D. Custos – Le fédéralisme états-unien à l’épreuve du Covid-19 : un miroir sur ses forces et faiblesses

Dominique Custos, Professeure, Université de Caen Normandie (UCN), Institut Caennais de Recherche Juridique, UCN, Centre de Droit Public Comparé, Paris 2

Résumé
Une brève incursion comparative indique que ni le fédéralisme en général ni le fédéralisme dualiste en particulier ne sont fatalement dysfonctionnels face à l’épreuve d’une pandémie. Dans le cas des États-Unis, l’inadéquation du fédéralisme dualiste instauré par la Constitution de 1787 a été partiellement surmontée au cours du xxe siècle. L’introduction d’une compétence partagée en matière d’urgence sanitaire et de mécanismes de coordination témoigne de la force d’inventivité du fédéralisme états-unien. Mais le cumul de plusieurs formes de fédéralisme dominé par le principe dualiste affaiblit la capacité de poursuivre la correction des dysfonctionnements. L’affaiblissement est d’autant plus marqué que, depuis les années 1990, la Cour suprême s’est réorientée vers la restauration de la souveraineté des États.

Parmi les forces attribuées au fédéralisme, la possibilité laissée aux États subfédéraux de servir de laboratoires pour l’expérimentation de politiques publiques et de solutions juridiques est magnifiée tant pour sa vertu démocratique que pour sa fonction catalytique au service de la diffusion de l’innovation. Celle-ci a été soulignée par l’historien et juriste James Bryce en 1888[1]. Le juge Louis Brandeis dans une opinion dissidente en 1932[2] ainsi que l’économiste Wallace E. Oates en 1999[3] s’en sont fait l’écho.
Mais, lorsque, comme à l’occasion d’une pandémie, d’une catastrophe naturelle, d’un accident nucléaire, de grande amplitude[4], le contexte de l’action publique appelle intrinsèquement une direction commune, cet hymne aux laboratoires de la démocratie suscité par les États subfédéraux doit être mis en sourdine. En effet, si la mise en œuvre de la souveraineté partagée ne débouche que sur un patchwork inefficace, une complainte surgit inévitablement. La faiblesse congénitale du fédéralisme, à savoir son inadéquation au regard de circonstances exceptionnelles requérant unité, coordination et coopération est pointée du doigt.
En ce début du xxie siècle, la vulnérabilité de la fédération des États-Unis d’Amérique à pareille critique a été démontrée aussi bien par la gestion de l’inondation de 80 % de La Nouvelle-Orléans consécutive au passage du cyclone Katrina en 2005[5] que par celle de la pandémie du Covid-19 depuis 2020. Certes, de la présidence Trump à la présidence Biden, la réponse publique à la pandémie est incontestablement passée de la démission, à un an d’une échéance électorale, à celle de la détermination de l’exécutiffédéral, à l’entame d’un mandat présidentiel. En dépit de ce renversement, une constante demeure : l’incohérence de l’action publique à l’échelle du pays, sur fond de taux de mortalité record[6].
L’analyse doit être affinée, car une étude comparative[7] de la réponse publique face au coronavirus dans les pays à structure fédérale révèle qu’ils n’ont pas tous offert le spectacle d’un incontrôlable désordre. En réalité, trois catégories de réponse anti-Covid-19 ont émergé. La première est qualifiée de réponse dominée par l’État fédéral. La seconde se caractérise par une forte coopération et coordination entre niveaux d’administration. La troisième présente une faible coopération interniveaux.
Ces données appellent deux observations. Certes, la structuration composée comporte indéniablement un obstacle organisationnel propre par rapport à la structuration unitaire. Néanmoins, la séparation verticale des pouvoirs n’empêche pas inéluctablement l’entité politique afférente de relever le défi d’une pandémie de grande envergure. La forme de fédéralisme organisé par la constitution importe probablement davantage. Il n’est ainsi pas surprenant que les États-Unis dont la constitution établit un fédéralisme dualiste relèvent de la troisième catégorie de réponse, tandis que l’Allemagne dont la loi fondamentale organise un fédéralisme coopératif[8] tombe dans la seconde catégorie. Le législateur fédéral allemand avait d’ailleurs déjà précisé les termes de cette coopération en matière de lutte contre les maladies infectieuses[9], fournissant, dès le début de la présente pandémie, le cadre d’une approche commune[10].
Néanmoins, la recherche de facteurs explicatifs des forces et faiblesses de l’action publique dans le cadre de ce type d’urgence sanitaire ne saurait s’arrêter aux données tirées du texte constitutionnel. À cet égard, force est de noter que si, comme les États-Unis, l’Australie et le Canada répondent aux normes constitutionnelles du fédéralisme dualiste, en termes de réponse au Covid-19, ils relèvent d’unecatégorie distincte selon l’étude comparative précitée. L’une et l’autre ont globalement démontré une capacité appréciable de coopération interniveaux[11] malgré quelques tensions. L’Australie s’est illustrée par la mise en place en mars 2020 d’un Cabinet national ad hoc[12] réunissant les chefs de gouvernement national, provinciaux et territoriaux et chargé de définir collectivement quoique de manière non contraignante[13], une stratégie sanitaire, économique et sociale commune prenant en compte les spécificités locales. Le Canada a déployé une approche « pangouvernementale » qui s’est appuyée sur les leçons[14] tirées de l’expérience de la crise du SRAS de 2003 et a mis en exergue la collaboration verticale en vue d’une riposte coordonnée. Il a ainsi créé en janvier 2020 un Comité ad hoc[15] de composition intergouvernementale prodiguant des conseils à destination des ministres adjoints de la Santé de l’ensemble du pays.
L’Australie et le Canada semblent donc avoir compensé l’absence d’un dispositif constitutionnel de coopération verticale par une pratique institutionnelle informelle à l’occasion de la pandémie du Covid-19. En réalité, ces créations spontanées s’inscrivent dans le cadre d’un processus de centralisation et de coopération interniveaux déjà à l’œuvre depuis plusieurs décennies dans chacun des pays. Ce processus qui est le fruit de lois, de jurisprudence et de pratiques existe également aux États-Unis.
Il est bien établi que le fédéralisme aux États-Unis ne se réduit pas non plus à la rigueur dualiste dont est empreint le texte fondateur de 1787. D’une manière générale, à l’heure actuelle, il se caractérise par le cumul de plusieurs formes de fédéralisme qui témoignent d’apports divers du Congrès, du président, de la Cour suprême et des gouverneurs.
Au fédéralisme dualiste des origines, est d’abord venue s’ajouter celle du fédéralisme coopératif[16] qui s’est institutionnalisé sous la présidence Roosevelt. Le fédéralisme coercitif/punitif[17] ou réglementaire[18] a accentué certains traits du fédéralisme coopératif à compter des années 1960. Ces poussées coopérative et coercitive se sont accompagnées d’une expansion du pouvoir fédéral, d’une centralisation et d’une imbrication interniveaux. Au final, comme au sein de l’Union européenne, l’essentiel de l’exécution des politiques publiques internes est assuré par les États. Du moins, ce sont là les trois principales formes de fédéralisme. En réalité, d’autres variantes[19] du fédéralisme sont à l’œuvre dans les relations verticales et cette imbrication successive et cumulative résulte en un ensemble très complexe.
Malgré sa grande complexité, ce tableau général des relations Fédération-États comporte simultanément des lignes de force et de faiblesse du fédéralisme américain. À l’épreuve de l’urgence pandémique liée au Covid-19, son fonctionnement confirme certes la faiblesse tenant à l’inadéquation du schéma dualiste originel au regard de la nature sans frontière d’une pandémie (I). Mais il révèle aussi la force tirée de son évolutivité, car l’inadéquation du fédéralisme dualiste instauré par la Constitution de 1787 a été partiellement surmontée au cours du xxe siècle (II). Le Congrès a développé un droit fédéral de l’urgence sanitaire qui a substitué une compétence partagée à la compétence quasi exclusive que les États tirent du police power. Des mécanismes de coordination, au centre desquels figure le système fédéral de subventionnement, existent désormais. Ils corrigent, parfois fort  astucieusement[20], la logique dualiste préférée par les Pères fondateurs et contribuent à réduire les dysfonctionnements. La correction s’avère cependant précaire (III), car le cumul de formes de fédéralisme impose des contraintes qui semblent être plus difficiles à surmonter aux États-Unis que dans d’autres États composés de type dualiste. Une autre ligne de faiblesse apparaît ainsi au cœur même d’une des lignes de force. Dans ce mélange des genres de fédéralisme, la pression exercée par le fondement dualiste des rapports interniveaux est d’autant plus forte que, depuis les années 1990, la Cour suprême penche en faveur de la restauration du pouvoir des États. Pour ce faire, elle développe une nouvelle jurisprudence qui va à rebours de l’approfondissement de la coordination.

