine et la santé environnementale sont intrinsèquement liées et interdépendantes[15]. Les chiffres pour l’Europe[16] et, en son sein, pour l’Union sont d’ailleurs précis[17] : si 700 000 décès chaque année sont liés au tabac, 350 000 à l’alcool, l’exposition à la pollution atmosphérique entraîne chaque année plus de 400 000 décès prématurés. Pour d’autres facteurs environnementaux, la précision est moindre, mais les effets sur la santé sont également bien renseignés qu’il s’agisse des effets de l’exposition aux mélanges de produits chimiques tout au long de la vie (en particulier lors de la petite enfance, la grossesse et la vieillesse) ou des effets du changement climatique (en raison, par exemple, des vagues de chaleur et de l’évolution de la répartition des maladies infectieuses et des allergènes). D’ailleurs, même si des évolutions sont encore nécessaires[18], la santé environnementale est saisie par le droit[19], y compris le droit de l’Union européenne[20] depuis déjà plusieurs années. Dans cette perspective, « One Health is not due to be done, it is »[21].

Dans ce contexte, logiquement, la réponse à la question de savoir si, prolongeant le niveau international, l’Union européenne et son droit connaissent une telle approche est contrastée. En première intention, il est tout à fait possible de relever des indices d’une telle approche (I). Cependant, en dépit de ces indices, les obscurités entourant celle-ci en droit de l’Union européenne sont encore nombreuses (II).

I. Les indices de l’approche en droit de l’Union

Les indices sont manifestes et il en sera fait l’inventaire (A) avant d’expliquer pourquoi, dans le contexte qui est celui du droit de l’Union, ils sont logiques (B).

A) Des indices manifestes

En droit de l’Union, les indices sont manifestes : l’on a en effet clairement assisté à la diffusion de l’approche One Health ainsi qu’à un début de structuration de celle-ci.

Il faut admettre que les premières évocations d’une telle approche sont anciennes. La première évocation remonte à plus de quinze ans et se trouve dans la Communication de la Commission du 31 mars 2010 sur le rôle de l’UE dans la santé mondiale[22]. La Commission y énonce que « face à la menace des zoonoses, le concept “un monde, une santé” devrait faire l’objet d’une attention plus soutenue »[23]. On peut aussi citer la Communication de la Commission de 2011 fixant le Plan d’action pour combattre les menaces croissantes de la résistance aux antimicrobiens[24] dans laquelle la Commission rappelle que « les aliments et un contact direct avec les animaux peuvent constituer un vecteur de transmission de la résistance aux antimicrobiens des animaux vers les hommes, ce qui montre l’importance du lien entre les médecines humaine et vétérinaire, comme l’a souligné l’initiative One Health »[25].

Depuis lors, les occurrences se sont multipliées, à partir de 2017 très nettement, lorsque le plan d’action de l’Union pour une seule santé contre la résistance antimicrobienne (RAM)[26] est adopté. Dans ce plan, qui pour cette raison constitue un point tournant, l’approche est visée dans l’intitulé lui-même et est, en plus, utilisée très abondamment (28 fois) dans le texte. Dans la foulée, on la trouve évoquée dans plusieurs autres communications en 2019[27], 2021[28] ou encore en 2022[29]. Elle est parallèlement visée par des textes juridiquement contraignants. Le règlement 2021/522 établissant un programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé (programme EU4Health) pour la période 2021-2027[30] est le premier. Depuis lors, on la retrouve dans plusieurs autres règlements, par exemple dans le règlement (UE) 2022/2371 du Parlement européen et du Conseil du 23 novembre 2022 concernant les menaces transfrontières graves pour la santé et abrogeant la décision n° 1082/2013/UE[31] ou encore dans celui de la même date sur le mandat du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies[32]. Cela ne devrait pas cesser car, dans le cadre de la stratégie pharmaceutique de l’Union, des propositions de révision ont été faites et ces propositions font systématiquement référence à cette approche, principalement dans l’objectif d’une meilleure lutte contre la résistance aux antimicrobiens[33].

Parallèlement à cette diffusion, on peut relever des traces de structuration de l’approche. Un début de structuration institutionnelle s’est ainsi enclenché. La Direction générale de la Santé de la Commission européenne s’est en effet dotée, depuis 2022, parmi ses huit sous-directions d’une direction spécifiquement dédiée à l’approche One Health. L’approche « Une seule santé » a été intégrée aux mandats du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC)[34] et de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA)[35]. D’autres agences en particulier l’Agence européenne de l’environnement (AEE) et l’Agence européenne du médicament (EMA), ont également développé des activités en lien, implicite, avec l’approche[36]. D’ailleurs, si depuis longtemps les agences collaborent notamment l’EFSA, l’EMA et l’ECDC en matière de résistance antimicrobienne[37], en 2022[38] cinq d’entre elles (l’EFSA, l’ECDC, l’EMA, l’AEE et l’ECHA) se sont engagées à établir un groupe de travail inter-agences sur One Health[39] et, ce faisant, à soutenir pleinement l’approche « Une seule santé » en Europe[40].

