M. Fatin-Rouge Stefanini – Cuba, une nouvelle Constitution pour une nouvelle ère ?

Marthe Fatin-Rouge Stefanini, Directrice de recherches au CNRS, Aix Marseille Univ, Université de Toulon, Univ Pau & Pays Adour, CNRS, DICE, ILF-GERJC, Aix-en-Provence, France

Le 24 février 2019, le peuple cubain a adopté par référendum une nouvelle Constitution qui a été proclamée par l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire (ANPP), le 10 avril 2019, date symbolique puisque célébrant le 150e anniversaire du début des guerres d’indépendance et de la première constitution des Mambises[1]. Encore très connotée idéologiquement et réaffirmant l’idéal socialiste marxiste-léniniste, quelques jours après que Donald Trump déclare à propos du Venezuela « socialism is dying »[2], cette nouvelle Constitution tente de donner l’image d’un pays ouvert aux idéaux et principes posés par la Communauté internationale[3] afin de faciliter l’acceptation de l’État cubain par cette dernière. Dès lors peut-on considérer que la Constitution cubaine de 2019 est une constitution transitionnelle qui, tout en conservant les valeurs socialistes développées depuis la Révolution cubaine, cherche une reconnaissance et une place dans un monde libéral ?
Le processus de révision de la constitution de 1976 avait été engagé par Raúl Castro dès 2007, mais il n’a véritablement abouti que onze années plus tard. En effet, en 2018, l’Assemblée nationale du pouvoir populaire a désigné un comité de rédaction en son sein, et une fois le texte établi, il a été soumis à une consultation populaire qui a duré plusieurs semaines (du 13 août au 15 novembre 2018). Cette consultation a pu se faire dans le cadre de réunions publiques[4] et par le biais d’un site dédié[5] permettant, notamment, aux Cubains de l’étranger de participer aux débats même s’ils ne pouvaient pas voter. Cette procédure participative pourrait sembler s’inscrire dans le mouvement qu’ont connu plusieurs États à partir des années 1990[6], dont l’Islande et l’Irlande ont été les exemples les plus diffusés en matière constitutionnelle[7]. Dans ces États, la participation des citoyens à la procédure de révision constitutionnelle s’est faite en associant les citoyens à partir de forums locaux, des réseaux sociaux, de sites web, mais également d’assemblées citoyennes ou de conventions citoyennes nationales composées de personnes tirées au sort et dont les travaux ont été diffusés en direct. Toutefois, le processus participatif cubain est encore différent, car aucune assemblée citoyenne n’a été constituée. L’absence de véritable processus bottom-up a d’ailleurs fait l’objet de critiques[8] mais a été notamment justifié par le rôle représentatif exercé par l’ANPP et, plus largement, par la légitimité démocratique du processus dans son ensemble[9]. Cet appel au peuple pour une co-construction du texte constitutionnel n’est par ailleurs pas une première à Cuba puisque le texte de 1976 a fait lui-même l’objet d’une élaboration participative ayant mobilisé 6 millions de citoyens[10]. L’implication dans le processus constituant répond au souci des dirigeants de faire en sorte que les citoyens s’approprient la Constitution, les institutions ainsi que les droits et devoirs qu’elle contient. En revanche, il ne semble pas qu’il y ait véritablement de lien entre cette volonté cubaine d’associer les citoyens aux changements constitutionnels et le mouvement de démocratie délibérative qui se développe dans de nombreux États[11]. Bien évidemment, le risque d’une telle consultation populaire, même médiatisée, dans un État dont on peut douter de la transparence est que l’on ne peut pas s’assurer que les comptes-rendus qui ont été dressés correspondent à la réalité et à la diversité des opinions exprimées[12]. Selon des statistiques officielles[13], 60 % du texte aurait été modifié à la suite de cette consultation. Les réseaux sociaux auraient joué un rôle important dans la critique du projet et du régime en général. Le recours à la participation citoyenne est d’autant plus mis en valeur par les dirigeants cubains qu’il est un moyen de légitimer le processus de révision constitutionnelle à la fois sur le plan interne, comme ce fut le cas en 1976 et pour la révision constitutionnelle de 2002[14], et à l’égard de la communauté internationale incitant à la « démocratisation de la démocratie »[15]. D’ailleurs, le texte définitif de la nouvelle Constitution a également été soumis au référendum pour approbation[16]. Le recours à la participation citoyenne serait-il alors le signe d’une démocratisation du régime laissant plus de place à l’individu au détriment de l’idéologie communiste qui a inspiré le régime castriste ? Une lecture attentive du texte incite à modérer cet enthousiasme. Si la Constitution de 2019 opère une transition d’un point de vue purement formel, sur le fond elle se situe dans le prolongement de la Constitution précédente notamment dans la manière dont fonctionnent les institutions. De ce fait, malgré l’atténuation du discours idéologique et l’ouverture à l’économie de marché, les constituants n’ont pas renoncé aux fondements du régime autoritaire[17]. Si des évolutions sont à noter, elles ne permettent pas de conclure à une transformation démocratique du régime politique cubain (I). On peut néanmoins constater une évolution dans la manière dont la plupart des articles sont formulés et dans les nouveaux principes et droits consacrés, dénotant un effort de normalisation de la Constitution cubaine par rapport à certains standards internationaux. (II).

