Max Gounelle, Matthieu Gounelle – Météorites de France et recherche publique. Propositions pour un texte de loi

Max Gounelle
Agrégé des Facultés de Droit, Ancien professeur à Université de Toulon, Centre de droit et de politique comparés Jean-Claude Escarras, Droit International Comparé et Européen (DICE), UMR 7318, Toulon

Matthieu Gounelle
Professeur au Muséum national d’Histoire naturelle, Institut de minéralogie, de physique des matériaux et de cosmochimie, UMR 7590, Paris

Résumé : En France, la communauté des scientifiques intéressés aux météorites déplore depuis longtemps l’absence de statut juridique clair pour les pierres tombées du ciel. La marchandisation croissante des météorites, fondée sur le principe de la liberté du commerce et l’ombre portée du droit de propriété, accroît significativement le risque de détournement de certains spécimens rares du circuit de la recherche publique menée par les astrophysiciens. La présente contribution vise à combler une telle lacune, en proposant un avant-projet d’articles rédigé en style normatif, en vue de servir de base de discussion pour l’éventuelle élaboration d’un texte officiel. Elle est également l’occasion de dresser un état des lieux de la jurisprudence française et des pratiques juridiques étrangères concernant les météorites.

I. État des lieux, opportunité d’une loi en France

Les météorites sont des fragments de corps solides de notre Système solaire qui sont tombés sur Terre après un (long) voyage dans l’espace1. Leur entrée dans l’atmosphère terrestre est soudaine, le plus souvent imprédictible et s’accompagne d’un grand fracas et d’une émission lumineuse, le météore, dont l’éclat dépasse parfois celui du Soleil. En raison de ce surgissement intempestif et spectaculaire, les chutes de météorites ont souvent été considérées par les êtres humains comme des prodiges ou des présages qu’il revenait aux plus éclairés d’entre eux d’interpréter. Par ailleurs, de nombreuses météorites de fer trouvées longtemps après leur chute ont été utilisées pour fabriquer des objets d’apparat comme des bijoux ou des armes2. Il est probable que les êtres humains qui ont arboré ces objets n’ignoraient pas leur nature céleste3 et bénéficiaient du prestige dont elles étaient certainement parées4.

Quant aux savants, ils n’ont longtemps su que faire ni que dire de ces objets étranges, et il faudra attendre le début du xixe siècle pour que leur nature extraterrestre soit reconnue après une controverse longue de dix ans5. Depuis cette époque, les météorites sont devenues des objets indispensables à la recherche scientifique et leur étude au laboratoire s’est imposée comme une branche de l’astrophysique et de la planétologie. En effet, à la différence de la Terre, les astéroïdes dont proviennent la majorité des météorites ont peu évolué depuis la formation du Système solaire il y a 4,57 milliards d’années. Les météorites sont donc pour les scientifiques un outil indispensable, sinon unique, pour reconstituer les premières étapes de la construction des planètes.

En raison de leur apparition spectaculaire et de leur origine céleste, les météorites suscitent curiosité et convoitise, et il n’est pas rare que leur découverte entraîne des litiges sur lesquels la puissance publique est amenée à se prononcer. Dès 1492, à l’occasion de la chute de la météorite d’Ensisheim6 (la plus ancienne météorite dont la chute a été observée et qui a été conservée en Europe), il a fallu l’intervention du bailli représentant le pouvoir impérial pour mettre fin au dépeçage de la météorite par la foule7. En 1803, c’est le ministre de l’Intérieur lui-même qui charge un jeune scientifique, Jean-Baptiste Biot, d’enquêter sur la spectaculaire chute de milliers de météorites à proximité de l’Aigle (Orne). Deux siècles plus tard, le tribunal de grande instance de Charleville-Mézières s’est prononcé sur la propriété d’une masse de la météorite de Mont Dieu découverte en 2010 par un détectoriste dans une forêt domaniale des Ardennes.

Il est probable que ces litiges se multiplieront dans les années à venir en raison de la médiatisation dont ont récemment bénéficié les météorites. L’exposition qui leur a été consacrée au Muséum national d’Histoire naturelle en 2017-2019 a attiré près de 300 000 visiteurs. Une émission sur YouTube postée en 2021 et promouvant des bracelets fabriqués à partir de météorites a été vue plus de 1,7 million de fois. La chute survenue le 13 février 2023 à Saint-Pierre-le-Viger (Seine-Maritime) a donné lieu à plusieurs reportages télévisés à des heures de grande écoute. Le programme de science participative Vigie-Ciel a formé des centaines d’amateurs à la chasse aux météorites8. Ces derniers sont en particulier chargés de rechercher des météorites dont le météore associé aurait été détecté par un réseau de plus de 100 caméras déployées sur le territoire national, le réseau FRIPON9. Cette attention médiatique est à double tranchant. Si elle a le mérite de permettre la diffusion des savoirs scientifiques attachés aux pierres tombées du ciel, elle a aussi pour effet de contribuer à l’augmentation du prix des météorites et de susciter des vocations de chasseurs de météorites attirés uniquement par l’appât du gain10. Dans ce contexte, une grande partie des météorites risque de finir dans des collections privées et d’échapper aux scientifiques qui se feront devancer sur le terrain ou n’auront plus les moyens de les acquérir.

Certes, toutes les météorites n’ont pas le même intérêt scientifique. Les chondrites ordinaires métamorphisées qui représentent environ 80 % des météorites présentes dans les collections sont beaucoup moins étudiées que les chondrites carbonées dont certaines proviennent de comètes, ou que les météorites originaires de la Lune ou de Mars11. Cependant il est difficile de préjuger de la nature d’une météorite avant un minimum d’analyses et, par ailleurs, leur simple nature extraterrestre fait de chaque météorite un objet unique dont la valeur culturelle, historique et patrimoniale est indéniable12.

Un des présupposés de cette contribution sera donc qu’il est d’intérêt général qu’une masse respectable de chaque météorite découverte sur le territoire national revienne à une institution de recherche publique. Cette dernière aura en effet les capacités de les conserver dans des conditions appropriées, pourra faciliter son accès à des scientifiques habilités et aura le souci de l’exposer sinon de façon permanente, tout au moins régulièrement, dans le cas de spécimens à forte valeur patrimoniale13. Plus qu’un état des lieux sur la condition juridique des météorites14, il s’agit donc avant tout d’une contribution visant à faciliter la mise en place de bonnes pratiques permettant qu’aucune météorite n’échappe à la recherche scientifique.

Dans ce but, et pour simplifier la tâche de tribunaux parfois déconcertés par des litiges concernant le ciel (voir section II-A ci-dessous), nous estimons qu’il est important d’assujettir à une loi les conditions d’accès à la propriété des météorites même s’il peut paraître spécieux de vouloir attribuer une propriété à un objet qui, après avoir passé des milliards d’années dans l’espace où il est soumis à des forces complexes générant une évolution en partie chaotique, tombera à Brest ou à Strasbourg suivant qu’il arrive sur notre planète à midi ou à treize heures15… En dépit de cette modestie à laquelle les astres nous invitent, force est de constater que les notions de propriété et de territoire, probablement apparues assez tôt dans l’histoire de l’humanité16, ont encore de beaux jours devant elles, et un long chemin reste à parcourir avant que les météorites ne deviennent un patrimoine commun de l’humanité comme nous l’avons suggéré par le passé17.

On sait qu’on ne trouve pas, en droit international positif, d’obligation juridique qui conduirait au dépôt ou au prêt à une instance scientifique pour analyse d’une pierre tombée du ciel18. Seule une forme de coutume incite les découvreurs à céder une partie de la météorite à une institution de recherche homologuée en échange d’une labellisation19. D’une manière générale la prise en considération des problèmes posés par les météorites est renvoyée au droit de chaque État. La diversité des solutions nationales est par conséquent très ouverte (voir section III-A). Pour ce qui est de la France, qui nous concerne ici, il n’existe pas de texte législatif ou règlementaire encadrant la condition juridique des météorites. La jurisprudence est rare et parfois contradictoire (voir section II-A). Nous nous proposons donc de fournir les éléments permettant de combler ce vide juridique. On signalera simplement ici que, compte tenu de la structure générale de l’ordre normatif français, une loi plutôt qu’un décret – ou tout autre bricolage juridique – paraît indispensable (voir section III et Annexe 1).

Les solutions avancées concerneront à la fois les météorites dont la chute a été observée, par exemple Ensisheim ou Saint-Pierre-le-Viger, mais aussi celles qui ont été trouvées longtemps après leur chute (les trouvailles), comme la météorite de Mont Dieu20. Bien qu’il existe des différences notables entre les deux cas d’espèces, une loi requiert la plus grande généralité que nous nous efforcerons d’approcher dans la proposition jointe en Annexe 1.

II. Histoire pré-législative

Malgré l’absence de loi ou de texte règlementaire, les météorites ne se situent pas, en France, dans un vide juridique complet. Quelques rares jugements existent en effet, que l’on qualifiera, pour des raisons de commodité, de « jurisprudence » (A). Il faut y ajouter qu’un député à l’Assemblée nationale a été récemment conduit à formuler une question écrite à laquelle le ministère compétent a répondu en 2019, ce qui est l’indice d’un intérêt relativement nouveau des institutions pour les météorites (B).

A) Jurisprudence

1. La jurisprudence française en matière de météorites est plutôt maigre. On peut se référer à seulement quatre jugements dont on trouvera les textes intégraux, dispersés et dans certains cas difficiles d’accès, en annexe.

  • Tribunal de première instance de Bourbon-Vendée (aujourd’hui La Roche-sur-Yon) du 31 août 1842 (chute de la météorite de Saint-Christophe-la-Chartreuse le 5 novembre 1841)
  • Tribunal de première instance d’Issoudun de juillet 1879 (chute de la météorite de La Bécasse le 31 janvier 1879)
  • Tribunal civil d’Aix-en-Provence du 17 janvier 1898 (chute de la météorite de Lançon le 20 juin 1897)
  • Tribunal de grande instance de Charleville-Mézières du 18 avril 2014 (trouvaille d’un fragment de la météorite de Mont Dieu en 201021)

Ces jugements sont devenus définitifs sans qu’il soit interjeté appel et recouru en cassation. Dans la mesure où les Cours d’appel et la Cour de cassation n’ont pas rendu de décision de dernier ressort en ce qui concerne les pierres tombées du ciel, on peut raisonnablement douter de la portée générale de ces décisions de justice, qui sont plutôt affaire d’espèce, de cas particuliers22.

Il est toutefois possible de tirer quelques observations communes touchant à l’objet de ces jugements. Ils portent en effet sur des litiges similaires : une personne découvre une météorite sur un terrain qui ne lui appartient pas et le propriétaire de celui-ci réclame en justice la propriété de la météorite. Le résultat « brut » de ces procès demeure incertain : deux jugements décident d’attribuer la propriété de la météorite au propriétaire du terrain (Issoudun 1879, Aix-en-Provence 1898), et deux au découvreur (Bourbon-Vendée 1842, Charleville-Mézières 2014). On notera enfin que trois de ces jugements traitent de météorites découvertes au sein de propriétés privées (Bourbon-Vendée 1842, Issoudun 1879, Aix-en-Provence 1898), un seul sur une météorite recherchée dans une forêt domaniale publique (Charleville-Mézières 2014).

2. Une analyse juridique plus détaillée (pour les trois plus intéressants) de ces cas d’espèce permet d’apercevoir que les questions posées concernant la propriété des météorites sont plutôt récurrentes et peuvent recevoir des réponses variées fondées sur des considérations et des choix métajuridiques.