La structuration conceptuelle a également progressé. D’abord, la définition de l’approche s’est stabilisée. Initialement, l’approche ne faisait qu’une part réduite à l’environnement. En 2011, la Commission européenne évoquait ainsi uniquement le lien entre la santé humaine et la santé animale, sans tenir compte de la santé environnementale. En 2017, la définition retenue visait l’environnement, ce qui au regard des communications plus anciennes, était nouveau[41], mais sans l’intégrer pleinement. La Commission expliquait que l’approche One Health permet de décrire « le principe selon lequel la santé humaine et la santé animale sont liées entre elles […] (et) permet “de prendre également en compte l’environnement” »[42]. Peu à peu toutefois, la définition a évolué et l’environnement est désormais traité comme une dimension égale et non accessoire. C’est le cas dans les communications plus récentes, par exemple en 2021[43] où il est énoncé que « le concept “Une seule santé” reconnaît clairement le lien étroit qui existe entre la santé de la planète et celle des humains et des animaux. Si l’un de ces groupes est touché, cela influence la santé des autres groupes […] »[44]. C’est aussi le cas dans le règlement EU4Health qui propose la première définition, dans un texte contraignant, de l’approche « une seule santé » : il s’agit d’« une approche multisectorielle reconnaissant que la santé humaine est liée à la santé animale et à l’environnement, et que les mesures de lutte contre les menaces sanitaires doivent tenir compte de ces trois dimensions »[45].

Au-delà de la définition, la qualification se précise. Dans les premiers textes, par exemple dans la communication de 2011, l’approche One Health n’était pas visée comme un concept autonome du droit de l’Union, mais uniquement comme une initiative ou un concept de la Communauté internationale. Lorsque le plan d’action 2017 est adopté, il est fait alors référence à One Health comme un principe et ce, sans renvoi au niveau international. Or si « le terme “approche” évoque une méthodologie, une façon de faire quelque chose, un modus operandi qui devrait être appliqué par les institutions dans leurs procédures […] », celui de « “principe” ouvre la voie à une nouvelle configuration de One Health en tant que moyen qui devrait être pris en compte par les décideurs politiques dans le processus du cycle politique ou également par les organes judiciaires dans leur interprétation juridique »[46].

B) Des indices logiques

Que ces indices puissent être relevés n’est pas illogique, même attendu car le contexte en droit de l’Union est favorable, en quelque sorte « One Health-compatible ». Il faut ici rappeler que le droit de l’Union européenne imbrique de façon intense, peut-être plus que dans d’autres droits, l’objectif de protection de l’environnement à celle de la santé humaine. Depuis 1985, il est prévu explicitement la possibilité d’une action de la Communauté en matière d’environnement : or cette action a été conçue d’emblée avec pour objectif, notamment, de « contribuer à la protection de la santé des personnes ». On retrouve ce même objectif dans l’actuel article 191 TFUE[47]. L’imbrication est ancienne donc et continue d’ailleurs de se manifester. Pour preuve, le Pacte vert pour l’Europe («Green Deal »), lancé en décembre 2019 par la Commission, comporte ainsi un objectif de « zéro pollution » pour garantir toute à la fois la protection des écosystèmes et un cadre de vie sain aux Européens[48]. D’ailleurs, de ce fait, pour certains[49], le droit de l’Union de l’environnement demeurerait principalement fondé « sur une tradition anthropocentrée »[50] même si la promotion du bien-être des animaux[51] ou encore la directive sur la responsabilité environnementale[52] témoignent que d’autres logiques sont à l’œuvre.

Les liens entre santé humaine et animale sont également anciens. Rappelons qu’avant même l’attribution d’une compétence en matière de santé et donc, bien avant la décision du 24 septembre 1998 instaurant un réseau de surveillance épidémiologique et de contrôle des maladies transmissibles dans la Communauté[53], des textes avaient été adoptés pour lutter contre certaines maladies animales en faisant le lien avec la protection de la santé humaine[54]. Depuis lors, une compétence en matière de santé a été attribuée à l’Union, compétence qui, depuis le traité d’Amsterdam, donc 1999, vise la protection de la santé humaine dans tous les domaines, y compris ceux qui ont trait à la santé animale et végétale[55]. Depuis lors également, les textes relatifs à la protection de la santé animale se sont densifiés[56] et évoquent d’ailleurs les liens avec la protection de la santé humaine et la protection de l’environnement[57].

II. Les obscurités à propos de l’approche en droit de l’Union

Cependant, en dépit de ces indices, les obscurités demeurent prégnantes (A). D’abord, à y regarder plus près, la diffusion de l’approche One Health est limitée à quelques domaines. Par ailleurs, la structuration est bien loin d’être achevée au plan institutionnel comme conceptuel. Or, de notre point de vue, ces obscurités devraient durer (B) car le contexte n’est pas complètement favorable à des éclaircissements.

A) Des obscurités prégnantes

Il faut d’abord admettre que si l’évocation de l’approche a progressé, les domaines d’évocation sont encore très limités. L’approche est principalement évoquée dans certains textes sanitaires et principalement[58] ceux sur la résistance antimicrobienne. Les premiers textes, en 2011 puis 2017[59], comme les plus récents[60], citant expressément l’approche, portent sur cette question. Cela est compréhensible car, par nature, la résistance antimicrobienne (c’est-à-dire l’aptitude des micro-organismes à survivre ou à se développer malgré un agent antimicrobien qui, en temps normal, les inhibe ou les tue) est, par définition, un problème qui relève de l’approche « Une seule santé ». En effet, bien que la résistance antimicrobienne soit un phénomène naturel, c’est le mésusage et l’usage excessif des antimicrobiens chez l’homme, mais aussi chez les animaux (y compris chez les animaux sains, à titre prophylactique, afin d’augmenter la production de viande) et du côté des végétaux (avec l’utilisation dans l’environnement de pesticides aux propriétés antibactériennes et antifongiques) qui rendent son apparition plus fréquente[61]. En revanche, au-delà de ces textes sanitaires, la diffusion est faible. Une analyse – réalisée à propos du Green deal (et de textes afférents) – a révélé que, sur plus de cinquante textes, seulement cinq d’entre eux faisaient référence à l’approche[62]. L’on peut donc en conclure, suivant les auteurs d’une telle analyse, que « dans l’ensemble, l’utilisation du concept “One Health” dans le cadre du Green Deal est très erratique […] (et que) le Green Deal n’attribue pas de rôle spécifique à One Health »[63].

