A. Pomade – Plastiques et environnement marin : des réponses juridiques pour des enjeux sociétaux ? Perspectives françaises et européennes

Adélie Pomade, MCF (HDR) à l’Université de Bretagne Occidentale, chercheur associé à l’UMR IODE (Université Rennes 1) et au CEDRE (Université Saint-Louis de Bruxelles)

Résumé
La lutte contre les déchets plastiques et la pollution en mer est un problème complexe eu égard à son caractère diffus et à l’ancrage de certaines pratiques, habitudes sociales et comportements individuels. L’Union européenne se dote depuis quelques années d’un arsenal juridique destiné à réduire l’usage des plastiques, l’étendant aussi à l’espace marin. À son soutien, le droit français déploie un ensemble de mesures visant à moyen terme une réduction de la présence des plastiques dans les mers et océans. On observe cependant que la lutte contre cette forme de pollution va bien au-delà d’une seule réponse juridique et s’inscrit dans une véritable dynamique au sein de la société. Il se dessine alors une forte complémentarité entre la normativité juridique et la mobilisation sociétale, cette dernière aspirant à une prise de conscience individuelle et collective et s’ancrant dans le cadre d’actions sur le terrain.

Chaque année, des millions de tonnes de déchets plastiques sont déversées dans les océans puis s’agglomèrent et forment de gigantesques gyres. Deux d’entre eux se rencontrent dans le Pacifique (nord et sud), deux dans l’Atlantique (nord et sud) et un dans l’océan Indien. Celui du Pacifique nord, appelé « soupe plastique », est le plus connu. Contrairement à la croyance populaire, il ne s’agit pas d’étendues solides composées de plastiques, mais de zones où la concentration de déchets est maximale. Ce phénomène ne cesse de s’aggraver si bien qu’en dix ans, la quantité d’ordures présentes dans les eaux profondes de l’océan Arctique a été multipliée par vingt, et l’on relève à la surface des mers entre 15 000 et 52 000 milliards de particules plastiques flottantes[1].
À l’échelle locale, sur les côtes, on retrouve principalement des déchets en plastique à usage unique : bouteilles, bouchons et couvercles, filtres de cigarettes, cotons-tiges, papiers d’emballage de bonbons, sacs en plastique, couverts, pailles et gobelets. La matière plastique est un polymère, auquel des additifs ou d’autres substances ont pu être ajoutés, qui est capable de servir de principal composant structurel de matériaux. On le retrouve sous plusieurs formes, comme le plastique à usage unique, les microplastiques, les plastiques oxo-dégradables ou biodégradables, les microbilles, etc. Les sacs oxo-dégradables ou oxo-biodégradables, se transformant en micro-particules par l’effet du temps, demeurent dans l’environnement sous la forme de microfragments[2] facilement ingérables et ingérés par la faune marine. Ces microfragments sont également à l’origine de la perte d’habitat. En étouffant les coraux ils en accélèrent la dégradation et favorisent les colonies microbiennes entraînant de ce fait une augmentation des maladies. L’industrie de la pêche et de la navigation sont également responsables de l’impact plastique à l’égard de la biodiversité marine. Par exemple les filets de pêche, abandonnés ou perdus, flottent dans l’océan et prennent dans leurs mailles des animaux marins provoquant ce que l’on nomme « pêche fantôme »[3].
Les accords et initiatives politiques et juridiques se sont multipliés ces dernières années pour tenter de saisir les enjeux liés au plastique. À l’échelle internationale, plusieurs accords internationaux portant notamment sur la pollution marine et terrestre incluent les plastiques dans leurs plans d’actions. C’est le cas de la Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières de 1972[4], de la Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) de 1973[5], de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS) de 1982[6], ou encore de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants de 2001[7]. Dans le cadre de la COP 21, on a également assisté à la rédaction de la Déclaration d’intention de la coalition internationale[8], dans laquelle plusieurs pays européens et non européens ont reconnu que les déchets marins, en particulier les déchets plastiques, constituent un problème mondial qui impacte directement et durablement les océans. Ils se sont alors engagés à prendre des mesures visant à lutter contre les déchets plastiques par le biais de dispositions visant la production, la vente ou la distribution de certains produits.
Toutefois, la lutte contre la pollution par les plastiques observée en droit resterait lettre morte sans l’engagement de la société civile. En effet, elle s’avère relayée, renforcée, et parfois même réclamée et portée par les acteurs sociétaux, qu’ils soient identifiés sous la forme de collectifs, d’associations, ou d’entreprises privées. La multiplication des actions sociétales se traduit de différentes manières et aspire à des objectifs différents mais complémentaires. Cette multitude d’initiatives qui cible macro- et micro-déchets, implique des acteurs divers aux motivations variées, et invite à une prise de conscience et à des changements de comportements individuels et collectifs, devient indissociable et indispensable aux démarches étatiques. Si certaines actions sont mues par une démarche de lanceur d’alerte, d’autres s’intensifient en un véritable lobbying afin de conduire à l’abandon pur et simple du plastique[9]. Les manières de mobiliser, d’engager et de persuader d’entrer en lutte contre la pollution plastique des océans sont alors justifiées et fondées sur des arguments différents, parfois juridiques, et sur l’« être » de l’humain[10].
Lutter contre les déchets plastiques et la pollution en mer est un problème complexe eu égard à son caractère diffus et à l’ancrage de certaines pratiques, habitudes sociales et comportements individuels. Depuis quelques années, l’Union européenne et la France se dotent d’un corpus de règles visant à saisir l’enjeu plastique afin d’y apporter des réponses (I). Cette lutte juridique est soutenue et parfois devancée, sur le terrain, par une société mobilisée et mobilisante (II).

I. La prise en compte de la pollution marine par les plastiques par les législateurs européens et français

Il existe un grand nombre de textes juridiques portant sur la pollution et les déchets, notamment plastiques[11]. Cependant, ceux portant plus expressément sur la pollution plastique et l’espace marin, à l’échelon européen (A) et à l’échelon national (B) sont moins nombreux.

