Lucie Paiola
Maîtresse de conférences à l’Université de Rennes, Institut du droit public et de la science politique (IDPSP)
Résumé : La pratique a depuis longtemps révélé l’utilité de multiples instruments pouvant être conçus au cours d’un conflit armé pour concrétiser le rapprochement des parties belligérantes : traités de paix, accords de paix, armistices, cessez-le-feu, trêves, pauses humanitaires… Ces instruments se divisent en deux catégories selon la finalité poursuivie par leurs auteurs : les traités de paix et les accords de paix visent à mettre fin aux conflits et à régler les différends qui les sous-tendent, tandis que les accords ayant vocation à interrompre les hostilités poursuivent un objectif immédiat plus modeste. Les seconds produisent donc des effets plus limités que les premiers. Certes, cette binarité peut être nuancée, dès lors que tous ces instruments participent, de façon plus ou moins marquée, au rétablissement de la paix. La perméabilité entre ces deux catégories d’instruments comporte toutefois des limites et ne peut conduire à les confondre.
Le 24 février 2023, à l’occasion de l’anniversaire de l’invasion russe de l’Ukraine, le secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, alarma les membres du Conseil de sécurité sur la nécessité de « donner, une bonne fois pour toutes, une chance à la paix » :
Il y a un an, j’étais ici au Conseil de sécurité […]. J’ai dit, à ce moment-là : donnons une chance à la paix. Mais la paix n’a eu aucune chance. La guerre a pris le dessus. […] C’est la voix des armes que l’on entend en ce moment, mais, au bout du compte, nous savons tous que la voie de la diplomatie et de la responsabilité est le chemin vers une paix juste et durable […][1].
Cet appel resta pourtant vain, puisque, à l’aube du deuxième anniversaire de l’invasion russe, les forces ukrainiennes et russes continuaient de s’affronter. Selon la cheffe des affaires politiques de l’ONU, Rosemary DiCarlo, le conflit armé « le plus grave en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale » ne laisse pour le moment paraître « aucune fin en vue »[2].
L’enlisement du conflit russo-ukrainien depuis plus de deux ans et l’accroissement quotidien du nombre de victimes[3] rend de plus en plus pressante la question des solutions envisageables pour donner effectivement « une chance à la paix » et jeter les bases du règlement du conflit. D’un point de vue juridique, cette question renvoie immédiatement à celle des instruments qui pourraient être conçus pour concrétiser les avancées diplomatiques et organiser le retour à la paix. Indirectement, c’est le problème des solutions offertes par le droit pour résoudre le conflit qui se pose. À cet égard, la pratique a depuis longtemps révélé l’utilité de multiples instruments. Traités de paix, accords de paix, armistices, accords de cessation des hostilités, cessez‑le‑feu, trêves… Tous ces instruments ont en commun de ponctuer un conflit armé et de matérialiser un rapprochement des parties hostiles. Ils relèvent dès lors, selon le langage onusien, de la logique du « rétablissement de la paix » – dont l’objectif est justement de « rapprocher les parties hostiles » au cours d’un conflit armé et de les mener à un accord négocié[4]. Ils peuvent parfois aussi relever du « maintien de la paix », dont l’objectif est la préservation d’une paix, même précaire, après la fin des combats[5].
Par-delà les liens qui les unissent, il apparaît cependant que ces instruments présentent des différences et ne forment pas une catégorie parfaitement homogène. En effet, tous ne poursuivent pas les mêmes finalités immédiates : tandis que certains visent à régler définitivement les conflits, d’autres poursuivent un objectif plus modeste, comme l’interruption des hostilités durant quelques heures, afin de permettre l’acheminement de l’aide humanitaire vers les populations civiles les plus touchées par le conflit. En dépit de leurs différences, les instruments de rétablissement de la paix ne sont pas exclusifs, mais relèvent au contraire d’une logique de complémentarité. En atteste le fait que plusieurs instruments de ce type puissent être adoptés successivement ou parallèlement au cours d’un même conflit. On observe sur ce point qu’une certaine logique anime l’enchaînement de ces derniers. Si l’ordre n’est jamais statique, la pratique fait en effet généralement précéder les traités ou accords de paix d’accords plus limités, tels que des accords relatifs à l’interruption des hostilités[6]. Les uns se présentent ainsi comme les préalables des autres. En somme, l’étude des divers accords conclus au cours d’un conflit armé conduit à identifier deux types d’instruments, dont la distinction repose sur la finalité poursuivie par leurs auteurs (I). Il ressort toutefois de la pratique internationale une cohérence entre ces instruments, dont il convient de faire état en raison de leur inclusion dans les processus de paix (II).
I. La dualité des instruments de rétablissement de la paix
La logique binaire dont relèvent les instruments conclus au cours d’un conflit armé peut être décrite de la manière suivante : les premiers d’entre eux ont vocation à mettre fin aux conflits et à les régler de manière définitive. Ils marquent ainsi l’aboutissement des négociations entre les parties belligérantes et formalisent l’achèvement du processus de paix (A). Au contraire, les instruments qui relèvent de la seconde catégorie ne visent qu’à ponctuer le conflit sans y mettre fin, notamment en suspendant temporairement les hostilités (B).