Le jugement de 1842 est sans doute le plus riche au point de vue de l’argumentation juridique. Il classe la météorite dans la catégorie des res nullius (« chose sans maître ») et rejette l’existence d’une accession (art. 546 C. civ.) qui aurait permis l’extension du droit de propriété au propriétaire du terrain, parce que la pierre tombée du ciel n’est pas incorporée au champ où elle a été découverte et n’en est donc pas devenue en quelque sorte l’« accessoire ». En particulier « … elle est d’une nature toute différente [des pierres ordinaires qui se trouvent dans un champ] et étrangère à la terre, où elle n’est arrivée qu’à la suite d’un accident… ». Il décide que la propriété est déterminée par le droit de l’inventeur (art. 716 C. civ.), rapprochant ainsi, par analogie, la météorite d’un trésor. Le juge fait aussi remarquer que la pénétration du découvreur sur le terrain non clos d’autrui ne peut être assimilée à une violation de domicile, et qu’une telle « action innocente » ne pourrait être considérée comme illicite tant que le propriétaire du terrain n’a pas manifesté l’intention de s’y opposer.

Le jugement de 1898 est intéressant par certains de ses aspects originaux. Il se réfère explicitement au principe de l’accession (à la différence du jugement de 1842) du fait que la météorite « n’était pas à ras le sol au moment où il [le moissonneur] l’a aperçue en premier, mais qu’elle y était enfoncée à une profondeur d’environ 50 cm. Elle est donc incorporée à la terre et en est devenue l’accessoire. » Le propriétaire du terrain devient par conséquent propriétaire de la météorite (art. 546 et 551 C. civ.). Ce jugement considère que, bien que le cas spécial des météorites n’ait pas été prévu par le Code civil (art. 552 et suivants), il convient de faire prévaloir le droit du propriétaire foncier sur celui de l’inventeur.

Le jugement le plus récent, en 2014, est fondé sur un raisonnement juridique très différent. La particularité de ce jugement est que les deux parties (le découvreur et l’autorité publique, représentée par le Préfet du département) sont d’accord pour ne pas qualifier la météorite de trésor, « chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier d’un droit de propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard ». Les dispositions de l’art. 716 du Code civil en matière de partage de la propriété ne sont donc pas ici applicables. Un partage de la propriété entre le découvreur et le propriétaire public de la forêt n’était ni interdit ni impossible : il aurait pu être prévu explicitement dans une convention entre les deux parties. Mais une telle convention n’a pas été conclue en l’espèce, puisque la prospection n’a fait l’objet que d’une autorisation orale, dont la validité n’est d’ailleurs pas contestée.

Le découvreur a utilisé un détecteur de métaux. Le Préfet considère que l’utilisation d’un tel matériel est subordonnée à l’obtention d’une autorisation administrative, selon l’article L. 542-2 du Code du patrimoine. Le juge écarte cet argument, car le texte législatif invoqué concerne expressément la recherche de « monuments ou objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie ». Ce texte ne vise pas, et ne peut pas viser, puisque l’on se trouve précisément dans le cas d’une lacune juridique, la prospection de météorites intéressant la recherche en astrophysique. Il est donc déduit que « ce texte n’est pas applicable à la recherche d’une comète » (sic23). Le juge de première instance est prudent : ne souhaitant pas courir le risque d’être démenti par une Cour d’appel, il donne une interprétation stricte de la loi que constitue le Code du patrimoine.

On peut raisonnablement envisager qu’une Cour de rang plus élevé (Cour d’appel, voire Cour de cassation) aurait pu se permettre une interprétation plus extensive, faisant ainsi entrer les météorites, dans le champ d’application du Code du patrimoine. Mais il en va ainsi au sein du système juridictionnel français : si aucune des parties à un procès ne pense avoir intérêt à faire appel, un jugement devient définitif. Il est alors paré, par principe, de l’« autorité de la chose jugée ». La solennité du principe en question n’interdit cependant pas de considérer que l’autorité de chose jugée d’un jugement rendu par un Tribunal de Grande Instance n’accède pas à la portée juridique générale et plus solennelle d’un arrêt de la Cour de cassation… Toujours est-il qu’en l’espèce, le Tribunal de Charleville-Mézières fait prévaloir un raisonnement relevant strictement du droit civil. Le fait que la découverte a été faite sur le domaine public de l’État n’est pas pris en considération. L’application du droit administratif spécial n’a pas été retenue… ce qui est somme toute banal pour une juridiction de l’ordre judiciaire relevant en dernier ressort de la Cour de cassation.

Le découvreur se trouve donc en possession – au sens juridique précis de ce terme en droit civil- de la météorite qui était enfouie dans le sol et fut dégagée à son initiative. Le jugement s’appuie principalement sur l’article 2276 du Code civil selon lequel « en fait de meubles, possession vaut titre ». La possession peut se muer en propriété parce qu’elle est ici « non interrompue, paisible, publique et non équivoque » (art. 2261 C. civ.). Le Tribunal indique que le découvreur a informé la Préfecture des Ardennes trois jours après sa découverte. Il signale ce délai, sans le justifier par l’existence d’une obligation légale ou règlementaire. Sans doute considère-t-il que le découvreur a été suffisamment diligent pour être regardé comme un possesseur de bonne foi. Il est vrai que ni le Code forestier ni le Code général de la propriété des personnes publiques ne prescrivent de délai pour des opérations qui pourraient s’apparenter à la recherche de météorites dans une forêt domaniale. Et rien n’indique non plus, dans la règlementation administrative, que sa découverte impliquait le dépôt d’un fragment auprès de l’autorité publique ni un partage entre lui-même (le découvreur) et l’État.

3. Ce faisceau de jugements conduit à formuler quelques observations qui pourraient être d’une certaine importance si l’opportunité d’une loi était aujourd’hui favorablement considérée.

La première est que la question de la propriété d’une météorite est à la fois essentielle et délicate, et que le législateur se trouvera confronté à des options très différentes entre lesquelles il faudra nécessairement trancher.

La seconde observation tient à la question générale de la relation indissociable entre la loi et la jurisprudence, dont le Doyen Jean Carbonnier a démontré dans son manuel aujourd’hui classique, l’importance institutionnelle en droit français24. Dans le sillage de ce très éminent juriste, on se souviendra qu’en l’absence de loi, ou face à une loi imprécise, le juge est souvent saisi par des particuliers que leurs intérêts incitent à faire lever l’incertitude juridique par une institution officielle. Il s’ensuit que les arrêts et jugements, lorsqu’ils sont concordants et émanent d’une juridiction de dernier ressort (la Cour de cassation, le Conseil d’État), constituent une jurisprudence qui est généralement regardée comme un complément nécessaire du droit légiféré.

Si, aujourd’hui, les progrès effectués dans les études de la matière extraterrestre ont haussé la recherche scientifique au niveau d’une très éminente préoccupation, un autre fait social vient également affecter le juridique : les météorites semblent être à la mode, mode soutenue par l’augmentation du nombre de météorites disponibles (près de 74 000 météorites enregistrées auprès de la Meteoritical Society). Du point de vue de la sociologie juridique, il est hautement probable que pareil engouement, dont rien ne dit qu’il s’étiolera dans un futur proche, en vienne à produire toutes sortes de disputes, litiges et différends. Et le juge sera alors presque mécaniquement saisi par ceux qui seraient contrariés par les lacunes juridiques existantes. Certes, on n’a pas ici la prétention ou la naïveté de croire qu’une loi réglerait tous les litiges potentiels. Il n’en demeure pas moins qu’elle contribuerait nécessairement à en assécher notablement le débit, évitant ainsi une charge supplémentaire à l’appareil juridictionnel.

On notera enfin, pour compléter et nuancer l’observation précédente, que toutes les disputes n’aboutissent pas à des contentieux, tous les contentieux à des procès, et tous les procès… à la Cour de cassation ou au Conseil d’État. Le cas de la météorite de Granès (Aude) en 1964 est, de ce point de vue, très intéressant. Découverte par un chasseur de lapins rapidement après sa chute, elle fut confiée au professeur Rémy, de la Faculté des sciences de Montpellier. Celui-ci emporta l’objet (9 kg) et la fit étudier au point de vue scientifique25. Le propriétaire privé du terrain demanda sa rétrocession puis, pour des raisons inconnues, se lassa et renonça à un procès, en vue de faire reconnaître son droit de propriété sur la météorite. Finalement, un demi-siècle plus tard, un moulage grandeur nature a été cérémonieusement offert à la municipalité. Et le fragment le plus important est déposé au Muséum national d’Histoire naturelle, au sein de la Collection nationale des météorites sous le numéro d’inventaire 3500, suite à un don de l’Université de Montpellier. Dans ce cas précis, il n’y a donc pas eu de jugement, mais, en pratique, la météorite a été rapidement orientée vers le circuit de la recherche publique… et y est restée de manière définitive.

B) Question parlementaire au Gouvernement

En 2018, un député à l’Assemblée nationale M. Stéphane Viry (Les Républicains – Département des Vosges) pose une question écrite au Gouvernement, qui aboutit au ministère de l’Enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation26. Il fait remarquer qu’en l’état actuel de lacune législative « … c’est à la jurisprudence de trancher sur la base de règles générales qui ne sont pas favorables à la recherche. » Celle-ci, écrit-il, est « totalement perdante » du fait même de l’absence de loi française. La réponse ministérielle relève la difficulté de légiférer dans ce domaine27. Elle conclut :


Le ministère en charge de la Recherche serait prêt à soutenir une législation garantissant un droit à l’expertise scientifique prioritaire de toutes les météorites trouvées, mais à condition qu’elle soit réellement efficace, c’est-à-dire au minimum au niveau européen, et qu’elle inclue explicitement le cas des météorites en Antarctique. Le mieux serait que cela provienne d’une initiative transnationale émanant d’une organisation scientifique comme la Meteoritical Society ou l’Union Astronomique Internationale, et soit repris dans une résolution au niveau ONU ou UNESCO.

On permettra aux auteurs de cette contribution de trouver surprenante une réponse officielle qui ressemble à une dérobade. Nous avons en effet montré en 2017 qu’il existe de nombreux pays ayant pris, en l’absence de véritable concertation fructueuse au niveau international28, des mesures juridiques en matière de météorites, d’ailleurs fort variées en fonction des cultures nationales. Et que ces législations ont tendance à se multiplier. Il ressort de nos travaux qu’une ONG comme la Meteoritical Society a bien une véritable compétence de règlementation dans le domaine strictement scientifique qui est le sien. Cependant celle-ci n’a pas pour destinataire les États, mais la communauté des chercheurs et plus largement les personnes intéressées aux météorites. De plus, ses règlementations transnationales ne portent nullement sur la propriété des pierres tombées du ciel. Quant à l’UNESCO et l’ONU, leurs travaux sur la question sont au point mort depuis plusieurs décennies. Et leur compétence « quasi législative » est institutionnalisée de telle manière qu’il soit toujours permis aux États-membres, par diverses dispositions statutaires, de faire jouer des dérogations limitant notablement la véritable portée de leurs résolutions29.

Ainsi, non seulement cette réponse ne fait pas grand cas de l’intérêt général de la recherche française30, mais elle répond à côté de la question de l’honorable parlementaire. En agrémentant son soutien de conditions quasi impossibles à réaliser, le ministère concerné adopte un comportement que l’on pourrait presque qualifier de dilatoire. D’une certaine manière, il s’agit d’une fin de non-recevoir déguisée, sans doute fondée sur la considération que la question des météorites n’est pas une priorité, et que le portage dans le circuit législatif demanderait une énergie administrative pouvant être ailleurs plus profitablement dépensée.

Il reste à espérer que l’engouement actuel pour les météorites au sein du public et la mobilisation des chercheurs conduise le Ministère à faire évoluer sa position.

III. Propositions pour un texte à vocation législative

La préparation d’un texte à vocation législative suscite des observations juridiques d’ordre général qui ne doivent pas être escamotées (A). Une fois celles-ci exposées, un dispositif juridique spécifique peut-être construit et proposé, qui aura pour objectif de préciser les éléments essentiels d’un statut juridique des météorites (définition, découverte, propriété, conservation et dépôt, sortie du territoire) (B).