A) L’intervention juridique progressive de l’Union européenne dans la lutte contre la pollution marine par les plastiques

Pour replacer la politique et l’action européennes dans le cadre de la lutte contre la pollution de l’espace marin par les plastiques, il est intéressant de se tourner un instant vers la politique globale adoptée par l’Union à l’égard de l’espace marin. La Commission, dans son Livre bleu du 10 octobre 2007[12], avait lancé une politique maritime intégrée en rappelant que « les espaces maritimes et les côtes de l’Europe sont essentiels à son bien-être et à sa prospérité ; ils sont les voies commerciales, les régulateurs climatiques, les sources d’approvisionnement en denrées alimentaires, en énergie et en ressources, et les lieux de résidence et de loisirs de prédilection des Européens ». Dans sa Communication, la Commission mettait en avant l’idée selon laquelle les actions et les approches sectorielles ne suffisaient plus pour rendre compte de la complexité du monde maritime et du milieu marin. À ce titre, elle encourageait l’adoption d’une politique commune embrassant la diversité des questions liées au domaine maritime, en y incluant l’environnement. La Politique maritime intégrée de l’Union européenne est un cadre d’action qui vise à promouvoir le développement durable de toutes les activités liées à la mer en améliorant la coordination des politiques qui concernent les océans, les mers, les îles, les régions côtières et ultrapériphériques et les secteurs maritimes, et en élaborant des outils transversaux. L’un des volets d’action, consacré à la surveillance maritime intégrée, prévoit la mise en place de modalités communes de partage des données et des informations entre les autorités participant à différents aspects de la surveillance au rang desquels la pollution maritime. La Communication envisageait alors un certain nombre de mesures, sans aborder pour autant expressément la question des déchets plastiques. L’objectif principal était de développer et de mettre en œuvre, dans une perspective de durabilité, une politique de gestion intégrée et coordonnée des océans, des mers, des régions côtières, insulaires et ultrapériphériques et dans les secteurs maritimes.
Dans la continuité du Livre bleu, la directive-cadre stratégie pour le milieu marin du 17 juin 2008[13], appelée DCSMM, est venue réaffirmer la nécessité de protéger le milieu marin contre la pollution, notamment tellurique, soulignant que le maintien du bon état écologique (BEE) du milieu suppose notamment de « prévenir et réduire les apports dans le milieu marin afin d’éliminer progressivement la pollution (…) pour assurer qu’il n’y ait pas d’impact ou de risque significatif pour la biodiversité marine, les écosystèmes marins, la santé humaine ou les usages légitimes de la mer ». Dans le cadre de la DCSMM, la pollution est définie comme l’« introduction directe ou indirecte dans le milieu marin, par suite de l’activité humaine, de substances ou d’énergie, y compris de sources sonores sous-marines d’origine anthropique, qui entraîne ou est susceptible d’entraîner des effets nuisibles pour les ressources vivantes et les écosystèmes marins, et notamment un appauvrissement de la biodiversité, des risques pour la santé humaine, des obstacles pour les activités maritimes, et notamment la pêche, le tourisme et les loisirs ainsi que les autres utilisations légitimes de la mer, une altération de la qualité des eaux du point de vue de leur utilisation, et une réduction de la valeur d’agrément du milieu marin, ou, globalement, une altération de l’utilisation durable des biens et des services marins ». Si cette définition ne renvoie pas expressément à la pollution par le plastique, elle l’intègre clairement en renvoyant à l’existence d’indicateurs. En effet, la directive concrétise la problématique des déchets dans l’espace marin en leur conférant un statut de descripteur du bon état écologique du milieu[14]. Aux fins d’évaluation de ce BEE, quatre indicateurs spécifiques ont été déterminés : (i) composition, quantité et répartition spatiale des déchets sur le littoral, à la surface de la colonne d’eau et sur les fonds marins, (ii) composition, quantité et répartition spatiale des micro-déchets sur le littoral, à la surface de la colonne d’eau et dans les sédiments des fonds marins, (iii) quantité de déchets et de micro-déchets ingérés par des animaux marins, (iv) nombre d’individus de chaque espèce subissant des effets néfastes liés aux déchets. Ces indicateurs ne sont pas sans rappeler la concentration de microplastiques dans la colonne d’eau ou encore l’ingestion de macroplastiques par les mammifères marins.
Par la suite, encouragée par la résolution sur les déchets marins et les microplastiques adoptée lors de l’Assemblée des Nations Unies pour l’environnement en décembre 2017[15], l’Union européenne a développé son arsenal juridique de lutte contre les déchets marins, notamment plastiques. Se fondant également sur certaines de ses précédentes régulations, obligeant par exemple les États membres à adopter des mesures pour diminuer la consommation de sacs plastiques[16] et pour surveiller et réduire les déchets marins[17], la Commission a établi une stratégie européenne sur les matières plastiques en 2018[18]. Elle envisage expressément en introduction la pollution de l’espace marin par le plastique. Ainsi, elle rappelle que l’Union est à l’origine du déversement dans les océans d’un volume de déchets plastiques compris entre 150 000 et 500 000 tonnes[19], déchets qui, en raison des courants, s’accumulent dans des zones maritimes particulièrement vulnérables, comme la Méditerranée et certaines régions de l’océan Arctique. La stratégie rappelle également différentes sources de pollution plastique, comme les déchets issus des engins de pêche abandonnés en mer ou de l’aquaculture[20].