A) Les instruments attachés au règlement des conflits : les accords de paix et les traités de paix
Parmi les instruments de rétablissement de la paix figurent ceux qui ont vocation à mettre un terme au conflit. Il s’agit principalement des traités de paix et des accords de paix[7]. Les deux notions sont voisines, mais demeurent distinctes. En effet, tandis que les traités de paix constituent les accords traditionnels conclus entre États pour mettre fin à des conflits interétatiques[8], les accords de paix ont vocation à englober des situations plus variées, puisqu’ils peuvent être signés par des parties de diverses natures – étatiques ou non étatiques – et peuvent ainsi mettre fin à des conflits internationaux, comme à des conflits armés non internationaux[9]. En dépit de leurs différences, ces instruments ont pour objet commun de mettre fin au conflit armé et de régler définitivement le différend qui oppose les parties belligérantes[10]. Ces instruments marquent ainsi l’aboutissement des négociations entre les parties et parachèvent le processus de paix.
En raison de la nature de l’objectif poursuivi, le contenu de ces instruments est très variable et potentiellement très dense[11]. S’agissant des traités de paix, par exemple, ceux-ci contiennent généralement deux types de clauses : celles relatives à la « terminaison de la guerre » et celles relatives au rétablissement de la paix et plus précisément à « l’organisation du retour à la paix »[12]. S’agissant des premières, d’une part, il s’agit pour certaines d’entre elles d’ordonner et de réaliser la fin de la guerre : les traités de paix contiennent ainsi potentiellement un certain nombre de clauses relatives à la cessation générale des hostilités, au retrait des troupes et à la démilitarisation de certaines zones ou au désarmement de toutes les parties ou de l’une d’entre elles[13]. Relèvent ensuite de cette même catégorie toutes les dispositions qui visent à remédier aux effets de la guerre : ce sont notamment les dispositions qui visent à restituer les territoires, les biens saisis ou les personnes retenues durant la guerre, celles relatives à l’indemnisation des victimes des dommages causés par la guerre, ou encore les mesures d’amnistie[14]. S’agissant des clauses relatives à l’organisation du retour à la paix, d’autre part, les traités de paix font là encore apparaître des dispositifs très hétérogènes : là où certaines mesures tendent à modifier le statut juridique des parties[15] ou à régler le statut de territoires contestés, d’autres ont pour objet d’organiser les relations futures entre les anciens belligérants[16].
Au regard de leur finalité et de leur contenu très étendus, les traités de paix et les accords de paix déploient des effets de droit étendus et définitifs pour les parties concernées. À cet égard, il a été démontré que les traités de paix tendent non seulement à terminer la guerre, mais aussi à régler les différends qui la sous‑tendent[17]. Cette nature « transactionnelle » des traités de paix[18] implique en particulier qu’ils éteignent le différend entre les parties, c’est-à-dire qu’ils mettent fin aux prétentions contradictoires de ces dernières en leur attribuant certains droits et en les obligeant à renoncer à toutes les prétentions qui leur sont contraires[19]. Bien qu’ils répondent à un régime juridique distinct, les accords de paix conclus dans les conflits armés internes ou mixtes poursuivent un objectif comparable. En revanche, les accords ayant pour objet d’interrompre temporairement les hostilités au cours d’un conflit relèvent d’une tout autre logique : n’ayant pas pour objet d’y mettre fin, ils produisent des effets beaucoup plus limités.
B) Les instruments attachés à une finalité plus modeste : les accords relatifs à la suspension temporaire des hostilités
D’autres instruments résultent d’un rapprochement – quoique plus modeste – des parties hostiles au cours d’un conflit armé. Ils se différencient toutefois des instruments précédents par leur finalité, car il ne s’agit plus de mettre fin au conflit, mais d’interrompre temporairement les hostilités armées, durant quelques heures, quelques jours, voire quelques semaines. À cette fin, la pratique internationale met à la disposition des parties belligérantes une large palette d’instruments : il s’agit notamment des suspensions d’armes, des trêves, des pauses humanitaires, des cessez‑le‑feu[20] ou des armistices, dans leur sens originel. Si ces notions sont parfois prises pour synonymes, elles ne sont pas pour autant interchangeables. Les trêves et les suspensions d’armes sont traditionnellement décidées pour des périodes relativement brèves, soit dans un but traditionnel ou religieux[21], soit à des fins humanitaires – par exemple pour permettre le passage de l’aide humanitaire, l’échange de prisonniers de guerre, l’enlèvement des blessés ou l’inhumation des morts[22]. Dans ce dernier cas, elles se rapprochent des pauses humanitaires, lesquelles poursuivent un objectif comparable[23]. Présentant des similitudes avec les notions précédentes, les cessez-le-feu se contentent parfois de poursuivre des buts comparables[24]. Certains cessez-le-feu sont en effet décidés dans un but religieux ou traditionnel, à l’instar du cessez-le-feu unilatéral de 36 heures décrété par V. Poutine les 6 et 7 janvier 2023, dans le cadre du conflit russo-ukrainien, à l’occasion du Noël orthodoxe[25]. D’autres relèvent davantage d’une logique d’urgence et sont essentiellement conclus à des fins humanitaires[26]. Enfin, mais sans que la liste ne soit exhaustive, l’armistice suspend les opérations de guerre entre les belligérants[27]. À l’origine, il s’agissait d’une mesure militaire conclue par la simple signature des commandants des forces armées impliquées dans le conflit[28]. Si son contenu évolua par la suite, l’armistice se distinguait dès son origine de la suspension des hostilités en raison, d’une part, de son contenu, puisqu’il avait vocation à durer plus longtemps et à impliquer davantage de troupes[29] et, d’autre part, du but poursuivi, puisque l’armistice avait vocation à créer un climat plus propice aux négociations de paix entre les parties belligérantes[30]. Dans les conflits plus récents, cette fonction a tendance à être endossée par les accords de cessez-le‑feu, lorsqu’ils visent à substituer à la phase des hostilités une phase de négociations entre les parties[31].