A) Remarques générales

1. Un texte normatif officiel serait très bénéfique pour la recherche française, afin qu’aucun spécimen de météorite n’échappe aux institutions publiques spécialisées, tout en laissant jouer les lois du marché pour ces objets insolites prisés des collectionneurs, des marchands et des amateurs.

Les bénéfices d’un encadrement normatif sont peu contestables, en tout cas pour le secteur de la recherche31. Il n’est pas impossible que les marchands et les collectionneurs privés se trouvent davantage à l’aise dans l’environnement juridique existant, et qu’ils soient plutôt satisfaits de l’état lacunaire actuel du droit français. De fait, un équilibre sera certainement à trouver entre les intérêts de ces différents groupes, comme cela est presque toujours le cas lorsqu’on s’engage dans un processus de modification, même limité, de l’ordre juridique.

Le choix d’un cadrage par une loi adoptée par le Parlement et promulguée par le président de la République ne peut guère se discuter. Un décret ou un arrêté interministériel ne sauraient suffire, car un tel texte touche à la question du droit de propriété que l’article 34 de la Constitution de la Ve République réserve explicitement à la compétence des chambres parlementaires.

Il va de soi qu’une telle loi ne saurait être rétroactive, et ne pourrait recevoir application que pour les situations juridiques postérieures à sa promulgation. Les possesseurs actuels de météorites ne seraient pas troublés dans leur possession, seraient toujours présumés propriétaires, et le marché ne serait pas bouleversé par les nouvelles dispositions législatives. Celles-ci encadreraient les nouvelles chutes sur le territoire national, ainsi que les trouvailles futures de météorites anciennement tombées du ciel. Les situations juridiques acquises des simples collectionneurs et des marchands ne seraient pas perturbées.

2. Confrontés à la rédaction d’une loi nouvelle, le juriste et le législateur se tournent volontiers vers le raisonnement par analogie.

La météorite ne peut guère être intégralement assimilée à un « trésor », comme le relève d’ailleurs le jugement du TGI de Charleville-Mézières en 2014 (voir section II‑A). En droit civil français, un trésor est « une chose cachée ou enfouie sur laquelle personne ne peut justifier d’un droit de propriété, et qui est découverte par le pur effet du hasard32. » Cette définition permet de comprendre que, de nos jours, de nombreuses météorites ne peuvent être qualifiées de « trésor ». En effet, nombre d’entre elles ne sont pas enfouies ou cachées, mais trouvées à la surface du sol, parfois immédiatement après leur chute dont le point d’impact peut désormais être déterminé presque immédiatement après la détection du météore par le réseau de caméra FRIPON. Elles peuvent aussi être découvertes malgré leur enfouissement souvent ancien, grâce à l’utilisation d’un détecteur de métaux (comme dans le cas de la météorite de Mont Dieu trouvée dans les Ardennes, en 2010). Cela exclut, évidemment, « le pur effet du hasard ». On aperçoit bien, alors, les inconvénients d’une telle qualification, si elle venait à être consacrée par la loi : ce sont les circonstances matérielles de la découverte qui permettraient de qualifier certaines météorites de trésor, alors que d’autres, aujourd’hui probablement les plus nombreuses, seraient privées d’une telle qualification.

Les météorites ne peuvent être qualifiées de « choses communes » (res communes) comme l’air et l’eau, car celles-ci ne peuvent faire l’objet d’une appropriation et leur usage est commun à tous33. Si le législateur retenait une telle qualification, il faudrait alors préciser ce que peut être pour les météorites un « usage commun ». Hors l’exposition au public dans un musée et les travaux de la recherche publique, on ne voit guère en effet quelle pourrait être la consistance concrète de cet usage.

Les caractéristiques de ces pierres tombées du ciel ne coïncident pas non plus avec celles des « choses sans maître » (res nullius), comme le gibier, les poissons ou les coquillages, qui n’appartiennent à personne, mais qui sont susceptibles d’appropriation dans des conditions très règlementées34.

De même, une météorite ne peut être regardée comme une « épave », c’est-à-dire un bien mobilier abandonné par son propriétaire qui demeure inconnu35.

Considérer la météorite comme un « bien national », comme c’est par exemple le cas au Mexique36, n’est guère concevable en France, compte tenu de notre mémoire historique : le souvenir du décret du 2 novembre 1789, qui a permis la confiscation et la vente de biens appartenant au clergé et à la noblesse pourrait raviver la douleur de vieilles cicatrices…

La météorite ne peut pas non plus se trouver intégralement assimilée à un « objet archéologique » au sens du Code du patrimoine. Il existe en effet plusieurs différences notables entre météorite et objet archéologique : les coordonnées géographiques de la découverte d’une pierre tombée du ciel sont scientifiquement moins importantes que la localisation précise d’un vestige archéologique (même si elles sont loin d’être inutiles, par exemple pour pouvoir trouver d’éventuelles « petites sœurs » dans le cas de la chute de plusieurs pierres) ; l’enfouissement dans le sol d’une météorite peut rapidement et irrémédiablement altérer certaines de ses propriétés indispensables à sa bonne exploitation scientifique ; enfin, elle peut être fragmentée sans que cela obère systématiquement les résultats de l’étude scientifique, à la différence de l’« objet archéologique » qui doit être soigneusement préservé dans son intégrité.

À la différence de quelques autres pays, il n’est pas question en France de faire des météorites des « choses hors commerce » et par conséquent de les exclure du marché et du champ d’application du droit de propriété. Celui-ci est proclamé fermement en droit français37 : il ne faut y faire exception qu’avec une très grande prudence. De plus, le commerce des météorites est une pratique bien établie qu’il n’a jamais été question d’interdire, même si l’intention lucrative reste très éloignée des préoccupations de la recherche en astrophysique.

Il existe certainement bien d’autres situations juridiques qui relèvent « Des différentes manières dont on acquiert la propriété »,38 mais il est très douteux que ces produits de la confection juridique puissent convenir aux météorites, qui ont plutôt besoin de bénéficier de dispositions « sur mesure »39.

D’une manière générale, l’objet « météorite » n’est guère assimilable à des catégories juridiques bien identifiées : si certains de ses traits permettent d’utiles rapprochements, l’ensemble de ses caractéristiques propres conduisent à se résoudre à le regarder comme très spécifique. Il s’ensuit la nécessité de lui conférer un statut juridique original40.

3. Une brève incursion en direction des législations et pratiques juridiques étrangères est toujours utile. Comme nous l’avons déjà écrit en 2017, chaque État décide pour lui-même de légiférer ou de ne pas légiférer. De nombreuses considérations entrent en jeu à ce sujet, par exemple : intérêt économique pour le pays, capacité des scientifiques intéressés de motiver les autorités publiques, intérêt de la société civile pour les météorites, gain politique ou communicationnel pour les autorités, etc.41.

On a pu faire remarquer42 qu’il existe, au sein des pratiques législatives nationales, deux grandes tendances en matière d’attribution de la propriété des météorites. Selon une première tendance, les météorites tombant sur le territoire d’un État appartiennent à celui-ci : prévaut alors le principe de territorialité, émanant du droit international public. Selon une seconde tendance, la propriété peut être dévolue à une personne privée, dans des conditions fort diverses d’un pays à un autre : rien n’interdit au regard de la liberté de légiférer – ou de ne pas légiférer – d’aménager comme on le souhaite le droit de propriété de ces cailloux tombés du ciel43. Il est tout à fait possible d’édicter une législation mixte, qui s’inspire à la fois des deux tendances ci-dessus signalées. C’est, en grande partie, l’esprit général de nos propositions44.

L’essentiel demeure cependant la souveraineté législative et le pouvoir discrétionnaire qui aboutissent, lorsqu’il est décidé de légiférer, à une très grande diversité des législations nationales.

Pour ne citer que quelques cas significatifs, on signalera que le Danemark attribue la propriété de la météorite à l’État, avec obligation de remise immédiate au Musée danois d’Histoire naturelle en contrepartie du versement d’une prime au découvreur. Au Mexique, les météorites sont des « biens nationaux ». La Province du Québec au Canada met en œuvre l’adage « Qui trouve, garde ». Dans de nombreux ordres juridiques nationaux, la pierre céleste est réputée appartenir au propriétaire du terrain de chute ou de découverte (par exemple Belgique, États-Unis, Iran, République tchèque).

Si l’on dirige son attention sur le contenu des règles proprement dites, alors la liste est également très variée : questions de propriété (privée ou publique), nécessité d’une autorisation de ramassage, livraison obligatoire à une institution de recherche scientifique, encadrement de l’exportation et de la sortie du territoire, droit d’exploitation (pour les astéroïdes et la Lune, dans le futur).

On aperçoit combien on se trouve éloigné d’une harmonisation ou de l’évolution vers un droit uniforme. Du point de vue de la science juridique, il ne serait sans doute d’ailleurs pas inutile que puisse exister un centre de collecte méthodique et systématique des législations nationales en matière de météorites, que l’initiative soit transnationale ou interétatique (Meteoritical Society, UNESCO, Universités…). L’existence d’une collection aussi universelle que possible de telles législations, augmentée des normes, directives et recommandations établies tant par les organisations internationales intergouvernementales que par les ONG (telle la Meteoritical Society), serait d’un grand profit, facilitant d’utiles analyses de droit comparé et de féconds rapprochements législatifs.

4. Une question se pose quant à l’insertion d’une telle loi au sein de l’ordre juridique national. Serait-il préférable d’élaborer une loi spécifique pour les météorites ou bien d’en disperser les éléments en les incorporant dans des codes existants, tels le Code civil (régime de la propriété) ou encore le Code du patrimoine (prospection, déclaration de découverte, droit de préemption, etc.), par exemple45 ?

La réponse dépend largement du cours que prendra le circuit législatif, de la position des ministères concernés, des observations du Conseil d’État46 ainsi que des analyses du Secrétariat général du Gouvernement, et donc en fin de compte de l’option choisie en matière de politique législative.

Les articles législatifs proposés ci-dessous (voir Annexe 1) pourraient être incorporés dans le Code du patrimoine, au sein d’un nouveau livre VIII (intitulé « Météorites »). Il n’est cependant pas certain que pour les praticiens, les chercheurs, les collectionneurs, les chasseurs et les marchands, les avantages résultant d’une telle codification l’emportent sur les inconvénients. Le Code du patrimoine forme en effet un bloc compact de règles diverses qui ne sont pas toutes à l’évidence en harmonie avec la clarté et la simplicité souhaitables d’un statut législatif des météorites. Sur ce point également, on restera plutôt attaché à la rédaction d’un faisceau de règles « sur mesure » pour les météorites.

Une insertion dans le Code civil, au sein des dispositions générales concernant la propriété (art. 544 à 577), poserait probablement des problèmes assez délicats. Quant à une éventuelle incorporation au Code minier, dont l’objectif est bien différent, elle serait manifestement peu appropriée.

B) Dispositif juridique proposé

L’objectif d’une future loi ne serait pas de contrarier les usages et bonnes pratiques qui se sont développés dans le contexte général décrit ci-dessus : d’une haute pertinence et d’une grande utilité, elles n’ont toutefois que la valeur juridique de recommandations déontologiques au sein de la communauté des chercheurs, et ne sont guère opposables en dehors de ce cercle finalement assez restreint.

Avec une loi en bonne et due forme, il s’agit seulement de procurer de la sécurité juridique dans un domaine qui en comporte fort peu, tout en conciliant les intérêts parfois divergents de la recherche publique, du marché et de ses agents-marchands, courtiers, chasseurs, clients et des découvreurs occasionnels qui deviennent possesseurs d’une météorite fortuitement ramassée.

La loi aurait pour but de stabiliser une définition des météorites (1), d’encadrer la phase de découverte (2), de légiférer sur la question centrale de la propriété (3) et de se préoccuper de leur conservation et de leur éventuelle sortie du territoire (4).

1) Définition

Une loi française sur les météorites ne peut évidemment pas se passer d’une définition liminaire. Les observations qui suivent peuvent contribuer à la mise en forme d’une telle définition.