Dans ce cadre, la stratégie prévoit un ensemble d’actions. Parmi elles, une première catégorie destinée à lutter contre les déchets marins produits en mer invite à (i) adopter une proposition législative relative aux installations de réception portuaires pour réglementer le dépôt des déchets provenant des navires, (ii) élaborer des mesures visant à réduire les pertes ou l’abandon en mer d’engins de pêche (filets…), (iii) élaborer des mesures visant à limiter les pertes de plastiques utilisés dans l’aquaculture. Une seconde catégorie d’actions vise à surveiller et à réduire plus efficacement les déchets marins. À ce titre, il est recommandé une amélioration de la surveillance et de la cartographie des déchets marins, y compris des macro- et des microplastiques, sur la base de méthodes harmonisées à l’échelle de l’Union, ou encore un soutien aux États membres pour la mise en œuvre de leurs programmes de mesures concernant les déchets marins au titre de la DCSMM. Enfin, une troisième catégorie d’actions s’adresse directement aux autorités nationales et régionales invitées à (i) sensibiliser l’opinion à la question des dépôts sauvages et promouvoir les activités de nettoyage des plages, (ii) intensifier la collecte des déchets près des côtes, et renforcer la coordination entre les autorités responsables de la gestion des déchets, de la protection des eaux et du milieu marin, ou encore (iii) conclure des conventions maritimes régionales, afin notamment d’élaborer des plans régionaux de lutte contre les déchets marins.
Une autre étape européenne a vu le jour avec la directive relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement du 5 juin 2019[21]. La directive demande aux États membres (i) de prendre des mesures de réduction de la consommation des contenants alimentaires pour la consommation sur place/à emporter, des gobelets et de leurs couvercles, (ii) de prévoir des interdictions de mise sur le marché en 2021 (pour les couverts en plastique, touillettes, assiettes, cotons-tiges, pailles, etc.), (iii) de procéder à la collecte séparée et à l’éco-conception des bouteilles, (iv) de renforcer les filières à responsabilité élargie du producteur et (v) de mettre en œuvre de nouvelles filières, par exemple pour les produits du tabac. La directive prévoit également d’autres mesures ciblées, comme la fixation par les États membres de l’Union européenne d’un objectif annuel de collecte d’engins de pêche en vue de leur recyclage.
Visant également l’objectif 14 de développement durable[22], dédié à la conservation et à l’exploitation durable des océans, des mers, et des ressources marines aux fins de développement durable, la directive demande, dans trois de ses articles, la prise de mesures visant directement la réduction de la pollution par les plastiques dans l’espace marin.
Tout d’abord, dans son article 8, elle demande que « les États membres veillent à ce que des régimes de responsabilité élargie des producteurs soient établis pour les engins de pêche contenant du plastique qui sont mis sur le marché de l’État membre ». En cela, les États présentant des frontières maritimes doivent fixer un taux national annuel minimum de collecte des déchets d’engins de pêche contenant du plastique en vue d’un recyclage. En sus, les États membres doivent assurer un suivi des engins de pêche contenant du plastique mis sur leur marché ainsi que des déchets d’engins de pêche contenant du plastique qui sont collectés. Ils doivent en rendre compte à la Commission en vue d’établir des objectifs de collecte quantitatifs contraignants au niveau de l’Union.
Ensuite, l’article 10 de la directive prévoit que les États membres doivent prendre « des mesures pour informer les consommateurs et pour encourager des habitudes de consommation responsables (…) [et] des mesures pour fournir aux consommateurs de produits en plastique à usage unique (…) et aux utilisateurs d’engins de pêche contenant du plastique les informations suivantes : l’incidence sur l’environnement, et en particulier sur le milieu marin, du dépôt sauvage de déchets et d’autres formes d’élimination inappropriée de déchets issus de ces produits en plastique à usage unique et des engins de pêche contenant du plastique ».
Enfin, l’article 15 précise que la Commission procèdera à une évaluation de la directive au plus tard le 3 juillet 2027. Il est prévu que cette évaluation se fonde sur des informations disponibles et sur les informations supplémentaires fournies par les États membres. L’évaluation sera contenue dans un rapport, ce dernier pouvant être accompagné d’une proposition législative qui fixerait notamment des taux de collecte contraignants pour les déchets d’engins de pêche. Le rapport fournira en outre une évaluation des progrès scientifiques et techniques concernant les critères de biodégradabilité dans le milieu marin applicables non seulement aux produits en plastique à usage unique mais aussi à leurs substituts. Ces critères auraient pour but de garantir une décomposition complète dans un délai suffisamment court pour que les plastiques ne soient pas nocifs pour la vie marine et ne conduisent pas à une accumulation de plastiques dans l’environnement.

