C.E. Nikolaidis-Lefrançois – Démocratie, État de droit et droits fondamentaux face à la pandémie de Covid-19. La situation en Grèce

Clémentine-Eleni Nikolaidis-Lefrançois, Doctorante contractuelle, Aix Marseille Univ, CNRS, DICE, ILF, Aix-en-Provence, France

Si en grec le mot « pan » signifie « tout » et le mot « démos » signifie le « peuple », le mot « pandémie » est utilisé pour désigner une situation qui affecte le peuple entier. Telle est la situation provoquée par la propagation du coronavirus Covid-19 qui a entraîné une crise sanitaire n’ayant épargné quasiment aucune région du monde.
La présente analyse propose un état des lieux de la situation grecque en se concentrant sur les principales actions entreprises par les autorités grecques pour lutter contre la propagation du virus et faire face aux conséquences de la crise sanitaire. C’est ainsi qu’elle s’intéresse à l’évaluation d’un point de vue juridique de l’incidence de ces mesures sur les droits et libertés fondamentaux. Ces derniers sont entendus dans leur sens formel en tant que droits garantis par la Constitution et les engagements internationaux de l’État.
Outre l’actualité évidente du sujet, la présentation de la situation en Grèce peut s’avérer très enrichissante d’un point de vue de droit comparé. En effet, il est remarquable que la Grèce ait réussi à contrôler avec succès la propagation du virus, alors qu’il s’agit d’un État ayant traversé pendant la dernière décennie une importante crise financière, dont les traces sont toujours présentes dans la société et l’économie. À titre indicatif, il suffit de noter que pour une population d’environ 10,8 millions d’habitants, la Grèce compte à présent (25 mai 2020) 2.882 cas de contamination avérés et 172 décès liés au coronavirus Covid-19[1].
Cela est d’autant plus intéressant qu’un consensus impressionnant semble avoir été formé au sein de la société[2], du moins pendant la première phase de la crise. Même si le constat relève plutôt de la sociologie, il semblerait que de nombreux facteurs ont encouragé le respect des mesures et la discipline des citoyens. On pense notamment à l’expérience de la crise financière, au sentiment de peur et d’incertitude lié à l’appauvrissement des ménages[3], mais aussi au réalisme quant aux capacités de résistance du système national de santé. On ne peut pas non plus ignorer l’importante influence des médias et des campagnes de sensibilisation du public.
Dans ce contexte, la question se pose de savoir quelles ont été les principales actions et réactions juridiques des autorités grecques face à la crise de la Covid-19 et quels ont été les effets des mesures ainsi adoptées sur les droits et libertés fondamentaux.
Les autorités grecques ont adopté une pléthore de mesures d’urgence destinées à lutter contre la crise sanitaire due au coronavirus Covid-19 (I). Pour ce faire, elles se sont servies d’instruments juridiques rendus disponibles par la Constitution (A) et ont adopté des mesures similaires à celles adoptées par la plupart des États du globe (B). Il va de soi que cet arsenal de mesures entraîne de nombreuses répercussions sur les droits et libertés fondamentaux (II) aussi bien immédiatement (A) que sur le long terme (B).

I. Actions et réactions de l’ordre juridique grec face à la Covid-19 : état des lieux

Afin de présenter les mesures adoptées par les autorités grecques pour lutter contre la crise sanitaire, il convient de présenter dans un premier temps le cadre juridique sur lequel elles se sont fondées (A) et dans un second temps le contenu des principales mesures (B).

A. Le cadre juridique efficace des mesures adoptées 

Plusieurs solutions sont proposées dans le cadre de l’ordre juridique grec pour gérer des situations d’urgence. Cependant elles ne présentent pas toutes le même degré d’adaptation pour faire face à une crise sanitaire. Il convient ainsi d’examiner brièvement dans un premier temps les solutions dont la mise en œuvre a été jugée inopérante, pour présenter dans un second temps le dispositif des décrets-lois qui a été finalement privilégié.

Tout d’abord, la crise liée au coronavirus Covid-19 n’a pas entraîné l’application de régimes d’exception considérés comme extrêmes. Ainsi, il n’a pas été question de recourir à un régime se trouvant en dehors de la normalité constitutionnelle, i.e. un régime d’exception « constituant »[4], comme cela a pu être le cas en Grèce pendant des périodes d’anomalie constitutionnelle (par exemple pendant les périodes de guerre et de dictature)[5]. En effet, la crise provoquée par le coronavirus Covid-19 n’est pas une situation justifiant une dérogation à la Constitution et l’application d’un régime « constituant ». La Constitution grecque prévoit des mécanismes permettant de faire face à des situations de crise.

Cependant, même si la Constitution prévoit plusieurs régimes d’exception, il est évident qu’ils ne sont pas tous tout aussi adéquats pour lutter contre une crise sanitaire. Cela est notamment le cas de l’art. 48 de la Loi fondamentale grecque qui prévoit l’état de siège. Selon ce dispositif, il est possible dans les conditions qu’il pose (cas de guerre, de mobilisation en raison de dangers extérieurs ou d’une menace imminente pour la sûreté nationale, cas où un mouvement armé tendant au renversement du régime démocratique se manifeste) de suspendre la vigueur de plusieurs dispositions constitutionnelles consacrant des droits et libertés fondamentaux. Cet article n’a jamais été appliqué depuis l’entrée en vigueur de la Constitution de 1975. Cependant, une minorité doctrinale s’y réfère à propos de la crise sanitaire actuelle. À notre avis, l’art. 48 n’est pas adapté pour lutter contre une crise sanitaire de l’ampleur de celle vécue actuellement[6]. En revanche, la situation est toute autre quant à l’instrument des décrets-lois de l’art. 44§1.
Si la mise en œuvre de la procédure des décrets-lois (ou littéralement des actes à contenu législatif) est communément admise comme la solution la plus opportune pour adopter des mesures de lutte contre le coronavirus Covid-19, celle-là n’est pas pour autant anodine. En effet, l’art. 44§1[7] de la Constitution, octroie à l’exécutif la possibilité de légiférer « dans des cas exceptionnels d’une nécessité extrêmement urgente et imprévue ».
C’est ainsi que se forme une problématique complexe d’acceptabilité de substitutions. Le Conseil des Ministres peut-il se substituer au Parlement et, le cas échéant, quelle est la valeur des actes normatifs ainsi adoptés ? Par ailleurs, dans une telle hypothèse, un ou plusieurs ministres sur habilitation du Conseil des Ministres peuvent-ils se substituer à ce dernier pour prendre une décision relevant plutôt du champ de compétence du législateur ? En d’autres termes, jusqu’où peut-on admettre une telle délégation du pouvoir législatif ?

La première question qui se pose est celle de la valeur juridique des décrets-lois. Comme il sera démontré dans la seconde partie de cette présentation, afin de pouvoir limiter de façon conforme à la Constitution un droit ou une liberté fondamentale, il faut que la limitation soit rendue possible par le texte constitutionnel soit directement soit par réserve de loi. La question qui se pose donc est celle de savoir si l’on peut considérer que les décrets-lois de l’art. 44§1 correspondent à la notion de « loi » du concept de « réserve de loi ». À cet égard, rappelant une jurisprudence constante, le Service scientifique du Parlement souligne dans ses rapports sur les projets de loi de ratification des décrets-lois adoptés pour lutter contre la Covid-19 que « ces actes (i.e. les décrets-lois) consacrent des normes juridiques de valeur formelle égale à celle des lois et, par conséquent, avec ceux-là il est possible de modifier ou d’abroger des dispositions législatives en vigueur [8]».
Cette question est intrinsèquement liée à celle de savoir si les décrets-lois peuvent contenir des délégations législatives[9]. La question n’est pas des plus simples. Elle s’est posée par exemple pour les mesures de confinement qui ont été décidées par arrêté ministériel sur habilitation du décret-loi du 20 mars. D’une part, si cette possibilité n’est pas admise, conformément d’ailleurs à la jurisprudence développée sur ce sujet, il aurait fallu que la mesure du confinement soit imposée directement par décret-loi. D’autre part, si malgré cela on admet cette possibilité, il demeure tout de même discutable que la mesure ait été imposée par arrêté ministériel et non par décret de la Présidente de la République, soumis à l’analyse préalable du Conseil d’État[10]. Sur ce dernier point, le caractère spécial et technique du sujet a été proposé comme fondement, qui pourrait éventuellement justifier l’adoption de la mesure par arrêté ministériel[11].