Si la diffusion est partielle, la structuration est également bien loin d’être achevée. Au plan institutionnel, on doit admettre que la structuration du côté de la Commission est très embryonnaire : la direction One Health abrite certes une unité sur la résistance antimicrobienne mais pour le reste, regroupe des unités dédiées à des questions très éloignées de l’approche (relations interinstitutionnelles, communication, relations internationales multilatérales et bilatérales). En outre, ailleurs, par exemple du côté du Parlement, la structuration n’existe pas voire certaines options sont, d’une certaine manière, inverses à la logique même de One Health[64]. Enfin, du côté des agences, si la coopération progresse, il y a encore beaucoup à faire[65].

Quant à la structuration conceptuelle, plusieurs questions sont encore en suspens. La qualification de principe[66] n’est pas complètement stabilisée. Parfois, c’est le cas dans le règlement EU4Health, One Health est en effet encore désigné comme une simple « approche »[67]. Par ailleurs, quelle que soit sa qualification, ce principe (ou approche) ne fonde que peu de dispositifs concrets, sauf dans le domaine de la RAM[68], dispositifs qui ne sont d’ailleurs pas toujours bien appliqués[69]. Par exemple, dans l’article 3 du règlement 2021/522[70], il est seulement prévu que le programme « poursuit les objectifs généraux suivants, le cas échéant, conformément à l’approche “Une seule santé” ». Le renvoi n’est donc accompagné d’aucune précision et il est même indiqué une possibilité de ne pas en tenir compte. Que, du côté de la jurisprudence, la place de l’approche One health soit limitée n’est dès lors pas surprenante. Une seule occurrence peut être relevée et uniquement dans les conclusions d’un avocat général, M. N. Wahl présentées le 21 septembre 2017 dans l’affaire Colegiul Medicilor Veterinari din România[71] à propos de la possibilité, au regard de la liberté d’établissement, de réserver aux seuls vétérinaires le droit de vente au détail, d’utilisation et d’administration de produits biologiques vétérinaires, de produits antiparasitaires à usage spécial et de médicaments vétérinaires[72]. Dans son arrêt du 1er mars 2018, la Cour n’opère toutefois pas un tel renvoi, même si elle reprend, en substance, l’idée[73].

Certes, l’approche aurait pu bénéficier d’un rattachement à d’autres principes déjà existants et plus « installés » mais pour l’heure rien de tel n’a eu lieu. C’est le cas du principe d’intégration d’un niveau élevé de protection de la santé humaine dans toutes les politiques et actions de l’Union[74]. Il faut admettre que ce qu’implique ce principe est quelque peu différent de l’approche One Health car il s’agit de prendre en compte les exigences de santé dans toutes les politiques[75] et non de considérer la santé en tant que telle dans toutes ses dimensions. Mais, il y a un point de contact : le fait de considérer que la santé est déterminée par un large éventail de facteurs (personnels, sociaux, économiques et environnementaux, parfois désignés sous le terme de déterminants de santé). Or, à la différence de l’approche One Health, ce principe d’intégration est consacré dans le traité (aux articles 9 et 168 § 1 TFUE et est répété à l’article 35 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne) : il n’est donc pas une simple déclaration d’intention, mais un principe constitutionnel qui s’impose dans tous les domaines d’action de l’Union.

B) Un contexte peu favorable

On pourrait espérer que ces obscurités soient levées et d’ailleurs certains plaidoyers récents[76] vont dans ce sens. Cependant, cela semble sur un court (ou moyen ?) terme, peu vraisemblable, principalement, pour deux raisons.

D’abord, depuis 2020[77] et le Covid-19, le centre de gravité du droit de l’Union est davantage celui de la construction d’une « EU Health Union » que du déploiement de l’approche One Health. Certes, dans la Communication du 11 novembre 2020 dédiée à l’établissement d’une Union européenne de la santé[78], il est prévu qu’une telle Union devra s’appuyer « sur les efforts conjoints déployés par l’UE pour concilier notre lien avec l’environnement naturel en adoptant des modèles de croissance économique différents et plus durables, comme le propose le pacte vert pour l’Europe ». En effet, « la lutte contre le changement climatique et la recherche de moyens de s’y adapter, la préservation et le rétablissement de la biodiversité, l’amélioration des régimes alimentaires et des modes de vie, la réduction et l’élimination de la pollution de l’environnement auront des effets positifs sur la santé des citoyens et l’Union européenne de la santé sera en mesure de mieux les protéger »[79]. Toutefois, le contenu essentiel de cette Union est ailleurs : il s’agit surtout d’améliorer la réaction et la préparation aux crises sanitaires grâce à une mise à niveau de la décision 1082/2013/UE relative aux menaces transfrontières graves sur la santé, à un renforcement du mandat du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies et à une extension du mandat de l’Agence européenne des médicaments (EMA).