Puisqu’ils poursuivent un but restreint, les instruments visant à interrompre de façon temporaire les hostilités armées au cours d’un conflit produisent en principe des effets qui sont également limités. À cet égard, la première caractéristique que tous ces instruments partagent est le fait qu’ils ne mettent pas fin au conflit dans lequel ils interviennent[32]. Il en va ainsi, tout simplement parce qu’ils n’ont vocation à régler ni les causes du conflit ni les modalités de l’issue du conflit. En termes juridiques, cela signifie qu’en principe, de tels instruments n’ont pas vocation à influer sur les droits, prétentions et revendications des belligérants. Il ressort par exemple de la pratique que, traditionnellement, un accord de cessez-le-feu conclu entre deux parties au cours d’un conflit armé ne règle pas les questions liées aux causes du conflit, telles que l’épineuse question de la responsabilité éventuelle de chacune des parties sur les origines du conflit[33]. De la même manière, cette mesure n’a pas vocation à préjuger de l’issue définitive du conflit, ni des droits futurs des parties : qu’il s’agisse des relations entre les parties belligérantes – notamment de la question de leur reconnaissance mutuelle – ou des revendications territoriales des parties[34], ces questions sont traditionnellement passées sous silence au sein des accords de cessez‑le‑feu et sont reportées aux négociations futures[35]. En somme, et contrairement aux traités de paix en particulier, les instruments attachés à l’arrêt temporaire des hostilités se présentent a priori comme étant neutres, en ce qu’ils n’ont ni vocation à éteindre les prétentions juridiques des parties, ni à y faire droit. Ils sont, de ce point de vue, assimilables à des « mesures conservatoires »[36]. C’est en raison de leur finalité limitée et de leurs effets modestes qu’il apparaît souvent plus facile pour les tiers de demander que les parties s’entendent a minima sur la conclusion de ce type d’instruments. Il s’agit d’ailleurs souvent d’une première étape vers le processus de négociation. Le cas échéant, ces accords constituent des préludes à la paix future et s’apparentent à des « préliminaires de paix ». Cette fonction alors endossée par les accords relatifs à l’interruption des hostilités met au jour la logique d’interdépendance entre les divers instruments de rétablissement de la paix.
II. La cohérence des instruments de rétablissement de la paix
En dépit de leurs différences, les instruments de rétablissement de la paix forment une catégorie cohérente. Cette cohérence est en particulier observable à travers l’imbrication de ces divers instruments dans les processus de paix (A). Toutefois, ce rapprochement entre les différents instruments ne doit pas conduire à les confondre. Lorsqu’un accord relatif à la suspension des hostilités armées n’est pas suivi d’un accord de paix global, faute d’accord entre les parties belligérantes, il ne peut s’y substituer (B).
A) L’imbrication des instruments de rétablissement de la paix
Aussi divers soient-ils, les instruments de rétablissement de la paix sont tous susceptibles d’être imbriqués dans le processus de paix. Si les accords de paix ou les traités de paix parachèvent un tel processus, les instruments poursuivant une finalité plus modeste, tels que les accords de cessez-le-feu, sont souvent perçus comme des préalables à la paix. Il n’est pas rare, en effet, qu’à côté de leur objectif immédiat restreint – tel que l’acheminement de l’aide humanitaire ou l’échange des prisonniers de guerre – il leur soit assigné un objectif plus indirect, consistant à rapprocher les parties hostiles et à créer un climat propice aux négociations[37]. Dans ces hypothèses, ces instruments s’inscrivent de manière cohérente dans le processus de paix et en constituent la première étape. Plus que de simples mesures temporaires, ils s’apparentent à des mesures provisoires[38], en tant qu’ils ont vocation à s’appliquer en attendant la survenance d’un accord de paix global ou d’un traité de paix futur[39].
Ce rapprochement entre les deux catégories d’instruments est d’autant plus perceptible que certains accords conclus en amont de l’accord de paix ou du traité de paix ne se contentent pas de créer un climat propice aux négociations, mais jettent en plus les bases des négociations futures en influençant de manière plus ou moins marquée l’issue du conflit. Les armistices modernes en constituent des exemples topiques : dépassant leur contenu militaire classique, les armistices conclus à partir de la fin de la Première Guerre mondiale ont non seulement vu leur contenu militaire s’étendre – en consacrant notamment la capitulation d’un État vaincu[40] –, mais ils ont aussi commencé à inclure des clauses de nature politique, économique et financière, afin de préparer les bases des négociations de la paix future[41]. Les armistices contemporains constituent ainsi de véritables « préliminaires de paix »[42]. De la même manière, la « convention » qui s’attache à ne tirer du cessez-le-feu aucun effet définitif sur les droits des parties doit s’accommoder d’éléments de pondération. D’abord, ces instruments peuvent exercer une influence indirecte sur l’issue des négociations[43]. Il arrive ensuite que les parties parviennent à ce stade à s’entendre sur un certain nombre de points, afin de créer un cadre aux négociations futures, voire de régler définitivement certaines prétentions des parties[44]. Dans ce dernier cas, ces instruments influencent non seulement la conduite des négociations, mais préjugent en outre du contenu du règlement définitif du conflit. Certains accords de ce type revêtent ainsi un caractère « constitutif » sur les droits et les obligations futures des parties[45].