Une autre question en lien avec les décrets-lois concerne leur contrôle juridictionnel. À cet égard, la jurisprudence pertinente peut être schématisée ainsi : l’évaluation des conditions d’urgence et, par conséquent, de l’opportunité de l’emploi de la procédure des décrets-lois échappe au contrôle juridictionnel. En revanche, le respect de la procédure d’édiction et de ratification des décrets-lois et la constitutionnalité des mesures ainsi adoptées sont susceptibles d’être contrôlés de façon incidente, c’est-à-dire à l’occasion d’un recours contre un acte règlementaire ou individuel pris sur leur fondement et cela dans le cadre du contrôle de constitutionnalité diffus exercé par les juridictions grecques[12].

Enfin, d’un point de vue d’actualité juridique, le dispositif des décrets-lois a connu une application très répandue pendant la crise financière grecque. Le recours assez fréquent et pas toujours justifié à ce dispositif a pu faire l’objet de nombreuses critiques dénonçant son utilisation abusive. En revanche, comme il sera démontré plus amplement dans la seconde partie, ce genre de critiques a été très peu développé dans le contexte actuel de crise sanitaire. D’ailleurs, la ratification de la majorité des décrets-lois par le Parlement affaiblit encore plus de facto les critiques qui ont pu se former.

Sachant que l’art. 44§1 a servi de fondement juridique pour les mesures adoptées pour lutter contre la crise du coronavirus Covid-19, il convient avant d’examiner les critiques qui ont pu être formulées quant à l’opportunité de l’emploi de la procédure des décrets-lois, de présenter le contenu des principales mesures.

B. L’adoption de mesures attendues

La Grèce est un des États européens qui ont réagi relativement tôt face à la crise sanitaire, puisque les premières mesures de contrôle de la propagation du virus ont été adoptées le 25 février 2020. À ce jour, les décrets-lois qui ont été édictés par le Président de la République et ensuite par la Présidente de la République[13] sur proposition du Conseil des Ministres sont au nombre de sept. Ces décrets-lois ont été accompagnés d’une pléthore d’arrêtés ministériels venant concrétiser et appliquer leur contenu. Ainsi, sans prétendre à l’exhaustivité, il convient de présenter les principales mesures.

Le premier décret-loi, intitulé « Mesures d’urgence visant à éviter et limiter la propagation du coronavirus », a été édicté le 25 février. Il a introduit une série de mesures de prévention, de suivi sanitaire et de limitation de la propagation de la maladie en prévoyant notamment, d’une part, la réalisation de tests et la mise en quarantaine des personnes susceptibles de propager le virus et, d’autre part, la mise en place de contrôles aux points d’entrée et de sortie du territoire. Il a par ailleurs prévu la possibilité d’introduire des limitations temporaires des liaisons aériennes, maritimes, ferroviaires et routières de la Grèce avec les pays où le virus s’était largement propagé. De plus, il a été prévu que, sur décision des ministres compétents, il serait possible d’ordonner la fermeture des établissements éducatifs de tous les degrés, des lieux de culte, des lieux culturels, des administrations publiques et plus généralement des lieux de rassemblement du public. À cette phase de la crise sanitaire, la mesure de confinement a été prévue de façon assez restreinte, puisqu’il s’agissait de la possibilité de l’imposer à certains groupes de personnes susceptibles de propager la maladie et sur des parties du territoire limitées. Enfin, le décret-loi prévoit la possibilité de suspendre temporairement les contrats de travail des employés des entreprises dont a été décidée la fermeture provisoire.
Dans tous les cas, le décret-loi ne prévoit pas de délais spécifiques pour les mesures ainsi introduites ou susceptibles d’être adoptées sur son fondement par voie d’arrêté ministériel. Néanmoins, il insiste sur la nécessité de respecter le principe constitutionnel de proportionnalité et il accorde la faculté aux ministres compétents d’introduire simultanément aux mesures de lutte contre l’épidémie des mesures d’atténuation des répercussions des premières. À titre d’illustration, on peut évoquer la suspension de certaines obligations fiscales. Enfin, a été établi un moyen de recours contentieux contre les mesures ainsi adoptées devant le président du Tribunal administratif se prononçant en première et dernière instance.
Les délégations législatives contenues dans ce premier décret-loi ont donné lieu à de nombreuses mesures introduites par arrêtés ministériels ; mesures, par ailleurs, fortement médiatisées. Ainsi, la toute première mesure a été celle de l’annulation des manifestations de célébration du carnaval du 27 février. Ensuite, en l’espace d’une semaine (du 10 au 17 mars), a été ordonnée la fermeture de tout établissement éducatif, des lieux de manifestations sportives et culturelles, des magasins de restauration, des lieux de culte et des commerces (hors commerces de produits et services de première nécessité). Dans la plupart des cas, la fermeture a été initialement décidée pour une période de deux semaines et a été ensuite prolongée par des nouveaux arrêtés ministériels. Sur le fondement du même décret-loi a été également décidée la suspension temporaire des liaisons de la Grèce avec certains pays étrangers et même la restriction des liaisons maritimes entre le continent et les îles dans un souci de contrôler la propagation du virus.

Le 11 mars a été édicté le deuxième décret-loi comportant des « mesures visant à lutter contre les conséquences négatives de l’apparition du coronavirus Covid-19 et à faire face à la nécessité de limiter sa propagation ». Ces mesures ont habilité les ministres compétents à suspendre et prolonger sous certaines conditions les délais de paiement de la TVA pour les entreprises, des dettes fiscales et des cotisations de la sécurité sociale. Dans le secteur du travail, a été introduite la faculté pour l’employeur d’imposer le télétravail et pour les employés, parents d’enfants mineurs, de bénéficier d’un congé ad hoc. Des dispositifs d’apprentissage à distance ont fait leur apparition dans le secteur de l’éducation. Enfin, les ministres compétents ont été habilités à suspendre temporairement le fonctionnement des tribunaux. Cette dernière mesure n’a pas tardé de rentrer en vigueur par arrêté ministériel du 15 mars.

Afin de faire face à l’afflux de consommateurs dans les surfaces de grande distribution et autres lieux de commerce, le décret-loi du 14 mars, intitulé « mesures d’urgence visant à répondre à la nécessité de limiter la propagation du coronavirus Covid-19 », a prévu des dispositifs visant à assurer l’approvisionnement du marché et le fonctionnement des supermarchés et des entreprises de restauration. Par ailleurs, il a imposé des règles de distanciation des clients pour une période de six mois.

Le quatrième décret-loi, édicté le 20 mars et intitulé « Mesures d’urgence visant à lutter contre les conséquences du coronavirus Covid-19, à soutenir la société et l’entrepreneuriat et à assurer le bon fonctionnement du marché et de l’administration publique », revêt une importance significative. En effet, son article 68 a constitué le fondement des restrictions les plus drastiques apportées à la liberté personnelle et à la liberté de rassemblement. Ainsi, par arrêté ministériel du 22 mars, les personnes se trouvant sur l’ensemble du territoire grec ont connu une restriction sévère de leur liberté d’aller et venir, puisque celle-ci a été réduite au strict minimum, l’arrêté ministériel prévoyant au total huit raisons permettant de sortir de son domicile[14].  De même, les rassemblements de plus de dix personnes dans les lieux publics se sont vus interdits.
Parallèlement, le décret-loi a introduit une nouvelle série de mesures de soutien financier des entreprises touchées par les conséquences de la crise sanitaire. Il a également prévu la nullité des résiliations des contrats de travail pendant la période de fermeture des entreprises et a apporté des innovations remarquables quant à la numérisation et, par conséquent, la modernisation de l’action de l’administration publique (ex : possibilité d’obtenir certains documents administratifs, d’effectuer des déclarations sur l’honneur et des procurations en ligne).