On peut caractériser la météorite comme un objet solide d’origine extraterrestre parvenu sur le sol de la Terre ou d’autres corps célestes sous l’effet de forces naturelles et de taille supérieure à deux millimètres47. Une telle définition scientifique peut être incorporée dans une loi, ou en tout cas dans son exposé des motifs, mais elle n’est pas suffisamment opératoire pour le juriste.

Il faut également tenir compte d’une réalité pétrologique : un objet d’origine extraterrestre se scinde presque toujours en plusieurs fragments lors de sa traversée de l’atmosphère. Il n’y a donc aucune raison à ce que le traitement juridique des divers fragments soit différencié48. Cette précision évite de répéter en permanence dans le texte législatif : « la météorite et les fragments de météorites », ce qui alourdirait inutilement la rédaction.

Les météorites peuvent être envisagées sous de multiples points de vue qui font leur richesse, mais rendent complexe leur insertion dans la catégorie juridique des « choses » (objets sur lesquels peuvent exister des droits subjectifs, comme le droit de propriété). Elles sont d’abord et avant tout des objets de grande valeur scientifique. La plupart d’entre elles se sont formées il y a 4,57 milliards d’années, avant même la Terre. Elles nous renseignent sur les premières étapes de la formation planétaire et sur l’évolution des différents corps solides du Système solaire. Certaines d’entre elles sont riches en carbone et ont pu être une source de matériel prébiotique sur la jeune Terre.

Les météorites ont aussi un intérêt culturel49 relevant de l’histoire, de l’ethnologie, de la littérature, et du cinéma. On pourrait même se risquer à la qualifier de « bien culturel » au sens de la convention signée à Paris le 17 novembre 1970 sous l’égide de l’Unesco, s’appliquant « aux collections et spécimens rares de minéralogie ».

C’est en raison de toutes ces qualités, pour l’essentiel identifiées dès le début du xixe siècle que le Muséum national d’Histoire naturelle a cherché, depuis les années 1860 et la prise en charge de la collection de météorites par Gabriel-Auguste Daubrée (1814-1896), à obtenir la masse principale ou tout au moins un fragment de chacune des météorites françaises. Parmi les 75 météorites trouvées ou tombées en France et qui ont été préservées des outrages du temps, seules quatre (Contis-Plage, Abbans-Dessous, Asco et Clohars) ne sont pas présentes dans la collection nationale de météorites qui compte plus de 1 600 météorites différentes.

2) Découverte

La source principale de la découverte de météorites est aujourd’hui la prospection, activité exploratoire plus ou moins méthodique, propre à l’époque contemporaine liée à l’existence de programmes de recherches qui se sont multipliés depuis la fin du xxe siècle. Elle se pratique sur des terrains sélectionnés (notamment les déserts) par des équipes de spécialistes50, des équipes de bénévoles ou des chasseurs de météorites isolés. Cependant, la France, en raison de sa géologie et de son climat, est peu favorable à des entreprises de prospection systématique. La découverte fortuite, résultat de l’aléatoire et du hasard, bien que rare, a permis la découverte de huit météorites ces quarante dernières années. Les chutes observées restent en France la principale source de météorites. Le réseau de caméras FRIPON permet désormais de détecter les météores précurseurs d’une chute de météorite. Depuis sa mise en place en 2013, deux météorites ont été trouvées après que leur météore associé a été identifié par les caméras de FRIPON. Il faut avoir présent à l’esprit que l’intérêt scientifique d’une météorite dépend peu, voire pas du tout, du moment ou du lieu de sa chute, mais principalement de sa composition chimique, minéralogique ou isotopique, qui permet de reconstituer les conditions physico-chimiques du jeune Système solaire ou encore l’évolution géologique de corps planétaires comme Mars ou la Lune. Il n’y a donc pas lieu de privilégier les météorites de chute récente par rapport à celles qui sont le fruit de chutes anciennes, sinon que les spécimens ramassés peu après leur chute sont plus « frais », c’est-à-dire moins affectés par leur séjour dans l’environnement terrestre. Il importera donc ici de considérer à la fois les chutes observées et les trouvailles (voir note 6).

Découvrir une météorite implique évidemment de la localiser. Or, dans la pratique française, comme d’ailleurs dans la plupart des autres pays, tous les lieux géographiques sont sous un régime de propriété, privée ou publique. Il peut se révéler parfois difficile, notamment dans l’urgence d’une chute récente repérée par les techniques les plus sophistiquées, de connaître avec précision l’attribution de propriété foncière du terrain sur lequel se trouve la météorite. Pourtant ce rattachement cadastral est important, notamment pour les propriétés privées, dans lesquelles on ne peut, en principe, pénétrer sans le consentement du propriétaire. Pour cette raison, toute personne à la recherche de météorites doit obtenir l’autorisation du propriétaire du terrain concerné. Ce point est essentiel et demande certainement, sur le terrain, un savoir-faire d’enquêteur et un sens relationnel qu’aucune règle juridique ne peut apporter.

L’écrit reste, en matière d’autorisation, la preuve la plus sûre, même à l’ère de l’informatique. Mais cette exigence peut se révéler parfois plutôt agressive pour des propriétaires peu informés de la portée de leur engagement. En cas d’autorisation orale, la présence de témoins aussi étrangers que possible aux prospecteurs serait une utile précaution s’il advenait ultérieurement quelque contestation. La présentation en tant que preuve de documents tels que SMS ou courriels obéit aujourd’hui à des règles générales qui peuvent être considérées comme applicables à la recherche de météorites.

Dans le cas où le caractère illicite d’une prospection et d’une prise de possession sans autorisation est avéré, les règles générales du droit français s’appliquent, et notamment celles du droit civil, du droit administratif et du droit pénal.

Une fois l’autorisation obtenue, il n’en faudra pas moins respecter les droits du propriétaire consentant. Ainsi, le fait de creuser le sol pour dégager une météorite volumineuse et lourde, risque de porter atteinte à l’intégrité du terrain. Notamment lorsqu’il s’agit d’un creusement au moyen d’engins mécaniques suivi, lorsque l’objet déterré est très lourd, de moyens de transport susceptibles de détériorer les lieux. L’objectif n’est pas ici le même que dans le cas de fouilles archéologiques (préserver des objets et des informations fragiles), mais de protéger le terrain dont les qualités intrinsèques pourraient se trouver irrémédiablement altérées par les conséquences de la découverte.

L’article 542-1 du Code du patrimoine édicte une interdiction d’utiliser les détecteurs demétaux sans autorisation administrative préalable. Il est raisonnable de transposer cette règle à la prospection des météorites, que ce soit sur des terrains privés ou relevant de la domanialité publique. Cette transposition est d’autant plus indispensable que certains détectoristes peuvent prétendre être à la recherche de météorites pour dissimuler leur quête d’objets archéologiques.

Compte tenu de la publicité souvent donnée aux chutes de pierres tombées du ciel et de la rapidité à laquelle circule l’information, il existe un risque sérieux que des chasseurs de météorites professionnels accourent sur les lieux (comme cela a été le cas à Saint-Pierre-le-Viger en février 2023), devançant les acteurs de la recherche publique, se servent sans trop de scrupules, et notamment sans autorisation, et se livrent à des appropriations illicites, mais discrètes de pierres tombées du ciel. Il serait sans doute excessif de se référer alors à des « pillages ». Mais le résultat de telles actions à visées lucratives a pour résultat de faire sortir du circuit de la recherche publique des pierres dont l’intérêt scientifique ou patrimonial pourrait être très important. Pour limiter ce risque de contournement, il serait certainement opportun de prévoir que les autorités publiques, rapidement informées, disposent du pouvoir de mettre en place une protection et une sécurisation du site de chute. Bien que cet impératif soit moins crucial pour les trouvailles de météorites plus anciennement tombées sur Terre, il pourra être étendu à ces dernières.

Avec un objectif identique, une obligation de déclaration auprès de l’autorité publique pourrait venir compléter le dispositif suggéré ci-dessus. Il s’agit, ici encore, d’éviter qu’une météorite découverte n’échappe à l’attention des chercheurs, les protégeant contre le détournement malencontreux d’un objet qui pourrait être scientifiquement précieux. Un tel dispositif favorisera également l’entrée de la météorite dans la collection nationale, garantissant ainsi son accès à l’ensemble de la communauté des chercheurs et une éventuelle exposition muséale bénéficiant à chaque membre de la communauté nationale.

Le délai de déclaration serait à discuter, et peut-être à préciser dans un décret d’application plutôt que dans une loi proprement dite. Compte tenu des caractéristiques des météorites, dont la qualité s’altère à brève échéance, un délai de deux jours est probablement convenable. On s’inspire ici du Code du patrimoine qui prévoit également une « déclaration immédiate » en cas de découverte de mobilier archéologique.

3) Propriété

On se souviendra ici encore que le but poursuivi par une nouvelle loi serait de préserver les intérêts scientifiques et patrimoniaux économiquement désintéressés de la recherche publique, en les conciliant avec ceux du marché et de ses agents (chasseurs, marchands et collectionneurs privés).

La loi projetée n’aura pas pour but ni ne devra avoir pour effet de remettre en cause la stabilité des règles générales de la propriété mobilière. Elle ne sera pas rétroactive. C’est ainsi que les météorites d’ores et déjà intégrées dans les collections des musées feront toujours partie du domaine public, mobilier des personnes publiques (État, collectivités territoriales, établissements publics) dont dépendent ces musées. Elle ne peut non plus avoir pour conséquence de troubler la possession, muée en prescription acquisitive (« usucapion »), des personnes privées détentrices de météorites. On rappellera qu’en l’état actuel du droit civil français, la possession d’un bien meuble (ce qu’est juridiquement une météorite) équivaut pour son détenteur à un titre de propriété, dès lors que cette possession est continue et non interrompue, paisible et non équivoque. Ceci vaut sans qu’il soit besoin d’un quelconque document écrit à titre de preuve (art. 2276 al. 1 du Code civil).

Sur cette question centrale de la propriété, les options sont nombreuses, comme le suggèrent notamment les choix fort variés des autres États (voir ci-dessus III – A – 3).

En tout cas, c’est en premier lieu à la communauté des chercheurs – et par exemple au Muséum national d’Histoire naturelle, dans sa fonction d’initiative normative et de dépositaire de la collection nationale de météorites – de s’accorder sur une ou des proposition(s) en direction de son ministère de tutelle. Lequel à son tour évaluera, après diverses consultations extrascientifiques et compte tenu de son expérience administrative, l’option qui sera retenue, étant bien compris que d’autres options que celles proposées ici sont certainement possibles. Il se pourrait bien d’ailleurs que des règles incitatives, motivant tous les acteurs à rechercher des météorites, soient préférables à des règles plus strictes.

Enfin, il ne faut évidemment pas négliger l’importance des éventuels apports au texte à vocation législative résultant des débats parlementaires. Ceux-ci peuvent se révéler fructueux au sein des deux Assemblées, tant en commission qu’en séance plénière.

Sur la question toujours sensible, en France, du droit de la propriété privée, les prises de position de principe des différents groupes parlementaires peuvent aboutir à de sensibles modifications du texte initial. Et il est bien difficile de prévoir précisément quelle(s) solution(s) de compromis pourrai(en)t émerger des débats au sein des chambres, en espérant que gouvernement, députés et sénateurs resteront sensibles à l’intérêt national de la recherche publique.