Cela suppose toutefois que les parties parviennent à s’entendre dès ce stade au sujet de prétentions contradictoires, souvent jugées essentielles, ce qui n’est évidemment pas systématique, mais au contraire soumis aux contingences de chaque conflit. Il est à cet égard fréquent que l’une des parties refuse de baisser les armes avant d’avoir obtenu, de la part de son ou ses adversaire(s), certaines concessions ou garanties liées à ses propres revendications. La conclusion d’un instrument d’interruption des hostilités, au départ perçu comme une « simple » mesure d’urgence et temporaire, devient alors un véritable enjeu pour les parties, ce qui explique qu’elle soit soumise à des négociations parfois très tendues entre ces dernières et qu’elle ne laisse parfois entrevoir aucune issue. Telle est précisément la raison pour laquelle, par exemple, il est si difficile d’envisager un cessez-le-feu dans le conflit russo-ukrainien, l’Ukraine rejetant l’idée d’une interruption neutre et inconditionnelle des hostilités et exigeant au préalable le retrait des forces russes du territoire ukrainien[46]. Cette remise en cause de la neutralité d’une mesure de cessez‑le-feu n’est d’ailleurs pas l’apanage des parties et peut également être le fait des tiers, en particulier lorsque ces derniers entendent réagir à une agression armée menée par l’un des États belligérants, à l’instar de ce qui a pu être observé à propos du conflit russo-ukrainien[47]. La question de savoir si un appel à un cessez-le-feu devrait ou non présenter cette neutralité peut d’ailleurs constituer un sujet de discorde entre les tiers, comme en témoigne la division récemment observable entre les États dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas[48]. Cette tendance à intégrer d’une manière plus ou moins marquée les instruments ayant pour objet d’interrompre temporairement les hostilités au processus de paix crée une cohérence entre les divers instruments de rétablissement de la paix. En outre, dans la mesure où cette tendance peut conduire à étendre les effets impliqués par les instruments conclus en amont des accords ou traités de paix définitifs, elle favorise une perméabilité entre les deux catégories d’instruments. Ceci ne doit pas pour autant conduire à une confusion entre ces dernières.
B) Les limites à la perméabilité des catégories d’instruments de rétablissement de la paix
Les circonstances propres à chaque conflit ne permettent pas toujours l’adoption d’instruments de rétablissement de la paix selon la logique chronologique précédemment décrite. Certains accords relatifs à la suspension des hostilités, bien que conclus afin de faciliter le déroulement du processus de paix, ne furent en effet jamais suivis d’un accord ou d’un traité de paix. De facto, le statu quo issu de ces accords s’est alors pérennisé. Cette situation est précisément celle des « conflits gelés », dans lesquels les hostilités ont été interrompues sous l’effet de la conclusion d’un accord de cessez-le-feu ou d’un accord comparable, mais sans que les parties soient parvenues à s’entendre sur un accord de paix définitif. Les « conflits gelés » qui se sont déroulés dans l’espace géographique de l’ex-URSS constituent des exemples particulièrement topiques de ce phénomène[49], mais il existe d’autres exemples de situations de facto qui se sont pérennisées pendant plusieurs décennies, à l’instar du conflit chypriote[50]. Dans ces hypothèses, on ne peut en réalité s’étonner que de tels conflits ressurgissent après plusieurs années, puisque les causes et l’issue du conflit n’ont jamais été réglées[51]. Ces accords n’ont permis, au mieux, que d’atteindre la « paix négative », c’est-à-dire la « dimension sécuritaire de la paix »[52], mais non sa dimension « positive »[53]. En outre, la simple prolongation de ces accords ne compense pas le caractère précaire des situations de facto qui en sont issues, en ce sens que le « provisoire durable » n’équivaut pas au « définitif », du moins en principe. Ainsi, la simple pérennisation d’une ligne de cessez-le-feu, quand bien même pendant plusieurs décennies, ne conduit pas à ce que celle-ci devienne une frontière internationale, en particulier si la situation de facto résulte d’un emploi de la force armée en violation des principes de la Charte des Nations Unies[54]. Pour ces raisons, et bien qu’ils soient assimilés à une paix apparente, ces « conflits gelés » peuvent rapidement dégénérer. Les exemples de ce type dans l’histoire contemporaine ne manquent pas. Les conflits survenus en 2008 en Géorgie, en Ossétie du Sud et en Abkhazie au mépris des cessez-le-feu conclus dans les années 1990 en constituent des exemples saillants. La recrudescence des violences et la réouverture du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabakh en 2016 puis en 2020 est tout aussi démonstrative de la précarité d’une situation uniquement née d’un accord de cessez-le-feu[55].