Les deux décrets-lois suivants[15] s’inscrivent dans la lignée des précédents, avec des mesures complémentaires de soulagement et d’aide financière à la population. Par ailleurs, a été prévue la constitution d’un registre national des patients de Covid-19.

Enfin, le décret-loi du 1er mai, intitulé « Mesures supplémentaires visant à lutter contre les effets persistant de la pandémie du coronavirus Covid-19 et à retourner à la normalité sociale et économique », impose notamment des règles de distanciation sociale (ex : port obligatoire du masque dans les transports en commun, respect d’une distance minimum entre personnes, respect des gestes barrières). En cas de violation de ces règles, une amende administrative de 150 à 5.000 euros est susceptible d’être infligée. De plus, il interdit le licenciement des employés dont les contrats de travail ont été suspendus en vertu de la possibilité accordée par les décrets-lois précédents et cela pour une durée de 45 jours suivant la levée des mesures de fermeture provisoire des entreprises dans lesquelles ils travaillent.

Conformément aux impératifs de l’art. 44§1, les cinq premiers décrets-lois ont été ratifiés par loi du Parlement[16]. Par ailleurs, la plupart des mesures destinées à lutter contre la propagation du virus ont commencé à être limitées ou même levées progressivement à partir du 4 mai (ex : levée du confinement, réouverture progressive des commerces, des établissements éducatifs et des plages organisées).
Simultanément, des mesures pour faire face à la nouvelle conjoncture ont été adoptées ou se trouvent en phase de planification. Tel est le cas par exemple de l’arrêté ministériel très controversé prévoyant la possibilité d’installation de caméras dans les classes scolaires ou encore la préparation d’un dispositif de chômage partiel et de subventions étatiques pour éviter les licenciements après les 45 jours depuis la suspension de certains contrats de travail (cf. II. A.). En général, comme l’a précisé le Premier ministre en s’adressant à la nation le 20 mai 2020, les mesures attendues serviront trois objectifs, i.e. le soutien du marché du travail, le tourisme et plus généralement l’économie.
Même si la nature et le contenu des mesures adoptées par les autorités grecques ne se différencient pas finalement de manière exceptionnelle des mesures adoptées par d’autres États, il est intéressant d’examiner de plus près leurs effets sur les droits et libertés fondamentaux. En effet, le contexte juridique grec, déjà fragilisé par une crise qui a donné lieu à une décennie de mesures d’austérité, constitue un champ d’étude particulièrement intéressant.

II. Les conséquences multidimensionnelles des mesures adoptées 

De manière chronologique, il convient de s’intéresser dans un premier temps à l’impact instantané que les mesures de lutte contre le coronavirus Covid-19 ont eu sur les droits et libertés fondamentaux (A). Une fois cet aspect examiné, cela permettra de procéder dans un second temps à certaines projections et à tenter une évaluation des conséquences que ces mesures pourraient entraîner au long terme (B).

A. Les répercussions immédiates sur les droits et libertés fondamentaux

La description des mesures adoptées pour lutter contre la crise sanitaire rend évidente la remise en cause de plusieurs droits et libertés fondamentaux. Ainsi, les mesures d’urgence ont limité notamment la liberté d’aller et venir (art. 5 §§ 3 et 4 de la Constitution), le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 9), le droit à la protection des données à caractère personnel (art. 9A), la liberté de rassemblement (art. 11), la liberté de culte (art. 13§2), le droit de propriété (art. 17) et plus généralement le droit de développer librement sa personnalité et de participer à la vie sociale, économique et politique du pays (art. 5).
Pour l’instant, s’il y a déjà eu certaines saisines du juge grec à propos des mesures adoptées pour lutter contre la crise sanitaire[17], il n’y a pas encore eu de décision juridictionnelle définitive sur le sujet. Plus précisément, le Conseil d’État a été saisi par des recours pour excès de pouvoir contre certains arrêtés ministériels. Cependant, les délais de jugement de ces recours nécessitent l’écoulement de nombreux mois depuis la date de leur dépôt. Par ailleurs, en ce qui concerne les procédures d’urgence, à notre connaissance à ce jour il n’y a eu qu’une seule décision qui a été rendue par le juge des référés du Conseil d’État[18]. Celle-ci concerne l’arrêté ministériel ordonnant la suspension temporaire des messes religieuses dans les lieux de culte. Selon une motivation très brève, propre aux décisions de référés, le juge considère que le délai d’application des mesures attaquées est raisonnable et qu’a présent il n’existe pas de mesures de protection de la santé publique pouvant s’appliquer de façon alternative. Il n’y a donc pas lieu à ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté attaqué.  Par ailleurs, la Commission des suspensions du Conseil d’État considère que les moyens d’inconstitutionnalité avancés par les requérants dans leur recours principal (recours pour excès de pouvoir) ne sont pas manifestement fondés. Par conséquent, l’arrêté attaqué est prima facie conforme à la Constitution et la demande de suspension de son exécution doit être rejetée.
Dans l’attente donc de la publication d’autres décisions juridictionnelles, il convient de présenter brièvement les principaux sujets de controverse tels que relevés par la doctrine, i.e. la question de l’opportunité de l’emploi de la procédure des décrets-lois (1) et de la constitutionnalité des mesures adoptées (2).  

1. L’application de l’article 44 paragraphe 1 : un choix peu contesté en doctrine

Tout d’abord, le choix de l’application de l’art. 44§1 de la Constitution plutôt que de son art. 48 a-t-il été opportun ? Afin de répondre à cette question, le critère principal est celui de savoir si les mesures adoptées ont conduit à une limitation ou plutôt à une suspension des droits et libertés fondamentaux. La grande majorité de la doctrine considère que les mesures d’urgence n’ont pas atteint le noyau dur des droits et libertés concernés. Elle admet donc qu’il s’agit en réalité de limitations, parfois même très sévères, et soutient par conséquent le choix gouvernemental. Si telle est l’opinion majoritaire, il est intéressant pour autant de présenter en quelques mots l’avis de la minorité, favorable au déclenchement de l’art. 48.

Les principaux arguments du camp minoritaire peuvent se résumer ainsi : d’abord, le Premier ministre a qualifié la situation actuelle de « guerre contre un ennemi invisible ». De ce fait, la situation actuelle rentre dans le champ d’application de l’art. 48. De plus, à partir d’une interprétation sémiotique, la limitation de certains droits fondamentaux dans un but de protection de la santé publique n’est pas prévue par les réserves de loi contenues dans les dispositions qui les consacrent. Il est donc inconstitutionnel de les limiter par décret-loi. Enfin, les limitations apportées par les décrets-lois contestés compromettent la substance même ou, autrement dit, le noyau dur de certains droits et libertés, tels que la liberté d’aller et venir et la liberté de rassemblement. Par conséquent, la seule manière rendant constitutionnellement acceptable leur restriction est le déclenchement de l’art. 48.

L’argument de « guerre sanitaire » ne semble pas assez solide et surtout la situation de crise sanitaire ne semble pas rentrer dans le champ d’application de l’art. 48. Cependant, si l’argument a pu être avancé, cela a été sans doute fait dans un effort de souligner la nécessité d’assurer un plus grand respect du pouvoir et de la légitimité démocratique du Parlement qui s’est vu marginalisé par l’emploi de la procédure des décrets-lois[19]. Aussi légitime que puisse paraître cet effort qui souligne par ailleurs un vrai problème devant être pris en compte, il nous semble que le choix de ne pas déclencher l’art. 48 a été opportun étant donné non seulement le fait que la situation de crise sanitaire rentrerait mal dans son champ d’application, mais surtout la connotation négative que suit les régimes d’état de siège imposés en Grèce pendant le XXème siècle.