Le second élément de contexte, peu favorable, tient à la nature même de l’approche One Health. Que ce soit dans en droit de l’Union ou en dehors, la difficulté est que ce qu’elle exige (tenir compte des trois dimensions de la santé) est presque illimité. et que dès lors, le contrôle et la sanction du non-respect d’une telle approche sont difficiles. L’exemple du principe d’intégration des exigences de protection de la santé dans toutes les politiques – qui lui aussi exige beaucoup – atteste de cette difficulté. Il ne fait guère de doute que ce principe possède une forte valeur politique : c’est en effet une ligne directrice qui est suivie par les institutions de l’Union en matière de santé et, parmi plusieurs instruments[80], l’analyse de l’impact des initiatives de la Commission a clairement vocation à le concrétiser. Toutefois, la portée contentieuse d’un tel principe, en dépit de sa consécration dans le traité, demeure réduite. D’ailleurs, pour l’heure, aucune annulation d’un acte de l’Union n’a eu lieu pour violation de ce principe. Par ailleurs, si le principe a été parfois un élément utile d’interprétation[81], il n’a rien fait « par lui-même », sa mobilisation par le juge a toujours été « subsidiaire, ampliative ou accessoire »[82]. Le sort du concept-principe One Health pourrait être le même.

Pour conclure cette première approche de l’approche One Health en droit de l’Union européenne, on doit admettre que les références sont de plus en plus nombreuses et précises. Par ailleurs au plan institutionnel, l’attention actuellement portée à l’approche est bien visible. Mais répéter que l’approche doit être suivie n’est pas tout. « Paradoxalement, le rythme de la répétition, loin de ponctuer la vie normative, au contraire endort par sa monotonie : […] il n’est que mots creux, discours usé à force d’être répété, antienne devenue banale »[83]. Pour éviter cela, le temps de l’opérationnalisation est venu, mais c’est sans doute là le moins évident.


[1] Voir l’article 168 TFUE.

[2] E. Brosset, Manuel de droit de l’Union européenne de la santé, Bruylant, 2024, 456 p.

[3] Dès 1972, sur la base d’un échange de lettres entre la CEE et l’OMS, il a été convenu que les Communautés participeraient aux travaux de l’OMS en tant qu’observateur sans droit de vote. S’agissant de l’Union, voy. l’échange de lettres publié en 2001, échange qui comprend un « mémorandum d’accord relatif au cadre et aux modalités de coopération entre l’Organisation mondiale de la santé et la Commission des Communautés européennes », JOCE, C 1/7 du 4 janvier 2001.

[4] Elle a par exemple conclu la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT) : Décision 2004/513/CE du Conseil du 2 juin 2004, JO, L 213 de 2004, p. 8.

[5] [https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/one-health].

[6] Le contexte était propice : Voir par exemple Déclaration sur l’environnement et la santé en Europe, OMS, Bureau régional pour l’Europe avec le soutien de la Commission européenne, Helsinki, 20 au 22 juin 1994 : [https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0016/113326/Helsinki-Declaration-Action-Environment-Health-in-Europe-fr.pdf].

[7] C. Bourillet, « Vers le développement d’un environnement plus favorable à la santé au sens du concept international « Une seule santé » », Annales des Mines – Responsabilité et environnement, 2021/4 (n° 104), p. 47-50 ; E. Laurin, « “Une seule santé” : du concept à l’action », Droits Fondamentaux, n° 21, janvier-décembre 2023, 7 p.

[8] [https://health.ec.europa.eu/events/one-health-conference-one-health-all-all-one-health-2023-11-13_en?prefLang=fr].

[9] C. Joerges, « La constitution économique européenne en processus et en procès, Revue internationale de droit économique », 3/2006 (t. XX, 3), p. 245-284.

[10] L. Dubouis, « Les États membres de l’Union européenne ont-ils conservé la maîtrise de leur système de soins ? », in L’État souverain dans le monde d’aujourd’hui, Mélanges en l’honneur de J.-P. Puissochet, Pedone, 2008, p. 77.

[11] Article 6 TUE.

[12] Article 168 § 5 TFUE.

[13] Article 168 § 7 TFUE.

[14] [https://cil.nus.edu.sg/wp-content/uploads/2022/07/Panel-Comments-Helene-de-Pooter.pdf].

[15] R. Slama, « L’environnement, les maladies et le système de santé », Esprit, 2023/6 (juin), p. 57-67. R. Slama, Le Mal du dehors. L’influence de l’environnement sur la santé, Versailles, Éditions Quae, 2017.

[16] Voir le rapport « Preventing disease through healthy environments » (« Prévenir la maladie grâce à un environnement sain ») de l’OMS (13 septembre 2018 ) qui souligne que les facteurs de stress environnementaux sont responsables de 12 à 18 % des décès dans les 53 pays de la région Europe de l’OMS.

[17] Voir les rapports nombreux de l’Agence européenne de l’environnement sur les liens entre environnement et santé.

[18] A. Michelot, « Quelle loi pour “une seule santé” en France ? Les propositions de la SFDE pour l’Alliance Santé Biodiversité », RJE, 2023/1 (volume 48), p. 105.

[19] S. Brimo, La santé environnementale, une approche juridique, Dalloz, 2023.

[20] Pour un exemple parmi d’autres voir le Règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil, JO L 309 du 24.11.2009, p. 1-50 : voir par exemple son considérant 7 : « Les produits phytopharmaceutiques peuvent cependant également avoir des effets non bénéfiques sur la production végétale. L’utilisation de ces produits peut présenter des risques et des dangers pour l’homme, les animaux et l’environnement, notamment s’ils sont mis sur le marché sans avoir été officiellement testés et autorisés et s’ils sont utilisés d’une manière incorrecte ».

[21] [https://cil.nus.edu.sg/wp-content/uploads/2022/07/Panel-Comments-Helene-de-Pooter.pdf].

[22] COM/2010/0128 final.

[23] Pt 8.

[24] Communication de la Commission, Plan d’action pour combattre les menaces croissantes de la résistance aux antimicrobiens, COM (2011) 0748 final.

[25] Pt 4.