I. L’inadéquation du fédéralisme dualiste instauré par la Constitution

En tant qu’invention états-unienne, le fédéralisme est un compromis entre la nécessité de renforcer le pouvoir national au vu de l’expérience confédérale initiale et la méfiance suscitée par une structure unitaire au vu des abus commis par le monarque colonial. Il se caractérise par la superposition rigide, d’une part, d’une compétence fédérale d’attribution concentrée sur l’interétatique[21] et l’international[22] et, d’autre part, d’une compétence étatique (ou subfédérale) de droit commun[23] connue sous le nom de police power et concentrée sur le territoire de chaque membre de la Fédération. Cette organisation verticale dualiste est complétée par une séparation horizontale stricte des pouvoirs afin d’assurer une double protection contre la tyrannie. Celle-ci, autrement appelée régime présidentiel, est la seule véritable séparation des pouvoirs selon les politistes et constitutionnalistes américains qui se réfèrent au parlementarisme comme celui de la dépendance entre les deux branches politiques.
L’organisation des pouvoirs établie en 1787 présente une lacune : l’absence de mécanisme de coordination interniveaux. Pour réguler le risque d’excès d’hétérogénéité de l’action publique que comporte le dualisme gouvernemental, la Constitution prévoit essentiellement la suprématie du droit fédéral[24]. Le pouvoir de préemption qui en découle[25] est donc l’outil privilégié d’une homogénéisation envisagée comme remède ponctuel. Par conséquent, la coordination interniveaux n’entre pas dans les objectifs d’ingénierie constitutionnelle en 1787[26]. Le souci premier est alors de tronçonner le pouvoir pour en juguler les tentations liberticides. La Constitution n’inclut pas de mécanisme doux de limitation des contradictions entre politiques publiques qu’entretient la compétition entre « laboratoires de démocratie », car elle est conçue comme sauvegarde des libertés proclamées en 1791.
Lorsqu’il est appliqué à la question de l’urgence sanitaire, ce schéma dualiste de la répartition verticale des compétences tient en deux propositions : d’une part, l’absence d’attribution expresse à la Fédération en matière d’urgence sanitaire, d’autre part, l’attribution implicite d’une compétence de droit commun dans ce domaine aux États au titre de leur police power. Cependant, la nature d’une pandémie rend inadéquat cet agencement.

 A) Les deux volets de la compétence de droit commun des États en matière d’urgence sanitaire au titre de leur police power

Quoiqu’il ne figure pas explicitement dans le texte constitutionnel, le police power est un héritage du common law opérant dans la période coloniale et reconditionné dans le nouveau cadre fédéral posé en 1787. Il est une source de compétence des États que ce soit en termes de santé publique, que ce soit en termes de circonstances exceptionnelles.
Il n’en existe pas de définition officielle et au vu de son ampleur et de sa contingence, la Cour suprême en 1954[27] n’a pas hésité à vouer à l’échec toute tentative de délimitation de son contenu. Il consiste en un ample pouvoir général de régulation dont on peut schématiquement distinguer deux volets. L’un et l’autre sont susceptibles d’être invoqués en période de crise sanitaire et l’ont été dans le cadre de la pandémie du covid-19.
Le premier volet qui suggère la notion française de police administrative concerne l’action relative à la sécurité, à la santé, à la tranquillité, et à la moralité publiques[28]. Dans l’arrêt Gibbons v. Ogden[29] dont la teneur pro-Fédération est par ailleurs bien établie, la Cour suprême a aisément concédé en 1824que la question sanitaire relevait du police power des États. Et elle a pu le réitérer plus récemment[30]. De toute évidence, dans un contexte d’urgence sanitaire, ce volet couvre les mesures de prévention de la propagation du virus, y compris la vaccination[31], ainsi que les mesures de traitement de l’infection.
Le second volet touche à la poursuite du bien-être public (public welfare) et s’exprime à travers toute politique publique, qu’elle relève de la philosophie interventionniste de l’État-providence ou qu’elle relève d’une philosophie dérégulationniste. De toute évidence, dans un contexte d’urgence sanitaire, il couvre les mesures visant à réduire l’impact économique et social de la pandémie.

B) La constellation de titulaires du pouvoir d’urgence sanitaire

C’est également sur le fondement du police power que le droit fédéré fait des États le lieu de reconnaissance et d’exercice de pouvoirs exceptionnels. À cet égard, le niveau subfédéral offre une constellation de titulaires pouvoirs d’urgence, sanitaire ou non sanitaire qui ne s’arrête pas aux 50 gouverneurs. Le police power est en effet délégable aux collectivités locales[32], du moins selon les termes arrêtés par chaque État. Théoriquement, la délégation aux collectivités locales est moins large et moins protégée[33] si elle correspond au régime de la Dillon’s Rule ou Dillon Rule[34], plus large et mieux protégée[35] si elle correspond au régime de la Home Rule[36].
Il reste que la santé publique figure parmi les services publics dont la prise en charge est « principalement locale »[37]. Il en résulte qu’au sein des États, aux niveaux inférieurs, des autorités locales sont également gestionnaires de pandémie[38] et que les règles régissant l’articulation entre les différents niveaux d’autorités subfédérales exerçant le police power sont diverses. Or, cette dispersion du pouvoir de police et cette diversité sont une source de complication qui affaiblit l’organisation globale de l’action publique face à la pandémie et rend encore plus nécessaire la coordination.
Tous les gouverneurs détiennent des pouvoirs exceptionnels (emergency powers) tirés de la constitution[39] et/ou de la loi subfédérale. Ces dispositions élargissent temporairement leurs pouvoirs en leur permettant de déclarer l’état d’urgence, d’octroyer des dérogations aux lois et règlements[40], et de déployer les ressources publiques pour gérer la crise. Le contexte habituel d’invocation de telles dispositions est la catastrophe naturelle. Face à la crise sanitaire causée par le coronavirus, à compter de mars 2020[41], les gouverneurs ont fait un usage massif et en grande partie inédit de tels pouvoirs. Ils ont non seulement déclaré l’état d’urgence, mais encore imposé le confinement, le port du masque, les jauges d’occupation d’espaces clos, le passe sanitaire ainsi que la vaccination[42]. À l’opposé, parmi eux, 11 d’obédience républicaine ont interdit l’usage du passe vaccinal tandis que dans 9 autres États, l’interdiction a pris une forme législative.

C) La nature sans frontières d’une pandémie et le fédéralisme dualiste instauré par la Constitution

Dans la mesure où les pandémies ignorent les frontières que celles-ci soient internationales ou internes, le dualisme rigide instauré par la Constitution entre la Fédération et les États pose une gageure de taille à la gestion de ce type d’urgence sanitaire. La combinaison de l’absence de compétence fédérale explicite et la grande dispersion des pouvoirs d’urgence au niveau subfédéral présente une inadéquation avec la nature même d’une pandémie.
En tant que telle, la rigidité de ce schéma constitutionnel d’allocation verticale des pouvoirs complique toute action publique qui, comme la réponse à une pandémie, nécessite une unité de commande pour être efficace. En théorie, le risque de complications pourrait être surmonté par la reconnaissance d’un pouvoir d’intervention permettant à la Fédération de faire face avec efficacité à des circonstances exceptionnelles spécifiées, telles que la catastrophe naturelle, l’acte terroriste ou l’urgence sanitaire.
Sur ce point, le texte constitutionnel états-unien présente sur ce point une faiblesse, car il ne contient aucune disposition sur les pouvoirs de crise présidentiels susceptibles d’être invoqués en cas de pandémie. Certes, il inclut la Suspension Clause[43]. Mais le pouvoir de suspension de l’Habeas Corpus que celle-ci prévoit n’appartient qu’au Congrès[44] et ne peut être invoqué qu’« en cas de rébellion ou d’invasion ». Sauf à assimiler la propagation transfrontalière du virus à une invasion comme a pu le proposer le professeur Mickael Dorf[45], elle ne saurait être considérée comme couvrant l’urgence sanitaire.
Rapporté au contexte de son adoption, ce traitement rudimentaire des circonstances exceptionnelles dans le texte de 1787 ne surprend pas. Il reflète parfaitement le souci des Pères fondateurs de se prémunir contre toute tyranniepotentielle. Dans leur esprit, le silence sur d’éventuels pouvoirs exceptionnels revenant au président est conçu comme un moyen de sauvegarde des libertés contre la puissance publique dont il faut d’autant plus se méfier qu’elle a une vocation interétatique.
En réalité, la détermination des compétences respectives de la Fédération et des États fédérés ne saurait s’arrêter au Dixième Amendement. Elle requiert également la prise en compte des implications de l’allocation horizontale effectuée par la Constitution. C’est ainsi que si, de prime abord, l’on est tenté de tirer du Dixième Amendement une compétence quasi exclusive des États en matière d’urgence sanitaire, l’analyse combinée des dispositions constitutionnelles relatives à l’organisation verticale des pouvoirs publics et de celles portant sur l’organisation horizontale débouche sur le constat d’une compétence partagée entre le niveau fédéral et le niveau fédéré. En effet, en termes d’organisation horizontale, la Cour suprême reconnaît en 1952[46] que les pouvoirs exercés par le Président peuvent découler soit de l’allocation constitutionnelle soit d’une délégation législative. À cet égard, deux clauses constitutionnelles sont particulièrement exploitables et ont été exploitées par le Congrès : la Commerce Clause et la Spending Clause.
L’exploitation des ressources interprétatives offertes par les dispositions relatives à la séparation horizontale a permis de révéler l’une des forces du fédéralisme américain, son évolutivité. Ce caractère évolutif se manifeste non seulement par la concrétisation d’une compétence partagée en matière d’urgence sanitaire et donc la reconnaissance de la qualité de co-gestionnaire de pandémie à la Fédération, mais encore par l’institution de mécanismes de coordination verticale qui réduisent les obstacles à l’efficacité de l’action publique globale dans un contexte pandémique. Qui plus est, au dispositif principal de coordination verticale dérivé du fédéralisme coopératif et du fédéralisme punitif, s’ajoute un dispositif de coordination horizontale qui peut elle aussi rendre plus efficace une réponse publique à une pandémie.