2. Les limitations globalement constitutionnelles apportées par décrets-lois 

Deuxièmement, après avoir écarté les hésitations par rapport au choix du fondement constitutionnel des mesures, il convient de se focaliser sur la question de leur constitutionnalité. Puisqu’il est largement admis qu’il ne s’agit pas de suspensions, mais de limitations de droits et libertés fondamentaux, il est indispensable de présenter les étapes du contrôle de constitutionnalité des limitations. En règle générale, on peut distinguer trois grands principes régissant le contrôle des limitations[20]. Ainsi, pour affirmer la constitutionnalité d’une limitation, il faut que celle-ci soit permise par la Constitution et qu’elle respecte le principe constitutionnel de proportionnalité (art. 25§1 al. 4)[21]. Enfin, il ne faut pas que la limitation nuise au noyau dur du droit ou de la liberté.
La présente contribution ne prétend en aucun cas à une présentation exhaustive des différents problèmes juridiques qui peuvent se poser. Il s’agit plutôt de mentionner dans les prochaines lignes certains points critiques.

a. La problématique subtile mais déterminante de l’interprétation de la réserve de loi

Le premier principe impose que la limitation soit rendue possible par la Constitution. Il s’agit donc de la question de la réserve de loi. À cet égard, on peut rencontrer deux problématiques principales. Dans un premier temps et en guise de prérequis, surgit une problématique d’ordre formel et déjà traitée au début de cette analyse. Il s’agit de la question de savoir si les décrets-lois correspondent à la notion de « loi » du concept de « réserve de loi » et s’ils peuvent prévoir des délégations législatives. Malgré les hésitations qui ont pu être relevées dans la première partie de la présente analyse, la réponse générale est plutôt affirmative. Dans un second temps, se présente une problématique d’ordre matériel. Quid de la limitation de droits et libertés fondamentaux consacrés par des dispositions contenant une réserve de loi qui ne mentionne pas expressément la possibilité de limitation à des fins de protection de la santé publique ?
À cet égard, la controverse a été particulièrement intense concernant la restriction générale de la liberté d’aller et venir de l’art. 5. Plus précisément, selon l’art. 5§3, « la liberté individuelle est inviolable. Nul n’est poursuivi, arrêté, emprisonné ou soumis à d’autres contraintes que dans les cas et selon les conditions déterminées par la loi ». De plus, selon le §4, « Les mesures administratives individuelles de nature à restreindre à tout Hellène le libre déplacement ou le libre établissement dans le pays, ainsi que la liberté d’y entrer et d’en sortir, sont interdites ». Enfin, l’interprétation déclarative relative au §4 introduit une exception à l’interdiction des mesures administratives individuelles en prévoyant que « ne sont pas comprises dans l’interdiction du paragraphe 4 (…) la prise des mesures imposées pour la protection de la santé publique ou de la santé de personnes malades, ainsi qu’il est prévu par la loi ».
On peut distinguer la formation de deux camps. Le premier, minoritaire, développe une analyse concluant à l’inconstitutionnalité de la limitation[22]. Partant d’une interprétation sémiotique de l’art. 5§3 et 4 et de la déclaration interprétative relative au §4, les partisans de cet avis concluent à l’inconstitutionnalité de la restriction générale de la liberté d’aller et venir de l’ensemble de la population. Ils considèrent que si l’adoption de mesures administratives individuelles imposant des restrictions à la liberté d’aller et venir de certaines personnes (notamment des personnes susceptibles de propager le virus) est exceptionnellement permise dans un but de protection de la santé publique, l’imposition de ce genre de mesures de manière générale (i.e. à l’ensemble de la population) ne trouve pas de fondement constitutionnel. Cela est d’ailleurs la raison pour laquelle certains parmi eux avancent la solution du déclenchement de l’art. 48[23].
À l’inverse, le camp majoritaire partant d’une interprétation a contrario des dispositions en question conclut que leur but est d’interdire les mesures administratives individuelles et que, par conséquent, rien n’interdit l’adoption de mesure législatives/règlementaires de caractère général[24]. Un autre argument également avancé dans ce sens part d’une interprétation systémique. Il peut être résumé ainsi : si la réserve de loi de l’art. 5§3 de la Constitution ne se réfère pas expressément à la possibilité de limitation de la liberté d’aller et venir dans un but de protection de la santé publique, le caractère de bien commun de celle-ci ainsi que le caractère multidimensionnel du droit à la santé[25] est à l’origine d’une série d’obligations positives de l’État[26] lui imposant la prise de mesures de protection et l’habilitant par conséquent et pour ce faire à limiter d’autres droits et libertés fondamentaux. Cet argument est renforcé par une référence à des éléments historiques et de droit comparé[27].
Les arguments avancés par le camp minoritaire sont sérieux et importants dans la mesure où ils révèlent une situation qui pourrait s’apparenter de prime abord à une incohérence systémique de la Constitution ou même à une antinomie axiologique prima facie. En effet, les partisans de cet avis, se fondent sur le postulat libéral selon lequel une liberté ne peut être limitée que si cela est prévu expressément. Cela les amène à considérer que les mesures adoptées devraient être déclarées inconstitutionnelles. Or, ce point de vue néglige les impératifs contenus dans les autres dispositions du texte constitutionnel et notamment ceux relatifs au droit à la santé et au but de protection de la santé publique. C’est ainsi que semble surgir un certain antagonisme entre les valeurs incarnées, d’une part, par la liberté d’aller et venir et, d’autre part, par le droit à la santé. À notre avis, la solution à cette situation conflictuelle se trouve dans l’interprétation systémique, proposée par le camp majoritaire auquel nous adhérons. Les dispositions de la Constitution doivent être considérées dans leur ensemble. L’absence de hiérarchie entre elles impose la nécessité de leur conciliation en prenant en compte à chaque fois les circonstances particulières de l’espèce.

La même problématique a été plus ou moins développée à propos des limitations apportées à d’autres droits et libertés constitutionnels à chaque fois que leur limitation à des fins de protection de la santé publique n’est pas expressément prévue dans les dispositions les consacrant. Cela est par exemple le cas des art. 11§2 (liberté de rassemblement) et 13§2 (la liberté de culte) qui ne mentionnent pas la nécessité de protection de la santé publique en tant que raison de limitation des libertés qu’ils garantissent[28].
Si une limitation est rendue possible par la Constitution, cela n’est pas ipso facto suffisant pour admettre la constitutionnalité de celle-là. La limitation doit également respecter les exigences du principe de proportionnalité.

b. Le respect du principe de proportionnalité

Le principe de proportionnalité est le fruit de l’impératif de conciliation de différents principes constitutionnels. En théorie, le contrôle de proportionnalité grec ne se différencie pas dans ses grandes lignes du contrôle de proportionnalité effectué dans d’autres ordres juridiques. En effet, il impose que la limitation serve un but légitime et s’analyse en trois « sous-contrôles », i.e. le contrôle de l’adéquation, de la nécessité et de la proportionnalité stricto sensu de la limitation. Néanmoins, il est intéressant de souligner que le contrôle de proportionnalité exercé par le juge grec pendant la période de la crise financière a connu une certaine mutation en faveur de l’intérêt public et par conséquent de la limitation des droits et libertés fondamentaux. Ainsi, une tendance de self-restraint des juridictions grecques a été rendue évidente dans une logique de privilégier les choix des organes démocratiquement désignés et donc bénéficiant d’une légitimité accrue[29]. Concernant la crise sanitaire actuelle, il semble fortement probable que soit répété ce genre de contrôle focalisé sur la disproportionnalité manifeste des limitations[30].  