[26] Plan d’action européen fondé sur le principe « Une seule santé » pour combattre la résistance aux antimicrobiens, COM (2017) 0339 final.

[27] Communication, Approche stratégique de l’Union européenne concernant les produits pharmaceutiques dans l’environnement, Bruxelles, le 11.3.2019 COM (2019) 128 final.

[28] Stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat, COM (2021) 699 final.

[29] Transformer une vision en actions concrètes, COM (2022) 404 final

[30] Règlement (UE) 2021/522 du Parlement européen et du Conseil du 24 mars 2021 établissant un programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé (programme « L’UE pour la santé ») pour la période 2021-2027, JO L 107, 26.3.2021, p. 1-29.

[31] JO L 314 du 6.12.2022, p. 26-63. Voir le considérant 9 du règlement 2022/2371 : « La surexploitation de la faune sauvage et des autres ressources naturelles ainsi que la perte accélérée de biodiversité représentent une menace pour la santé humaine. Étant donné que la santé humaine, la santé animale et celle de l’environnement sont inextricablement liées, il est essentiel de suivre l’approche « Une seule santé » afin de faire face aux crises actuelles et émergentes ».

[32] Règlement (UE) 2022/2370 du 23 novembre 2022 modifiant le règlement (CE) n° 851/2004 instituant un Centre européen de prévention et de contrôle des maladies, JO L 314, 6.12.2022, p. 1-25. Voir le considérant 6 du règlement : « La surexploitation de la faune sauvage et des autres ressources naturelles ainsi que la perte accélérée de biodiversité représentent une menace pour la santé humaine. Étant donné que la santé humaine, la santé animale et celle de l’environnement sont inextricablement liées, il est essentiel de suivre l’approche « Une seule santé » afin de faire face aux crises actuelles et émergentes ».

[33] Proposition de règlement établissant des procédures de l’Union pour l’autorisation et la surveillance des médicaments à usage humain et établissant des règles régissant l’Agence européenne des médicaments, Bruxelles, le 26.4.2023, COM (2023) 193 final et proposition de directive instituant un code de l’Union relatif aux médicaments à usage humain, Bruxelles, le 26.4.2023 COM (2023) 192 final. : « En ce qui concerne les besoins médicaux non satisfaits dans le domaine de la résistance aux antimicrobiens, la proposition de réforme de la législation pharmaceutique contribuera à la réalisation des objectifs du plan d’action européen fondé sur le principe « Une seule santé » pour combattre la résistance aux antimicrobiens ».

[34] Comme en témoignent les références explicites au concept contenues dans la stratégie 2021-2027 de l’ECDC. Le mandat de l’ECDC a récemment été modifié et l’accent a notamment été mis sur l’application de l’approche « Une seule santé » : l’agence doit recenser les facteurs de risque de transmission de la maladie et la charge de morbidité qui y est associée mais aussi fournir une analyse de la corrélation entre la transmission de la maladie, d’une part, et les facteurs de risque sociaux, économiques, climatiques et environnementaux, d’autre part, en suivant l’approche « Une seule santé » pour les maladies zoonotiques, d’origine alimentaire et hydrique et d’autres maladies pertinentes et problèmes sanitaires particuliers, et détermine les groupes de population les plus à risque, ainsi que la corrélation entre l’incidence et la gravité de la maladie et les facteurs sociétaux et environnementaux, ainsi que les priorités et les besoins en matière de recherche (article 5-3 i) Règlement (UE) 2022/2370 du 23 novembre 2022 modifiant le règlement (CE) no 851/2004 instituant un Centre européen de prévention et de contrôle des maladies).

[35] [https://www.efsa.europa.eu/sites/default/files/2021-11/efsa-strategy-2027-fr.pdf]. D’ailleurs, l’EFSA a formulé une série de recommandations, dans le cadre de ce mandat, sur le rôle que joue l’environnement dans le développement et la propagation de la résistance aux antimicrobiens entre les êtres humains et les animaux : EFSA J., 19 (6) (2021), p. 6651, 10.2903/j.efsa.2021.6651.

[36] Par exemple, la perspective d’une seule santé est implicite dans les activités de l’AEE sur l’environnement et la santé : voir récemment la publication d’une évaluation européenne des risques climatiques, 23/04/2024. Pour sa part, l’EMA travaille à l’amélioration de l’évaluation des risques environnementaux des médicaments dans le cadre de l’Approche stratégique de l’UE concernant les produits pharmaceutiques dans l’environnement (COM (2019) 128 final).

[37] Voir l’avis conjoint de 2016 EMA/ EFSA sur la réduction de la nécessité d’utiliser des antimicrobiens dans l’élevage des animaux. Voir en 2017, leur avis conjoint relatif à un ensemble d’indicateurs pour aider les États membres de l’UE à évaluer les progrès réalisés dans la réduction de l’utilisation d’antimicrobiens. Voir plusieurs rapports conjoints sur l’analyse intégrée des données relatives à la consommation d’antibiotiques et le développement de la résistance aux antimicrobiens en Europe. Notons que pour l’avenir, il est prévu que cette collaboration soit « renforcée et étendue de sorte à inclure l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), afin que la réponse à la RAM soit cohérente, fondée sur le principe « Une seule santé » et étayée par des données probantes » : Considérant 32, Recommandation du Conseil relative au renforcement des actions de l’Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d’une approche « Une seule santé » (JO C 220 du 22.6.2023, p. 1-20). La collaboration prend la forme d’un groupe de travail interagence sur la RAM. Ce groupe de travail doit permettre l’organisation de réunions régulières permettant d’échanger des informations sur la RAM et d’examiner les demandes et les mandats à venir d’œuvrer à l’intégration des données de surveillance dans tous les secteurs » (considérant 37).