B) L’intervention récente du droit français dans la lutte contre la pollution marine par les plastiques

Si en 2012, l’arrêté du 7 décembre relatif à la sécurité des navires envisageait des mesures de lutte contre la pollution incluant les plastiques[23], c’est plus certainement à partir de 2014 que la question des pollutions plastiques en mer s’est posée. La France s’est saisie de la problématique d’abord au travers du programme national de prévention des déchets (PNPD) 2014-2020. Ce programme insistait sur la nécessité de mettre en place, sur un plan de politique publique, une bonne coordination entre les outils de planification « déchets » et ceux liés aux milieux aquatiques[24]. Un volet portait précisément sur la contribution à la démarche de réduction des déchets marins[25], renvoyant ainsi à la DCSMM. Le programme national aspirait à développer et à mettre en œuvre un plan d’action cohérent contre les déchets marins impliquant la sensibilisation du public. L’objectif était de limiter la reproduction des gestes d’abandon des déchets et de limiter l’usage de sacs plastiques, de produits en plastique à usage unique, etc.
Ces perspectives se sont renforcées avec des textes juridiques ultérieurs. La loi pour la transition énergétique et la croissance verte du 18 août 2015[26], puis la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016[27] ont apporté des avancées majeures en prévoyant, à échéances régulières, certaines interdictions. Par exemple, elles prévoyaient qu’à partir du 15 août 2015, les emballages ou sacs oxo-fragmentables seraient interdits, qu’à partir du 1er juillet 2016 la mise à disposition des sacs de caisse en matière plastique à usage unique arriverait à son terme, qu’à compter du 1er janvier 2020 la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique seraient limitée[28], ou encore qu’au plus tard le 1er janvier 2018 les cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides ne seraient plus autorisés à être mis sur le marché.
Les modalités d’application des dispositions relatives à la limitation des sacs, vaisselle jetable, microbilles et cotons-tiges en plastique ont été précisées par trois décrets. Un premier décret a porté sur les modalités de mise en œuvre de la limitation des sacs en matière plastique à usage unique[29], puis un deuxième décret concerna les modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique[30], et un troisième décret encadra les conditions de mise en œuvre de l’interdiction de mise sur le marché des produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides et des bâtonnets ouatés à usage domestique dont la tige est en plastique[31].
Si ces textes appréhendent la question des déchets plastiques selon une approche globale en envisageant leur extension à l’espace marin, d’autres en revanche visent directement le plastique en mer. Ainsi, le Plan d’action zéro plastique en mer (2020-2025)[32] a pour objectif clair de mettre fin aux rejets de déchets plastiques en mer d’ici 2025. Les mesures de ce plan portent principalement sur la prévention des déchets et la sensibilisation des citoyens et des acteurs publics et économiques. L’animation et le suivi de sa mise en œuvre sont assurés par l’Agence de la transition écologique (ADEME) qui pilote également des actions de prévention, de sensibilisation et de lutte contre la production de déchets sur terre, tandis que les agences de l’eau interviennent principalement au niveau des déchets dans les réseaux d’assainissement et d’eau pluviale. Le plan d’action décline pour cela 35 actions visant à atteindre les objectifs du Comité interministériel de la mer (CIMER) et du Plan biodiversité[33]. Ces 35 actions sont réparties en quatre axes : 1/ la prévention des pollutions plastiques en amont/à terre ; 2/ la lutte contre les déchets dans les cours d’eau, eaux usées et eaux pluviales ; 3/ la lutte contre les déchets plastiques sur le littoral et en mer ; 4/ la sensibilisation, l’information et l’éducation. À ce titre donc, la prévention des pollutions plastiques à terre a pour objectif de prévenir la dispersion des déchets en mer. Il s’agit d’une action visant à limiter, en pratique, la présence persistante en mer de déchets sauvages ou d’activités industrielles (granulés plastiques industriels…) issus des bassins versants. L’action est tournée vers les acteurs économiques afin de sensibiliser tout en étudiant les alternatives possibles aux plastiques. Ce volet implique également les collectivités locales considérées comme acteurs clefs du dispositif pour diffuser, soutenir et accompagner les bonnes pratiques sur le terrain. Par exemple, la lutte contre les déchets plastiques sur le littoral et en mer encourage des actions visant à améliorer la réception et la gestion des déchets dans les ports, à sensibiliser les professionnels de la pêche, ou encore à réaliser des études des zones d’accumulation des déchets sur le littoral. Cette démarche se fonde sur le constat selon lequel 20 % des macro-déchets rejetés en mer proviennent des activités maritimes (transport, pêche, aquaculture).
La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire[34] est venue compléter le dispositif, en introduisant par exemple à l’article L. 541-10-1 du Code de l’environnement une responsabilité élargie du producteur pour les engins de pêche contenant du plastique, et ce à compter du 1er janvier 2025. Ainsi, le secteur devra prendre les mesures nécessaires pour financer ou gérer la collecte et le traitement des déchets plastiques issus de l’activités de pêche (matériaux, reliquats provenant des filets [environ 1 130 t/an], alèzes [environ 134 t/an], casiers [environ 2 394 t/an], bidons [environ 160 t/an], pots à poulpes [environ 120 t/an], vêtements [environ 43 t/an]…)[35]. De même, l’arrêté du 21 septembre 2020[36] est venu enrichir l’opérationnalisation du plan d’action en prévoyant la création d’un certificat d’aptitude à l’enseignement d’initiation à la mer. Ce certificat valide les connaissances et les compétences nécessaires à un enseignement d’initiation aux activités de la mer. Au titre des compétences que permet d’acquérir la formation délivrant ce certificat, on relève la promotion d’un comportement responsable face à un environnement sain et l’acquisition d’un savoir portant sur les conséquences des activités économiques sur les littoraux et les eaux côtières en y incluant « pollution, eutrophisation, catastrophes écologiques (marées noires…), ou encore le 7e continent de plastique »[37].
Ainsi, il existe des instruments juridiques, définis à l’échelle nationale ou européenne, portant notamment sur la limitation des rejets de plastiques en mer, la réduction des impacts d’activités économiques sur le milieu marin, ou encore l’obligation de récupération de déchets présents dans le milieu aquatique. On observe cependant que la lutte contre cette forme de pollution va bien au-delà d’une seule réponse juridique et s’inscrit dans une véritable dynamique au sein de la société. Il se dessine donc une forte complémentarité entre la normativité juridique et la mobilisation sociétale.

II. La mobilisation sociétale contre la pollution plastique marine complémentaire aux instruments juridiques français et européens

Le développement de la normativité juridique s’intègre dans un écosystème social où la question des plastiques dans les océans est devenue parfois le quotidien. Les textes juridiques sont alors relayés, soutenus, voire complétés par un ensemble d’initiatives citoyennes, d’entreprises économiques, voire également de collectivités (B) dont le point commun semble résider dans le fait qu’elles sont porteuses d’une idéologie (A).