II. La force : l’évolutivité du fédéralisme américain

La reconnaissance législative d’une compétence fédérale en matière d’urgence sanitaire est venue tardivement et s’est faite prudemment au regard de la matrice dualiste du texte constitutionnel. Elle s’accompagne d’un mécanisme de coordination qui joue un rôle central dans la réduction des dysfonctionnements dont le dualisme est porteur.

 A) Une transformation relativement récente

La transformation de la compétence quasi exclusive reconnue aux États en matière d’urgence sanitaire par le texte de 1787 en compétence partagée a été un long processus. Le poids de la version dualiste du fédéralisme a empêché toute intervention directe de la fédération dans le traitement des crises sanitaires et des catastrophes naturelles pendant près d’un siècle et demi. Autrement dit, le Congrès a observé de la retenue dans ces domaines alors même que, jusque dans les années 1890, le climat jurisprudentiel était favorable puisque la Cour suprême soutenait une approche large de la compétence fédérale[47]. Ainsi, la gestion de la grippe dite espagnole qui coûta la vie à 675 000 américains[48] en 1918 resta une affaire subfédérale. Il a fallu attendre 1927-1928, soit 140 ans, pour que le gouvernement fédéral accepte d’intervenir en matière de catastrophe naturelle[49]. Les inondations dévastatrices[50] provoquées par les débordements du Mississippi en 1927 ont alors poussé la Fédération, d’une part, à assurer une assistance dans de telles circonstances, d’autre part, à construire un système fédéral de protection[51] contre les sorties de lit du fleuve Mississippi[52] qui ne traverse pas moins de 10 États, avant de s’échouer dans le golfe de Mexico. La Fédération entrait ainsi dans un domaine qui avait été considéré comme la chasse gardée des États. La brèche ainsi ouverte devait nettement s’élargir, lorsqu’à compter de 1944[53] le législateur fédéral commença à élaborer un droit fédéral de l’urgence sanitaire[54] en combinant des textes généraux relatifs à l’urgence et des textes spécifiques relatifs à la santé publique. En réalité, la compétence fédérale et la compétence partagée qui en dérivaient en matière d’urgence sanitaire s’inscrivaient dans le cadre d’une vaste redistribution des compétences respectives de la Fédération et des États. Sur ce plan en effet, le New Deal lancé en 1933 par l’administration Roosevelt (1933-1945) et le programme Great Society déployé par l’administration Johnson (1963-1969) à compter de 1964 avaient imprimé un mouvement de lame de fond.
Il faut voir dans cette législation de l’urgence sanitaire la marque d’une importante mutation conceptuelle et organisationnelle. En contradiction avec le fédéralisme dualiste, elle témoigne de la diffusion d’une nouvelle valeur[55] dans la culture politique et sociétale, celle de la nécessité du rôle de la Fédération dans la gestion des catastrophes naturelles[56] et des crises sanitaires. Elle est la preuve de l’émergence d’une figure de l’État-providence sauveteur en cas de catastrophe naturelle, protecteur en cas de crise sanitaire.
Dans ces domaines comme dans d’autres, le Congrès a transformé le partage vertical dualiste des pouvoirs inscrit dans la Constitution en créant une compétence partagée là où, selon les constituants, les États devaient régner en maîtres, sur le fondement du police power. Cette transformation est susceptible d’au moins deux lectures. D’un côté, en partant de la seule analyse de la séparation verticale ordonnée par la Constitution, l’on pourrait y voir une révision constitutionnelle informelle[57]. De l’autre, en analysant conjointement l’allocation verticale et l’allocation horizontale de pouvoir faite par les constituants, l’on peut y voir la concrétisation d’un partage potentiel.
Toujours est-il que la transformation a d’abord présenté les caractéristiques du fédéralisme coopératif puis celle du fédéralisme punitif. Du point de vue de l’efficacité de la gestion d’une pandémie, ces deux versions de la structuration fédérale présentent l’égal avantage de faire de la Fédération une co-gestionnaire de l’urgence sanitaire dotée d’une capacité de coordination indispensable (quoique non suffisante) pour juguler la propagation d’une maladie infectieuse planétaire.

B) La compétence partagée en matière d’urgence sanitaire

 1. Le recours à la Commerce Clause et à la Spending Clause avec l’onction juridictionnelle

Le chamboulement législatif de la répartition intergouvernementale des compétences dans le domaine de l’urgence sanitaire s’est particulièrement appuyé sur la Commerce Clause[58] et la (Taxing and) Spending Clause,[59]quoique la Necessary and Proper Clause[60], celle de pouvoirs implicites, offre également un fondement alternatif. De prime abord, la Clause de commerce semble être plus adaptée pour fonder une compétence fédérale et donc une compétence partagée. La Clause budgétaire (et fiscale) semble être plus désignée pour créer des mécanismes de coordination verticale dans le cadre d’un système national de subventionnement.
Pourtant pendant l’ère Lochner (1890-1937)[61], en tant que modalité indirecte d’intervention fédérale, le système des subventions fédérales fondé sur la Spending Clause a été un moyen d’éviter les obstacles constitutionnels à l’intervention fédérale directe dans des domaines de politique intérieure relevant de la compétence des États[62]. Du moins, cela était-il possible selon l’interprétation de la Clause budgétaire défendue par Alexander Hamilton[63] par opposition à celle avancée par James Madison[64]. La vision madisonienne[65] est protectrice de la souveraineté des États. Selon elle, la Spending Clause[66] qui permet au Congrès d’utiliser son pouvoir financier pour assurer « le bien-être général des États-Unis » ne peut être invoquée qu’en liaison avec les pouvoirs énumérés du Congrès sur le fondement de l’Article 1 de la Constitution. Les dépenses relatives à la gestion des catastrophes naturelles ou des pandémies s’en trouvent exclues. La vision hamiltonnienne promeut une large compétence fédérale qui autorise le Congrès à engager des dépenses en dehors des pouvoirs expressément attribués tant que la poursuite du bien-être (general welfare) concerne un objet général et non pas local.
En 1937,[67] la Cour suprême tranche en faveur de l’interprétation hamiltonnienne de la Clause budgétaire. Elle souligne tant la déférence de son contrôle que la plasticité de la notion de bien-être général[68]. Le pouvoir budgétaire reconnu au Congrès est donc substantiel et il comporte notamment la faculté de conditionner[69] l’octroi de fonds fédéraux.
L’abandon de l’approche restrictive de la Clause de commerce deux mois plus tôt en 1937[70] avait déjà pratiquement mis celle-ci à égalité avec la Clause budgétaire comme fondement de la compétence partagée du moins jusqu’à la « révolution fédéraliste »[71] conduite par la Cour Rehnquist.

 2. La délimitation prudente du pouvoir reconnu à la Fédération

En s’appuyant sur la Clause de commerce, le Congrès a ainsi fait du président et de certains membres de son cabinet et plus largement de son administration, des autorités gestionnaires de la santé publique et de l’urgence, notamment celle générée par une pandémie.
Le droit fédéral de l’urgence sanitaire qui en résulte date du xxe siècle. Il avance souvent à coup d’évènement extraordinaire (catastrophe naturelle, attaque terroriste, pandémie[72]) quoique sa raison d’être, l’impératif d’efficacité de l’action publique, exige une vision sur le long terme.
Il se structure autour, d’une part, de la déclaration de l’état d’urgence et d’autre part, de la planification prédéclaratoire et de la gestion post-déclaratoire. Il est intéressant de noter que le législateur fédéral américain a d’abord traité de la déclaration d’urgence sanitaire, et ensuite, la déclaration d’urgence en général.