I. Des fondements non remis en cause

Dans le vocabulaire courant, la transition exprime le changement d’un état à un autre[18], d’un régime à un autre[19]. Le changement de constitution à Cuba peut être considéré comme une transition d’un point de vue formel puisque le texte daté du 10 avril 2019, et appelé Constitution se substitue au texte précédent, la Constitution du 24 février 1976. Pour savoir si la transition est également matérielle, il convient de rechercher si la Constitution de 2019 opère une véritable transition de régime politique vers un régime plus conforme aux standards démocratiques actuels en adhérant à certaines valeurs des démocraties libérales. Force est de constater que la Constitution du 10 avril 2019 s’inspire fortement de la Constitution de 1976 et reprend la plupart des principes qu’elle avait établis tant d’un point de vue idéologique (A) que dans la manière dont les institutions fonctionnent (B).

A) Une idéologie encore très présente

Même si certaines normes ont évolué et que le vocabulaire utilisé est plus neutre, le discours idéologique reste très présent dans le préambule et dans le texte de la Constitution elle-même[20]. La Constitution de 2019 témoigne en effet d’une volonté d’ouverture aux valeurs libérales en affirmant notamment de nouveaux droits fondamentaux considérés comme universels tels que le droit à la vie, l’interdiction de la torture ou encore le droit d’accès à un tribunal. Soucieuse de renforcer l’ouverture de son économie tout en gardant une certaine maîtrise de celle-ci, elle reconnaît la liberté de circulation[21] et le droit à la propriété privée des moyens de production[22], ce qui constitue des affirmations importantes destinées à rassurer les investisseurs étrangers qui se voient également consacrer une disposition particulière[23]. Toutefois, ces innovations viennent prendre place à côté de dispositions plus marquées idéologiquement indiquant que les constituants n’ont pas entendu renoncer aux fondements mêmes du régime castriste. Ainsi, le préambule de la Constitution affirme que les constituants ont été guidés par « ce que la pensée révolutionnaire, anti-impérialiste et marxiste cubaine, latino-américaine et universelle a de plus avancé, en particulier par les idées et l’exemple de Martí et de Fidel, et par les idées de libération sociale de Marx, d’Engels et de Lénine »[24]. Ils affirment s’appuyer également sur « l’internationalisme prolétarien, l’amitié fraternelle, l’aide, la coopération et la solidarité des peuples du monde, notamment de ceux d’Amérique latine et des Caraïbes ». Dans cet idéal socialiste, la dissidence politique est exclue et les droits politiques, très limités en pratique, sont les derniers consacrés dans la liste des droits fondamentaux[25]. Le principe du parti unique, consacrant le Parti communiste cubain (PCC), est réaffirmé. Qualifié par la Constitution de « force politique dirigeante supérieure de la société et de l’État »[26], il joue un rôle central. Les dirigeants du Parti sont également ceux qui occupent les fonctions les plus importantes au sein du Conseil d’État qui reste le véritable organe de direction dans l’État. La soumission des droits et libertés aux idéaux de la Révolution n’est pas affirmée explicitement comme cela pouvait être le cas dans la Constitution de 1976[27]. Toutefois, l’article 90 souligne que « l’exercice des devoirs et des libertés prévus dans cette Constitution entraîne des responsabilités » et énonce parmi les devoirs des citoyens cubains, l’obligation de « a) servir et défendre la patrie ; b) respecter la Constitution et les autres normes juridiques ; c) respecter et protéger les symboles patriotiques […] ». Le respect des valeurs du socialisme et des acquis de la Révolution, profondément ancrés dans l’identité de l’État cubain, est ainsi rappelé de manière implicite. Le contrôle de l’État sur les activités humaines, et notamment le travail, est encore présent[28], de même que la mission d’endoctrinement dévolue au Parti communiste et à l’Union des jeunes communistes[29]. Le système socialiste établi est d’ailleurs réaffirmé comme étant irrévocable par l’article 4 et l’article 229 de la Constitution[30], et ne peut à ce titre faire l’objet d’une révision constitutionnelle. Ce principe introduit en 2002 dans la Constitution de 1976 montre que les bases idéologiques sur lesquelles repose la Constitution de 2019 sont les mêmes, malgré les dispositions d’ouverture contenues dans le nouveau texte.
Comme le rappelle Jean-Pierre Massias, la transition constitutionnelle n’est que la « conséquence d’une transition politique, elle-même consécutive d’une transition sociale et démocratique »[31]. Si l’assouplissement des règles relatives à l’exercice de certaines libertés et l’atténuation du discours idéologique témoignent d’une certaine volonté de changement dans le sens d’une libéralisation du régime, les conditions de la démocratie ne sont pas encore établies. On ne peut donc pas parler de transition démocratique dont cette nouvelle constitution serait le reflet. Les dirigeants cubains souhaitent continuer à canaliser la dissidence et les revendications populaires en donnant l’impression que l’amélioration de la qualité de vie par un système économique plus performant peut compenser la limitation des droits politiques. Ainsi la « bonne » transition prônée par les dirigeants ne peut s’accomplir que dans le cadre des idéaux de la Révolution. S’y oppose celle qui reposerait sur des idéaux démocratiques et qui sonnerait le glas du régime socialiste castriste. Selon Dojan Dimitrijevic, « (l)a transition est ainsi clairement et radicalement rejetée lorsqu’elle est le nom d’un changement de système politique, mais elle est présentée comme nécessaire, comme la condition sine qua non de la survie des valeurs et des principes de la Révolution, donc de la structure du système politique, lorsque la transition est maintenue dans le cadre de la révolution et du système ». Vincent Bloch souligne pour sa part que ce « castrisme de marché »[32] tente simplement de perpétuer l’idéal révolutionnaire dans une économie plus libérale : une « économie de marché à orientation socialiste » à l’image du modèle vietnamien[33].
La transition sociale et démocratique sera peut-être l’un des effets de cette Constitution, malgré la volonté contraire des dirigeants du pays, mais ce n’est clairement pas l’objectif du texte de 2019. Ce nouveau texte pourrait ainsi être l’un des ferments de la transition démocratique car personne ne peut prédire la manière dont seront interprétées des dispositions et les conséquences quant à l’évolution du régime politique mis en place. Toutefois, une évolution vers un État démocratique libéral supposerait plus qu’un simple toilettage de la Constitution tant l’idéologie socialiste en est l’esprit et en imprègne le contenu. D’ailleurs, si le régime politique et les institutions subissent des modifications, ils s’inscrivent dans le prolongement du régime établi par la Constitution de 1976.