Les options possibles en matière d’attribution législative du droit de propriété d’une météorite suggèrent quelques observations :

Une première option consiste à qualifier la météorite de « trésor national51 ». Cette proposition est inspirée, par extension, de l’article L. 111 – 5° du Code du patrimoine. En pareil cas, la météorite découverte appartient à l’État.52 Cela conduit à trois observations importantes. La première est que le découvreur (« l’inventeur », dans le langage de l’art. 716 du Code civil) est en quelque sorte évincé : quel intérêt aura donc un chasseur de météorite, ou le propriétaire privé d’un terrain sur lequel elle est tombée d’en signaler l’existence ? Peut-être faut-il le récompenser pour sa collaboration à la recherche publique, en lui versant une prime ou une indemnité qui corresponde à la valeur marchande de l’objet. Sans un pareil encouragement, ces auxiliaires des chercheurs risqueraient fort d’être découragés, alors qu’ils sont, en pratique d’une certaine utilité ! Car il est bien évident que toutes les personnes ne sont pas également sensibles à l’importance de la recherche scientifique et à la défense de l’intérêt public…

La deuxième observation touche à la structure même de la géographie politique et administrative française. Au cas où une météorite serait découverte sur le domaine public d’une commune, il se pourrait bien qu’elle souhaite en revendiquer la propriété, au nom du principe de l’autonomie qui leur est constitutionnellement reconnu (art. 72 de la Constitution – art L 2112-1 du Code général de la propriété des personnes publiques53). Et qu’alors s’ouvre un litige entre ladite commune et l’État, dont la solution pourrait être très incertaine : faudrait-il faire prévaloir la propriété étatique ou la propriété communale ? Beau débat en perspective !

La dernière observation concerne les caractéristiques intrinsèques de la pierre découverte. Il n’est en effet pas certain que toute météorite présente un grand intérêt scientifique : la plupart des nouvelles météorites appartiennent à des catégories déjà bien connues et répertoriées. Les cinq dernières météorites trouvées en France font par exemple partie du groupe des chondrites ordinaires métamorphisées dont on possède de nombreux spécimens et qui ne sont pas les plus intéressantes pour la recherche scientifique54. En pareil cas, une labellisation en tant que « trésor national » ne serait guère utile pour les chercheurs. Et elle représenterait probablement en pratique une contrainte administrative lourde. Cela impliquerait évidemment une série d’analyses préalables, en vue de déterminer si l’objet en cause présente (ou non) un « intérêt scientifique majeur. »

Une autre option serait de prévoir que la météorite découverte devienne la propriété partagée, à parts égales, entre l’État et le propriétaire foncier du lieu de la découverte.

L’inspiration est ici l’ancien article L. 523-14 du Code du patrimoine, en matière d’archéologie préventive, aujourd’hui abrogé. Une telle détermination du régime de propriété aurait pour inconvénient de mettre « hors-jeu » le découvreur, qui ne serait donc pas récompensé. Alors peu motivé, il serait sans doute assez fortement tenté de conserver par-devers lui sa découverte, la météorite étant alors irrémédiablement détournée des circuits de la recherche. Le partage de la propriété, l’appréciation de la valeur pécuniaire, la décision de prêter, de vendre la météorite poseraient probablement des problèmes pratiques plutôt compliqués.

Une troisième option pourrait consister à reconnaître une propriété partagée entre trois protagonistes intéressés : le propriétaire foncier du lieu de la découverte, le découvreur, et l’État. Une telle solution de propriété partagée à trois a l’apparence de l’équité, ou en tout cas pourrait apparaître comme une honorable solution de compromis. On ne doit pas cependant cacher la complication pratique des aménagements indispensables pour faire fonctionner convenablement un tel partage.

Dans tous les cas de propriété partagée, il faudrait probablement en effet rédiger un acte officiel qui décrirait avec précision les droits respectifs de chaque propriétaire. Cela pourrait ne pas être simple.

Si la solution qui consiste à partager le spécimen à parts égales entre le propriétaire foncier, le découvreur, et l’État semble la plus simple, on peut aussi envisager une solution qui concèderait 20 % de la masse à l’État, dans la ligne de la pratique mise en place par la Meteoritical Society pour la classification des météorites, et 40 % aux deux autres protagonistes.

Une quatrième option serait de prévoir une propriété partagée, à parts égales, entre le propriétaire foncier du lieu de la découverte et le découvreur.

Une telle disposition reviendrait à transposer en matière de météorite la règle générale existante pour les trésors (art. 716 du Code civil). Mais alors, dans le cas où la pierre tombée du ciel est découverte dans une propriété privée, elle pourrait échapper à la curiosité scientifique des chercheurs.

D’une manière générale les solutions de propriété partagée ne sont pas faciles à organiser et à mettre en œuvre. La solution de la propriété publique est, à tout prendre, la plus commode, et dans un monde idéal, la plus désirable. Mais nous sommes réalistes et sommes conscients que la mise à l’écart des chasseurs de météorites aurait, en pratique des conséquences néfastes et que, même si on peut le regretter, il est toujours difficile, en France, de porter atteinte au droit de propriété.

Une cinquième option pourrait privilégier un critère géographique et territorial, et prévoir donc la propriété pleine et entière au propriétaire foncier du lieu de la découverte.

En pareil cas, le découvreur serait totalement évincé, et les chercheurs pourraient se voir privés de l’accès à la météorite qui n’aurait pas été découverte dans le périmètre d’une propriété publique.

Une sixième option attribuerait la propriété au seul découvreur. Cette solution aurait certainement la faveur des chasseurs de météorites. Dans un pays où la propriété privée fait partie de la culture nationale, le législateur n’est probablement pas prêt à consacrer une telle disposition. Il est également évident que l’intérêt de la recherche publique pourrait se voir aussi totalement ignoré.

On est bien conscient que l’imagination des juristes pourrait faire jaillir d’autres propositions, comme l’indivision, le démembrement entre la nue-propriété et l’usufruit, la propriété fractionnée, ou encore la jouissance à temps partagé (multipropriété). Le faisceau des six suggestions qui précèdent suffit cependant à balayer sinon le champ des solutions possibles, en tout cas celui des probables…

L’attribution du droit de propriété est incontestablement un élément essentiel d’un texte législatif portant sur les météorites. Mais on se souvient aussi que le Conseil constitutionnel admet, dans sa jurisprudence, que des atteintes puissent être portées à l’exercice du droit de propriété privée à condition qu’elles soient justifiées par des motifs d’intérêt général55. En suivant cette ligne, il est certainement pertinent, en vue de préserver la curiosité scientifique des chercheurs, de proposer trois limitations à la propriété présentées ci-dessous.

Quelle que soit la solution adoptée, une météorite découverte sur le territoire français devrait pouvoir être immédiatement prêtée aux instances de la recherche publique pendant le temps nécessaire à son analyse scientifique. On propose donc ici une dissociation de la question de la propriété de celle d’une détention temporaire au bénéfice d’une institution publique à des fins de recherche. Le Muséum national d’Histoire naturelle, dépositaire de la collection nationale des météorites, paraît tout indiqué pour réceptionner un tel prêt et procéder ou faire procéder aux investigations qu’il juge nécessaires.

Si la pierre est sécable, un échantillon significatif, selon les standards scientifiques internationaux, pourra suffire pour le prêt. La restitution au propriétaire est de droit, la météorite étant diminuée d’un éventuel prélèvement. Des prescriptions pourront être formulées quant à sa bonne conservation. Ces prescriptions devraient pouvoir ouvrir droit à indemnité, si elles nécessitent des dépenses spécifiques. L’ensemble de ce dispositif législatif est directement inspiré de l’article R 541-5 du Code du patrimoine.

On notera que l’on est ici très éloigné des prêts pour exposition muséale, qui peuvent être source de revenus pour les propriétaires d’objets d’art. Il n’est donc pas pertinent de prévoir une indemnisation pour le prêt proprement dit : la privation temporaire de jouissance n’a d’autre raison d’être que la considération de l’intérêt public de la recherche fondamentale.

Toutes les pierres tombées du ciel ne sont pas identiques en ce qui concerne leur valeur scientifique : dans la plupart des cas, elles sont relativement banales et ont déjà été collectées en un grand nombre d’exemplaires. Mais certaines météorites présentent, dès les premières analyses, des caractéristiques remarquables. On proposera qu’en pareil cas, après avis d’une commission d’experts scientifiques, celles-ci puissent faire l’objet d’une appropriation publique, au terme d’une procédure qui restera exceptionnelle.

Il est ainsi proposé d’introduire une classification légale inédite entre deux catégories juridiques de météorites, classification initiée par un collège d’experts. La question de l’indemnisation du propriétaire doit être débattue. Il n’est pas interdit d’envisager un dédommagement, dans un esprit comparable à celui qui prévaut en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. Cela permettrait sans doute de ne pas décourager les chasseurs de météorites privés, qui peuvent parfois se révéler, on l’a déjà fait remarquer, de précieux auxiliaires des réseaux de chercheurs.

Dans la pratique d’aujourd’hui, il existe de multiples sites Internet de vente de météorites. Il peut même arriver qu’un collectionneur choisisse de disperser sa collection dans le cadre d’une vente aux enchères. S’il se révélait qu’une de ces pierres mise dans le commerce pourrait être digne d’intérêt, un droit de préemption au bénéfice de l’État, serait très utile. Sa mise en œuvre permettrait un enrichissement de la collection nationale, et par suite un approfondissement de la recherche.

Pour conclure provisoirement sur la question de la propriété, on insistera sur la nécessité de procéder à un choix dans l’éventail de toutes les possibilités. Sans perdre de vue que les trois dispositifs de limitation de la propriété privée proposés ci-dessus56 devraient être institués en vue de protéger la recherche dans ce domaine si particulier de l’astrophysique, au prix d’une restriction du droit de propriété pour des motifs d’intérêt public.

4) Conservation et dépôt, sortie du territoire

Le statut général des collections publiques est d’une grande complexité, obéissant à des règles variées selon les objets conservés. Le Muséum national d’Histoire naturelle, en particulier, a une expérience dans la très longue durée, à laquelle une loi nouvelle ne saurait efficacement porter atteinte.

Une disposition législative sur la question de la conservation et du dépôt est cependant nécessaire, même si elle n’est pas originale, dans la mesure où une loi nouvelle aurait pour ambition de mettre en exergue le statut des météorites dans sa cohérence d’ensemble.

Une disposition relative à la sortie du territoire ne peut elle aussi, être totalement éludée. Le motif de sortie du territoire peut être – entre autres – un prêt pour recherche scientifique par une équipe de recherche étrangère, une mise à disposition temporaire en vue d’une exposition, une exportation pour des motifs de commerce… Certes le volume, la taille d’une météorite font que ces objets peuvent être souvent cachés, et ainsi pratiquement soustraits à un contrôle aux frontières. Les risques de fraude et de contrebande ne sont donc pas négligeables. Il n’y a pas cependant là de raison suffisante pour s’abstenir d’encadrer juridiquement la sortie du territoire.

On pourrait utilement s’inspirer de l’article L. 111-2 du Code du patrimoine. Mais il ne paraît pas très utile de règlementer l’exportation de météorites ordinaires, qui peuvent demeurer des objets de commerce sur un marché libre, aujourd’hui mondialisé. Cela devrait être différent pour celles qui ont été labellisées selon une procédure officielle qui reconnaît leur intérêt scientifique majeur : elles devraient être soumises à une rigoureuse autorisation de sortie assortie de garanties de retour, dans l’esprit de l’article du Code du patrimoine cité ci-dessus, qui régit le régime de circulation des biens culturels.

Annexe 1
Avant-projet d’articles de loi sur les météorites découvertes en France

Article 1er – Principe

Les météorites, pierres tombées du ciel, sont des choses d’intérêt scientifique, culturel et historique pouvant faire l’objet d’une appropriation publique ou privée.

Au sens de la présente loi, le terme « météorite » désigne une météorite dans son entièreté et ses fragments.

Titre 1 – De la découverte des météorites

Article 2 – Nature de la prospection

La prospection des météorites consiste en la recherche de ces objets, qu’il se trouvent à la surface du sol ou qu’ils soient enfouis dans celui-ci.

La prospection concerne tant la découverte de météorites de chute récente que la trouvaille de celles qui sont le résultat de chutes anciennes.

Article 3 – Autorisation de prospection

Toute personne ou institution qui mène une activité de prospection de météorite doit obtenir l’autorisation du ou des propriétaires des fonds, terrains et propriétés prospectés.