Ce phénomène de « pourrissement des différends »[56] entraîné par le maintien dans le temps d’un accord précaire d’interruption des hostilités n’est pas sans faire écho au conflit russo-ukrainien actuel. Ni les « Accords de Minsk I » adoptés en septembre 2014[57], ni les accords tendant à les renforcer et à faciliter leur mise en œuvre[58], n’avaient vocation à régler définitivement le conflit entre l’Ukraine et les forces séparatistes prorusses. Les Accords de Minsk I et II prévoyaient l’application d’un cessez-le-feu bilatéral, le maintien des positions des troupes le long de la ligne de contact, la mise en place d’une zone-tampon démilitarisée le long de cette ligne et ils confiaient la surveillance du respect de ces mesures à l’OSCE[59]. Certes, les parties étaient aussi parvenues à s’entendre sur des mesures supplémentaires, de nature extramilitaire, en particulier en vue de renforcer l’autonomie des régions de Donetsk et de Lougansk[60]. Toutefois, ces accords ne préjugeaient pas du statut définitif de ces régions[61] et, surtout, ils passaient sous silence la question du statut de la Crimée. Ils ne visaient donc pas à « mettre fin à la guerre » en Ukraine, comme cela a parfois pu être avancé[62]. Les parties ont continué de se prévaloir de prétentions contraires – en particulier à propos du statut de la Crimée. Lorsque la Russie envahit l’Ukraine le 24 février 2022, les Accords de Minsk étaient en principe toujours applicables[63]. En témoignent, les nombreux appels tendant à ce qu’ils soient respectés, en particulier le cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine[64]. De leur côté, la Russie et l’Ukraine s’accusaient mutuellement de ne pas avoir respecté les termes de ces accords[65]. De ces éléments, il résulte que l’invasion du territoire ukrainien en 2022 constituait, y compris en termes juridiques, le prolongement du conflit de 2014, et non un nouveau conflit, à ceci près que, désormais, aucune partie ne niait son caractère international[66]. Sur ce point, il n’y a pas de spécificité propre au conflit russo-ukrainien, mais au contraire une réaffirmation de l’absence d’équivalence entre un accord ayant vocation à interrompre les hostilités et jetant les bases des négociations, d’une part, et un accord de paix négocié mettant définitivement fin au conflit, d’autre part. Les préliminaires de paix ne sont pas des accords de paix, et le temps n’efface jamais complètement cette distinction.
[1] Conseil de sécurité, Procès-verbal de la 9 269e séance, 24 février 2023 (S/PV.9269), p. 4.
[2] « “Pas de fin en vue” pour la Guerre en Ukraine, prévient l’ONU », ONU info, 10 janvier 2024.
[3] Selon les chiffres de l’ONU, ce conflit avait entraîné, à la fin de l’année 2023, la mort de plus de 10 000 civils : « Avec plus de 10 000 civils morts, la guerre en Ukraine atteint un “tournant historique” », ONU info, 21 novembre 2023.
[4] Agenda pour la paix, Rapport du Secrétaire général de l’ONU B. Boutros-Ghali présenté au Conseil de sécurité le 17 juin 1992 (S/24111), § 20 ; Opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Principes et orientations, Nations Unies, Département des opérations de maintien de la paix, Département de l’appui aux missions, 2008, p. 18.
[5] Il convient toutefois de souligner la porosité de la frontière entre ces deux expressions : Agenda pour la paix, op. cit., § 45.
[6] Ainsi, dans le cadre du conflit entre l’Érythrée et l’Éthiopie, les parties conclurent un accord relatif à la cessation des hostilités avant de s’entendre sur un accord mettant définitivement fin au conflit : Accord relatif à la cessation des hostilités entre le gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie et le gouvernement de l’État d’Érythrée, signé à Alger, le 18 juin 2000, RTNU, vol. 2138, I-37273, p. 85 et Accord entre le gouvernement de l’État d’Érythrée et le gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif à l’intégration des personnes déplacées, aussi bien qu’à la réhabilitation et à la construction de la paix dans les deux pays, signé à Alger, le 12 décembre 2000, RTNU, vol. 2138, I-37274, p. 93.
[7] La doctrine a en effet relevé l’existence d’autres modes de terminaison de la guerre, unilatéraux ou spontanés : cf. R. Le Bœuf, Le traité de paix. Contribution à l’étude juridique du règlement conventionnel des différends internationaux, Paris, Pedone, 2018, p. 50-53 et la littérature citée. Parmi les premiers, certaines résolutions du Conseil de sécurité ont été perçues par une partie de la doctrine comme étant substituables aux traités de paix : il s’agit notamment de la résolution 687 (1991) adoptée dans le cadre de la seconde guerre du Golfe (S/RES/687 (1991) du 3 avril 1991). Parmi les secondes figurent les hypothèses de la subjugation ou de la debellatio, ainsi que la cessation prolongée des hostilités : A. Klafkowski, « Les formes de cessation de l’état de guerre en droit international public », RCADI, vol. 149, 1976-I, p. 639. Au regard de la rareté de ces hypothèses et de l’espace imparti ici, celles-ci ne seront pas davantage développées au sein de cette contribution, à l’exception de la question de la cessation prolongée des hostilités issue d’un cessez-le-feu « permanent », cf. infra II-B).
[8] R. Le Bœuf, op. cit., p. 39. À titre d’exemple, v. le Traité de paix entre l’État d’Israël et le Royaume Hachémite de Jordanie, signé au Point de franchissement Arava/Araba, le 26 octobre 1994, RTNU, vol. 2042, 1998, n° I-35325, p. 351.
[9] Ibid. Pour un ex. d’accord de paix conclu à un niveau non international, v. l’Accord de paix conclu entre le gouvernement colombien et les forces armées révolutionnaires : Accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable, signé à Bogotá, le 24 novembre 2016 (S/2017/272, Annexe II).
[10] Il s’agit d’une caractéristique essentielle à l’identification du traité de paix. En ce sens : R. Le Bœuf, op. cit., p. 45.
[11] Selon Romain Le Bœuf, le contenu est d’ailleurs potentiellement illimité : ibid., p. 73-74.
[12] Ibid., p. 75. Sur l’origine de cette dichotomie : C. Rousseau, Le droit des conflits armés, Paris, Pedone, 1983, p. 188.