B) Une continuité dans le paysage institutionnel

Dans la nouvelle Constitution, apparaît la notion d’« État socialiste de droit »[34], ce qui signifie que l’État de droit est soumis au respect des objectifs du socialisme dans la manière dont ce courant de pensée est interprété par le Parti. Dans ces conditions, les libertés et les droits reconnus sont eux-mêmes soumis et interprétés conformément au respect de l’idéologie prônée par les dirigeants. Si la Constitution est proclamée comme étant la norme suprême[35], ce qui constitue une avancée terminologique à souligner, il lui manque ce qui en fait sa supériorité de manière concrète, la sanction juridictionnelle de son non-respect par les normes inférieures. En effet, la constitutionnalité des actes législatifs est vérifiée par l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire elle-même, composée de représentants du parti unique (art. 108e[36]). De même, l’ANPP est chargée d’assurer l’interprétation de la Constitution[37], donc de manière compatible avec l’idéologie prônée par le parti, comme cela est également le cas en Chine par exemple. L’interprétation est ainsi canalisée en étant confiée à un seul organe politique. Par ailleurs, les juridictions elles-mêmes, dans la continuité de l’interprétation retenue avant 2019, acceptent pour l’instant de faire prévaloir des normes inférieures sur la Constitution[38].
La création des postes de président de la République et de Premier ministre par la Constitution de 2019 vise à permettre un fonctionnement plus collégial du gouvernement tout en restant sous le contrôle de l’Assemblée qui, d’ailleurs, peut révoquer le président de la République[43]. Le Premier ministre est à la fois responsable devant l’ANPP et devant le président de la République (art. 142). Le gouvernement est responsable devant le Parlement mais l’ANPP ne peut pas être dissoute par le président de la République. Le renouvellement de l’Assemblée est décidé par le Conseil d’État qui convoque des élections.
Comme de nombreuses autres autorités, dont le Conseil d’État et le Conseil des ministres, le président de la République dispose de l’initiative législative[49] et constitutionnelle[50]. Les citoyens disposent également de l’initiative populaire en matière législative (10 000 soutiens nécessaires) et constitutionnelle (50 000 soutiens nécessaires). La recevabilité de telles initiatives, leur examen et les suites qui y seront éventuellement données sont décidés par l’Assemblée nationale. Ces procédures d’initiative populaire sont donc de type indirect dans une version faible[51], car l’ANPP garde la maîtrise du devenir de la proposition citoyenne. Cette stratégie permet de limiter la portée d’un mécanisme présenté généralement comme un instrument d’opposition[52]. L’article 228 de la Constitution prévoit le recours obligatoire au référendum si la révision constitutionnelle porte sur certaines institutions ou sur les droits, devoirs et garanties constitutionnelles[53]. En dehors de cette disposition, les citoyens n’ont pas la possibilité de déclencher une procédure référendaire et n’ont pas l’obligation d’être consultés. Ils ne maîtrisent donc pas l’agenda politique car seule l’ANPP peut décider de convoquer les citoyens pour un plébiscite ou un référendum[54]. De la même façon, si toutes les autorités politiques doivent rendre des comptes et peuvent être révoquées, ce pouvoir de révocation n’appartient pas directement aux citoyens. L’expérience d’une association des citoyens à l’écriture de la Constitution et à son adoption ne se prolonge pas dans le fonctionnement des institutions et le choix des politiques publiques. Comme le remarque Albert Noguera Fernández, « cela aurait impliqué de concevoir un modèle laissant derrière lui l’actuelle relation verticale entre politiques publiques et structure sociale pour établir des mécanismes et des institutions capables de générer une structure active, délibérative, communautaire et autogérée qui fonctionnerait comme un espace collectif pour la construction et la mise en œuvre des politiques du bien-être »[55]. Or, dans cette Constitution, la verticalité a même été renforcée par la disparition de l’autonomie au niveau provincial[56]. Cette manière de fonctionner est perçue par les dirigeants cubains comme l’une des conditions de survie du régime. La participation des citoyens reste donc très encadrée, ce qui permet de limiter les risques de remise en cause des institutions.
Ainsi, l’ouverture libérale indispensable, engagée depuis quelques années, ne s’accompagne pas d’une démocratisation des institutions. Des efforts de normalisation au regard des standards internationaux dans le dispositif constitutionnel adopté montrent, toutefois, une volonté des dirigeants cubains de renforcer l’intégration de leur État à la Communauté internationale.

II. Des efforts de normalisation au regard des standards internationaux

Les dispositions de cette longue Constitution sont rédigées dans des termes plus neutres que la précédente, et malgré la forte connotation idéologique attachée au texte celui-ci se fond plus facilement que le précédent dans le paysage constitutionnel global (A). À cet égard, comme d’autres États communistes ou autoritaires, les dirigeants cubains ont compris que les apparences pouvaient compter en particulier pour le développement de l’économie. Persiste, toutefois, une approche idéologique ou autoritaire de certains droits fondamentaux marquant les limites de la libéralisation du régime (B).