L’autorisation de prospection peut être orale, notamment en cas d’urgence. Elle doit être confirmée par écrit dès que possible.

À défaut d’autorisation écrite, la possession de la météorite découverte est réputée illicite.

Article 4 – Modes de prospection

Nul ne peut procéder, pour rechercher des météorites, à des fouilles avec creusement du sol, sauf à y avoir été expressément autorisé par le ou les propriétaires des fonds, terrains et propriétés prospectés.

Nul ne peut utiliser du matériel permettant la détection d’objets métalliques, à l’effet de recherches de météorites, sans avoir au préalable obtenu une autorisation administrative délivrée en fonction de la qualification du demandeur ainsi que de la nature et des modalités de la recherche.

Article 5 – Protection de la zone de chute

En cas de chute sur le territoire national ou sur une zone sous juridiction nationale, les autorités compétentes pourront prendre toutes les mesures nécessaires en vue de protéger et de sécuriser le site probable de la chute, selon les estimations des experts scientifiques concernés.

Article 6 – Obligation de déclaration

Toute découverte d’une météorite doit faire l’objet d’une déclaration immédiate en mairie ou auprès de toute autre autorité territorialement compétente.

Le Préfet ou le représentant de l’État est avisé et transmettra sans délai la déclaration à l’autorité chargée de la recherche publique en matière de météorites.

Titre 2 – De la propriété des météorites

Article 7 – Règles de propriété

Variante 1 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est un trésor national appartenant à l’État.

Variante 2 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi relève du patrimoine commun de la nation et appartient à l’État.

Variante 3 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est une chose commune relevant du patrimoine commun de la nation et appartient à l’État.

Variante 4 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est réputée être la propriété partagée, à parts égales, entre l’État et le propriétaire foncier du lieu de la découverte.

Variante 5 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est réputée être la propriété partagée, à parts égales, du propriétaire foncier du lieu de la découverte, du découvreur et de l’État.

Variante 6 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est réputée être la propriété partagée, à parts égales, du propriétaire foncier du lieu de la découverte et du découvreur.

Variante 7 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est réputée être la propriété du propriétaire foncier du lieu de la découverte.

Si le découvreur n’est pas le propriétaire foncier, une convention [préalable à la prospection] entre eux peut déterminer les conditions particulières d’un partage de propriété.

Variante 8 – Toute météorite découverte après l’entrée en vigueur de la présente loi est réputée être la propriété du découvreur.

Article 8 – Obligation de prêt pour étude scientifique
Toute météorite découverte sur le territoire national ou sur une zone sous juridiction nationale fera l’objet d’un prêt, sur demande, immédiatement après sa découverte, à l’autorité compétente en matière de recherche publique.

Selon les nécessités de l’étude scientifique, ce prêt portera sur la météorite dans son entièreté ou sur un échantillon significatif [déterminé selon les standards internationaux en vigueur].

Le prêt est à titre gratuit.

La météorite est restituée à son propriétaire à l’issue de son étude scientifique, sous réserve des dispositions de l’article 9 alinéa 2 de la présente loi. Elle peut faire l’objet, lors de la restitution, de prescriptions destinées à assurer sa bonne conservation. Les sujétions normales qui peuvent en résulter sont compensées par une indemnité. À défaut d’accord amiable, l’action en indemnité est portée devant le juge judiciaire.

Article 9 – Appropriation publique

La reconnaissance de l’intérêt scientifique remarquable d’une météorite est constatée par un acte de l’autorité administrative, sur avis d’une commission d’experts scientifiques. Celle-ci se prononce au plus tard six mois après la déclaration de la découverte prévue à l’article 6 de la présente loi.

Dès lors qu’une météorite a fait l’objet de la procédure de reconnaissance de son intérêt scientifique prévue à l’alinéa précédent, cela emporte son appropriation au bénéfice de l’État, quel qu’en soit auparavant le propriétaire.

Une juste indemnisation sera attribuée en compensation.

Cette appropriation publique peut être contestée pour défaut d’intérêt scientifique de l’objet devant le juge administratif dans les délais règlementaires courant à compter de l’acte de reconnaissance. Le même juge sera compétent pour trancher les litiges en matière d’indemnisation.

Article 10 – Droit de préemption

Sont applicables, en cas de vente de gré à gré ou de vente publique d’une météorite, les dispositions des articles L123-1 et L 123-3 du Code du patrimoine prévoyant un droit de préemption au bénéfice de l’État.

Titre 3 – De la conservation, du dépôt et de la sortie du territoire

Article 11 – Conservation et dépôt

La présente loi ne porte pas atteinte aux dispositions en vigueur en matière de conservation et de dépôt des météorites.

Article 12 – Sortie du territoire

Variante 1 – L’exportation temporaire ou définitive hors du territoire national d’une météorite dont l’intérêt scientifique remarquable est reconnu selon les dispositions de l’article 9 alinéa 1 de la présente loi est subordonnée à l’obtention d’un certificat délivré par l’autorité administrative.

À titre dérogatoire et sous condition du retour obligatoire de la météorite sur le territoire douanier, le certificat peut n’être pas demandé lorsque l’exportation temporaire a pour objet une expertise scientifique ou la participation à une exposition. Dans ce cas, l’exportation temporaire est subordonnée à la délivrance par l’autorité administrative d’une autorisation de sortie temporaire.

Variante 2 – Dès lors qu’une météorite est la propriété d’une personne publique, l’exportation temporaire ou définitive hors du territoire national est régie par les dispositions des articles L111 -1 et suivants du Code du patrimoine.

Article 13 – Disposition finale

Les modalités d’application de la présente loi sont fixées par décret en Conseil d’État.

Annexe 2 – Jurisprudence : texte des jugements

Météorite de Saint-Christophe
• Jugement du Tribunal de Bourbon-Vendée
• du 10 septembre 1842

Météorite de Lançon
• Jugement du Tribunal civil d’Aix-en-Provence
• du 17 janvier 1898

Météorite de Mont Dieu
• Jugement du Tribunal de Grande Instance de Charleville-Mézières
• du 18 avril 2014

N.B. – Nous ne sommes pas parvenus à nous procurer le jugement du tribunal d’Issoudun relatif à la météorite de la Bécasse (juillet 1879). Les archives dudit tribunal sont conservées aux archives départementales de l’Indre qui, à la suite d’une enquête approfondie, ont déclaré perdues les archives correspondant à cette période.

Météorite de Saint-Christophe la Chartreuse
Jugement du Tribunal de Bourbon-Vendée du 31 août 1842

« Considérant que la pierre dont il s’agit au procès est un aérolithe qui, évidemment avant sa chute sur notre globe n’était la propriété de personne, et que Vollard, qui ne prétend point en avoir jamais eu la détention réelle, la réclame à titre d’accession comme propriétaire de la portion du sol que la pierre en tombant a touchée, et sur laquelle elle est demeurée fixée ;

« Considérant que Mercier, sans reconnaître ce dernier fait, qu’il dénie au contraire, soutient qu’il est indifférent au procès, puisque la pierre n’ayant, avant sa chute, appartenu à personne, doit appartenir, selon lui, au premier occupant, ou à l’inventeur au lieu et place duquel il se met, ainsi qu’il vient d’être dit ;

« Considérant, en droit, que notre législation actuelle reconnaît comme la législation romaine, l’existence de choses qui n’ont jamais eu de maître, ou dont le maître n’est pas connu ;

« Considérant que, parmi ces choses, le plus grand nombre est susceptible d’une propriété privée qu’il faut donc rechercher a priori à qui cette propriété doit être attribuée, toutefois, lorsqu’il s’agit d’un objet perdu, la restitution au premier maître qui se fait connaître avant le temps requis pour la prescription ;

« Considérant que la première idée qui se présente, c’est que les choses doivent appartenir au premier qui les a trouvées et s’en empare c’est le droit d’occupation, celui qui doit, dans l’ordre naturel, avoir précédé tous les autres, droit dont l’état social a dû modifier l’exercice, et restreindre, dans certains cas, les effets, mais sans jamais l’abolir complètement, ainsi que le prouve l’attribution faite, sans difficulté, au chasseur et au pêcheur de la propriété des animaux sauvages et poissons qu’il a tués ou pris, même sur le terrain d’autrui, pourvu que ces animaux fussent dans leur état de liberté native, que les dispositions légales qui excluent ce moyen d’acquérir pour les animaux captifs ou apprivoisés en quelque sorte, et fixés sur le sol où ils ont adopté la retraite que l’homme leur a préparée, sont elles-mêmes une confirmation de ce droit, puisqu’elles reposent évidemment sur une occupation première, manifestée, autant qu’il est possible, par la construction des ruches, colombiers, garennes ou étangs, dans lesquels ces animaux se retirent ou sont retenus ;

« Considérant que la seule modification importante apportée à ce droit est relative aux immeubles, qui sont, sans difficulté, attribués à l’État, et cela pour éviter les querelles incessantes que pourrait occasionner la prise de possession de ces objets, possession qui, ne pouvant être matérielle, serait sujette à de graves débats qui ne sont pas autant à redouter à l’égard des meubles, dont la possession n’est presque jamais que le résultat d’une détention effective et annuelle que c’est en ce sens qu’il faut entendre ce que certains orateurs du Gouvernement ont dit de la suppression du droit d’occupation ;

« Considérant que la seule exception plausible par laquelle on puisse combattre, dans l’intérêt d’un particulier, ce droit de premier occupant, est celle résultant du droit d’accession, par suite duquel on prétend, comme le fait Vollard, que l’objet vacant et sans maître devient la propriété de celui sur le sol duquel il est trouvé ;

« Considérant que, pour apprécier le mérite de cette exception il faut bien se fixer sur la valeur des termes dont s’est servi le législateur, en disant que le droit d’accession est le droit du propriétaire sur tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose ;

« Considérant que ces mots s’unit et s’incorpore ne peuvent raisonnablement s’entendre d’une simple superposition, mais bien d’une cohésion qui ne fait qu’un seul et même objet de l’accessoire et du principal, cohésion telle qu’il résulte une augmentation de valeur permanente ou périodique tant qu’elle subsiste, et qu’on ne puisse faire cesser sans que cette valeur ne soit plus ou moins sensiblement diminuée ;

« Considérant que ces conditions, qui paraissent essentielles pour constituer le droit d’accession, ne se rencontrent aucunement dans l’espèce, car on ne peut pas dire que l’aérolithe dont il s’agit se soit unie et incorporée au champ de Vollard de façon à ne faire qu’un seul tout avec lui, et en ait, en quoi que ce soit, augmenté la valeur intrinsèque ni les produits périodiques ;

« Considérant qu’à la vérité on doit reconnaître que les pierres des carrières ou autres qui se trouvent dans un champ en sont l’accessoire, parce que ces pierres, faisant partie intégrante de notre globe, avec lequel et pour lequel elles ont été créées dès le principe, font aussi, par voie de conséquence, partie des champs sur lesquels elles ont été placées, mais qu’on ne peut en dire autant de l’aérolithe qui est d’une nature toute différente et étrangère à la terre, où elle n’est arrivée que par suite d’un accident qui l’a précipitée du lieu de son origine ; que cette aérolithe ne s’identifie pas plus avec le terrain sur lequel elle est tombée que ne le ferait une montre ou tout autre objet précieux ou non qu’un voyageur y aurait perdu, et jamais personne n’a prétendu qu’un objet de cette nature fût uni par voie d’accession au champ sur lequel il a été trouvé ;

« Considérant qu’une pareille prétention aurait pour résultat de détruire complètement le droit d’inventeur qui est reconnu par nos lois, et s’exerce sur toutes choses vacantes et sans maîtres, soit qu’on attribue la propriété à l’inventeur, soit qu’on l’attribue à l’État, si, contre la décision ministérielle du 3 août 1825, on y veut faire régir ce droit d’inventeur par les dispositions des articles 3 de la Loi du 1er décembre 1750, 539 et 713 du Code civil.