S’agissant plus précisément des mesures d’urgence visant à lutter contre la propagation du virus, il est évident que le but légitime qui a justifié leur adoption est la nécessité de protéger la santé publique et la vie humaine, mais aussi le système national de santé largement fragilisé depuis la période de la crise financière. En vue de ces objectifs et à partir d’une appréhension générale des mesures, il semble que la majorité de celles-ci soit susceptible de passer avec succès le contrôle d’adéquation. À cet égard, la partie majoritaire de la doctrine considère que les mesures adoptées sont adéquates puisque cette stratégie a été suggérée par les spécialistes afin d’assurer l’impératif de distanciation sociale. Elle ne peut donc pas être considérée comme arbitraire. De plus, même si les hésitations sur ce point sont plus sérieuses, les dispositifs de distanciation sociale semblent passer avec succès le contrôle de nécessité. En effet, l’exemple de pays n’ayant pas du tout ou du moins en temps utile imposé des mesures équivalentes prouve la nécessité de leur imposition. Vraisemblablement, les mesures moins rigides se sont avérées insuffisantes pour servir le but légitime. Sur ce point, il est également avancé que ces mesures sont caractérisées par leur temporalité, donc par leur limitation au strict minimum. Enfin, dans une perspective de proportionnalité stricto sensu ou, autrement dit, de « coût-bénéfice » et étant donné le choix axiologique effectué par le Gouvernement consistant à reconnaître la priorité de la vie et de la santé plutôt que de l’économie nationale, les mesures d’urgence ont atteint leur but légitime[31].
Cependant, l’examen de l’application des mesures sur des cas concrets pourrait révéler des cas de rupture de proportionnalité. Dans leur analyse sur le sujet, P. Mantzoufas et A. Pavlopoulos proposent comme exemple le cas d’interdiction de déplacements vers les îles qui pourrait entraîner comme conséquence l’impossibilité pour une personne de prêter aide à des personnes vulnérables ou encore l’impossibilité pour un avocat d’assurer la défense de son client dont le procès pénal n’est pas reporté à cause de la prescription imminente de l’infraction qu’il a commise[32].

Enfin, pour qu’une mesure restrictive de droits et libertés fondamentaux bénéficie d’un brevet de constitutionnalité, il faut qu’elle ne remette pas en cause leur noyau dur.

c. Le respect du noyau dur du droit ou de la liberté et le principe de solidarité
Le respect du noyau dur d’un droit ou d’une liberté fondamentale constitue le critère ultime du contrôle de constitutionnalité des limitations. Il s’agit d’un principe qui n’est pas expressément prévu par le texte constitutionnel, mais qui découle sans équivoque du principe de l’État de droit consacré par l’art. 25§1 al.1er de la Constitution. Ce principe impose que la limitation ne prive pas le droit de son essence même, qu’elle ne devienne donc pas en réalité une privation.
Comme il a été rendu évident par les développements précédents, la majorité de la doctrine considère que les mesures adoptées pour lutter contre la propagation de la Covid-19 constituent des limitations de droits constitutionnels. Ainsi, s’agissant par exemple de la mesure de confinement, il a été avancé que celle-ci ne peut pas être assimilée à une privation de la liberté d’aller et venir, puisque les déplacements n’ont pas été totalement interdits. De même, à propos de la mesure de suspension provisoire des messes et des rites religieux, il a été soutenu que cela ne s’apparente pas à une privation de la liberté de culte, puisque les lieux de culte ont continué à accueillir les fidèles pour prier de façon individuelle.

Il ne s’agit donc pas ici de répéter les arguments du camp majoritaire, mais de souligner des difficultés qui ont pu être soulevées par rapport à la justification de certaines mesures. Quid par exemple de la liberté de rassemblement et de manifestation ? Peut-on vraiment considérer que le droit de manifester a été simplement restreint ? La question se pose également pour la liberté syndicale ou encore pour certaines facettes de la liberté de développer librement sa personnalité, telles que la liberté de se divertir ou de faire du sport, dont la jouissance a été rendue pratiquement impossible. Dans de tels cas, la thèse de la limitation n’est pas si aisée à défendre. C’est ainsi que certains juristes ont été amenés à admettre qu’il y a bien eu suspension de certains droits et libertés fondamentaux, mais que celle-ci devrait être tolérée étant donnés sa courte durée et le contexte qui l’a nécessité[33]. Pour renforcer cet argument et plus généralement pour renforcer la thèse de la constitutionnalité des mesures d’urgence, certains auteurs utilisent en sorte d’ultimum refugium l’évocation du principe de solidarité de l’art. 25§4 de la Constitution[34].
Outre leurs effets immédiats sur une série de droits et libertés fondamentaux, les mesures adoptées pour lutter contre la crise du coronavirus Covid-19 sont susceptibles de développer des conséquences plus durables.

B. Les effets mitigés au long terme

Si l’urgence est une situation appréhendée en général comme limitée dans le temps, les mesures adoptées pour la traiter ont souvent des incidences sur le long terme. Cela semble être le cas des mesures adoptées pour lutter contre la crise sanitaire actuelle. Les effets des mesures sur le long terme ne semblent laisser à l’abri aucune catégorie de droits. Il est ainsi intéressant d’évoquer quelques exemples concrets (1) afin d’essayer ensuite de tirer certaines conclusions d’ordre plus général et théorique (2).

1. Le risque d’affaiblissement durable de certains droits par les mesures d’urgence

Un premier exemple de remise en cause du niveau de protection des droits et libertés fondamentaux concerne le droit au respect de la vie privée (art. 9 de la Constitution) et le droit à la protection des données à caractère personnel ou, autrement dit, le droit à l’autodétermination informationnelle (art. 9A de la Constitution). En effet, l’utilisation de caméras et d’autres moyens de surveillance de la population et de traçage des cas de contamination est susceptible de porter une atteinte disproportionnée aux droits en question.
À cet égard on peut évoquer l’exemple récent de l’arrêté de la Ministre de l’éducation pris sur habilitation de l’art. 63 de la loi n° 4686/2020 et prévoyant la possibilité pour les établissements scolaires d’installer des caméras dans les classes afin d’assurer la retransmission en temps réel des enseignements aux élèves ne pouvant pas suivre le cours en présentiel et cela jusqu’à la fin de l’année scolaire 2019-2020. Outre les problèmes de légalité de l’arrêté en question[35], celui-ci se trouve au centre d’une controverse doctrinale quant à l’essence même de la mesure ainsi introduite. On peut distinguer la formation de deux camps, le premier affirmant la proportionnalité de la mesure au vu des circonstances exceptionnelles actuelles[36] et le second rejetant cette thèse en considérant qu’il aurait été envisageable d’adopter d’autres mesures moins attentatoires aux droits et libertés fondamentaux des enseignants et des élèves[37].
Évidemment, il est indéniable que le droit à l’éducation est primordial pour les enfants. Néanmoins, il nous semble qu’étant donnée justement la courte période qui reste jusqu’à la fin de l’année scolaire (environ un mois et demi), l’exposition qui est imposée par ce dispositif aux élèves et surtout aux enseignants est trop importante par rapport au but poursuivi. Cela est d’ailleurs corroboré par des critiques quant à la qualité même des enseignements assurés de cette façon (moins interactifs, plus magistraux), mais aussi et surtout quant au risque que « le développement du sens de la liberté chez les enfants soit limité si ceux-là sont amenés à croire dès le plus jeune âge qu’il est normal d’être surveillé par caméra[38] ». D’ailleurs, il est important de souligner que ce dernier constat est formé par le camp favorable en principe à un tel dispositif.
Le dispositif en question pose plus généralement le problème de la remise en cause des droits des travailleurs. Ainsi, si ce dispositif a pu être considéré comme attentatoire à la liberté d’enseignement des instituteurs et professeurs des écoles, d’autres dispositifs révèlent le danger de fragilisation des droits fondamentaux dans le secteur professionnel. Cela est par exemple le cas du télétravail.