[38] À la suite de la conférence ONE – Santé, environnement, société – à Bruxelles, du 21 au 24 juin 2022.

[39] S. Bronzwaer et al., « One health collaboration with and among EU Agencies–Bridging research and policy », One Health, 2022, doi: 10.1016/j.onehlt.2022.100464. Le groupe de travail inter-agences poursuivra les principaux objectifs suivants : faciliter la coordination stratégique du travail des agences sur la mise en œuvre de One Health (le groupe élaborera un plan pour le travail commun des agences au cours de la période 2024-2026, ainsi qu’une liste de priorités thématiques) ; promouvoir la coordination de la recherche ; fournir un forum pour la coordination des activités visant à mettre à jour, à informer et à soutenir les décideurs politiques de l’UE et d’autres parties prenantes concernées dans le domaine de la santé ; renforcer les activités conjointes et le partage d’informations sur les aspects liés à « Une seule santé » entre les agences, notamment en identifiant les liens entre les différents domaines.

[40] L’engagement a été répété le 13 novembre 2023 dans le cadre d’un joint Statement par les 5 agences sur les connaissances en matière de One Health. Elles y expriment leur engagement commun, en tant qu’agences de l’UE.

[41] « Le plan d’action de 2011 a apporté une vraie valeur ajoutée européenne, a été un symbole d’engagement politique, a incité les États membres à agir et a renforcé la coopération internationale […] Toutefois, il convient d’élargir le champ des initiatives, notamment en faisant en sorte que le principe « Une seule santé » inclut aussi l’environnement » : COM (2017) 0339 final, pt 1.2.

[42] COM (2017) 0339 final, pt 1.1.

[43] Stratégie de l’UE pour la protection des sols à l’horizon 2030 Récolter les fruits de sols en bonne santé pour les êtres humains, l’alimentation, la nature et le climat, COM/2021/699 final

[44] Pt 3.3, COM/2021/699 final.

[45] Article 2-5.

[46] F. Coli et H. Schebesta, « One Health in the EU: The Next Future? », European Papers, Vol. 8, 2023, No 1, p. 301-316.

[47] « La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants […] – la protection de la santé des personnes ».

[48] Bruxelles, le 12.5.2021 COM (2021) 400 final Communication, Cap sur une planète en bonne santé pour tous Plan d’action de l’UE: «Vers une pollution zéro dans l’air, l’eau et les sols ».

[49] Sur le rapprochement entre l’objectif de protection de l’environnement et de protection de la santé : voir notamment C. London, Droit communautaire de l’environnement, interactions environnement et santé : état des lieux, RTDE, 37 (1), janv-mars 2001, p. 141-154 et D. Misonne, Droit européen de l’environnement et de la santé, LGDJ, Anthémis, 2011, 458 p. 

[50] O. Clerc, « L’Union européenne face au défi de l’anthropocène : du droit du développement durable aux droits de la nature ? », in Revue Québécoise de droit international, volume 2-1, 2018, Hors-série novembre 2018.

[51] Avec l’adoption du protocole sur la protection et le bien-être des animaux (annexé au Traité d’Amsterdam) puis de l’article 13 TFUE.

[52] Directive 2004/35/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux, JO L 143 du 30.4.2004, p. 56-75.

[53] JO L 268 du 3-10-1998, p. 1.

[54] Dès 1964, une directive prévoyait une obligation de notification à la Commission et aux autres États des mesures nationales prises en cas d’apparition de certaines maladies affectant les animaux d’espèce bovine et porcine et listées par la directive (Directive 64/432 du 26 juin 1964 relative aux problèmes de police sanitaire en matière d’échanges intracommunautaires d’animaux d’espèce bovine et porcine, JOCE n° L 121, p. 1977).

[55] Voir l’article 168-4 TFUE b) : sur cette base, des mesures dans les domaines vétérinaire et phytosanitaire ayant directement pour objectif la protection de la santé publique peuvent être prises.

[56] Voir le Règlement (UE) 2016/429 du Parlement Européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale, JO L 84 du 31.3.2016, p. 1-208. Il rappelle qu’il vient simplifier le cadre législatif de l’Union européenne en matière de santé animale qui comportait jusque là près de 50 directives et règlements de base, ainsi que quelque 400 textes de droit dérivé.

[57] Voir le règlement 2016/429 dans lequel il est rappelé que les maladies animales transmissibles « peuvent avoir des incidences désastreuses pour les animaux pris individuellement, les populations animales, les détenteurs d’animaux et l’économie », mais aussi « des répercussions significatives sur la santé publique et la sécurité sanitaire des denrées alimentaires » et enfin que « des effets d’interaction négatifs peuvent être constatés sur la biodiversité, le changement climatique et d’autres aspects environnementaux » (considérants 1, 2 et 3). Voir le considérant 11 : « pour fixer ces règles de police sanitaire, il est essentiel de tenir compte des liens entre santé animale et santé publique, environnement, sécurité sanitaire des denrées alimentaires et des aliments pour animaux, bien-être des animaux, sécurité alimentaire et aspects économiques, sociaux et culturels  ».

[58] Même si l’on trouve des évocations dans les textes relatifs aux menaces transfrontières graves pour la santé ou encore dans la stratégie pharmaceutique. Voir l’article d’E. Gennet dans ce dossier.

[59] Communication de la Commission, Plan d’action pour combattre les menaces croissantes de la résistance aux antimicrobiens, COM (2011)0748 final. Puis Communication, Plan d’action européen fondé sur le principe « Une seule santé » pour combattre la résistance aux antimicrobiens, COM (2017)0339 final.