« Considérant que, envisagé sous ce dernier point de vue, la demande du sieur Vollard ne serait pas mieux fondée, puisqu’il n’aurait aucun droit à réclamer entre les mains d’un tiers un objet dont la propriété appartiendrait à l’État ;

« Considérant que la distinction que l’on veut faire entre les choses qui n’ont jamais eu de maître et celles qui ont été perdues est sans fondement, car dès que le maître de la chose perdue ne se représente pas, après les formalités remplies et le temps accordé pour qu’il se fasse connaître, la chose rentre dans la classe de celles qui n’ont appartenu à personne, et doit être régie par les mêmes principes ;

« Considérant que ce serait avec aussi peu de fondement l’on soutiendrait que l’on ne peut acquérir, par droit d’occupation, la propriété de l’objet trouvé sur le terrain d’autrui, parce que l’introduction sur ce terrain est une sorte de délit, ou tout au moins un quasi-délit, qui ne peut servir de base légitime à l’acquisition de la propriété ;

« Considérant en effet qu’il est impossible d’assimiler raisonnablement à une violation de domicile, ou à l’introduction clandestine dans la maison d’un citoyen, l’action, fort innocente en elle-même, d’entrer dans un de ses champs non clos, et en dehors de son habitation, tant qu’il n’a point manifesté l’intention de s’y opposer ;

« Par ces motifs, le Tribunal déclare la demande de Vollard mal fondée. »

Source : Alfred Lacroix (1906), « La météorite de Saint-Christophe-La-Chartreuse », Bulletin de la Société des sciences naturelles de l’Ouest de France, 2e série, t. VI, p. 84‑88.

Météorite de Lançon
Jugement du Tribunal civil d’Aix-en-Provence du 17 janvier 1898

L’aérolithe qui, tombant du ciel, s’est enfoncé dans un champ, est réputé s’être incorporé à la terre au point où il est tombé et en être devenu l’accessoire (1) ; Dès lors, par application des arr. 346 et 51 c. civ., il appartient par voie d’accession au propriétaire du champ ; le fermier de ce champ et celui qui le premier a découvert l’aérolithe ne peuvent en réclamer la propriété (2).

(Toche C. Descordes et Lejean.) – JUGEMENT.

LE TRIBUNAL ; – Attendu que Toche, réclame à Descordes ; fermier du domaine du Pommier, sis à Lançon, la restitution ; sous les peines de droit et avec dommages – intérêts, d’un aérolithe qu’il aurait trouvé pendant qu’il travaillait à sa moisson pour le compte dudit Descordes ; – Attendu que le défendeur a reconnu qu’il est en possession de cette pierre météorite, mais a dénié au demandeur la qualité d’inventeur dont ce dernier se prévaut. ; – Attendu que Lejean, propriétaire du Pommier, est intervenu dans l’instance, en prétendant que l’objet en question est sa propriété par droit d’accession ; – Attendu qu’il ressort des explications qui ont été fournies par Toche que la pierre n’était pas à ras le sol au moment où il l’a aperçue le premier, mais qu’elle y était enfoncée à une profondeur d’environ 50 centimètres ; – Attendu que, si l’on tient ce fait pour exact en l’absence de toute autre donnée, il faut admettre, par voie de conséquence, que le météorite s’est incorporé à la terre au point où il est tombé, et en est devenu l’accessoire ; – Attendu qu’aux termes des art. 546 et 551 c. civ., tout ce qui s’unit et s’incorpore à la chose, soit naturellement, soit artificiellement, de quelque manière que ce soit, appartient au propriétaire, suivant certaines règles ; Attendu que ce principe doit recevoir son application dans l’espèce, bien que le cas spécial ou des cas similaires n’aient pas été compris dans la réglementation établie par les art. 552 et suiv. ; en effet, le législateur, se préoccupant avant tout de circonstances qui se produisent d’ordinaire, a procédé à une énumération qui ne peut être limitative, et a laissé en dehors, en les soumettant au droit commun, tels faits exceptionnels dont l’appréciation a échappé à sa prévision ; – Attendu que c’est le cas, par suite, de débouter le demandeur Toche des fins de sa demande et d’accueillir les fins prises par l’intervenant ; – Attendu qu’il est juste de laisser à la charge de Toche les frais faits par lui, et de mettre les autres dépens à la charge de Descordes, qui succombe ;

Par ces motifs ; – Reçoit Lejean dans son intervention et y faisant droit ; – Dit que l’aérolithe tombé au mois de juin dernier dans son domaine du Pommier est sa propriété, et que le sieur Descordes sera tenu de le lui restituer, etc.

Du 17 janv. 1898. – Trib. civ. d’Aix. – M. Schoell, pr.

(1 et 2) Du moment où l’aérolithe s’est enfoncé dans la terre, il est naturel de considérer qu’il est devenu comme l’accessoire de celle – ci, et en conséquence, qu’il appartient au propriétaire du sol, conformément aux dispositions des articles 546 et 551 du Code civil. La question serait très délicate si on supposait que l’aérolithe est demeuré à la surface du sol ; en ce cas ne constituerait – il pas une res nullius, dont la propriété devrait appartenir par voie d’occupation à l’inventeur ?

Source : Jurisprudence générale, deuxième partie, 1898, p. 507-508. Disponible sur Gallica.

Météorite de Mont Dieu
Jugement du Tribunal de Grande Instance de Charleville-Mézières du 18 avril 2014

Exposé du litige

Le 23 juin 2010, Monsieur Jean-Luc Billard a trouvé une météorite dans la forêt domaniale de MONT-DIEU (Ardennes).

Par courrier du 26 juin 2010, il a prévenu le Conseil Général des ARDENNES, la Mairie du MONT-DIEU et la préfecture des ARDENNES de sa découverte.

Le 7 juillet 2010, le Préfet des ARDENNES a annoncé à Monsieur BILLARD que la météorite était propriété de l’État.

Monsieur BILLARD a contesté cette décision.

Le 18 octobre 2011, il a saisi le Tribunal administratif de CHALONS EN CHAMPAGNE qui s’est déclaré incompétent.

Par acte d’huissier en date du 6 juin 2012, Monsieur BILLARD a fait assigner le Préfet des ARDENNES devant le Tribunal de Grande Instance de CHARLEVILLE-MEZIERES aux fins d’entendre juger qu’il était le propriétaire de la météorite et de voir ordonner au Préfet la restitution de cette météorite.

Par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 14 janvier 2014, Monsieur BILLARD sollicite du Tribunal de :

– dire et juger qu’il est légitimement propriétaire de la météorite découverte le 23 juin 2010 ;
– ordonner à Monsieur le Préfet des ARDENNES de lui restituer sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;
– ordonner l’exécution provisoire du jugement à venir ;
– condamner Monsieur le Préfet des ARDENNES au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

À l’appui de ses prétentions, il soutient que l’article 716 n’est pas applicable aux faits de l’espèce et que la météorite n’est pas un trésor. Il fait valoir qu’il s’agit d’une res nullius et se prévaut de l’article 2276 du Code civil. Il fait valoir que sa possession de la météorite répond aux conditions de l’article 2261 du Code civil. Il affirme qu’il disposait d’une autorisation pour fouiller la forêt.

Par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 29 novembre 2013, le Préfet des ARDENNES s’oppose aux demandes de Monsieur BILLARD et sollicite du Tribunal de constater que l’État est légitimement propriétaire de la météorite et de condamner Monsieur BILLARD à la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés directement par la SCP RAHOLA DELVAL CREUSAT.

À l’appui de ses prétentions, il soutient que la notion n’est pas applicable. Il affirme que la possession de Monsieur BILLARD ne présente pas les qualités de régularité telles qu’elle résulte de l’article 226. Il fait valoir que Monsieur BILLARD n’avait pas l’autorisation de fouiller.L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 février 2014 et l’affaire renvoyée à l’audience de plaidoiries du 7 mars 2014. Elle a été mise en délibéré au 18 avril 2014.

Motifs de la décision

Sur la propriété de la météorite

Les parties s’accordent sur le fait que la météorite litigieuse n’est pas un trésor et que les dispositions de l’article 716 du Code civil ne sont en conséquence pas applicables pour déterminer qui en est le propriétaire. Monsieur BILLARD soutient que la météorite est une res nullius. Cette qualification ne fait pas l’objet d’une véritable contestation de la part du Préfet des ARDENNES qui conteste les qualités de la possession dont se prévaut Monsieur BILLARD.

La météorite, produit tombé du ciel, est bien une chose sans maître.

Aux termes de l’article 2276 du Code civil, en fait de meubles, possession vaut titre.

L’article 2261 du Code civil dispose que pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire.

En matière de possession mobilière, les qualités de la possession s’apprécient au jour de l’entrée en possession.

Le Préfet des ARDENNES soutient que la possession de Monsieur BILLARD serait équivoque. Il se prévaut à cet égard de l’article R.58.1 du code du Domaine de l’État indiquant que l’extraction de matériaux sur le domaine public maritime ou fluvial est subordonnée à une autorisation domaniale.

Ce texte, qui concerne exclusivement le domaine public maritime ou fluvial, n’est pas applicable à l’espèce.

Le Préfet des ARDENNES invoque également l’article L. 542-2 du Code du patrimoine aux termes duquel l’utilisation de matériel permettant la détection d’objets métalliques est subordonnée à l’obtention d’une autorisation administrative. Cependant ce texte vise expressément la recherche de « monuments ou objets pouvant intéresser la préhistoire, l’histoire, l’art ou l’archéologie ».

Ce texte n’est donc pas applicable à la recherche d’une comète.

Il ressort des documents produits par Monsieur BILLARD qu’il avait obtenu une autorisation verbale de rechercher les restes d’une météorite dans la forêt de Mont‑Dieu.

Les démarches de Monsieur BILLARD étaient donc publiques. Il ressort également des pièces produites aux débats qu’il a informé le Préfet des ARDENNES de sa découverte par courrier du 26 juin 2010, soit trois jours après cette découverte.

La possession de Monsieur BILLARD était donc publique et non équivoque.

Il s’en déduit que Monsieur Jean-Luc BILLARD est propriétaire de la météorite découverte le 23 juin 2010.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, DIT que Monsieur BILLARD est propriétaire de la météorite qu’il a découverte le 23 juin 2010 dans la forêt domaniale de MONT-DIEU (ARDENNES).

ORDONNE à Monsieur le Préfet des ARDENNES de restituer la météorite à Monsieur Jean-Luc BILLARD sous astreinte de 100 euros (CENT EUROS) par jour de retard passé un délai d’un mois à compter de la signification du jugement et pour une durée de deux mois, à l’expiration desquels il pourra à nouveau être statué,

ORDONNE l’exécution provisoire du jugement,

CONDAMNE le Préfet des ARDENNES à payer à Monsieur Jean-Luc BILLARD la somme de 1 000 euros (MILLE EUROS) au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE le Préfet des ARDENNES aux entiers dépens

AINSI JUGE ET PRONONCE par mise à disposition du jugement au greffe de la première chambre civile le 18 avril 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du Code de procédure civile, la minute étant signée par Madame VERNIMONT, Vice-Président, et Madame LUCA, greffier.

Source : Monnaies et détections, n° 74, 2014, p. 19-20

Remerciements

Le professeur Thierry di Manno, Directeur du Centre de droit et de politique comparés Jean-Claude Escarras (Faculté de Droit de Toulon), trouvera ici tous nos remerciements amicaux pour ses éclairantes observations sur la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ces remerciements vont également au professeur Maryse Baudrez, ancienne directrice du Centre, dont la relecture vigilante fut des plus précieuses. Ils s’étendent aux Drs Emmanuel Jacquet (MNHN) et Jérôme Gattacceca (CNRS CEREGE) pour leur relecture attentive du manuscrit et leurs suggestions qui ont considérablement amélioré la présente contribution, ainsi qu’au Dr Marie Cornu (CNRS, ENS Paris-Saclay & Université Paris-Nanterre) qui a ouvert d’éclairants parallèles avec le doit applicable à d’autres biens culturels.