A) Un droit relayé et soutenu par une conscience collective écologique

Les déchets plastiques dans les mers et océans sont à l’origine de situations catastrophiques pour la société et pour l’environnement lui-même : nuisances visuelles par la flottaison de macroplastiques, dégâts aux engins de pêche, mortalité des mammifères, reptiles ou oiseaux marins[38]. La montée en puissance de certains mouvements et collectifs qui tentent de transmettre une prise de conscience ou une idéologie, afin d’éveiller les esprits citoyens sur l’importance de préserver le milieu marin des plastiques s’inscrit dans un contexte mondial de politisation des problématiques environnementales. En cela, de nouveaux acteurs participent aux débats ainsi qu’aux prises de décisions environnementales et climatiques, en se mobilisant à travers des actions plus ou moins directes. Alors qu’on assiste à une institutionnalisation croissante de la gestion écologique depuis une quarantaine d’années, de grandes organisations écologistes, principalement associatives, acquièrent progressivement une influence centrale sur la scène politique nationale et internationale[39]. Par exemple, le mouvement issu de la société civile baptisé « Break Free From Plastic » s’emploie à mettre fin à cette forme de pollution en recourant à l’exposition médiatique et à la transparence pour mettre la pression sur les acteurs économiques. Ce mouvement initié en 2016 pour exposer sur la scène publique les pratiques de l’industrie du plastique afin de s’y opposer, a été rejoint par plus de 1800 structures associatives et des milliers de citoyens à travers le monde. Son objectif est de mettre un terme à la pollution par le plastique en exigeant une réduction drastique de la production et de l’utilisation des plastiques à base de combustibles fossiles. Le mouvement entend démontrer qu’il s’agit d’un fléau systémique auquel il convient de remédier en s’attaquant à la source du problème. Il s’oppose avec fermeté à l’industrie des plastiques en exigeant de sa part transparence et action. L’originalité du mouvement est qu’il conteste les différents stades du cycle de vie des plastiques. Pour cela, il n’envisage pas une action en aval, destinée à la collecte et au traitement des matériaux. Il s’agit bien ici d’une demande de changement de gestion et de prise en compte de la pollution par le plastique, en mettant l’accent sur les actions préventives plutôt que curatives, tout en proposant des solutions à long terme[40]. Tout en soutenant les régulations juridiques, le mouvement se positionne comme allant « au-delà » en préconisant et en revendiquant une action à la source.
Ces démarches de mobilisation collective bénéficient d’un fort écho dans la société car elles entrent en adéquation avec des valeurs ou avec un sens que l’individu souhaite donner à son existence[41]. Ce dernier va parfois agir par responsabilisation face à l’irréversibilité des risques[42], ou s’engager en quête de lui-même pour (re)donner du sens à sa vie[43]. Parfois encore, il se mobilisera par attachement pour l’océan. Le lien établi entre l’être humain envisagé dans son individualité et l’espace marin renvoie ainsi à des composantes émotionnelles de l’action[44], à la dimension affective de l’être humain[45], ou bien à une sacralisation de la nature[46].
Au-delà des causes profondes et individuelles, d’autres instruments de prise de conscience se développent et parmi eux la métaphore est souvent efficace. Dans cette hypothèse, le focus se porte sur la partie « visible » de l’accumulation de débris plastiques et l’accent est placé sur l’image à laquelle elle renvoie comme le « continent plastique » ou la « soupe plastique ». Le public, dans sa dimension intergénérationnelle, se voit plongé dans une angoisse oscillant entre « encombrement détritique mortifère à l’échelle planétaire et impératif de répondre à un défi écologique »[47]. Or, les débris flottants ne représentent que 30 % de l’ensemble des déchets plastiques présents dans les milieux océaniques, les 70 % restant se retrouvant dans les fonds littoraux voire dans les abysses[48].
À l’appui de cette image catastrophique, les études scientifiques et les statistiques sont mises en avant. Leur appropriation devient alors plus aisée car elles renvoient à un réel imaginé. C’est ainsi qu’il devient plus simple d’expliquer comment les particules en suspension pourraient être assimilées à du plancton par une large frange du biotope marin[49]. Les images les plus emblématiques sont notamment celles de cadavres d’oiseaux morts étouffés par des débris de polyéthylène, ou encore de tortues de mer dont le corps est enserré par un anneau plastique servant en principe à assembler des cannettes de soda.
Au-delà de l’effet produit sur la biodiversité marine, c’est aussi un impact psychologique sur l’être humain qui est parfois mis en avant. Dans le même temps que se développent des controverses sur la possible toxicité biochimique des plastiques[50], laissant alors possible, voire probable, la diffusion de substances toxiques dans l’organisme[51], la remontée de la chaîne alimentaire prend tout son sens dans l’intellect collectif. En faisant le rapprochement entre les poissons pêchés et leur consommation par les êtres humains, les questions de santé publique se posent dès lors à l’action publique conduite par la société civile.