[60] Voir la récente recommandation du Conseil relative au renforcement des actions de l’Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d’une approche « Une seule santé JO C 220 du 22.6.2023, p. 1-20. Nous avons pu dénombrer 29 occurrences…

[61] Considérant 3, Recommandation du Conseil relative au renforcement des actions de l’Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d’une approche « Une seule santé ».

[62] La stratégie pour la biodiversité ; la stratégie « De la ferme à la fourchette » ; la stratégie de l’UE pour l’adaptation au changement climatique ; le plan d’action pour l’eau, l’air et le sol et la décision relative à un programme d’action général de l’Union pour l’environnement à l’horizon 2030. Pour être plus précis, par exemple dans la stratégie biodiversité, il est dit que « l’Union intensifiera son soutien aux efforts déployés à l’échelle mondiale pour appliquer l’approche “Une seule santé” qui reconnaît le lien intrinsèque entre la santé humaine, la santé animale et une nature saine et résistante » (Pt 4.2.3. COM (2020) 380 final).

[63] F. Coli et H. Schebesta, « One Health in the EU: The Next Future? », European Papers, vol. 8, 2023, n° 1, p. 301-316.

[64] C’est le cas de la mise en place depuis 2023 dans la Commission ENVI d’une sous-Commission santé publique dédiée aux programmes et actions dans le domaine des défis de santé publique, de la prévention des maladies transmissibles et non transmissibles, des menaces sanitaires transfrontalières, des produits médicaux, y compris les produits pharmaceutiques, des dispositifs médicaux. Une telle sous-Commission (toutefois dénuée de pouvoir législatif) aboutit à disjoindre les questions de santé de celles de protection de l’environnement.

[65] S. Bronzwaer et al., « One health collaboration with and among EU Agencies–Bridging research and policy », One Health, 2022, doi : 10.1016/j.onehlt.2022.100464. Les auteurs soulignent que les cadres réglementaires sont généralement délimités de façon verticale, en « silo » et les tâches sont réparties aux agences en fonction de ces silos. Ils rappellent que la recherche et l’expertise sur la santé humaine, la santé animale ou sur les écosystèmes sont des recherches spécialisées et portées par des communautés bien distinctes et donc par nature souvent fragmentées. Enfin, soulignent-ils, il ne faut pas négliger le fait que le partage des données entre les agences et la réalisation d’évaluations intégrées prend du temps et exige des moyens.

[66] Dans certaines communications, il est même appelé de ses vœux que le principe « Une seule santé » soit considéré comme un « principe horizontal fondamental, englobant toutes les politiques de l’UE ». Voir Communication de la Commission, Stratégie de l’UE en matière de santé mondiale Une meilleure santé pour tous dans un monde en mutation, COM (2022) 675 final, pt 9.

[67] Considérant 11, 31, articles 3 et 4, annexe 1.

[68] Voir notamment l’invitation faite à chaque État d’établir (avant le mi-2017) un plan d’action national destiné à lutter contre la résistance aux antimicrobiens, qui s’appuie sur le concept « Une seule santé » et qui soit en adéquation avec les objectifs du plan d’action mondial de l’OMS (Conclusions du Conseil du 17 juin 2016 sur les prochaines étapes de la lutte contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre du concept « Une seule santé »).

[69] Dans son rapport de synthèse du 18 octobre 2022, la Commission a constaté que, si ces plans d’action nationaux étaient en place dans tous les États membres et si la plupart reposaient sur une approche « Une seule santé », elle a toutefois conclu que de nombreux États membres devraient travailler davantage suivant une approche « Une seule santé », en particulier pour les mesures relatives à l’environnement, qui font souvent défaut ou ne sont pas suffisamment élaborées. Voir aussi la Recommandation du 13 juin 2023 du Conseil relative au renforcement des actions de l’Union visant à lutter contre la résistance aux antimicrobiens dans le cadre d’une approche « Une seule santé » dont l’un de ses objectifs est de combler les lacunes qui existent en matière de surveillance et de veille et garantir, d’ici à 2030, l’exhaustivité des données, en ce qui concerne la RAM à tous les niveaux (milieu extrahospitalier, hôpitaux, établissements de soins de longue durée, etc.). Il est souligné que « bien que la dimension environnementale de la RAM retienne comparativement moins l’attention que la RAM dans le domaine de la santé humaine ou animale, de plus en plus de données montrent que l’environnement naturel peut être un réservoir et un moteur majeurs de la RAM. Conformément à l’approche “Une seule santé, la veille environnementale en matière de RAM dans les eaux souterraines et de surface, y compris les eaux côtières, ainsi que dans les eaux usées et les sols agricoles est essentielle pour mieux comprendre le rôle joué par la présence dans l’environnement de résidus antimicrobiens dans l’émergence et la propagation de la RAM, les niveaux de contamination de l’environnement et les risques pour la santé humaine » (considérant 12).

[70] Règlement (UE) 2021/522 du Parlement européen et du Conseil du 24 mars 2021 établissant un programme d’action de l’Union dans le domaine de la santé (programme « L’UE pour la santé ») pour la période 2021-2027, JO L 107, 26.3.2021, p. 1-29.

[71] Affaire C‑297/16.

[72] Dans ses observations, la Commission avait avancé le point de vue selon lequel la protection de la santé et de la vie des animaux ne saurait justifier l’exigence litigieuse relative à la détention du capital (constitutive d’une entrave à la liberté d’établissement) dans la même mesure que la protection de la santé et de la vie des personnes. L’Avocat général, pour réfuter cette position, explique qu’elle laisse « quelque peu perplexe » compte tenu de « l’approche “Une seule santé” qui permet précisément de décrire le principe selon lequel la santé humaine et la santé animale sont liées entre elles : l’homme transmet des maladies aux animaux et inversement, de sorte que les mesures de lutte doivent concerner tant l’homme que les animaux » (point 91).