De même, les répercussions des conséquences financières des mesures adoptées contre la propagation du virus, menacent un grand nombre d’emplois. Pour lutter contre ce risque le Gouvernement a posé dans un premier temps une interdiction de licenciement des contrats de travail suspendus pendant la période d’application des mesures d’urgence et cela pour une durée de 45 jours après la levée de ces mesures[39]. Cependant, rien ne garantissait dans un premier temps la préservation de ces postes de travail pour la période après le délai des 45 jours. C’est ainsi qu’il semblerait que le Gouvernement examine la possibilité d’appliquer un dispositif de chômage partiel et de subvention d’emplois similaire au système de kurzarbeit appliqué en Allemagne[40]. Étant donné l’état de l’économie grecque, on peut s’interroger sur la viabilité d’un tel système.
Dans le même sens et dans un but de minimiser les conséquences des mesures d’urgence sur l’économie grecque, le Gouvernement promeut une série de mesures destinées à relancer et soutenir l’économie et surtout à permettre à l’activité touristique, qui constitue « l’industrie lourde » du pays, de reprendre le plus tôt possible. Or une telle précipitation, aussi justifiée qu’elle puisse être, est susceptible d’avoir des effets secondaires importants. Ces quelques exemples révèlent, pour reprendre l’expression du Professeur S. Vlahopoulos, « le risque de mithridatisation[41] » qui menace les droits et libertés fondamentaux.

2. Le risque de changement de paradigme et la nécessité de renforcement des « garde-fous »

Si les conséquences d’une crise nécessitent l’adoption de mesures drastiques et souvent attentatoires aux droits et libertés fondamentaux, le risque guette que ces mesures créent, d’une part des précédents, et tendent, d’autre part, à se banaliser conduisant ainsi à la vérification de l’adage selon lequel « rien n’est plus persistant que ce qui est provisoire ». 
En d’autres termes, plusieurs auteurs soulignent le risque d’un changement de paradigme[42], un risque souvent rappelé lorsque l’on s’intéresse aux régimes d’urgence. L’État de droit libéral tendrait à devenir moins libéral[43], l’équilibre de la balance liberté-sécurité n’arrêtant pas de se déstabiliser en faveur de la sécurité et de la préservation de l’intérêt public[44]. C’est ainsi que certains juristes remarquent la transformation progressive du concept de droit vers un concept de droit-devoir, constat par ailleurs renforcé par le recours au principe de solidarité[45]. Or, si en soi le principe de solidarité est tout à fait conforme aux valeurs constitutionnelles, son invocation ne devrait pas avoir comme objet la justification de limitations abusives de droits et libertés fondamentaux.
Ce constat souligne l’importance de l’existence de contrôles entre les pouvoirs. Or sur ce point la situation actuelle se révèle également problématique. En effet, si l’on doit applaudir la décision que le Parlement poursuive son fonctionnement, les exigences de distanciation sociale ont imposé une réduction considérable des parlementaires présents dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Le fonctionnement de l’institution semble avoir été fragilisé par cette situation. Ainsi, certaines interrogations et controverses se posent par rapport au vote de projets de lois parfois sans lien direct avec la crise actuelle et/ou sous des conditions ne satisfaisant pas les impératifs constitutionnels[46].

Ces tensions concernent plus généralement la production normative actuelle. Cela est notamment le cas susmentionné de l’arrêté ministériel prévoyant la possibilité d’installation de caméras dans les classes scolaires afin de pouvoir transmettre l’enseignement en temps réel dans des cas de pandémie. Plus précisément, ce dernier a été fondé sur une étude d’impact menée par le ministère de l’éducation et des affaires religieuses et datée du 15 mai 2020. Donc, non seulement il n’y a pas eu d’étude d’impact de la part de l’Autorité de protection des données à caractère personnel (équivalent de la CNIL française), le ministère s’étant fondé sur sa propre étude d’impact, mais en plus celle-ci porte la même date que celle de publication de l’arrêté de la Ministre de l’éducation et n’a pas été rendue publique. Tout cela suscite de sérieuses interrogations par rapport à la légalité de l’arrêté ministériel en question[47]
Bien entendu, il est toujours susceptible que des dysfonctionnements de ce genre apparaissent. C’est en cela et afin d’éviter leur pérennisation que le contrôle juridictionnel révèle toute son importance. À cet égard, il est intéressant de remarquer que l’évolution de la crise va de pair avec un changement de l’équilibre des principes constitutionnels nécessitant d’être mis en balance[48]. Plus précisément, si dans un premier temps, les mesures adoptées étaient destinées à concilier l’exercice des droits et libertés fondamentaux avec le but primordial de la protection de la santé publique, dans un second temps la conciliation doit prendre en compte non seulement la protection de la santé publique, mais aussi et surtout la nécessité de stabilité économique. Or ce dernier impératif est susceptible de porter des atteintes beaucoup plus durables sur les droits et libertés fondamentaux. Ainsi, si l’évaluation de la constitutionnalité des mesures de la première phase présente une certaine simplicité, car il s’agit de mesures imposées à l’ensemble de la population sans distinction, cela ne vaudra sans doute pas pour l’évaluation constitutionnelle de la conciliation des différents objectifs des prochaines phases, qui elle sera plus subtile et plus exigeante[49].
Cela aura aussi potentiellement des répercussions sur la nature et l’intensité du contrôle juridictionnel des mesures. En effet, si dans le futur le contrôle juridictionnel reste probablement limité à propos des mesures d’urgence de la première phase (i.e. destinées à lutter contre la propagation du coronavirus), il serait souhaitable que cela ne s’applique pas pour les mesures des prochaines phases[50].

Enfin, il y a lieu de souligner que si la nécessité de « garde-fous » institutionnels est tout à fait indispensable, un contrôle extérieur du fonctionnement des institutions peut s’avérer aussi très constructif. Cela est notamment le cas de la doctrine juridique. En effet, si la doctrine n’est évidemment pas une source de droit dans l’ordre juridique grec, il est important de souligner que les opinions doctrinales sont largement appréciées. D’ailleurs, comme le remarque le Professeur N. Alivizatos, le dialogue et les désaccords scientifiques sont souhaitables même pendant des périodes de crise, car c’est grâce à eux que l’on obtient les solutions les plus rationnelles[51].

En guise de conclusion, les mesures adoptées ainsi que plus généralement la politique de communication mise en place par le gouvernement ont permis de lutter assez efficacement pour l’instant contre la pandémie. Par ailleurs, il est important de constater que cette crise a finalement joué un rôle d’instigateur pour une série d’avancements significatifs en matière de modernisation de la machine étatique[52].
Cependant, le coût financier et les répercussions que ces mesures auront à long terme sur l’économie grecque qui est toujours très fragile ne peuvent pas être négligés. De même, une attention particulière doit être portée à la nécessité que ces mesures demeurent exceptionnelles. C’est ainsi que la nécessité d’exercice de contrôles efficaces entre les trois branches du pouvoir s’avère indispensable.

Pour citer cet article : Clémentine-Eleni Nikolaidis-Lefrançois, « Démocratie, État de droit et droits fondamentaux face à la pandémie de Covid-19. La situation en Grèce », Confluence des droits_La revue [En ligne], 09 | 2020, mis en ligne le 4 septembre 2020. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=1337


[1] Données publiées par communiqué de presse de l’Organisation nationale de santé publique du 20 mai 2020.

[2] Bien entendu, le consensus n’a pas été tout de suite global. À cet égard, il est important d’évoquer la réaction de l’Église orthodoxe grecque face aux mesures de suspension des messes et rites religieux. En effet, ces décisions sont intervenues pendant la période du carême et du Pâques orthodoxe, qui sont particulièrement célébrés en Grèce.