A) Un texte modernisé et standardisé

Si l’esprit de la Constitution de 1976 persiste à bien des égards dans ses références aux principes socialistes et aux idéaux révolutionnaires de 1959, le texte a été largement enrichi et modernisé. La Constitution de 2019 présente 229 articles, sans compter les dispositions spéciales et transitoires, alors que la Constitution de 1976 ne comportait que 137 articles. La Constitution cubaine se rapproche ainsi de nombres de ses semblables Latino-Américaines avec des dispositions détaillées tout en restant dans une moyenne puisque si certaines Constitutions font moins de 200 articles (Argentine, Costa Rica, Mexique), d’autres au contraire sont particulièrement prolixes (Bolivie, Colombie, Uruguay, Venezuela). Les thèmes abordés par la Constitution ne se présentent pas non plus tout à fait de la même manière, mais les fondements de l’État, qui désormais sont détaillés en plusieurs titres (Fondements politiques, fondements économiques, fondements de la politique éducative, scientifique et culturelle), ainsi que le titre consacré à la citoyenneté cubaine continuent de précéder les droits, devoirs et garanties des droits. Cet ordre répond à la logique holiste qui place le groupe, la société, la collectivité avant l’individu dans l’ordre des priorités.
La question des relations internationales, qui est rarement traitée au début des constitutions, est abordée dès le Titre 1er, consacré aux fondements politiques, et de manière très détaillée. Cette place tient compte évidemment des difficultés qu’a pu rencontrer l’État cubain depuis la Révolution, notamment avec les États-Unis. La résistance à la pression internationale, et notamment à celle des États-Unis, a permis au régime d’affirmer l’identité de l’État cubain et de faire de cette résistance une force, d’autant qu’à la longue les relations avec les autres États se sont normalisées (y compris, pendant un temps, avec les États-Unis sous la présidence Obama) et que Cuba bénéficie de deux alliés puissants sur la scène internationale : la Chine et la Russie. À l’article 16, qui est très détaillé, le principe selon lequel les « relations économiques, diplomatiques et politiques avec n’importe quel autre État ne pourront jamais être négociées dans des conditions d’agression, de menace ou de coercition », est réaffirmé. Ce principe a été introduit par révision constitutionnelle en 2002 à la suite des déclarations du Président Georges W. Bush proposant la levée de l’embargo sous condition de démocratisation de l’État[57]. D’autres principes importants y sont également énoncés, et réaffirmés par rapport à la Constitution de 1976, parmi lesquels la souveraineté de l’État et le refus de l’ingérence, la souveraineté des peuples, le rejet de l’impérialisme, du colonialisme et de toute forme d’asservissement, le multilatéralisme et la multipolarité dans les relations internationales…
Parmi les nombreuses questions abordées dans ce chapitre, de manière désordonnée, plusieurs dispositions originales peuvent être soulignées dont la lutte contre le changement climatique, faisant de Cuba le quatrième État à hisser cet objectif au rang constitutionnel après la Tunisie, l’Équateur et la République dominicaine[58]. La prise en compte du changement climatique, qui est affirmée dans une disposition faisant plus largement état de l’engagement de Cuba dans la protection et la conservation de l’environnement[59], est révélatrice de la volonté des constituants de faire figure de bon élève en matière environnementale. Si la Constitution de 1976 contenait déjà une disposition favorable à l’environnement[60], dans le texte de 2019 les dispositions sont plus nombreuses et détaillées. On peut s’étonner que l’environnement et le climat soient abordés dans le chapitre relatif aux relations internationales parmi une liste d’engagements et de grands principes. Toutefois, l’article 16 de la Constitution fait également référence, sans la citer expressément, à la Déclaration de Rio qui énonce le principe de la responsabilité commune, mais différenciée, en matière environnementale (principe 7) ainsi que l’élimination des modes de production et de consommation non viables (principe 8). Cette même disposition rapproche plus largement la question environnementale des excès du capitalisme en prônant « l’établissement d’un ordre économique international juste et équitable » en référence aux résolutions des Nations unies adoptées en 1974[61]. Enfin, plusieurs autres articles sont consacrés aux questions environnementales dans le titre V relatif aux droits, devoirs et garanties, dont le droit à un environnement sain et équilibré[62], qui se retrouve désormais dans de très nombreuses constitutions ou jurisprudences constitutionnelles[63]. La conception de l’environnement dans la Constitution cubaine est toutefois anthropocentrée à la différence d’autres constitutions latino-américaines qui affirment de plus en plus une protection de l’environnement en tant que sujet de droit (Bolivie, Colombie, Équateur). Prenant en considération les standards déterminés par les Nations unies, l’objectif de développement durable et la nécessité de tenir compte des générations futures sont affirmés. De même est consacré le droit d’accès à l’eau potable et à l’assainissement,[64] en soulignant une gestion rationnelle de cette ressource, le droit à l’alimentation saine et adéquate[65] ou encore le droit de consommer des biens et des services de qualité[66].