[73] CJUE, 1er mars 2018, Colegiul Medicilor Veterinari din România (CMVRO), Affaire C-297/16, ECLI:EU:C:2018:141 Après avoir rappelé avoir déjà admis pour les médicaments à usage humain qu’il était possible de réserver, pour protéger la santé (pt 59), la distribution aux seuls pharmaciens, elle l’admet aussi ici en disant : pt 61 : « bien que la Cour se soit prononcée en ce sens dans le domaine des médicaments à usage humain, il y a lieu de souligner, notamment, que certaines maladies animales sont transmissibles à l’homme et que les produits alimentaires d’origine animale sont susceptibles de mettre en danger la santé des êtres humains lorsqu’ils proviennent d’animaux malades ou porteurs de bactéries résistantes aux traitements, ainsi que lorsqu’ils contiennent des résidus de médicaments utilisés pour le traitement des animaux. Or, si les substances vétérinaires sont administrées de façon ou en quantité incorrecte, soit leur efficacité thérapeutique peut disparaître, soit leur utilisation excessive peut, en particulier, entraîner la présence de tels résidus dans les produits alimentaires d’origine animale ainsi que, le cas échéant, sur le long terme, une résistance aux traitements de certaines bactéries présentes dans la chaîne alimentaire ».

[74] Pour des précisions sur ce point, voir la contribution de L. Warin dans ce dossier.

[75] Également connu sous le nom de l’approche dite « Health in all policy » (HIAP), le principe se fonde sur un constat simple : « la santé de la population ne concerne pas uniquement la politique de la santé. D’autres politiques communautaires sont déterminantes, par exemple la politique régionale et de l’environnement, la fiscalité sur le tabac, la réglementation des produits pharmaceutiques et des produits alimentaires, la santé animale, la recherche et l’innovation dans le domaine de la santé, la coordination des régimes de sécurité sociale, la santé dans la politique de développement, la santé et la sécurité au travail, les TIC et la radioprotection […] La mise en place de synergies avec ces secteurs et d’autres est vitale pour une politique communautaire énergique dans le domaine de la santé » : Livre blanc, Ensemble pour la santé: une approche stratégique pour l’UE 2008-2013, Bruxelles, le 23.10.2007, COM (2007) 630 final.

[76] A. Bucher, « Un leadership européen pour “une seule santé” (One Health) ? », 21 mars 2024.

[77] La présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, médecin de formation, a présenté six priorités pour son mandat (2019 – 2024) parmi lesquelles ne figurait pas explicitement la santé. En 2020 puis (sauf cette année), lors de son discours sur l’état de l’Union, la santé s’est cependant inscrite à l’agenda en raison de la crise sanitaire.

[78] COM (2020) 724 final, Construire une Union européenne de la santé : renforcer la résilience de l’UE face aux menaces transfrontières pour la santé, pt 1.

[79] COM (2020) 724 final, Construire une Union européenne de la santé : renforcer la résilience de l’UE face aux menaces transfrontières pour la santé, pt 1.

[80] La Commission a par exemple établi un « groupe interservices santé », présidé par le Directeur de la Santé publique de la DG SANCO qui réunit régulièrement d’autres responsables de la Commission lorsque leurs projets peuvent concerner des objectifs de santé : S. Guigner, La santé : un enjeu vital pour l’Europe, Notre Europe, Études et recherches n° 68, 2009, 52 p.

[81] Il a permis par exemple au juge d’aider à résoudre certains contentieux relatifs à la base juridique des actes de l’Union (CJCE, 5 octobre 2000, République fédérale d’Allemagne c/ Parlement européen et Conseil de l’Union européenne, aff. C-376/98, Rec. 200, I- 8419, pt. 88 : « En outre, dès lors que les conditions du recours aux articles 100 A, […] comme base juridique se trouvent remplies, le législateur communautaire ne saurait être empêché de se fonder sur cette base juridique du fait que la protection de la santé publique est déterminante dans les choix à faire. Au contraire, l’article 129, paragraphe 1, troisième alinéa, prévoit que les exigences en matière de protection de la santé sont une composante des autres politiques de la Communauté », de fonder le recours à un principe consacré dans une autre politique (le principe de précaution) ou encore de confirmer une restriction à une liberté fondamentale (La Cour, à propos des mesures limitant les possibilités de publicité pour des boissons alcooliques et cherchant ainsi à lutter contre l’abus d’alcool, souligne que la protection de la santé constitue, « comme cela résulte également de l’article 9 TFUE », un objectif d’intérêt général de nature, le cas échéant, à justifier une restriction à une liberté fondamentale (CJUE, 6 septembre 2012, Deutsches Weintor eG contre Land Rheinland-Pfalz, Aff. C-544/10, ECLI:EU:C:2012:526, pt 49)).

[82] R. Gosse, Les normativités du principe d’intégration : contribution à l’étude du droit fluide de l’environnement, thèse droit public, 2021, Université de Lille.

[83] Ch. Cans, « Le développement durable en droit interne : apparence du droit et droit des apparences », AJDA, 2003, p. 210 et s.


Estelle Brosset, « Première approche de l’approche One Health en droit de l’Union européenne », One Health en droit international et européen [Dossier], Confluence des droits_La revue [En ligne],
03 | 2025, mis en ligne le 6 mars 2025. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=3777.

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