[3] À titre indicatif, le montant de l’amende en cas de non-respect des mesures de confinement a été fixé à 150 euros et a été exceptionnellement remonté à 300 euros pendant les jours de célébration de Pâques. Étant donné que le salaire minimum en Grèce est fixé à 758 euros par mois, il est évident que les amendes encourues représentent des sommes considérables.

[4] La distinction bien connue entre régimes d’exception « constituants » et régimes d’exception « constitués » a été récemment rappelée par le Pr. Ev. Venizelos à l’occasion de la crise sanitaire, cf. E. Venizelos, « Pandémie, Droits fondamentaux et Démocratie » (en grec), To BHMA, 1er avril 2020.

[5] Dans une tentative de légitimation, la jurisprudence grecque, influencée sur ce point par l’état de nécessité du droit pénal, a reconnu ces régimes « constituants » en les qualifiant d’ « états de nécessité ». En réalité, on retrouve ici un effort pour sauver in extremis la légitimité du seul texte constitutionnel, cf. I. Kamtsidou, « Un état d’exception nullement exceptionnel. La crise souveraine et le crépuscule de la Constitution. Un aperçu historique », Constitutionalism, 7 septembre 2015.

[6] Sur la question de la nécessité de mettre en œuvre l’art. 48, cf. II. A. 1.

[7] « Dans des cas exceptionnels d’une nécessité extrêmement urgente et imprévue, le président de la République peut, sur proposition du Conseil des Ministres, édicter des actes de contenu législatif. Ces actes sont soumis à la Chambre des députés pour ratification, selon les dispositions de l’article 72, paragraphe 1, dans les quarante jours à compter de leur édiction ou dans les quarante jours à compter de la convocation de la Chambre en session. S’ils ne sont pas soumis à la Chambre dans les délais ci-dessus ou s’ils ne sont pas ratifiés par elle dans les trois mois à partir de leur dépôt, ils deviennent caducs pour l’avenir »

[8] Rapports du Service scientifique du Parlement sur les projets de loi de ratification des décrets-lois des 25 février, 11, 14, 20 et 30 mars 2020 adoptés pour lutter contre le Covid-19.

[9]  E. Venizelos, « Pandémie, Droits fondamentaux et Démocratie », op. cit.

[10] G. Sotirelis, « La démocratie face à la pandémie », Constitutionalism, 12 avril 2020.

[11] En effet, selon l’art. 43§2 de la Constitution : « Sur proposition du ministre compétent est permise l’édiction de décrets réglementaires en vertu d’une délégation législative spéciale et dans les limites de celle-ci. L’habilitation d’autres organes de l’Administration à édicter des actes réglementaires est permise pour la réglementation de matières plus particulières ou d’intérêt local ou de caractère technique ou détaillé ».

[12] V. Rapports du Service scientifique du Parlement, op. cit. Cette position jurisprudentielle a été réitérée par la « jurisprudence de la crise », c’est-à-dire la jurisprudence relative aux mesures adoptées contre la crise financière qu’a traversé le pays.

[13] La nouvelle Présidente de la République a été élue le 22 janvier 2020 et a succédé à son prédécesseur à partir du 13 mars 2020.

[14] En effet, la possibilité de circuler pendant la période du confinement (23 mars – 3 mai) a été soumise à l’obligation de se munir d’une attestation sur l’honneur ou d’un justificatif professionnel ou d’envoyer un SMS à un numéro mis en place spécifiquement à cette fin. Les raisons permettant les déplacements pendant cette période, telles que prévues par l’arrêté ministériel, étaient les suivantes : 1) Déplacement entre le domicile et le lieu d’exercice de l’activité professionnelle pendant les heures de travail, 2) Déplacement entre le domicile et la pharmacie, visite chez le médecin, déplacement entre le domicile et un hôpital ou centre de santé, si cela est recommandé après communication téléphonique, 3) Déplacement pour effectuer des achats de fourniture de première nécessité, lorsque leur envoi à domicile n’est pas possible, 4) Déplacement entre le domicile et la banque lorsque la transaction électronique n’est pas possible, 5) Déplacement pour l’assistance aux personnes vulnérables, 6) Déplacement pour assister à une cérémonie (ex : enterrement) ou pour assurer le droit de communication avec leurs enfants des parents divorcés, 7) Déplacements liés à l’activité physique ou à la promenade des animaux domestiques, individuellement ou par groupe de deux personnes et sous conditions du respect de la distance nécessaire de 1.5 mètres, 8) Transition définitive au lieu de résidence permanente.

[15] Décrets-lois du 30 mars « Mesures d’urgence visant à lutter contre la pandémie du coronavirus Covid-19 et autres dispositions » et du 13 avril « Mesures d’urgence visant à lutter contre les effets persistants de la pandémie du coronavirus Covid-19 et autres mesures d’urgence ».

[16] Les trois premiers décrets-lois ont été ratifiés par la loi n° 4682/2020, le quatrième par la loi n°4683/2020 et le cinquième par la loi n°4684/2020.

[17] A. Argyros, « Etat d’urgence sanitaire » (en grec), 6 avril 2020. Le Conseil d’État grec a été saisi notamment par des recours pour excès de pouvoir i) du résident d’une île contre la décision du Chef de la garde côtière interdisant les activités maritimes, telles que la nage, l’utilisation des installations de loisirs marins et la pêche sous-marine, ii) de quatre avocats contre l’arrêté ministériel ordonnant la suspension temporaire des messes religieuses dans les lieux de culte, iii) de la Fédération panhellénique des associations de producteurs de produits agricoles et de maraîchers contre l’arrêté ministériel ordonnant la suspension temporaire des marchés nécessitant leurs déplacements entre départements.

[18] Commission des suspensions du Conseil d’État, décision n° 49/2020 du 1er avril 2020. Pour l’instant, la décision n’a pas fait l’objet de commentaires doctrinaux et a été relativement peu médiatisée.

[19] G. Nikolopoulos, « COVID19 – Restriction de droits fondamentaux sur le fondement de décrets-lois inconstitutionnels ou sur le fondement de l’article 48 de la Constitution ? » (en grec), Constitutionalism,17 avril 2020.

[20] La présentation suit la grille d’analyse adoptée par la doctrine majoritaire. Pour une application sur la crise de la Covid-19, cf. notamment, C. Tsiliotis, « Pandémie et mesures de limitation : Limitations des droits fondamentaux et principe de la réserve de loi (Partie I) » (en grec), Syntagma Watch, 7 avril 2020 et C. Tsiliotis, « Pandémie et mesures de limitation (Partie II) : Les principes de proportionnalité et d’interdiction de violation du noyau dur du droit » (en grec), Syntagma Watch, 9 avril 2020.

[21] « Les restrictions de tout ordre qui peuvent être imposées à ces droits selon la Constitution doivent être prévues soit directement par la Constitution soit par la loi dans le cas où une réserve existe en faveur de celle-ci et dans le respect du principe de proportionnalité ».

[22] Ch. Kouroundis, « L’imposition de l’interdiction de circulation est privée de légalité constitutionnelle » (en grec), Efsyn, 23 mars 2020, A. Kaïdatzis, « Le problème est la démocratie, pas les droits » (en grec), Efsyn, 27 mars 2020 et G. Nikolopoulos, « COVID19 – Restriction de droits fondamentaux sur le fondement de décrets-lois inconstitutionnels ou sur le fondement de l’article 48 de la Constitution ? », op. cit.

[23] Cf. II. A. 1.

[24] E. Venizelos, « Pandémie, Droits fondamentaux et Démocratie », op. cit.