B) Un droit relayé et impulsé par des actions de terrain

En pratique, la mobilisation des acteurs peut prendre des formes différentes. Parfois, elle vient relayer les dispositions juridiques en leur donnant du sens et en illustrant les manières de les rendre plus concrètes. Parfois, elle vient devancer le droit en formulant des propositions et des recommandations à destination des législateurs.
Ainsi, la mobilisation sociétale peut se manifester par exemple au travers d’engagements des acteurs privés à changer leurs pratiques ou leur comportement au travers de déclarations éthiques ou de codes de conduite. Cette démarche est souvent associée à la responsabilité sociale et environnementale des entreprises et organisations. C’est par exemple le cas des entités signataires du pacte national français sur les emballages plastiques signé le 21 février 2019. Ce pacte s’inscrit dans la continuité de l’engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques lancé par la navigatrice Ellen MacArthur[52]. Il a été signé par les grands groupes comme Auchan Retail France, Carrefour, Coca-Cola European Partners, Danone, L’Oréal, ou encore Unilever, et les deux organisations non gouvernementales que sont la Fondation Tara Expéditions et le Fond mondial pour la nature (WWF) France. Il prévoit des actions concrètes dans les enseignes de grande distribution. Les pouvoirs publics, la Fondation Tara Expéditions et le WWF France s’assureront que les entreprises signataires respectent bien leurs engagements. Parmi les engagements pris, on relèvera par exemple l’arrêt de l’utilisation du chlorure de polyvinyle (PVC) dans les emballages ménagers, commerciaux et industriels d’ici à 2022, la prise des mesures pour éliminer les autres emballages en plastique problématiques ou inutiles d’ici à 2025, le développement de nouveaux modèles commerciaux de réutilisation, de réemploi et de vente en vrac d’ici à 2025, ou encore le développement de l’écoconception.
La mobilisation de la société sur le terrain s’observe aussi par des actions concrètes collectives associant les citoyens eux-mêmes, des acteurs privés, des associations ou des collectivités locales[53].
La première catégorie renvoie à des actions de sensibilisation et de prévention. Ainsi par exemple, le Parc naturel marin des estuaires picards et de la mer d’Opale et le bureau d’étude Oceanic Development ont développé des prototypes de filets de pêche constitués de matériaux biodégradables, biosourcés, recyclables et ne générant pas de microplastiques. Dans la même perspective, l’entreprise Dauphin, dans le cadre d’un projet Sea Clean, a mis en place des poubelles flottantes à destination des plaisanciers pour la collecte des déchets dans les zones de mouillages. Enfin, des collectivités publiques du littoral français ont mené une campagne « La mer commence ici », consistant à poser des plaques à proximité des avaloirs pour sensibiliser les citoyens sur la destination des déchets jetés.
La deuxième catégorie renvoie à des actions de collecte, parfois doublées d’actions de traitement. Par exemple, l’association Project Rescue Ocean organise la collecte de macro-déchets et y associe des volets de sensibilisation à destination des participants. Les déchets collectés puis triés par l’association sont ensuite repris par un industriel. L’objectif à plus long terme poursuivi par la structure associative est de développer une machine à recycler le plastique directement sur le lieu de la collecte. Parfois, la collecte s’accompagne d’une prise en charge du traitement des déchets plastiques par le même acteur. Ainsi par exemple, le projet ReSeaclons, mené par Seaquarium dans le cadre de l’Institut Marin du Grau-du-Roi, a pour objectif d’étudier la mise en place d’une filière de collecte et de valorisation des déchets plastiques pêchés en mer grâce à l’engagement et aux actions quotidiennes de différents acteurs de la ville et de sa région. Ainsi, les pêcheurs professionnels, les associations, les agents de la ville et du port de plaisance et la communauté de communes Terre de Camargue, en partenariat avec l’entreprise TRIVEO, travaillent à la mise en place d’un process de recyclage des déchets plastiques marins pour concevoir des pots en matériau plastique hybride.
La troisième catégorie renvoie à des actions de suivi des déchets marins. Ces initiatives se manifestent de manières différentes et poursuivent des objectifs divers. D’un côté, des applications peuvent être développées afin de localiser, suivre ou identifier les déchets plastiques présents dans l’océan. Par exemple, l’application Marine LitterWatch[54] permet de suivre les déchets marins sur les plages européennes. Disponible gratuitement elle permet par exemple aux collectivités procédant au nettoyage des plages, de recueillir des données de façon à améliorer leurs connaissances sur les déchets marins et sur les manières de les collecter sélectivement. On citera également l’application Ocean Plastic Tracker[55] développée par l’association concarnoise ANSEL et l’association Sea-Mer dont l’objectif est de tracer les déchets, notamment plastiques, sur les côtes françaises afin d’obtenir des données collectées fiables et consolidées qui contribueront à la recherche scientifique et à la « mémoire » de la pollution. La première version d’Ocean Plastic Tracker avait vu le jour lors de l’Ocean Hackathon de Brest en octobre 2016, rendant compte du potentiel des défis d’innovation et de la capacité de la société à y répondre. D’un autre côté, d’autres actions peuvent s’écarter du recours à l’application numérique. En cela, des dispositifs de suivi protocolés conduisent à dégager des indicateurs permettant de suivre l’intensité de la pollution marine[56]. Tel fut le cas de la démarche initiée par le Parc naturel marin d’Iroise en 2010 en introduisant dans son plan de gestion un indicateur sur les macrodéchets dans les nids de cormorans huppés[57]. En raison de son succès, cette action fut menée par la suite dans d’autres colonies bretonnes de l’espèce, puis des colonies normandes et enfin des colonies corses en 2014[58]. On pourra également évoquer l’association Sea Plastics, constituée d’étudiants réalisant des campagnes d’échantillonnage de micro-plastiques. L’initiative poursuit le double objectif de sensibiliser le grand public et de participer à l’avancée de la recherche à partir des données collectées. Il s’agit de l’une des seules initiatives françaises de collecte de déchets plastiques dans les eaux du large.
Ces actions de suivi renvoient souvent au concept de sciences participatives qui implique le citoyen dans l’acquisition de connaissances scientifiques[59]. Si l’espace terrestre bénéficie de cette dynamique depuis de nombreuses années, l’espace marin ne fait l’objet de cette démarche participative et collaborative que depuis récemment[60]. Les programmes participatifs offrent la possibilité à chacun de s’investir afin d’enrichir les questionnements et les problématiques scientifiques pour ainsi contribuer à leur résolution. L’implication de volontaires bénévoles permet notamment d’activer l’interface science-société afin de développer des collaborations pérennes et d’être vecteur d’engagement citoyen[61].
Enfin, on évoquera les actions de la société civile en tant que source d’impulsion, au travers de l’initiative originale d’un tribunal d’opinion. Les travaux du Tribunal des Océans du Centre international de droit comparé de l’environnement sont particulièrement significatifs à ce sujet dans le cadre du procès fictif organisé en 2019 en association avec la faculté de droit et de science politique de Nice sur le thème de la pollution de la Mer Méditerranée par les plastiques[62]. L’objectif de ce procès fictif était de faire le point sur les menaces pesant sur les océans et sur les réponses possibles du droit de l’environnement et du droit de la mer, de mettre en lumière les lacunes du droit existant pour préserver les milieux marins et les ressources et d’être une force de proposition pour l’avenir, par la formulation de propositions juridiques concrètes[63]. Le principe était que des étudiants, répartis en groupe pluridisciplinaires et accompagnés par une équipe enseignante, conduisent des recherches et des réflexions pour identifier les problèmes scientifiques et juridiques liés aux plastiques dans l’espace marin. Une fois ce travail accompli, ces étudiants ont formulé une proposition de protocole additionnel au protocole tellurique[64] de la Convention de Barcelone. Constatant l’insuffisance des dispositifs actuels existants, les étudiants ont eu pour mission d’élaborer les bases d’une convention internationale sur les déchets plastiques en mer, la plus adaptée possible à l’objectif de réduction, voire d’élimination des déchets plastiques dans l’espace marin. Après avoir constaté que les deux résolutions des Nations Unies portant sur les déchets plastiques et microplastiques dans le milieu marin[65] et sur la lutte contre la pollution par les produits en plastique à usage unique[66] ne suffisaient pas, en ce que la communauté internationale renvoie à plus tard des solutions que l’urgence exige d’adopter rapidement, le Tribunal des Océans a invité les Parties à la Convention de Barcelone de ne pas attendre des solutions à l’échelle universelle mais de prendre d’ores et déjà des solutions régionales propres à la Mer Méditerranée. Cette proposition très complète préconisait notamment des obligations de coopération interétatique scientifique et technologique[67], voire plus particulièrement une obligation de coopération en cas de « situation critique de pollution générée par les déchets plastiques dans la zone de la mer Méditerranée »[68]. La proposition comportait un volet prévention[69], aux stades de la production, de la distribution et de l’utilisation des produits plastiques, ou encore un volet réparation[70] visant une déplastification sur terre, dans la mer et dans les eaux fluviales. La proposition préconisait également la mise en place d’un fonds de déplastification et d’indemnisation[71] qui serait financé par les États et aurait pour mission de financer des politiques de déplastification de la mer Méditerranée et de ses fleuves affluents et de financer des actions de lutte préventive contre la pollution plastique[72].