Le titre relatif aux droits, devoirs et garanties a été considérablement étayé par rapport au titre équivalent dans la Constitution de 1976. La philosophie affichée est également différente. Si dans la Constitution de 1976, le premier droit et devoir abordé était celui de travailler[67], conformément à l’idéologie marxiste plaçant le travail au cœur du fonctionnement la société, dans la Constitution de 2019, la dignité de la personne humaine comme « valeur suprême qui sous-tend la reconnaissance et l’exercice des droits et des devoirs consacrés dans la Constitution, les traités et les lois » est énoncée en premier. Par ailleurs, la Constitution met l’accent sur les droits de l’individu, et fait référence à de grands principes proclamés au niveau international en précisant que ces droits sont « inaliénables, imprescriptibles, indivisibles, universels et interdépendants des droits de l’homme »[68]. Le texte affirme également leur « progressivité », ce qui laisse supposer que l’État s’engage à renforcer la protection de ces droits. Si la liste des droits fondamentaux a été considérablement enrichie, l’idéologie communiste réapparaît de temps en temps comme un écho aux critiques d’un excès d’individualisme dans l’interprétation des droits fondamentaux dans les démocraties occidentales. Ainsi, le droit au libre épanouissement de la personnalité est affirmé, mais il est indiqué que les personnes « […] doivent conserver entre elles une conduite de respect, de fraternité et de solidarité »[69]. La solidarité, qui figure à plusieurs reprises dans la Constitution, notamment à côté de la justice sociale, de l’égalité et de l’équité (art. 1er de la Constitution), est d’ailleurs un devoir rappelé à l’article 90 de la Constitution[70].
Au titre des nouveautés, force est de souligner le renforcement des droits et garanties notamment en matière pénale (art. 95) concernant notamment l’accès à la justice, les voies de recours, la régularité de la procédure ou encore les droits de la défense[71]. La création d’une forme de recours d’amparo en protection des droits fondamentaux, très répandu en Amérique Latine, en cas de préjudice ou de dommage causé par une action ou une omission d’une personne publique ou privée peut être également relevée[72]. En revanche, à la différence d’autres États avoisinants, les actions collectives ou de groupe ou en défense d’un intérêt diffus ne sont pas consacrées par le texte constitutionnel[73].
D’autres droits apparaissent dans cette nouvelle Constitution, tels que celui de recevoir et de solliciter de l’État une information vraie, objective et opportune (art. 53), l’interdiction des disparitions forcées, de la torture et des peines cruelles (art. 51), le droit au respect de l’intimité ainsi que de l’image et de la voix, de l’honneur et de l’identité personnelle (art. 48), le droit à la réinsertion sociale pour les personnes privées de liberté (art. 60), le droit à « un logement adéquat et à un habitat sûr et salubre » (art. 71)…Il est désormais également possible de disposer d’une double nationalité (art. 36) et les cas de déchéance de nationalité ont été réduits.
Une attention particulière est portée à la famille et, en particulier, aux enfants, aux adolescents, aux personnes âgées et aux personnes en incapacité de travailler[74]. La Constitution insiste sur le fait que les enfants sont sujets de droit et doivent être protégés. On peut souligner l’interdiction et la sanction des violences familiales[75], qui se retrouvent désormais de plus en plus fréquemment inscrites dans les textes constitutionnels[76]. L’égalité entre les hommes et les femmes est proclamée à de nombreuses reprises y compris dans leurs responsabilités quant à l’éducation des enfants (art. 84).
Le poids de la religion s’est manifesté de manière intense durant la phase de l’élaboration de la Constitution, puisque selon les sources officielles, les propositions ou observations les plus nombreuses ont porté sur la question du mariage[77]. La majorité d’entre elles se serait exprimée en faveur de la définition classique de ce dernier en rejetant la proposition de modification ouvrant le mariage aux personnes de même sexe.
Tous ces droits ont en contrepartie les devoirs rappelés à l’article 90 et sont également encadrés par la loi. Certains droits fondamentaux ont toutefois des limites plus importantes que celles que l’on peut trouver dans des démocraties, révélant à la fois la persistance du régime autoritaire et l’attachement aux valeurs du socialisme cubain.