 a) La déclaration de l’état d’urgence sanitaire

S’agissant du droit général de la déclaration de l’état d’urgence, le président peut intervenir, soit sur le fondement du National Emergencies Act, NEA, de 1976[73], soit sur le fondement du Stafford Act ou Disaster Relief and Emergency Assistance Act (DREAA) de 1988[74]. La loi de 1988 place l’action fédérale dans le registre opérationnel qui plus est à titre subsidiaire[75]. En toute fidélité au fédéralisme dualiste, cette loi distingue la proclamation présidentielle de l’état d’urgence à la demande de l’État, de celle qui intervient à l’initiative de la Fédération. Dans la première hypothèse, l’entrée en scène de la Fédération sur le territoire d’un État respecte la souveraineté subfédérale. Dans la seconde, elle est motivée par une compétence fédérale, telle qu’un enjeu relatif au domaine public fédéral ou encore, la nature sans-frontière, c’est-à-dire interétatique et internationale, d’une pandémie.
Contrairement aux textes généraux de 1976 et de 1988, le Public Health Service Act, PHSA de 1944[76] ne fait pas du président, en tant que tel, une autorité de l’urgence sanitaire. Il le fait indirectement en ce qu’il désigne[77] un membre de son cabinet, le Secretary of Health and Human Services (HHS Secretary), comme l’auteur de la déclaration de l’état d’urgence sanitaire qui agit de son propre chef et non sur sollicitation gubernatoriale.
La lecture combinée de deux dispositions du PHSA révèle comment le législateur américain s’efforce d’inscrire un rôle de coordination pour la Fédération en matière de santé publique et d’urgence sanitaire qui assouplit le fédéralisme dualiste tout en restant conforme à l’esprit de ce dernier. D’une part, sur le terrain de la compétence fédérale, la section 361[78] du PHSA dote le Secretary d’un pouvoir réglementaire visant à juguler la propagation des maladies transmissibles entre États fédérés[79] et en provenance de l’étranger. Sur la base d’une subdélégation datant des années 1970, le Centers[80] for Disease Control and Prevention (CDC), et la Food and Drug Administration (FDA) exercent ce pouvoir normatif, notamment pour réglementer la mise en quarantaine de dimension interétatique ou internationale[81]. D’autre part, sur le terrain de rencontre de l’action fédérale et de l’action subfédérale, la section 311 du PHSA[82] organise une coopération entre le niveau fédéral et le niveau fédéré[83]. Celle-ci permet ou bien à chaque niveau d’aider l’autre dans l’exécution des mises en quarantaine ou bien à la Fédération d’apporter son soutien opérationnel, technique et financier au niveau fédéré et de promouvoir la coopération interétatique. Mais l’assistance fédérale n’est déclenchée que par une demande de l’État et la stimulation fédérale des différentes modalités de coopération ne peut reposer que sur des actes de droit mou. Somme toute, l’exigence procédurale (demande étatique préalable) retenue et le choix d’instruments de moindre portée normative (avis et recommandations de la Fédération) donnent la mesure de l’insertion de la Fédération dans le dispositif de l’urgence sanitaire. Il s’agit d’une timide sinon prudente, insertion qui, quoiqu’elle véhicule intrinsèquement de la coordination et soit une marque de fédéralisme coopératif, demeure fortement imprégnée de la logique de fédéralisme dualiste et circonscrite par un esprit de subsidiarité.
À ce volet de base de l’aménagement d’une compétence fédérale dans le cadre de l’urgence sanitaire, s’ajoute un volet complémentaire reposant sur deux lois. Celui-ci assigne un rôle, ici encore opérationnel, à la Fédération aussi bien en termes de planification prédéclaratoire qu’en termes de gestion post-déclaratoire. Historiquement, la législation relative à l’action publique consécutive à la déclaration de l’État d’urgence est cependant antérieure à celle relative à la préparation.

 b) L’action pré et post-déclaratoire du droit fédéral de l’urgence sanitaire

Le Defense Production Act ou DPA de 1950[84], initialement conçu pour les opérations militaires et inspiré des War Powers Acts de 1941 et 1942, a progressivement également acquis une vocation civile qui lui permet, entre autres, d’être invoqué dans le cadre de l’urgence sanitaire. Une fois la déclaration de l’état d’urgence publiée, il habilite le président à mobiliser les ressources nationales de façon à répondre aux besoins nationaux en équipement[85] et en alimentation nés de l’urgence, qu’il s’agisse de réquisitionner les entreprises privées, de les autoriser à titre dérogatoire à former des ententes, de les forcer à prioriser les commandes fédérales, de leur accorder des aides financières en vue d’accélérer la mise au point de matériel, de vaccins et de médicaments. Sur son fondement, le président peut également planifier l’approvisionnement du stock stratégique national de produits médicaux.
Tandis que le DPA de 1950 porte principalement sur la mobilisation du secteur privé, le Pandemic and All-Hazards Preparedness Act (PAHPA) de 2006[86] concerne la mobilisation stratégique du secteur public tout entier en vue d’une préparation et d’une réponse coordonnées en cas d’urgence, notamment pandémique.
Avant la loi PAHPA, le CDC s’était déjà engagé dans cette voie. En l’an 2000, il avait lancé le Centers for Public Health Preparedness, un réseau de préparation à l’urgence sanitaire s’appuyant sur les écoles de santé publique. Celui-ci fut remplacé en 2010 par Preparedness and Emergency Response Learning Centers (PERLC) cooperative agreement program.
En mettant l’accent sur la coordination, le texte de 2006 rend plus visible et renforce un fédéralisme coopératif qui s’était développé de façon désordonnée[87]. Le fédéralisme coopératif en matière d’urgence sanitaire s’affiche désormais et la contradiction avec l’approche segmentée du fédéralisme dualiste devient plus perceptible au point d’amener à poser la question de la soutenabilité de leur cohabitation.
Signe de cet affichage, le PAHPA va jusqu’à créer[88], au sein du ministère de la Santé, un poste d’Assistant Secretary for Preparedness and Response (ASPR) dont le titulaire devient le principal conseiller du ministre de la Santé sur la coordination de la gestion de l’urgence en général et de l’urgence sanitaire en particulier. À travers ce dernier, le rôle du ministère fédéral de la Santé (HHS) en matière d’urgence sanitaire consiste désormais à coordonner l’intervention des agences fédérales et des États en amont et en aval de la survenance de l’urgence. À l’égard des États, la coordination emploie les outils du fédéralisme coopératif que sont l’assistance technique assurée par le CDC et les aides financières[89] fournies par diverses agences fédérales. L’assistance technique s’effectue à travers des recommandations, l’envoi de personnel fédéral pour dispenser de la formation et l’organisation d’exercices d’entraînement commun dans les États[90]. L’ASPR coordonne l’allocation des divers crédits[91] aux niveaux subfédéraux d’administration en vue de la gestion préventive et curative de l’urgence sanitaire.
L’introduction de l’ASPR en 2006 vient en définitive renforcer le dispositif de coordination verticale qui joue un rôle principal par rapport aux mécanismes de coordination horizontale.

C) Les mécanismes de coordination verticale introduit par le Congrès

Parmi les mécanismes de coopération verticale, la modalité financière est la plus saillante. La modalité institutionnelle générale (ACIR) ayant disparu, il ne reste plus que la modalité institutionnelle spéciale (ASPR) qui est en réalité la pièce centrale du système de subventions en matière sanitaire et d’urgence sanitaire. Il existe, par ailleurs, une modalité normative propre à l’urgence.

 1. La modalité normative spéciale

Pour ce qui a trait à la coordination verticale propre à l’urgence, la Fédération a pu se lancer dans la voie de la modélisation juridique. C’est à l’instigation du gouvernement fédéral (du CDC précisément) que la loi modèle connue sous le nom de Model State Emergency Protection Act (MSEHPA), a été proposée à l’adoption en 2001 aux États fédérés. En l’occurrence, l’initiative fédérale cherchait à moderniser les droits subfédéraux de l’urgence et à réduire leur hétérogénéité afin de faciliter l’action coordinatrice fédérale. Le résultat de cet effort d’harmonisation est appréciable puisqu’une quarantaine d’États ont intégré soit totalement soit partiellement le MSEHPA[92].

2. La modalité institutionnelle générale (ACIR) disparue

En revanche, le dispositif compensatoire mis en place par le Congrès ne comporte plus d’institution publique dédiée de façon générale à la coordination verticale et qui aurait pu être mobilisée dans le cadre de la pandémie du coronavirus. Un tel organe a néanmoins existé, car le Congrès avait créé l’Advisory Commission on Intergovernmental Relations ou ACIR[93]. Agence indépendante de compositionintergouvernementale, l’ACIR est intervenue à titre consultatif entre 1959 et 1995. Rétrospectivement, on pourrait y voir une sorte de cousine du Council of Australian Governments, COAG né en 1992 et rebaptisé National Federation Reform Council, NFRC le 11 décembre 2020. Mais la « Révolution Gingrich » a eu raison d’elle en 1994. Dans le cadre de la crise du coronavirus, l’ACIR aurait théoriquement pu jouer le rôle du Cabinet national en Australie[94]. Néanmoins, l’extrême polarisation ambiante et la politisation de la question pandémique auraient probablement freiné son action. Précisément, il est symptomatique que les task forces ad hoc établies par les administrations Trump[95] et Biden[96] ne présentent pas une composition interniveaux.

3. La modalité institutionnelle spéciale (ASPR)

La création du poste d’Assistant Secretary Preparedness Response (ASPR)[97] en 2006 peut s’analyser comme la modalité institutionnelle-phare de la coordination interniveaux en matière d’urgence sanitaire. En réalité, en tant que l’ASPR supervise tous les dispositifs d’aide à la gestion de l’urgence, l’ASPR se greffe sur la modalité financière générale de la coordination verticale, celle du grant-in-aid system. En matière d’urgence sanitaire, il existe donc un coordinateur ou une coordinatrice en chef·fe du dispositif principal du fédéralisme coopératif.