Conclusion

À la surface et dans les océans, les déchets plastiques ne cessent de s’accumuler, représentant une menace croissante en termes de qualité de l’eau et de conservation d’espèces marines. Afin de lutter contre ces déchets et leur dégradation progressive en microplastiques, un ensemble de normes juridiques européennes et françaises sont élaborées pour tenter de cerner le problème le plus largement possible. Si la société civile se saisit de cette opportunité pour participer à la protection des mers et des océans, elle n’hésite pas non plus à développer ses propres outils participatifs et à formuler des propositions pour aller au-delà de l’existant juridique et réaffirmer sa force d’impulsion. C’est dans ce cadre juridique et pratique que prend place un ensemble de concertations et de discussions afin d’agir mieux, ensemble. Cette action du collectif et les enjeux qu’il entend relever à l’égard des mers et des océans s’intensifieront sans nul doute au travers du Comité France Océan créé en décembre 2018 et présenté comme un groupe national de concertation sur l’environnement marin. Réunissant des représentants d’organisations non-gouvernementales de protection de l’environnement marin, des administrations en charge de la mer et de la gestion de ses ressources, des grands établissements publics de recherche et également des personnalités qualifiées, le comité a vocation à construire des propositions concertées et concrètes qui alimenteront les travaux du Conseil national de la mer et des littoraux et du Comité national de la biodiversité. Les travaux futurs du comité devront à la fois s’inscrire dans la continuité et l’innovation, en constituant un lieu de formulation de solutions pour préserver le milieu marin de la pollution plastique et un lieu de créativité et d’ingéniosité impulsée par la société pour déterminer les actions concrètes à mener au niveau local, national, européen et international pour réduire l’impact des déchets plastiques sur les milieux marins.

Adélie Pomade, « Plastiques et environnement marin : des réponses juridiques pour des enjeux sociétaux ? Perspectives françaises et européennes », Confluence des droits_La revue [En ligne], 12 | 2022, mis en ligne le 16 décembre 2022. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=2091


[1] L. Fuhr et al., Atlas du plastique. Faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques, Heinrich Böll Stifung, La Fabrique écologique, #breakfreefromplastique, 2020.

[2] Directive (UE) 2015/720 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 modifiant la directive 94/62/CE en ce qui concerne la réduction de la consommation de sacs en plastique légers, JOUE du 5 mai 2015.

[3] G. Macfadyed et al., Engins de pêche abandonnés, perdus ou rejetés, Rapport, PNUE, FAO, 2010.

[4] Convention de Londres sur la prévention de la pollution des mers résultant de l’immersion de déchets et autres matières, 29 décembre 1972, Londres.

[5] Convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires, 2 novembre 1973, Organisation maritime internationale, Londres.

[6] Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 10 décembre 1982, Montego Bay.

[7] Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants, 22 mai 2001, Stockholm.

[8] Voir en ligne : Déclaration d’intention « Stop aux déchets plastiques », Lancement de la coalition internationale, édité en octobre 2016.

[9] B. Monsaingeon, « Plastiques : ce continent qui cache nos déchets », Mouvements, 2016, p. 48-58.

[10] Il ne s’agit pas ici de l’expression « être humain ». L’ « être » est envisagé ici comme le fait d’exister. Voir B. Monsaingeon, précit.

[11] À l’échelon européen, par exemple : directive 2005/20/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2005 modifiant la directive 94/62/CE relative aux emballages et aux déchets d’emballages ; directive 1999/31/ CE du Conseil du 26 avril 1999 concernant la mise en décharge des déchets ; directive (UE) 2015/720 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2015 modifiant la directive 94/62/CE en ce qui concerne la réduction de la consommation de sacs en plastique légers. À l’échelon national, par exemple : loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire.

[12] Commission européenne, Livre bleu portant politique maritime de l’Union européenne, COM(2007)0575, 10 octobre 2007.

[13] Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, JOUE 25 juin 2008.

[14] Décision (UE) 2017/848 de la Commission du 17 mai 2017 établissant des critères et des normes méthodologiques applicables au bon état écologique des eaux marines ainsi que des spécifications et des méthodes normalisées de surveillance et d’évaluation, et abrogeant la directive 2010/477/UE.

[15] United Nations environment assembly of the United Nations Environment Programme, Draft resolution on marine litter and microplastics, UNEP/EA.3/L.20, 5 December 2017.

[16] Directive (UE) 2015/720 modifiant la directive 94/62/CE en ce qui concerne la consommation de sacs en plastique légers, JOUE du 6 mai 2015.

[17] Directive 2008/56/CE établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin, JOUE du 25 juin 2008.

[18] Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Une stratégie européenne sur les matières plastiques dans une économie circulaire,COM(2018) 28 final, 16 janvier 2018.

[19] C. Sherrington et al., European commission DG environment, Study to support the development of measures to combat a range of marine litter sources, Report, 2016.

[20] Dont l’adoption possible d’un document de référence sur les meilleures techniques disponibles pour les installations d’aquaculture.

[21] Directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement, 5 juin 2019, JOUE 12 juin 2019.

[22] Les 17 objectifs de développement durable (ODD), mis en place par les Nations Unies, donnent la marche à suivre pour parvenir à un avenir meilleur et plus durable pour tous. Ils répondent aux défis mondiaux auxquels notre société contemporaine est confrontée. Les objectifs sont interconnectés et l’objectif est d’atteindre chacun d’entre eux et chacune de leurs cibles d’ici à 2030.

[23] Arrêté du 7 décembre 2012 portant modification de l’arrêté du 23 novembre 1987 relatif à la sécurité des navires, JO du 7 décembre 2012.

[24] Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, Programme national de prévention des déchets 2014-2020.