[13] R. Le Bœuf, op. cit., p. 77-100.
[14] Pour cette systématisation et l’ensemble des mesures concernées : ibid., p. 101-130.
[15] Il s’agit par exemple de régler la question de la reconnaissance entre les parties, ou encore d’envisager des transformations quant à l’organisation politique de l’une d’entre elles : ibid., p. 131‑143.
[16] Ibid., p. 131-170.
[17] Sur les liens entre ces deux notions : ibid., p. 495-500.
[18] Ibid., p. 494.
[19] Ibid., p. 500-508.
[20] L’arrêt des hostilités circonscrit dans le temps et dans l’espace constitue en effet le noyau dur du cessez-le-feu, c’est-à-dire le contenu que l’on retrouve systématiquement dans ce type de mesure : L. Paiola, Le cessez-le-feu en droit international, Thèse, Rennes, 2019, p. 101 et s.
[21] Au Moyen-âge, la « trêve de Dieu » interdisait aux guerriers de combattre certains jours de la semaine et une partie de l’année : H. Maine, Le droit international : la guerre, Paris, E. Thorin, 1890, p. 241. À propos de la suspension d’armes : A. Rivier, Principes du droit des gens, Paris, A. Rousseau, 1896, t. II, p. 362.
[22] V. par exemple les trêves humanitaires demandées dans le cadre du conflit syrien, en 2018 : résolution du Conseil de sécurité du 24 février 2018 (S/RES/2401 (2018)), § 10.
[23] V. à titre d’exemple la récente demande du Conseil de sécurité tendant à ce que des « pauses humanitaires » et des corridors soient adoptés à Gaza, dans le cadre du conflit entre Israël et le Hamas : S/RES/2712 (2023) du 15 novembre 2023, § 2.
[24] Toutefois, les cessez-le-feu peuvent aussi être intégrés au processus de paix et poursuivre des finalités plus larges, cf. infra. Les buts assignés aux cessez-le-feu sont si variables que la notion en devient élastique, presque générique. Sur cette question : L. Paiola, op. cit., p. 47 et s.
[25] Propos du représentant de la Chine lors de la 9 243e séance du Conseil de sécurité de l’ONU, 13 janvier 2023, S/PV.9243, p. 10.
[26] V. les nombreux appels à des cessez-le-feu humanitaires dans le cadre du conflit ukrainien pour évacuer les civils (à titre d’exemple : Conseil de sécurité, Procès-verbal de la séance du 29 mars 2022, S/PV.9008. V. également le cessez-le-feu annoncé à Marioupol en mai 2022 : Procès-verbal de la séance du 12 mai 2022, S/PV.9032, p. 8) ou l’accord conclu en septembre 2022 en vue de permettre l’échange de prisonniers de guerre (Procès-verbal de la séance du 22 septembre 2022, S/PV.9135). De même, face au conflit entre le Hamas et Israël et aux hostilités dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023, v. par ex. l’appel du Secrétaire général de l’ONU à ce qu’un cessez-le-feu humanitaire soit déclaré : Lettre datée du 6 décembre 2023, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2023/962).
[27] V. en particulier l’Article 36 du Règlement annexé à la Convention (IV) concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (ci-après Règlement de La Haye de 1907), La Haye, 18 octobre 1907.
[28] T.H. Bliss, « The Armistices », AJIL, vol. 16, 1922, n° 4, p. 509 et s. ; S. Bailey, « Cease-fire, truces, armistices in the practice of the UN Security Council », AJIL, vol. 71, 1977, n° 3, p. 471. Sur l’évolution des armistices, v. infra.
[29] A. Rivier, op. cit., p. 364.
[30] M. Sibert, « L’armistice dans le droit des gens », RGDIP, vol. 40, 1933, p. 657.
[31] Sur l’assimilation des cessez-le-feu aux armistices anciens : R. Baxter, « Armistices and other forms of suspension of hostilities », RCADI, vol. 149, 1976-I, p. 357. Sur cette extension des finalités des cessez-le-feu, v. infra.
[32] À propos de la trêve et de la suspension d’armes : v. H. Grotius, Le droit de la guerre et de la paix (De jure belli ac pacis), t. 2, traduction par J. Barbeyrac, Amsterdam, P. de Coup, 1724, Livre III, chap. XXI, p. 971 ; J. Basdevant (dir.), Dictionnaire de la terminologie du droit international, Paris, Sirey, 1960, p. 620. À propos de l’armistice : H. Levie, « The nature and scope of the armistice agreement », AJIL, vol. 50, 1956, n° 4, p. 884. À propos du cessez-le-feu : L. Paiola, op. cit., p. 19.
[33] En particulier, les cessez-le-feu passent généralement sous silence les éventuelles allégations de violation des règles du jus contra bellum, bien que certaines résolutions adoptées par le Conseil de sécurité fassent exception. Il en va de même s’agissant des questions relatives à la responsabilité des acteurs impliqués dans le conflit, que ce soit sur le plan de la responsabilité pour fait internationalement illicite des États impliqués dans le conflit que sur celui de la responsabilité pénale des individus.
[34] En ce sens, une ligne de cessez-le-feu n’est pas assimilable à une frontière internationale et le statu quo est maintenu sur les éventuels territoires contestés.
[35] À propos de ces diverses caractéristiques qui sont révélatrices de la neutralité des cessez-le-feu, il est renvoyé aux développements de la thèse suivante : L. Paiola, op. cit., p. 581-601.