[25] En effet, le droit à la santé est garanti en tant que droit-liberté par l’art. 5§5 qui dispose que « Chacun a droit à la protection de sa santé et de son identité génétique ».  L’art. 21§3 consacre le droit à la santé en tant que droit-créance dans les termes suivants : « L’État veille à la santé des citoyens et prend des mesures spéciales pour la protection de la jeunesse, de la vieillesse et des invalides, ainsi que pour l’aide aux indigents ». Enfin, les références à la santé publique i) par l’interprétation déclarative relative au paragraphe 4 de l’art. 5, ii) par l’art. 18§3 (« Des lois spéciales règlent les matières concernant les réquisitions pour les besoins des forces armées … pour parer à une nécessité sociale immédiate susceptible de mettre en danger … la santé publique ») et iii) par l’art. 22§4 (« Des lois spéciales règlent les matières concernant la réquisition de services personnels … pour faire face … à un besoin social urgent … pouvant mettre en péril la santé publique ») lui octroient le caractère de bien commun constituant l’objet d’un droit collectif. Cf. notamment C. Anthopoulos, « Pandémie et droit à la santé » (en grec), Constitutionalism, 26 avril 2020.

[26] Cette obligation constitutionnelle d’adoption de mesures positives de protection des citoyens est également mentionnée dans les visas du décret-loi du 30 mars 2020.

[27] P. Mantzoufas et A. Pavlopoulos, « Coronavirus et liberté d’aller et venir : conservant la Constitution “vivante” pendant la pandémie » (en grec), Constitutionalism, 2 mai 2020.

[28] Ch. Tsiliotis, « Pandémie et mesures de limitation : Limitations des droits fondamentaux et principe de la réserve de loi (Partie I) », op. cit.

[29] La décision initiant la jurisprudence dite « jurisprudence de la crise » est la décision n°668/2012 du Conseil d’État grec. Dans cette décision, le Conseil s’est contenté de constater que les mesures d’application du premier Mémorandum « ne se présentent pas comme manifestement inappropriées (…), et on ne peut pas juger qu’elles ne sont pas nécessaires, étant donné que les considérations du législateur (…) se sont fondées sur son évaluation de la situation financière urgente, évaluation qui n’est soumise qu’à un contrôle judiciaire marginal » : cf. I. Kamtsidou, « Un état d’exception nullement exceptionnel. La crise souveraine et le crépuscule de la Constitution. Un aperçu historique », op. cit., P. Mantzoufas et A. Pavlopoulos, « Coronavirus et liberté d’aller et venir : conservant la Constitution “vivante” pendant la pandémie », op. cit.

[30] G. Karavokyris, « The Coronavirus Crisis-Law in Greece: A (Constitutional) Matter of Life and Death », 14 avril 2020 et D.-G. Patsikas, « Les “Memoranda”, le coronavirus et le contrôle de constitutionnalité – Comparaison des deux périodes d’urgence et leur traitement par le Conseil d’Etat », Huffingtonpost Greece, 2 avril 2020.

[31] C. Tsiliotis, « Pandémie et mesures de limitation (Partie II) : Les principes de proportionnalité et d’interdiction de violation du noyau dur du droit », op. cit.

[32] P. Mantzoufas et A. Pavlopoulos, « Coronavirus et liberté d’aller et venir : conservant la Constitution “vivante” pendant la pandémie », op. cit.

[33] C. Tsiliotis, « Pandémie et mesures de limitation (Partie II) : Les principes de proportionnalité et d’interdiction de violation du noyau dur du droit », op. cit.

[34] « L’État a le droit d’exiger de la part de tous les citoyens l’accomplissement de leur devoir de solidarité sociale et nationale ».

[35] Cf.II. B. 2.).

[36] F. Panagopoulou-Koutnatzi, « Enregistrement audiovisuel des enseignements scolaires en période de pandémie », Syntagma Watch, 7 mai 2020.

[37] I. Kamtsidou, « Réflexions sur l’(in)constitutionnalité du cadre législatif relatif à la retransmission en direct d’enseignements avec des moyens technologiques » (en grec), Constitutionalism, 18 mai 2020.

[38] F. Panagopoulou-Koutnatzi, « Enregistrement audiovisuel des enseignements scolaires en période de pandémie », op. cit.

[39] Cf. I. B.

[40] Selon l’intervention du Ministre du travail et des affaires sociales du 20 mai 2020, la politique en matière d’emploi sera basée sur trois axes : i) la prolongation de l’application des mesures d’urgences actuelles pour les mois de mai, juin et juillet, ii) l’initiation d’un mécanisme d’aide à l’emploi, appelé « Syn-ergasia » et iii) l’aide des travailleurs saisonniers et personnes en situation de chômage. Pour le deuxième axe, cf. également « Le kurzarbeitarrive. Va-t-il fonctionner ? », Naftemporiki, 17 mai 2020.

[41] S. Vlahopoulos, « “Non” à la mithridatisation constitutionnelle » (en grec), Kathimerini, 29 mars 2020.

[42] À titre d’illustration, cf. G. Karavokyris, « The Coronavirus Crisis-Law in Greece: A (Constitutional) Matter of Life and Death », op. cit.

[43] A. Kaïdatzis, I. Kamtsidou, C. Kouroundis, « Aphonie scientifique en heure de crise ? », Constitutionalism, 25 avril 2020.

[44] Certains auteurs évoquent à cet égard la montée en puissance du harm principle qui imposerait à l’État de prendre des mesures préventives afin d’éviter des risques futures, donnant priorité ainsi plutôt au groupe qu’à l’individu, cf. C. Anthopoulos, « La Covid-19 et l’ère des droits » (en grec), Constitutionalism, 28 mars 2020 et G. Karavokyris, « The Coronavirus Crisis-Law in Greece: A (Constitutional) Matter of Life and Death », op. cit.

[45] C. Anthopoulos, « Pandémie et droit à la santé », op. cit. Pour une critique du recours au principe de solidarité de l’art. 25§4 de la Constitution, cf. C. Yannakopoulos, « La protection de la santé aura-t-elle le même sort que la protection de l’environnement ? » (en grec), Constitutionalism, 21 mai 2020.

[46] À titre d’illustration, on peut évoquer le cas de la votation agitée d’un projet de loi environnementale le 4 mai 2020. Selon l’opposition qui a fini par quitter les lieux lors de la votation, l’emploi de la procédure de vote par correspondance pour voter le projet de loi est contraire à la Constitution et au Règlement du parlement. Le mode de fonctionnement de l’Assemblée nationale n’a pas manqué de faire l’objet de critiques par des juristes qui ont souligné la nécessité de privilégier des dispositifs de visioconférence plutôt que de formation réduite, cf. notamment G. Sotirelis, « La démocratie face à la pandémie ». Les manquements au principe du « bien légiférer » sont également soulignés par C. Yannakopoulos, « La protection de la santé aura-t-elle le même sort que la protection de l’environnement ? », op. cit. L’auteur considère que cela est une raison de plus pour avoir un contrôle juridictionnel puissant.

[47] I. Kamtsidou, « Réflexions sur l’(in)constitutionnalité du cadre législatif relatif à la retransmission en direct d’enseignements avec des moyens technologiques », op. cit.

[48] Cf. à titre indicatif, C. Yannakopoulos, « La protection de la santé aura-t-elle le même sort que la protection de l’environnement ? », op. cit.

[49] V. Christou, « La science, la pandémie et les défis devant nous » (en grec), Constitutionalism, 30 avril 2020.

[50] Dans ce cadre de nécessité de contrôle entre les trois branches du pouvoir, la décision de suspension du fonctionnement des tribunaux demeure fortement regrettable. Même si elle est tout à fait compréhensible étant donné que l’organisation administrative du système juridictionnel grec nécessite encore la réalisation de la plupart des tâches en présentiel, elle souligne une fois de plus les failles de la Justice grecque et l’impératif de numérisation des procédures. 

[51] N. Alivizatos, « Les désaccords scientifiques en temps de crise » (en grec), Kathimerini, 13 avril 2020.

[52] Notamment, numérisation de procédures administratives et juridictionnelles et assouplissement de contraintes bureaucratiques trop lourdes et obsolètes.

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