4. La modalité budgétaire : le système de subventions

En s’appuyant sur la Clause budgétaire, le Congrès a créé un système de subventions fédérales qui joue le rôle central de dispositif de support du partage de compétences. Ainsi, le fédéralisme coopératif s’accomplit tout spécialement à travers un fédéralisme fiscal par lequel une partie non négligeable (25 %) du budget des États et des collectivités locales dépend de crédits fédéraux[98]. Aujourd’hui, 61 % de ces crédits sont consacrés à la santé alors que ce secteur en recevait moins de 20 % en 1980[99]. Dans chacune des lois[100] portant des mesures économiques et sociales en réponse à la pandémie du Covid-19, une part non-négligeable des crédits votés revient ainsi aux États et aux collectivités locales.
La préhistoire de ce mécanisme financier de coordination verticale date du xixe siècle. Les textes fédéraux précurseurs cèdent alors gratuitement aux États des propriétés fédérales en vue de la construction de systèmes de protection contre les inondations (Swamp Lands Acts de 1849, 1850 et 1860)[101] et de la création d’établissements d’enseignement supérieur (Morrill Act de 1862). Le véritable tournant a été pris au xxe siècle, pendant le New Deal, avec notamment le Social Security Act de 1935. Le fédéralisme coopératif s’est accentué dans les années 1960 et 1970 avec la politique dite de « guerre contre la pauvreté » (war against poverty), la Great Society (1964) et la révolution des droits’ (rights revolution)[102]. Deux programmes qui touchent à la protection sociale et médicale des personnes âgées (Medicare), d’une part, et défavorisées et handicapées (Medicaid), d’autre part, sont particulièrement emblématiques de la coopération interniveaux.
L’allocation des subventions fédérales comporte trois caractéristiques qui rappellent certains aspects du fonctionnement des fonds structurels européens : 1) le co-financement par la Fédération et les États, 2) la mise en œuvre par les États[103], 3) la conditionnalité. La conditionnalité des crédits alloués par la Fédération aux niveaux subfédéraux pour la réalisation d’objectifs fédéraux comporte des degrés. L’exigence fédérale varie en fonction du type de subvention. L’utilisation des subventions catégorielles (categorical grants) est étroitement conditionnée par la Fédération tandis que celle de blocs de subvention (block grants) laisseplus de souplesse aux États et collectivités locales. Les conditions sont posées par la loi ou le règlement et détaillées dans des décisions d’octroi d’aide financière (grants ou agreements).
Ainsi la loi PAHPA de 2006 impose des critères de préparation à l’urgence sanitaire qui devront être respectés par les bénéficiaires de financement fédéral. Au niveau administratif, ceux-ci sont détaillés dans un programme d’action fédérale dit « convention de coopération » établi par le CDC en 2002 et renouvelé tous les 5 ans[104]. Le cooperative agreement est, comme le grant, un mécanisme de financement au service du fédéralisme coopératif. Mais il comporte une implication substantielle du gouvernement fédéral : des agents fédéraux interviennent directement dans la réalisation des objectifs pour lequel les crédits sont octroyés. En comparaison, dans le cadre du grant, le rôle des fonctionnaires fédéraux se limite au contrôle a priori et a posteriori (oversight and monitoring) de la mise en œuvre des objectifs par les agents subfédéraux. Quel que soit le type d’aide financière, la décision d’octroi (notice of award) est un acte unilatéral qui liste les conditions et les obligations à respecter par les bénéficiaires. Par ailleurs, dans le cadre de l’assistance technique, le CDC adopte depuis l’an 2000 des National standards for State, Tribal and Territorial Public Heath sur la base desquels il évalue, guide et finance la préparation et la réponse à l’urgence sanitaire par les États.
Dans le cadre de la crise du coronavirus, le CDC a déclenché pour une durée de 2 ans[105] l’application d’une « convention de coopération »[106]. L’une des obligations qui en découlent mérite d’être soulignée tant elle révèle la très grande portée du mécanisme financier de coordination. L’État bénéficiaire de toute aide financière fondée sur les plans législatifs de secours adoptés en 2020 et 2021 « est tenu de se conformer aux directives et recommandations existantes et futures du ministre de la Santé relatives au contrôle de la propagation du virus ». En cela, le fédéralisme fiscal a pour effet d’opérer une novation du droit mou en droit dur ! Les consignes comportementales du CDC sont à titre susceptibles de s’imposer aux États ! Le régime juridique de subventionnement révèle ici son caractère astucieux : la fidélité au credo dualiste affichée par la législation de l’urgence sanitaire se dissipe dans la subtile force d’entraînement de la conditionnalité arrimée au déboursement des crédits.
Ainsi encore, le Center for Medicare and Medicare Services (CMS) peut, par voie réglementaire, user de la conditionnalité comme moyen de régulation indirecte des établissements de santé et les maisons de retraite recevant des fonds Medicaid et Medicare, à l’intérieur des États. C’est précisément l’objet de l’une des obligations vaccinales nationales instaurées par l’administration Biden, le 4 novembre 2021[107]. Or, le 13 janvier 2022[108], la Cour suprême a validé cet usage de la Spending Clause qui vise à rendre obligatoire la vaccination anti-covid pour le personnel soignant.

 D) Les mécanismes secondaires de coordination horizontale

Pour des raisons de politisation de la question sanitaire et de polarisation extrême, les mécanismes généraux de coordination horizontale existants ont très peu fonctionné dans le cadre de la gestion de la pandémie.
Certes, la Constitution[109] prévoit une modalité de coopération horizontale pour les États. Ils peuvent signer des accords de coopération (compacts) soumis à approbation par le Congrès. L’un d’entre eux fonde la coordination de l’assistance post-catastrophe (naturelle ou terroriste) à l’échelle nationale depuis 1996[110]. Mais un tel développement est peu probable dans le cas de crise sanitaire qui a éclaté en 2020. L’établissement de cinq alliances régionales informelles dès avril 2020 a pu ainsi laisser présager l’exercice d’une fonction compensatrice de la faible coordination verticale d’alors. Mais la composition partisane de quatre d’entre elles amène à revoir les présomptions. En clair, en 2020, cette forme non institutionnalisée de coordination horizontale a été fonction de l’emprise partisane verticale du président Trump sur les gouverneurs et des sympathies ou antipathies suscitées par ce dernier dans les collectivités locales.
Les 7 groupes d’intérêt d’essence bipartisane formés par les États et les collectivités territoriales[111] sont également des lieux institutionnels potentiels de coordination. Mais leur potentialité curative s’est faiblement concrétisée pendant la pandémie. Par exemple, ce n’est qu’en janvier 2021, que la National Governors Association ou NGA, a mis en place 3 task forces afin de dégager des stratégies infrafédérales communes en réponse au coronavirus. Jusque-là, la tendance était plus au contournement de la NGA par des organisations de gouverneurs à base partisane[112].

III. La faiblesse : La précarité de la coordination

L’ingénierie du Congrès a un effet compensateur certain sur la rigidité du dualisme constitutionnel. En cela, elle contribue à l’efficacité du fonctionnement des institutions dans le cadre de la gestion d’une pandémie. Néanmoins, la compensation assurée reste partielle. En raison des contradictions et des incertitudes qu’il entretient, il apparaît que le cumul des formes de fédéralisme de valeur juridique différente est source de contraintes d’ingénierie institutionnelle et d’exercice du pouvoir. Il cause également une vulnérabilité particulière au contentieux. En l’occurrence, le fédéralisme états-unien révèle quelques-uns de ses éléments de faiblesse.

 A) Les contraintes résultant du cumul des formes de fédéralisme d’inégale valeur juridique