[36] J. Salmon (dir.), Dictionnaire de droit international public, Bruxelles, Bruylant, 2001, p. 160 ; R. Paucot, J. Léauté, « Le cessez-le-feu », Rapport français, in Le cessez-le-feu, VIe Congrès international de la Société internationale de droit pénal militaire et de droit de la guerre (La Haye, 1973), Bruxelles, La société, 1974, vol. 1, p. 257. V. aussi : L. Paiola, op. cit., p. 583 et s.
[37] À titre d’exemple, dans l’Accord relatif à la cessation des hostilités du 18 juin 2000, l’Érythrée et l’Éthiopie s’engagèrent à donner une solution à la crise en ayant recours à des moyens pacifiques et légaux (op. cit., Préambule). Pour un second exemple, v. la déclaration adoptée le 3 mars 2022 par les États de l’ASEAN appelant à un cessez-le-feu ou à un armistice en vue de créer un environnement propice aux négociations pour résoudre le conflit ukrainien : « ASEAN foreign ministers’ statement calling for a ceasefire in ukraine », 3 mars 2022.
[38] En droit, la notion de provisoire désigne « ce qui existe ou se fait en attendant une solution définitive », P. Amselek, « Enquête sur la notion de provisoire », in A. Vidal‑Naquet (dir.), Le provisoire en droit public, Actes du colloque de l’Institut de recherche en droit public (Lille, 2008), Paris, Dalloz, Collection « Thèmes et commentaires », 2009, p. 6.
[39] À propos de certains accords de cessez-le-feu, v. L. Paiola, op. cit., p. 626-628.
[40] V. par ex. l’Armistice de Rethondes du 11 novembre 1918 signé entre les Puissances alliées et l’Allemagne. Il ne s’agissait plus simplement de suspendre les hostilités, mais de consacrer la supériorité militaire d’un État sur un autre.
[41] M. Sibert, op. cit., p. 664 ; V. Dedijer, « Problems of the transformation of character of military conventions », Nordic J. Int’l L., vol. 29, 1959, n° 1, p. 21 et s.
[42] M. Sibert, op. cit., p. 681, 698.
[43] Sur l’influence des lignes de cessez-le-feu sur le tracé futur des frontières : L. Paiola, op. cit., p. 630-632.
[44] V. par ex. l’Accord de cessez-le-feu de N’sele entre le gouvernement de la République rwandaise et le front patriotique rwandais, tel qu’amendé à Gbadolite le 16 septembre 1991 et à Arusha le 12 juillet 1992, Article V. Cet accord pose les jalons de l’instauration d’un État de droit et d’un gouvernement de transition et prévoit la création d’une armée nationale regroupant à la fois les forces gouvernementales et les forces armées rebelles.
[45] L. Paiola, op. cit., p. 629-630.
[46] V. par exemple le refus de V. Zelenski de se conformer au cessez-le-feu décidé unilatéralement par V. Poutine en janvier 2023. Pour le Président ukrainien, une telle mesure avait pour objectif d’empêcher les forces ukrainiennes de progresser sur le terrain et de les freiner dans la dynamique du conflit. Au contraire, il déclara que les hostilités ne cesseraient que lorsque les troupes de la Russie quitteraient le territoire ukrainien : « Vladimir Poutine ordonne un cessez-le-feu en Ukraine les 6 et 7 janvier, à l’occasion du Noël orthodoxe », Le Monde, 5 janvier 2023.
[47] V. à titre d’exemple les propos de M. Blinken, le secrétaire d’État des États-Unis, tenus le 24 février 2023, lors de la 9 269e séance du Conseil de sécurité de l’ONU : « Les membres du Conseil ne doivent pas se laisser berner par les appels à un cessez-le-feu temporaire ou inconditionnel. […] Dans cette guerre, il y a un agresseur et il y a une victime. La Russie se bat pour la conquête. L’Ukraine se bat pour sa liberté. Si la Russie cesse de se battre et quitte l’Ukraine, ce sera la fin de la guerre. Si l’Ukraine cesse de se battre, ce sera la fin de l’Ukraine. Le fait est qu’un homme, Vladimir Poutine, a commencé cette guerre. Un homme peut y mettre fin » (S/PV.9269, p. 8). Pour une position inverse, v. la position tenue par le Brésil : ibid., p. 13. V. également les résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies qui « exige la cessation immédiate des hostilités menées par la Fédération de Russie contre l’Ukraine » : « Conséquences humanitaires de l’agression contre l’Ukraine », résolution du 24 mars 2022 (A/RES/ES-11/2), § 1.
[48] En constitue un exemple topique le véto opposé par les États-Unis au projet de résolution, présenté par les Émirats arabes unis et parrainé par 97 États, qui avait vocation à « exiger un cessez-le-feu humanitaire immédiat » dans la bande de Gaza (S/2023/970, 8 décembre 2023, § 1). La délégation américaine reprochait justement à ce projet d’être neutre à l’égard des parties et jugeait au contraire qu’il s’agissait d’un appel à « un cessez-le-feu insoutenable [qui n’aurait fait] que semer les graines de la prochaine guerre » : Procès-verbal de la 9 499e séance du Conseil de sécurité, 8 décembre 2023 (S/PV.9499), p. 4-5.
[49] Il s’agit en particulier des conflits en Géorgie à propos de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, celui de la Transnistrie en Moldova et celui du Nagorno-Karabakh entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie : P. Jolicœur, A. Campana, « “Conflits gelés” de l’ex-URSS Débats théoriques et politiques », Études internationales, vol. 40, 2009, n° 4, p. 501-502.