B) Une affirmation limitée de certains droits fondamentaux

Même si de nouveaux droits et libertés sont consacrés, la domination de l’État sur l’exercice des libertés reste la règle. D’ailleurs, et plus largement, à la différence d’autres États de l’Amérique Latine[83], la primauté des traités internationaux relatifs aux droits de l’Homme ou l’interprétation de la Constitution à la lumière de tels traités n’est pas consacrée[84]. Au contraire, l’article 8 de la Constitution proclame expressément la primauté de cette dernière sur les traités internationaux.
Les libertés de pensée, de conscience et d’expression sont affirmées[85] de même que les libertés de réunion, de manifestation et d’association à la condition qu’elles soient exercées de manière licite et pacifique et conformément à la loi et au respect de l’ordre public[86]. Ces libertés sont reconnues dans une formulation beaucoup plus sobre que dans la Constitution de 1976, sans référence notamment au respect des objectifs socialistes, de l’intérêt du peuple et au contrôle de l’État[87]. Ce faisant, le contenu de ces dispositions répond aux standards internationaux de consécration générale de ces libertés individuelles. Il n’est plus fait référence notamment aux libertés d’initiative et de critique des membres des organisations sociales ou de masse[88]. En revanche, la question du pluralisme politique n’est pas abordée pour autant, ni à l’article 80 qui est consacré aux droits politiques, ni ailleurs dans la Constitution. La liberté de critique n’est pas affirmée en tant que telle, mais elle ne l’est pas non plus dans nombre de constitutions des démocraties dites libérales car le droit de critiquer est considéré comme découlant de manière intrinsèque de la liberté d’expression ainsi que de la liberté d’opinion et de la liberté de manifestation. La liberté de critique est bien reconnue dans le cadre du fonctionnement des organes collégiaux de l’État[89], toutefois ces organes entretiennent un lien étroit avec le parti communiste cubain, ce qui annihile la possibilité de constituer une véritable opposition en dehors de ce parti. Quant aux médias, ils restent sous le contrôle de l’État et ne peuvent pas donner lieu à une appropriation privée (article 55 de la Constitution). Seule la liberté de la presse est consacrée, et non la liberté de l’information en général, mais elle doit s’exercer « conformément à la loi et aux objectifs de la société », ce qui rappelle la formulation de l’article 53 de la Constitution de 1976. La liberté de communication reste donc une liberté sous contrôle de l’État. D’ailleurs, sous le chapitre consacré aux relations internationales, il n’est pas indiqué que l’État cubain s’engage à la construction d’une société de l’information et de la connaissance libre mais « centrée sur la personne, intégratrice et visant le développement durable, dans laquelle tous puissent créer, consulter, utiliser et partager l’information et la connaissance en vue d’améliorer leur qualité de vie […] »[90]. Cette même disposition fait référence à la « démocratisation du cyberespace », à laquelle l’État se dit favorable, et à l’utilisation du « spectre radioélectrique » en référence au développement de la téléphonie mobile et d’internet notamment par le passage progressif à la 4 G en 2019. Elle met toutefois en garde contre les dangers que ces moyens de communication recèlent pour les États : « le risque de subversion et de déstabilisation des nations souveraines ». Là encore, l’ingérence dans les affaires des États est ciblée, la crainte étant sans doute aiguillée à la fois par l’influence considérable que peuvent avoir les informations diffusées par le biais des réseaux sociaux et les risques pesant sur l’organisation et le déroulement des élections nationales dans un monde où l’information circule librement. Les libertés de communication et d’information ne sont évidemment pas compatibles avec le maintien du régime politique en place.