En premier lieu, la confusion des trois genres principaux de fédéralisme[113] imprègne les relations interniveaux qui balancent entre la défense du pouvoir fédéral et la défense du pouvoir fédéré. Dans ce mouvement de balancier apparaissent des variantes des formes principales qui complexifient la coordination. Le « fédéralisme nouveau »[114] est ainsi un mouvement de retour aux racines dualistes que les présidences républicaines, depuis celles de Richard Nixon (1969-1974) et surtout de Ronald Reagan[115] (1981-1989), cherchent à imprimer.
Les logiques contradictoires de ces différentes formes de fédéralisme sont mobilisées tour à tour par la Fédération et les États. La mobilisation intervient sur le terrain politique où la branche exécutive tend maintenant à supplanter le Congrès au point que l’on parle de « fédéralisme exécutif »[116]. La polarisation croissante depuis les années 2000 exacerbe le phénomène si bien que l’instrumentalisation du fédéralisme punitif pratiquée par les administrations de G. W. Bush (2001-2009), B. Obama (2009-2017) et D. Trump (2017-2021)[117] a pu être qualifiée de « fédéralisme polarisé »[118].
La mobilisation se déroule également devant les tribunaux, en sorte que le fédéralisme états-unien prend un tour de plus en plus contentieux[119]. Il existe ainsi un fédéralisme judiciaire[120] c’est-à-dire dérivé de l’interprétation jurisprudentielle qui encadre l’évolution des relations interniveaux. Or depuis les années 1990, l’orientation jurisprudentielle a pour effet de freiner la correction des dysfonctionnements intrinsèques du fédéralisme dualiste.
En second lieu, le cumul des formes bride le législateur fédéral dans ses efforts d’amélioration du droit de l’urgence sanitaire. Notamment, l’inégalité entre le fondement constitutionnel de la forme dualiste et le fondement législatif des formes coopérative et punitive accentue la limitation dérivant du cumul. Il en résulte que cette combinaison des genres est une source de contrainte pour le législateur qui doit composer avec la logique dualiste de base. La délimitation du pouvoir reconnu à la Fédération en témoigne : l’intervention fédérale est enfermée dans le soutien logistique et financier et ses actes juridiques sont circonscrits à l’international et à l’interétatique strictement définis ; aucun pouvoir de réguler directement les comportements au sein des États ne lui est expressément attribué alors même que la pandémie par définition se fie des frontières. Il en est pareillement de la sélection du degré de normativité : le CDC n’émet que des recommandations en matière comportementale à l’échelle des États. Seule la conditionnalité des subventions fédérales lui permet de louvoyer pour transformer subrepticement en acte de droit dur ce qu’il édicte initialement comme acte de droit souple.
Ainsi, la postériorité du droit fédéral de l’urgence sanitaire explique en partie seulement qu’il apparaisse quelque peu rudimentaire au regard de son silence sur des points essentiels tels que le pouvoir fédéral de décision en matière de mise en quarantaine à l’intérieur des États, de confinement ou de déconfinement, de port du masque et de vaccination. Son caractère rudimentaire tient surtout à la fidélité à la logique dualiste initiale et donc à un déficit persistant de légitimité (en dépit d’un incontestable processus de légitimation) de l’intervention fédérale dans un domaine que la Constitution a confié à 50 entités fédérées en toute contradiction avec le mode de propagation d’une pandémie. Le virus inexorablement se moque des frontières aussi bien internationales qu’internes. Sa gestion efficace exige un minimum de coordination entre titulaires du pouvoir de police sanitaire en vue de la définition d’une seule stratégie nationale.
Il en ressort une précarité pour la coordination introduite par la législation. La contrariété de celle-ci à la Constitution décourage l’interprétation volontariste des pouvoirs fédéraux qu’elle institue. Si celle-ci est pratiquée, elle risque de passer pour audacieuse, voire téméraire. Les déboires judiciaires du président Biden dans l’application des obligations vaccinales en témoignent.
Assurément, la législation fédérale de l’urgence sanitaire reconnaît au président ou aux membres de son cabinet la faculté d’apporter aux États un secours logistique et financier qui d’ailleurs entretient l’image d’un État fédéral sauveur et donateur typique du fédéralisme coopératif. Mais faute d’avoir été clairement doté de pouvoirs généraux de décision lui permettant de réguler directement les comportements des sujets de droit à l’intérieur des États,[121] le président, déterminé à agir, doit déployer de l’inventivité pour surmonter l’inadéquation du droit existant. Il doit s’ingénier à déceler parmi toutes les dispositions en vigueur (y compris en dehors du droit de l’urgence sanitaire[122]) celles susceptibles de justifier sa détermination à jouer un rôle de coordination, voire de direction, dans des domaines où il ne peut se prévaloir d’une attribution expresse. Cette recherche de fondement juridique pour l’action fédérale est indûment chronophage face à une pandémie inexorable. Elle est aussi périlleuse tant la contre-attaque contentieuse[123] le guette et peut brutalement anéantir ses efforts suite à une ordonnance de référé[124]. Tel a bien été l’inconfort qu’a éprouvé le président Biden dans sa détermination à imposer un passe vaccinal à plusieurs franges de la population. En raison de son incapacité à imposer une obligation vaccinale dans tous les secteurs où il souhaitait le faire ou à obtenir le vote d’une loi fédérale à cet effet, il a été réduit à adopter[125] ou à faire adopter par des agences[126] 5 textes sectoriels, plutôt que de les inclure dans un texte unique à base juridique commune.
Enfin, la contrariété entre le fédéralisme dualiste et le fédéralisme coopératif rend l’ingénierie législative très dépendante de l’interprétation jurisprudentielle et particulièrement vulnérable au revirement jurisprudentiel. L’appropriation de la Commerce Clause et la Spending Clause par le Congrès pour corriger les excès du fédéralisme dualiste a longtemps reçu l’onction de la Cour suprême[127]. Mais depuis les années 1990, le fédéralisme judiciaire, autrefois supporter de l’expansion fédérale, a viré de bord. Désormais, il soutient la restauration du pouvoir des États en fidélité à la matrice dualiste de l’agencement constitutionnel textuel.

B) La vulnérabilité découlant de l’application de l’anticommandering à la Spending Clause

L’âge d’or de la Commerce Clause (1937-1995) est bel et bien révolu depuis que la Cour a rendu en 1995 sa première invalidation sur ce fondement dans l’affaire Lopez[128] en plus de 50 ans. En outre, dans l’affaire Sebelius[129] jugée en 2012, elle a clairement indiqué que, pour l’invoquer, le législateur ne pouvait pas forcer les personnes privées à se livrer à une activité économique. Dans la même décision, elle a par ailleurs sérieusement réduit la qualité de fondement alternatif de la Spending Clause. En effet, elle a étendu l’anticommandering qu’elle avait introduit en 1992[130] à la Spending Clause. La théorie de l’anticommandering interdit à la Fédération de traiter les États comme des sujets de régulation assimilables aux personnes privées. Certes, elle ne remet pas en cause le principe de la conditionnalité associée au fédéralisme coopératif existant. En revanche, elle circonscrit l’utilisation coercitive de celle-ci typique du fédéralisme punitif. La Fédération ne peut donc pas commander l’action législative ou administrative des États. Il en ressort que le législateur fédéral ne peut pas obtenir des États qu’ils embrassent une nouvelle politique publique fédérale en les menaçant de les priver d’une subvention déjà acquise de longue date et représentant une part substantielle de leur budget. En clair, selon la jurisprudence récente, le Congrès ne pourrait pas lier la non-application des consignes comportementales du CDC par les États à une privation de ressources vitales établies. Dans la mesure où la modalité financière de la coordination verticale est une pièce maîtresse pour le Congrès, il en découle que sa capacité à renforcer la coordination pour une meilleure gestion d’une pandémie a rétréci.
La nouvelle panoplie jurisprudentielle déployée contre l’intervention fédérale s’enrichit et elle a d’ores et déjà été appliquée à l’urgence sanitaire liée au Covid-19. Dans le cadre du contrôle de constitutionnalité de l’exercice du pouvoir réglementaire par les agences, la théorie des questions majeures (major questions doctrine) est devenue une arme contentieuse tirée de la séparation horizontale des pouvoirs.

C) La vulnérabilité découlant du recours à la théorie des major questions

Cette seconde théorie qui est une nouvelle version de la théorie de la non-délégation a surgi en 2014[131] et en 2015[132]. Elle reste encore assez nébuleuse, car elle est en voie d’affinement. Elle exige du Congrès qu’il énonce clairement toute délégation de pouvoir législatif qui serait de portée politique ou économique significative[133], notamment lorsqu’il s’agit de modifier l’équilibre des pouvoirs entre la Fédération et les États en matière de régulation de la propriété privée[134]. Pour l’heure, elle a imprégné l’examen par la Cour de deux mesures anti-Covid de l’administration fédérale.
Le 26 août 2021[135], sur le fondement de celle-ci, la Cour a confirmé le sursis à exécution prononcé par un tribunal de district contre la prolongation du moratoire sur les évictions décidées par le CDC. Le 13 janvier 2022[136], la Cour suprême s’y est référée implicitement pour ordonner la suspension de l’obligation vaccinale relative aux salariés des grandes entreprises décidée par l’Occupational Safety and Heath Administration (OSHA)[137]. La Cour considère que le pouvoir délégué par le Congrès à l’OSHA se limite à la régulation des risques professionnels et qu’il ne comprend pas la régulation de la santé publique d’une manière générale. Aux yeux de la Cour, l’imposition par l’OSHA d’une obligation de santé publique qui touche 84 millions de salariés alors même que la pandémie ne trouve pas sa cause dans le lieu de travail, constitue non seulement une première, mais encore une question majeure. Par conséquent, une délégation législative expresse est nécessaire. Or, celle-ci est absente. Autrement dit, la Cour s’appuie sur la distinction existante entre le risque propre au lieu de travail et le risque sanitaire affectant la population tout entière pour conclure qu’un risque ayant la double caractéristique est exclu de la compétence de l’autorité de régulation des risques professionnels.
Ce faisant, la Cour prive le président Biden d’un outil clé de sa stratégie anti-Covid-19. Elle a d’ailleurs beau jeu de souligner que l’efficacité de la stratégie vaccinale n’est pas en cause. Précisément, lorsque celle-ci est examinée dans le cadre de demandes de référé ou d’annulation contre les obligations vaccinales infrafédérales[138] (même celles non assorties de dérogation religieuse comme dans le cas du Maine), la Cour tend à débouter les requérants.
Ainsi persiste l’hymne aux laboratoires de la démocratie.


Pour citer cet article : Dominique Custos, « Le fédéralisme états-unien à l’épreuve du Covid-19 : un miroir sur ses forces et faiblesses », Confluence des droits_La revue [En ligne], 05 | 2022, mis en ligne le 15 mai 2022. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=1877

[1] J. Bryce, « American Commonwealth », New York: Mac Millan, 1888, vol. 1, p. 353.