[25] Un déchet marin peut être défini comme « tout objet persistant, fabriqué par l’homme en matériau solide, qui se retrouve dans l’environnement marin et côtier (flottant à la surface, dans la colonne d’eau et déposé sur les fonds marins ou encore échoué sur les plages et le littoral), de taille diverse – visible à l’œil nu (macro-déchets), ou entre 500 μm et 5 mm (micro-déchets / microparticules) ». Ibid.

[26] Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, JO du 18 août 2015.

[27] Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, JO du 9 août 2016.

[28] Une exception est cependant tolérée : si les ustensiles sont compostables en compostage domestique et composés, pour tout ou partie de matières biosourcées.

[29] Décret n° 2016-379 du 30 mars 2016 relatif aux modalités de mise en œuvre de la limitation des sacs en matières plastiques à usage unique, JO du 31 mars 2016.

[30] Décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique, JO du 31 mars 2016.

[31] Décret n° 2017-291 du 6 mars 2017 relatif aux conditions de mise en œuvre de l’interdiction de mise sur le marché des produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides et des bâtonnets ouatés à usage domestique dont la tige est en plastique, JO du 8 mars 2017.

[32] Plan d’action « zéro déchets plastique en mer » (2020-2025).

[33] Plan biodiversité, Biodiversité tous vivants !

[34] Loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, JO du 11 février 2020.

[35] France Agrimer, La réduction de l’impact sur l’environnement des plastiques utilisés dans la filière pêche et aquaculture, Synthèse d’étude, Juillet 2020.

[36] Arrêté du 21 septembre 2020 relatif au certificat d’aptitude à l’enseignement d’initiation à la mer, JO du 23 septembre 2020.

[37] Ibid.

[38] A. Bas, A. Cujus, Analyse économique et sociale de l’utilisation de nos eaux marines et du coût de la dégradation du milieu marin. Mer celtique, juin 2012.

[39] R. Sue, La contre société, Les liens qui libèrent, 2016 ; A. Vrignon, La naissance de l’écologie politique en France. Une nébuleuse au cœur des années 68, Presses universitaires de Rennes, 2017.

[40] L. Fuhr et al., Atlas du plastique. Faits et chiffres sur le monde des polymères synthétiques, précit.

[41] M. Villain, « Voix multiples dans la défense écologiste et citoyenne des océans : Convergences d’acteurs autour du golfe de Biscaye (sud) », Questions de communication. Série actes, Presses universitaires de Nancy, 2018, p. 245-257.

[42] U. Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Aubier, 2001.

[43] A. Giddens, Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, 1994.

[44] C. H. Cuin, « Émotions et rationalité dans la sociologie classique : les cas de Weber et Durkheim », Revue européenne des sciences sociales, 2001.

[45] M. Castells M, Redes de indignación y esperanza: los movimientos sociales en la era de Internet, Alianza Editorial, 2012.

[46] B. Hurand, C. Larrère (dir.), Y a-t-il du sacré dans la nature ?, Publications de la Sorbonne, 2014.

[47] B. Monsaingeon, Faire monde avec l’irréparable Sur les traces des océans de plastique, Technique et culture, 2016, p. 65-66.

[48] R.C. Thompson et al., « Plastics, the Environment and Human Health: Current Consensus and Future Trends», Philosophical Transactions of the Royal Society in Biological Sciences, 2009, p. 2153-2166.

[49] Ibid.

[50] J.J. Leicher, «Investigating the Accumulation of Plastic Debris in the North Pacific Gyre », in K. Omori (dir.)

Interdisciplinary Studies on Environmental Chemistry, Marine Environmental Modeling & Analysis, 2011, p. 251-259.

[51] W. Boote, G. Pretting, Plastic Planet, Actes Sud, 2010.

[52] https://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/fondation-ellen-macarthur/la-fondation  

[53] Issu du rapport : C. Marek et al., Lutte contre la pollution plastique en milieu marin État des lieux, réglementation, recensement et analyse des initiatives, Rapport, 2020.

[54] L’application a été développée par l’Agence européenne de l’environnement (AEE).

[55] https://www.data.gouv.fr/fr/reuses/ocean-plastic-tracker/

[56] B. Cadiou, M. Fortin, Déchets et DCSMM, Bretagne vivante, 2015.

[57] B. Cadiou, Suivi de l’utilisation des macrodéchets comme matériaux de nids par les cormorans huppés en mer d’Iroise pour l’indicateur « macrodéchets » du plan de gestion de Parc naturel marin d’Iroise, Rapport Bretagne vivante, PNMI, 2014, 7 p.

[58] R. Fleuriau, G. Faggio, Étude des déchets comme éléments des nids de cormorans huppés en Corse, Rapport Conservatoire d’espaces naturels de Corse, Ifremer, Borgo, 2014, 14 p.

[59] Prospective Mer, Les cahiers prospectives CNRS INEE, 2013.

[60] E. Aceves‐Bueno et al., « The Accuracy of Citizen Science Data: A Quantitative Review », Bulletin of the Ecological Society of America, 2017.

[61] Voir notamment : L’engagement citoyen en science participative, Journée-atelier organisée le 19 octobre 2020 à l’Institut universitaire européen de la mer, UMR AMURE et UMR LEMAR, [captation en ligne].

[62] M. Prieur, M. Boucaron-Nardetto, P. Steichen, Le tribunal des océans : la mer a la parole, Rapport de recherche, GREDEG CNRS, ISEM, Université de Nice -Sophia Antipolis, CIDCE, 2019.

[63] Ibid.

[64] Protocole relatif à la protection de la mer Méditerranée contre la pollution d’origine tellurique, 17 mai 1980, Athènes.

[65] Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du Programme des Nations Unies pour l’environnement, Résolution UNEP/EA.4/Res.7, 28 mars 2019.

[66] Assemblée des Nations Unies pour l’environnement du Programme des Nations Unies pour l’environnement, Résolution UNEP/EA.4/Res.10, 28 mars 2019.

[67] M. Prieur, M. Boucaron-Nardetto, P. Steichen, Le tribunal des océans : la mer a la parole, précit, Article 5-2.

[68] Ibid, Article 5-2-2.

[69] Ibid, Article 5-3.

[70] Ibid, Article 5-5.

[71] Ibid, Article 9.

[72] Ibid, Article 9-1.

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