Concernant le travail, l’exploitation du travail d’autrui n’est plus prohibée comme cela était le cas dans la Constitution précédente. Si le droit au travail est affirmé (art. 64), la liberté de travailler n’est toutefois pas consacrée en tant que telle car, malgré la libéralisation, des contraintes sont imposées quant à la possibilité de développer une activité privée à côté de celle correspondant aux besoins de la société. En effet, la plupart des citoyens cubains travaillent pour l’État, avec un salaire faible, et l’ouverture du secteur privé se fait de manière progressive et sous contrôle, notamment à travers la distribution limitée de licences[91], en raison d’un développement des inégalités sociales contraires à l’idéologie révolutionnaire et socialiste[92]. Le contrôle de l’État sur le développement des activités économiques est d’ailleurs rappelé par la Constitution à plusieurs reprises, notamment à l’article 19, ce qui contribue à faire coexister des dispositions antinomiques avec, d’un côté, la planification et la propriété collective comme mode dominant et, d’un autre côté, l’ouverture de l’économie au marché et à l’initiative privée et la reconnaissance d’une propriété privée des moyens de production.
La propriété n’est pas non plus expressément consacrée comme un droit. L’article 58 de la Constitution dispose que « Toutes les personnes ont droit de jouir des biens leur appartenant. L’État garantit leur usage, leur jouissance et leur libre disposition, conformément à ce que prévoit la loi […] » et évoque les conditions de l’expropriation. La Constitution n’identifie pas moins de sept types de propriété à l’article 22, sous le chapitre consacré aux fondements économiques. Parmi celles-ci figure une nouveauté, la propriété privée des moyens de production qui permet le développement des entreprises et l’emploi de salariés. La Constitution précise qu’elle joue « un rôle complémentaire dans l’économie ». Elle est notamment distinguée de la propriété personnelle qui est aussi une propriété privée mais elle n’inclut pas les moyens de production[93]. La propriété collective reste la règle.
En définitive, comme pour de nombreux autres États dans le monde, il ne suffit pas de se doter d’une belle constitution proclamant de nouveaux droits et quelques principes démocratiques pour que la situation politique et le quotidien des citoyens changent comme par magie. Le texte de 2019 montre une volonté des auteurs de la Constitution d’évoluer vers un modèle plus libéral mais comporte beaucoup de contradictions qu’il reviendra au législateur ou aux juges de trancher. Il peut être déploré notamment que la Constitution ne bénéficie pas d’une garantie juridictionnelle puisque le contrôle de la constitutionnalité des lois est attribué à l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire elle-même. Le Conseil d’État est chargé de veiller au respect de la Constitution[100] ainsi que le Bureau du Procureur général de la République (Fiscalía general de la República) pour la matière pénale[101]. Le contrôle de constitutionnalité se confond ainsi avec la fonction législative[102], et reste un contrôle politique, le dernier mot revenant en pratique aux leaders du Parti. L’ensemble des droits proclamés par la Constitution, très modernes et répondant aux aspirations actuelles des citoyens et des États démocratiques, ne bénéficie donc pas d’un contrôle juridictionnel indépendant et impartial notamment lorsque le législateur lui-même ne respecte pas la Constitution. Par ailleurs, ce texte confère un rôle très important à la loi dans la mise en œuvre et dans la limitation des droits fondamentaux ce qui conduit à s’interroger sur l’existence même d’une hiérarchie entre la loi et la Constitution. Les autorités dotées du pouvoir législatif et règlementaire peuvent ainsi restreindre les droits et libertés au nom d’impératifs liés à l’idéologie du parti communiste. Les interprétations données à la Constitution sont également susceptibles d’être arbitraires[103] si les juridictions de droit commun s’autolimitent ou sont sous influence. La garantie juridictionnelle et constitutionnelle des droits fondamentaux est donc déterminante pour assurer le respect de la norme suprême adoptée par le peuple souverain.