[2] New State Ice Company v. Liebman, 285 U.S. 262, 311 (1932).

[3] W.E. Oates, « An Essay on Fiscal Federalism », Journal of Economic Literature, Vol 37(3), 1999, p. 1120-1149. Ici p. 1132.

[4] L’impact de la pandémie du H1N1 (2009) a été bien moindre que celui du Covid-19 : le 13 avril 2020, le directeur de l’OMS qualifie le Covid-19 de 10 fois plus mortel que le virus de H1N1.

[5] S. Griffin, « Stop federalism before it kills again: Reflections on Hurricane Katrina », 21 Journal of Civil Rights and Economic Development, 527, 536 (2007).

[6] Alors même que les États-Unis ont été parmi les premiers pays à disposer d’un vaccin anti-Covid-19, au 1er février 2022, ils ont toujours le taux de mortalité liée à la pandémie le plus élevé parmi les pays industrialisés (63 % plus élevé que cette catégorie) et leur taux de vaccination est le plus bas d’entre-eux : B. Mueller, E. Lutz, « U.S. has highest covid death rates than other wealthy nation », New York Times, 1er février 2022.

[7] L’étude porte essentiellement sur l’année 2020 : R. Chattopadhyay, F. Knüpling, D. Chebenova, L. Whittington, P. Gonzalez, Federalism and the response to COVID-19: A comparative analysis, Routledge Series on the Humanities and the Social Sciences in a Post-COVID-19 World, 2021.

[8] En matière de lutte contre les maladies infectieuses : notamment, l’article 74, section 1(91) GG.

[9] Infektionsschutzgesetz (IfSG) promulguée en 2000, substantiellement modifiée en 2020.

[10] J. Saurer, « Patterns of cooperative administrative federalism: The German response to covid-19 », 73 Administrative Law Review 139 (2021).

[11] OECD, The territorial impact of COVID-19: Managing crisis across levels of government, novembre 2020.

[12] Le National Cabinet consulte l’Australian Health Protection Principal Committee (AHPPC) qui est composé des administrateurs en chef de santé publique des provinces et des territoires et est présidé par l’administrateur en chef de santé de la fédération. L’AHPPC est par ailleurs chargé de gérer l’urgence sanitaire ou autre.

C. Saunders, « A New Federalism? The Role and Future of the National Cabinet », Carton: Melbourne School of Government, 2020.

[13] A. Fenna, « Australian federalism and the Covid-19 crisis », in Rupak Chattopadhyay et al., op. cit., p. 21-22.

[14] Notamment, la loi canadienne sur la gestion des urgences de 2007.

[15] Special advisory committee on the novel coronavirus, établi en janvier 2020.

[16] Le président Johnson a qualifié de « fédéralisme créatif » sa version du fédéralisme coopératif : Lyndon Johnson, Remarks at the University of Michigan, 22 mai 1964.

[17] J. Kincaid, « From cooperative to punitive federalism », The annals of the American Academy of Political and Social Science, 1990, vol. 509 (1), 139-152.

[18] ACIR, Regulatory federalism: Policy, impact and reform, 1984.

[19] Infra III A.

[20] Infra p. 15.

[21] Clause de Commerce.

[22] Idem.

[23] Xe Amendement.

[24] Art. I, Sect. 8, Cl. 1.

[25] Ou bien la préemption pour non-conformité à la politique fédérale (conflict preemption). Ou bien la préemption pour incompétence (field preemption), en ce que le droit infrafédéral empiète sur le droit fédéral.

[26] S. Griffin, op. cit., p. 535.

[27] Berman v. Parker, 348 U.S. 26, 32 (1954).

[28] Berman v. Parker, 348 U.S. 26, 32 (1954).

[29] Gibbons v. Ogden, 22 U.S. 1 (1824).

[30] Barnes v. Glen Theatre 501 U.S. 560, 569, 1991. Également Paris Adult Theatre I v. Slaton 413 U.S. 49, 109 (1973)

[31] Jacobson v. Massachusetts, 197 U.S. 11 (1905).

[32] Zucht v. King, 260 U.S. 174, 176 (1922).

[33] Présomption d’absence de pouvoir local en cas de doute.

[34] Du juge Dillon dans City of Clinton v. Cedar Rapids & Missouri river Railroad, 24 Iowa 455, 475 (1868).

[35] Présomption de pouvoir local en cas de doute.

[36] 47 États au moins ont adopté dans des proportions variables la home rule: R. Briffault, L. Reynolds, N. M. Davidson, The new preemption reader: Legislation, cases and commentary on state and local government law, West Academic Publishing, 2019, p. 4, note 27.

[37] R. Briffault, « The challenge of the new preemption », 70 Stanford Law Review 1995, 2019, (2018).

[38] Outre les gouverneurs, des directeurs régionaux de la santé, des chefs de comté, ainsi que des maires sont susceptibles de se prévaloir la qualité d’autorité de police sanitaire.

[39] Comme celle de l’État de New York.

[40] 34 États autorisent le gouverneur à suspendre les lois et règlements. Maine Policy Institute, op. cit.

[41] D. Custos, « L’action publique américaine face à l’urgence sanitaire causée par le COVID 19 sous la présidence Trump : la dialectique entre la retenue fédérale et la réactivité des États fédérés ». Annuaire européen d’administration publique, 2020, à paraître.

[42] Les 5 États imposant la vaccination pour certaines activités sur la base d’un acte gubernatorial ou d’une loi sont d’obédience démocrate.

[43] Article I, section 9, Clause 2.

[44] Ex parte Bollman, 8 U.S. (4 Cr.) 75, 101 (1807).

[45] M. C. Dorf, « Lock us down; Suspend Habeas; Save the Nation », Verdict, 15 mars 2020.

[46] Youngstown Sheet & Tube Co. v. Sawyer, 343 U.S. 579, 585 (1952).

[47] Gibbons v. Ogden, 22 U.S. 1 (1824).

[48] Site du CDC : https://www.cdc.gov/flu/pandemic-resources/1918-pandemic-h1n1.html.

[49] J. M. Barry, Rising Tide: The great Mississippi flood of 1927 and how it changes America, Simon and Schuster, 1997, p. 399-407.

[50] Elles durèrent 5 mois (150 jours), affectèrent 6 États et firent près d’un million de sans-abris (la population totale étant alors de 120 millions).

[51] Le Flood Control Act (FCA) de 1928 confie au corps fédéral des ingénieurs militaires, U.S. Army Corps of Engineers, la construction d’un système de digues pour contrôler le fleuves Mississippi et Sacramento. Il inaugure une série législative qui verrra l’Union s’impliquer dans l’aménagement anti-inondation des fleuves.

[52] J. M. Barry, op. cit.; S. Griffin, op. cit., p. 536.

[53] Public Health Service Act, PHSA de 1944: Pub. L. No. 78-409, 58 Stat. 682 (1944), 42 U.S.C. §§ 201-300mm–61.

[54] Infra p. 11 et s.

[55] S. Griffin, op. cit., p. 538 (2007).

[56] Idem.

[57] Griffin, op. cit., p. 538-539.

[58] Art. I, Sect. 8, Cl. 3.

[59] Art. I, Sect. 8, Cl. 1.

[60] Art. I, Sect. 8, Cl. 18.McCulloch v. Maryland, 17 U.S. (4 Wheat.) 316,421 (1819).

[61] Lochner v. New York, 198 U.S. 45 (1905).

[62] ACIR, Categorical grants: Their role and design, A-52, 1977, p. 51-52.

[63] The Federalist n. 30, 34, p. 187–93, 209–15 (Jacob E. Cooke ed., 1961).

[64] The Federalist n. 41, p. 268–78.

[65] The Federalist n. 41, p. 268–78.

[66] Art. I, Sect. 8, Cl. 1.

[67] Helvering v. Davis, 301 U.S. 619 (1937): 24 mai 1937; Steward Machine Company v. Davis, 301 U.S. 548 (1937).

[68] Helvering v. Davis, 640 et 641.

[69] South Dakota v. Dole 483 U.S. 203(1987); Rust v. Sullivan, 500 U.S. 173 (1991); United States v. Am. Library Ass’n, 539 U.S. 194 (2003).

[70] West Coast Hotel Co. v. Parrish, 300 U.S. 379 (1937): 29 mars 1937.

[71] E. Chemerinsky, « The federalism revolution », 32 New Mexico Law Review 7 (2001).

[72] Mais la pandémie du Covid-19 n’a fait l’objet que d’une législation de gestion de l’impact économique et social et a laissé intact le droit fédéral relatif à la gestion immédiate d’une pandémie (préparation et déclaration).

[73] NEA, sections 201 et 301. Sur la base de ces dispositions, Secretary of HHS peut, au nom de l’urgence, déroger au droit de la santé à condition d’en informer le Congrès. Pub.L.No.94-412, 90 Stat.1255(1976), 50 U.S.C. §§1601-1651.

[74] Le Stafford Act (Pub. L. No. 100-107) de 1988 modifie le Disaster Relief Act de 1974 (Pub. L. No. 93-288, 88 Stat. 143 (1974)), 42 U.S.C. §§ 5121-5207.

[75] L’agence fédérale de gestion de l’urgence est la Federal Emergency Management Administration ou FEMA.