[50] V. Coussirat-Coustère, « La crise chypriote de l’été 1974 », AFDI, vol. 20, 1974, p. 437-455. Le cessez-le-feu, décidé en 1974 suite à l’invasion et à l’occupation turque d’une partie de l’île, est toujours maintenu et continue d’être surveillé, ainsi que la zone-tampon, par une opération de maintien de la paix de l’ONU : l’UNFICYP.
[51] L. Paiola, op. cit., p. 68-71.
[52] P.-M. Dupuy, Y. Kerbrat, Droit international public, 16e éd., 2022, Paris, Dalloz, Coll. « Précis », p. 701.
[53] Sur la distinction entre la « paix négative » et la « paix positive » : J. Altung, « An editorial », Journal of peace research, vol. 1, 1964, p. 2 ; War and defense : essays in peace research, vol. 1, Copenhague, Christian Ejlers, 1976, p. 29 ; N. White, « Opérations de paix », in V. Chetail (dir.), Lexique de la consolidation de la paix, Bruxelles, Bruylant, « Collection de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains (Genève) », p. 20 ; G. Cahin, « Les Nations Unies et la construction de la paix en Afrique : entre désengagement et expérimentation », RGDIP, vol. 104, 2000, n° 1, p. 77-78.
[54] Sur les limites à l’assimilation des lignes de cessez-le-feu maintenues dans le temps à des « frontières de facto » : L. Paiola, op. cit., p. 636-646.
[55] D’ailleurs, le cessez-le-feu conclu entre les parties en 2020 ne règle toujours pas le différend. V. en particulier : R. Le Bœuf, « La déclaration de cessez-le-feu entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan : un nouvel épisode de la lutte pour le Haut-Karabakh », AFDI, 2020, vol. 65, p. 271-291.
[56] J. Tercinet, « Les soldats au service de la paix : le cas des forces de maintien de la paix », in J. Tercinet, Le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Recueil d’études de Josiane Tercinet, Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 7. V. aussi : M. Flory, « L’ONU et les opérations de maintien et de rétablissement de la paix », Politique étrangère, 1993, n° 3, p. 635.
[57] Protocole sur les résultats des consultations du Groupe de contact trilatéral relatives aux mesures conjointes adoptées aux fins de l’application du Plan de paix du Président ukrainien, P. Poroshenko, et des initiatives du Président russe, v. Poutine (Minsk, 5 septembre 2014) et son Mémorandum (19 septembre 2014), Lettre datée du 24 février 2015 adressée au Président du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de l’Ukraine auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2015/135), respectivement Annexes I et II.
[58] Ensemble de mesures en vue de l’application des Accords de Minsk (« Accords de Minsk II »), adopté le 12 février 2015, à Minsk (S/RES/2202(2015) du 17 février 2015, Annexe I), § 1 : « Cessez-le-feu immédiat et général dans certaines zones des régions ukrainiennes de Donetsk et de Louhansk et mise en œuvre rigoureuse de celui-ci à partir du 15 février 2015 à minuit heure locale ». Cet instrument fut signé par l’Ukraine, les forces pro-russes et la Russie.
[59] S/2015/135, Annexe I, § 1, 2, 3, 10 et Annexe II.
[60] L’Accord de Minsk I prévoit notamment l’adoption d’une loi ukrainienne sur l’autonomie locale temporairede certaines zones des régions de Donetsk et de Lougansk et la tenue d’élections locales anticipées dans ces zones (S/2015/135, op. cit., Annexe I, § 3, 6).
[61] La loi sur le statut spécial prévue par ces accords n’a qu’un caractère « temporaire ». En vue du règlement politique global, les Accords de Minsk II prévoient la mise en œuvre d’une réforme constitutionnelle en Ukraine tenant compte « des spécificités de certaines zones des régions de Donetsk et de Louhansk » et l’adoption d’une législation permanente relative au statut spécial des zones (S/RES/2202(2015), op. cit., Annexe I, § 11).
[62] M. Fontaine, « En quoi consistent le protocole et les accords de Minsk ? », Géo.fr, 10 août 2022.
[63] La mission spéciale d’observation de l’OSCE en Ukraine était toujours sur place et son mandat avait été renouvelé jusqu’en mars 2022 : Conseil permanent de l’OSCE, Décision n° 1401 du 31 mars 2021, PC.DEC/1401.
[64] V. à titre d’exemple les appels en ce sens dès le 23 février 2022 : S/PV.8974, p. 7-8. V. aussi le projet de résolution porté par l’Albanie tendant à « Exhort[er] e les parties à respecter les accords de Minsk » (S/2022/155 du 25 février 2022, § 7).
[65] V. la position de la Russie : S/PV.8974, op. cit., p. 12-13. V. encore les positions respectives de la Russie et de l’Ukraine lors de la 8 979e séance du Conseil de sécurité du 25 février 2022 : S/PV.8979, respectivement p. 13-14 et 18.
[66] Là où la Russie a pu avancer que le conflit ukrainien de 2014 était un conflit interne à l’Ukraine. V. par ex. la déclaration interprétative au titre du paragraphe IV.1 A) 6 des règles de procédure de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, PC.DEC/1401, op. cit., Annexe 3.
Lucie Paiola, « Les instruments de rétablissement de la paix », Le retour de la guerre [Dossier], Confluence des droits_La revue [En ligne], 05 | 2024, mis en ligne le 27 mai 2024. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=2484.