1 M. Gounelle, Météorites, 2e éd., Paris, PUF [Coll. Que Sais-Je ?], 2017.

2 M. Gounelle, « Le fer avant le fer – usage et mésusage des sidérites », in J.-D. Vigne et al. (éd.), La Terre, le vivant, les humains. Petites et grandes découvertes de l’histoire naturelle, Paris, La Découverte, 2022, p. 75.

3 Nous employons cet adjectif littéralement. Sans préjuger de leur origine, c’est bien du ciel que l’on voit arriver les météorites.

4 M. V. Almansa-Villatoro, « The Cultural Indexicality of the N41 Sign for bjȝ: The Metal of the Sky and the Sky of Metal », The Journal of Egyptian Archaeology, vol. 105 (1), 2019, p. 73.

5 M. Gounelle « Comment les chutes de météorites sont-elles devenues une “vérité” scientifique », in O. Guerrier (éd.), La vérité, Saint-Étienne, Presses universitaires de Saint-Étienne, 2019, p. 73.

6 On donne aux météorites le nom du toponyme le plus proche du lieu de leur découverte. Cette règle vaut à la fois pour les chutes observées et les trouvailles (météorites trouvées fortuitement ou dans le cadre de recherches systématiques).

7 E. de Drée « Suite des recherches sur les masses minérales dites tombées de l’atmosphère sur notre globe », Journal de Physique, de Chimie et d’Histoire naturelle, vol. 56, 1803, p. 405.

8 www.vigie-ciel.org

9 F. Colas et al., « FRIPON: a worldwide network to track incoming meteoroids », Astronomy & Astrophysics, 2020, vol. 644, A53.

10 Comme on le sait, on distingue les bons des mauvais chasseurs. Les premiers sont des collectionneurs passionnés et éclairés qui entretiennent de bonnes et anciennes relations avec les scientifiques. Les seconds sont motivés uniquement par le goût du lucre.

11 E. Jacquet, Les météorites et leurs secrets, Paris, Ellipses, 2017.

12 M. Golia, Meteorite: Nature and Culture, London, Reaktion Books, 2015.

13 Nous suivons en cela les recommandations faites par l’UNESCO en 1965 dans le rapport de la deuxième session du groupe de travail sur les météorites réuni à Paris du 18 au 20 octobre.

14 P.-J. Delage, « La condition juridique des météorites », Revue Française de Droit aérien et spatial, 2014, vol. 271 (3), p. 265.

15 Il se trouve en effet que la Terre tourne, et qu’il s’écoule moins d’une heure avant que Brest ne regarde le même point du ciel que Strasbourg.

16 J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, Amsterdam, Marc Michel Rey, 1755.

17 M. Gounelle, M. Gounelle, « Météorites et droit des relations internationales », Revue Générale de Droit International Public », vol. 121 (1), 2017, p. 5.

18 M. Gounelle, M. Gounelle, « Meteorites and International Law », Meteoritics & Planetary Science, vol. 54 (12), 2019, p. 2887.

19 Cependant, cette règle imposée par une organisation internationale non gouvernementale (ONG), en l’espèce la Meteoritical Society, ne vaut que dans la mesure où elle est librement acceptée par les différentes parties intéressées aux météorites.

20 En revanche, nous ne considèrerons pas le cas des météorites trouvées sur le territoire des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) dans la mesure où il s’agit d’une collectivité à statut particulier (Loi 2007-224 du 21 février 2007 et décret 2008-119 du 11 septembre 2008). Le principe de spécialité s’applique à ces territoires, comme à toutes les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution. Par ailleurs, les régions administrées par les TAAF ne sont pas favorables à l’accumulation de météorites.

21 Si le litige concerne un échantillon de 364 kilogrammes découvert en 2010, il est à noter que le premier spécimen de cette météorite a été découvert en 1994.

22 Voir L. Cadiet, D. Loriferne (éd.), L’autorité de chose jugée, Paris, IRJS Éditions, 2012.

23 La confusion entre météorites et comètes est un indice de la méconnaissance des choses du ciel de la part du juge. On peut s’étonner qu’il n’ait pas poussé très loin sa curiosité, et sommes conduits à nous demander si cela n’atteint pas, d’une certaine manière, la pertinence de ce jugement.

24 Voir J. Carbonnier, Droit civil, 2e éd., Paris, PUF [Coll. Quadrige Manuels], 2004.

25 Voir par exemple D.J.R. Nordemann, J. Tobailem, « La radioactivité de la météorite de Granès mesurée par spectrographie gamma », Comptes-rendus de l’Académie des Sciences (série II), vol. 260 (6), 1965, p. 6664.

26 Question écrite n° 12468, Journal officiel de la République française du 25 septembre 2018, p. 8413. La réponse ministérielle est publiée au JORF du 25 mai 2019, p. 4763.

27 En se référant explicitement à notre article précité : M. Gounelle, M. Gounelle, « Meteorites and International Law », op. cit., p. 2887.

28 Voir M. Gounelle, M. Gounelle, « Météorites et droit des relations internationales », op. cit., p. 28-31.

29 Voir les classiques : E. Yemin, Legislative Powers in the United Nations and Specialized Agencies, Leyden, Sijthoff, 1969 et C. Schreuer, Decisions of International Institutions before Domestic Courts, New York, Oceana, 1981. Voir également pour une approche sociologique : M.N. Barnett, M. Finnemore, « The Politics, Power and Pathologies of International Organizations », International Organizations, vol. 53 (4), p. 699. Ainsi que : OCDE, International Regulatory Co-operation, The Role of International Organisations in Fostering Better Rules of Globalisation, Paris, Éditions OCDE, 2016, avec une liste très étendue des pratiques des organisations internationales.

30 Dans le domaine des météorites, il s’agit d’une recherche opérée au sein d’institutions publiques.

31 La question est très clairement exposée dans la célèbre aventure de Tintin : Hergé, L’étoile mystérieuse, Bruxelles, Casterman, 1947. La course pour s’approprier l’aérolithe met en concurrence une expédition composée des plus éminents savants européens et un puissant banquier.

32 Voir S. Guinchard, G. Montagnier, Lexique des termes juridiques, 31e éd., Paris, Dalloz, 2023 – ainsi que : P. Malaurie, L. Aynès, M. Julienne, Droit des biens, 10e éd., Paris, LGDJ, 2023, n° 593.

33 Pour des analyses approfondies, voir : M. Cornu, F. Orsi, J. Rochfeld (éd.), Dictionnaire des biens communs, Paris, PUF, 2017, notamment les notices : « Bien commun » (M. Cornu, p. 101-107) – « Chose commune » (J. Rochfeld, p. 176-189) – « Inappropriabilité, approche juridique » (M. Cornu, p. 646-650) – « Inappropriabilité, approche philosophique » (C. Guibert Lafaye, p. 650-656).

34 On peut également se référer au cas des fossiles. Voir sur ce point J.-D. Wahiche, « Aspects juridiques de la protection des dinosaures », La lettre de l’Office de Coopération et d’Information Muséographique (OCIM), vol. 147, 2013, p. 13.

35 Voir E. du Pontavice, Les épaves maritimes, aériennes et spatiales en droit français, Paris, LGDJ, 1961, p. 344 – notamment n° 512.

36 Voir Ley General de Bienes Nacionales, 20 de Mayo 2004, art. 6, fraccion XIX.

37 Article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et articles 544 & suivants du Code civil.

38 Code civil, Livre III – Dispositions générales, art. 711 à 717.

39 On peut utilement se référer, pour le raisonnement par analogie et les rapprochements qu’il implique, à M. Cornu, F. Orsi, J. Rochfeld (éd.), op. cit.

40 Celui-ci pourra se présenter sous la forme de choix optionnels. Voir annexe 1 – Projet d’articles : article 7.

41 Voir notre article précité : M. Gounelle, M. Gounelle, « Meteorites and International Law », op. cit., p. 2887. Ainsi que : D.-G. Schmitt, « The Law of Ownership and Control of Meteorites », Meteoritics & Planetary Science, vol. 37, 2002, p. 5 et O.R. Norton, L.A. Chitwood, Field Guide to Meteors and Meteorites, New York, Springer, 2008.

42 P.-J. Delage, op. cit., p. 273. L’auteur appuie ses analyses sur un échantillon de droits nationaux, notamment : Angleterre, Argentine, Australie, Canada, Danemark, États-Unis, Inde, Japon, Namibie, Nouvelle-Zélande, Russie, Suisse.

43 Sous réserve, évidemment, des engagements internationaux de l’État.

44 Voir ci-dessous : III – B – 3 & Annexe 1, article 7.

45 Le docteur Marie Cornu nous fait remarquer que l’ajout dans le Code du patrimoine d’un nouveau titre spécialement consacré aux météorites serait compliqué, en ce qu’il mettrait l’accent sur une catégorie particulière d’objet. Si l’on rédige un développement spécifique pour les météorites, pourquoi pas alors aussi un autre nouveau titre au sein du même Code qui serait spécialement consacré aux glaciers ? Il existe en effet aujourd’hui des réflexions autour de la propriété et de la conservation des carottes de glace, prélevées en quantités non négligeables, et dont l’intérêt scientifique n’est pas radicalement différent de celui porté aux météorites. On verrait alors enfler considérablement le Code du patrimoine, lequel procède par catégories génériques, plutôt que pour des objets spécifiques. Le docteur Marie Cornu trouvera ici nos remerciements pour ces très pertinentes observations touchant à l’éventuelle codification du statut juridique des météorites.

46 Le Conseil d’État est obligatoirement saisi pour avis lorsque le texte est un projet de loi porté par le Gouvernement. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat peuvent également saisir le Conseil afin de les aider à identifier les éventuelles difficultés juridiques soulevées par une proposition de loi d’origine parlementaire.

47 A.E. Rubin, J.N. Grossman, « Meteorite and meteoroid: New comprehensive definitions », Meteoritics & Planetary Sciences, vol. 45, 2010, p. 114.

48 Dans sa pratique habituelle, la Meteoritical Society, qui labellise les météorites d’un point de vue scientifique, différencie le plus gros fragment, et indique dans ses documents de caractérisation, le lieu où celui-ci est conservé. Cela permet un repérage utile, au cas il serait opportun de procéder à des nouvelles analyses dans le futur.

49 M. Gounelle, Une belle histoire des météorites, Paris, Flammarion & Éditions du Museum, 2017. Voir aussi, dans M. Cornu, F. Orsi, J. Rochfeld (éd.), op. cit., p. 902 la notice : « Patrimoine culturel (droit interne) ».

50 A. Drouard et al., « The meteorite flux of the past 2 m.y. recorded in the Atacama Desert », Geology, vol. 47, 2019, p. 673.

51 Il faut bien distinguer la notion de « trésor » au sens du droit civil (ci-dessus II -A -2) de celle de « trésor national » inspirée du Code du patrimoine.

52 La labellisation d’une météorite comme « trésor national » aurait aussi pour conséquence qu’elle ne pourrait sortir du territoire national, sauf à suivre une procédure complexe d’autorisation exceptionnelle.

53 Cette observation peut évidemment être étendue aux autres collectivités locales, et même aux établissements publics.

54 À titre d’exemple, la météorite de Draveil (chondrite ordinaire H5) tombée en 2011 n’a fait pour le moment l’objet d’aucune publication scientifique.

55 Le professeur Thierry di Manno trouvera ici nos remerciements pour les précieuses informations qu’il nous a transmises concernant la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

56 Obligation de prêt, labellisation spéciale pour les météorites d’intérêt scientifique majeur, droit de préemption.


Max Gounelle, Matthieu Gounelle, « Météorites de France et recherche publique. Propositions pour un texte de loi », Confluence des droits_La revue [En ligne], 4 | 2024, mis en ligne le 16 avril 2024. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=3485.

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