[76] Pub. L. No. 78-409, 58 Stat. 682 (1944), 42 U.S.C. §§ 201-300mm–61.

[77] 42 U.S.C. 247d.

[78] 42 U.S.C. 264(a). Formellement le texte mentionne le Surgeon General mais, dans les années 1970, le jeu des réformes administratives a fait de l’HHS Secretary le délégataire.

[79] La prolongation du moratoire sur les évictions édictée par le CDC en 2020 était fondée sur cette disposition.

[80] Le pluriel s’explique parce que cet organe national de l’administration de la santé établi en 1946réunit 4 centres et 1’institut. Le CDC, principale agence nationale de protection de la santé publique, n’est qu’un des sept organismes fédéraux traitant des questions de santé publique au sein du HHS. Parmi ces derniers, figurent la Food and Drug Administration (FDA) et le National Institute of Health (NIH). Au sein du NIH, se trouve le NIAID, ou National Institute of Allergy and Infectious Diseases.

[81] Control of Communicable Diseases, 82 Fed. Reg. 6890, 6909 (19 Janvier 2017) 42 C.F.R.70 et 71.

[82] 42 U.S.C. 243.

[83] La section 311 du PHSA est insérée dans une Partie B du Titre 3 intitulée “Federal-State Cooperation”.

[84] Public Law No. 81-774, 50 U.S.C. 4501 et seq.

[85] Notamment, les tests de dépistage, les machines d’assistance respiratoire, les masques, etc.

[86] Public Law No. 109-417, 42 U.S.C. 101 et seq.

[87] Par exemple, le PHEP (Public Health Emergency Preparedness) program existe depuis 2002 ; dans le cadre de la gestion de la grippe H1N1, un programme d’aides a opéré entre 2009 et 2010 : le Public Health Emergency Response Grant.

[88] La création de l’ASPR nécessite un amendement du PHSA de 1944.

[89] Infra p. 15 et s.

[90] Il s’agit, depuis 2002, d’épidomiologistes ou depuis 2012, de spécialistes de la préparation à l’urgence nommés pour 3 ans.

[91] National Healthcare Preparedness Programs (NHPP): outre le PHEP program déjà mentionné (note 90), Hospital Preparedness Program, Healthcare Facility Partnership Program, National Special Pathogen System, Regional Disaster Health Response System.

[92] T. Goodwin Veenema, Disaster Nursing and Emergency Preparedness, Springer Publishing Company, 2018, p. 100.

[93] Public Law 86-380, 73 Stat. 708.

La Commission fédérale avait succédé à la CIR, dite Commission Kestenbaum, 1953-1955

[94] Supra p. 3.

[95] The White House Coronavirus Task Force.

[96] The Covid-19 Health Equity Task Force.

[97] Supra p. 13.

[98] The Tax Policy Center, The state of state and local tax policy, 2021.

[99] Idem.

[100] Coronavirus Aid Relief and Economic Security (CARES) Act du 27 mars 2020, Public Law 116-136; Coronavirus Response and Relief Supplemental Appropriations Act du 27 décembre 2020, Public Law 116-260; American Rescue Plan Act de 2021 du 11 mars 2021, Public Law No: 117-2.

[101] L’existence d’un tel montage confirme le constat du refus du Congrès d’intervenir directement en matière de catastrophe naturelle tout au long du xixe siècle. Supra, p. 7-8 et notes de bas de pages correspondantes.

[102] Environnement, éducation, des personnes vulnérables, travail.

[103] Néanmoins, dans le cooperative agreement, la Fédération est également impliquée dans la mise en œuvre.

[104] Public Health Emergency Preparedness Program Cooperative Agreement. Un cooperative agreement n’est pas soumis aux règles de la commande publique figurant dans le Federal Acquisition Regulation (FAR).

[105] Juillet 2021-juin 2023.

[106] Cooperative Agreement dor Emergency Response: Public Health Crisis Response, 11 octobre 2017.

[107] Règlement (interim rule) du CMS, Medicare and Medicaid Programs; Omnibus COVID-19 Health Care Staff Vaccination, 86 Fed. Reg. 61555 (2021).

[108] Joseph Biden, President of the U.S. et al., v. Missouri et al., 595 U.S. – (2022).

[109] Compact Clause : Article 1 section 10 Clause 3.

[110] Emergency Management Assistance Compact (EMAC) : Établi d’abord de façon informellle après le cyclone Andrew, l’EMAC est devenu un instrument formel et d’envergure nationale en 1996.

[111] The Big Seven regroupent sur une base bipartisane les représentants des États et des collectivités locales et remplissent une fonction de représentation et de coopération : Council of State Governments (1933), International City/County Management Association (1914), National Association of Counties (1935), National Conference of State Legislatures (1975), National Governors Association (1908), National League of Cities (1924), United States Conference of Mayors (1932).

[112] Democratic Governors Association et Republican Governors Association.

[113] Fédéralisme dualiste, coopératif, coercitif/punitif : supra p. 4.

[114] Richard Nixon, Annual message to Congress on the state of the Union, 22 janvier 1970.

[115] Ronald Reagan, Address to Congress on the state of the Union, 26 janvier 1982.

[116] F. J. Thompson, « The rise of executive federalism: Implications for the picket fence and IGM », The American Review of Public Administration, vol. 43(1), 2013, p. 3–25.

[117] G. Goelzhauser et D. M. Konisky, « The state of American federalism 2019-2020: Polarized and punitive intergovernmental relations », Publius: The Journal of Federalism vol. 50(3), 2020, p. 311-343.

[118] Goelzhauser et Konisky, op. cit., S. L. McMillan, C. J. Kinsella, « Barack Obama, Intergovernmental relations, and economic policy: Something old and something new, something borrowed, and something new », in M. Grossman, R. E. Matthews, F. Schortgen (Ed.), Achievement and legacy of the Obama presidency, Palgrave Macmillan, 2022, p. 31-46.

[119] À ce titre, il est qualifié de « fédéralisme partisan » : J. Bulman-Pozen, Partisan federalism, 124 Harvard Law Review 1077 (2014).

[120] Infra, p. 18 et s.

[121] Faute de la figure d’un État fédéral régulateur des comportements à l’intérieur des États.

[122] Comme le droit du travail dans le cas de l’obligation vaccinale du secteur privé.

[123] Une seule des 5 obligations vaccinales prises par l’administration Biden a survécu (au 15 septembre 2022) : celle relative au personnel soignant. CRS, Status of Federal COVID-19 Vaccination Mandate Litigation, 8 février 2022.

[124] Le règlement portant obligation vaccinale de l’OSHA a été retiré le 26 janvier 2022.

[125] Personnel des titulaires de marchés publics : Executive Order 14042 du 9 septembre 2021, 86 Fed. Reg. 50985(2021); Fonction publique fédérale: Executive Order 14043 du 9 septembre 2021, 86 Fed. Reg. 50989 (2021).

[126] Personnel des grandes entreprises : règlement de l’OSHA du 4 novembre 2021, 86 Fed. Reg. 61402 (2021) ; Personnel des établissements de santé et d’hébergement des personnes dépendantes : règlement du CMS du 4 novembre 2021, 86 Fed. Reg. 61555 (2021). Personnel des établissements scolaires relevant du Head Start Program : règlement de la Children and Families Administration (au sein de l’HSS) du 30 novembre 2021 : 86 Fed. Reg. 68052 (2021).

[127] Gibbons v. Ogden, 22 U.S. 1 (1824); West Coast Hotel Co. v. Parrish, 300 U.S. 379 (1937); Helvering v. Davis, 301 U.S. 619 (1937).

[128] United States v. Lopez, 514 U.S. 549 (1995).

[129] National Federation of Independent Business v. Sebelius, 567 U.S. 519 (2012).

[130] New York v. United States, 505 U.S. 144, 149, 188 (1992).

[131] Utility Air Regulatory Group v. EPA, 573 U.S. 302, 324 (2014).

[132] King v. Burwell, 576 U.S. 473 (2015).

[133] Les décisions de 2014 et de 2015.

[134] United States Forest Service v. Cowpasture River Preservation Assn., 590 U. S. ___ (2020).

[135] Alabama Association of Realtors v. Department of Human Health Services, 141 S. Ct. 2485, 2489 (2021).

[136] National Federation of Independent Business et al., v. Department of Labor, OSHA et al., 595 U.S. – (2022).

[137] 86 Fed. Reg. 61402 (2021).

[138] Indiana University (personnel et étudiants) : Klassen v. Trustees of Indiana University, 12 août 2021.

Ville de New York (personnel des écoles publiques) : ordonnance de référé de la juge Sotomayor, Maniscalco v. New York City Department of Education, 1er octobre 2021. Le 7 mars 2022, la formation plénière de la Cour suprême a également rejeté un second recours en référé transmis par le juge Gorsuch.

Maine (personnel de santé) : Does v. Mills, 29 octobre 2021.

Massachusetts (personnel d’un hôpital) : Together employee v. Mass General Brigham Inc., 29 novembre 2021.

État de New York (personnel de santé) : Dr A v. Hochul, 13 décembre 2021.

Nouveau Mexique (personnel de santé) : Valdez v. Lujan Grisham, 20 décembre 2021.



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