Conclusion

Un changement de constitution avec une rédaction volontairement plus neutre, le recours à la consultation populaire, la reconnaissance de nouveaux droits qualifiés de fondamentaux, imprescriptibles, universels et interdépendants, l’ouverture au marché et aux investissements internationaux ont sans doute pour objectif d’assurer la viabilité de l’ordre établi par les dirigeants cubains sans renoncer aux idéaux révolutionnaires. Cette nouvelle Constitution, expression d’une volonté de réforme en douceur des principes du socialisme cubain sans changements profonds, constitue un exercice de communication adressé à l’international. Sur le plan national, elle s’adresse à un peuple, désormais connecté, qui aspire à une amélioration de ses conditions de vie au quotidien. Cette Constitution exprime aussi la recherche d’une nouvelle légitimité pour assurer la survie d’un système dont la pratique a démontré les erreurs alors que l’idéologie elle-même, à la base du régime politique, a fait longtemps rêver. Toutefois, la viabilité d’un tel modèle dans un monde essentiellement capitaliste ne peut être garantie alors que de nombreux États aux alentours voient leurs régimes politiques remis en cause et que les inégalités entre Cubains semblent s’accroître du fait de la libéralisation. Or, la justice sociale, la solidarité, l’égalité entre citoyens cubains font partie des promesses de la Révolution à la base du régime politique cubain. La Constitution de Cuba n’est peut-être pas le reflet d’une véritable transition politique mais elle peut amorcer des transformations importantes dans la société cubaine susceptibles d’avoir des répercussions sur la stabilité du régime à plus long terme.

Pour citer cet article : Marthe Fatin-Rouge Stefanini, « Cuba, une nouvelle Constitution pour une nouvelle ère ?», Confluence des droits_La revue [En ligne], 03 | 2022, mis en ligne le 24 mars 2022. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=1737


[1] Constitution du Guaimaro du 10 avril 1869, date symbolique rappelée dans le préambule de la Constitution de 2019.

[2] Allocation du 18 février 2019 : https://www.daily-news-media.com/trump-declares-socialism-is-dying-amid-venezuela-catastrophe-promises-this-will-never-happen-to-us/  

[3] B. Ngoc Son, « You, the People : Cuba’s International Constitution », New York University Journal of International Law and Politics, vol. 52, no. 3, 2020, p. 829-874. HeinOnline.

[4] Plus de 133 000 auraient été organisées d’après les informations officielles (https://diario-octubre.com/2018/12/22/homero-acosta-un-texto-enriquecido-con-el-aporte-del-pueblo/). Voir également, L. Catá Backer et al., « Popular Participation in the Constitution of the Illiberal State – An Empirical Study of Popular Engagement and Constitutional Reform in Cuba and the Contours of Cuban Socialist Democracy 2.0 », Emory International Law Review, vol. 34, n. 1, 2020, p. 189.

[5] Voir http://www.ipsnoticias.net/2018/08/consulta-nueva-constitucion-descubre-escenario-politico-cuba/.

[6] Y. Sintomer, Petite histoire de l’expérimentation démocratique, La Découverte, 2011, p. 147.

[7] F. Aufrechter, « Irlande : le peuple s’unit pour moderniser la Constitution », 13 août 2013, Le Journal international ; D. Courant, « Les assemblées citoyennes en Irlande », LaViedesIdees.fr, 5 mars 2019 ; É. Sales, « La transformation de l’écriture de la Constitution, l’exemple islandais », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 57, 2017, p. 45-57 ; J. Skalski, La révolution des casseroles – Chronique d’une nouvelle constitution pour l’Islande, La Contre-Allée, 2016, 108 p. 

[8] M. Burgos Matamoros, « El proceso de reforma de la Constitución en Cuba », 31 de julio de 2018.

[9] La consultation populaire est d’ailleurs prévue par l’article 72 du Règlement de l’ANPP qui dispose : « L’Assemblée nationale peut décider de convoquer une consultation populaire du projet en question, avant le débat pour son examen. Dans ce cas, le Président confie à une Commission l’organisation de la discussion populaire, qui se coordonnera avec les organisations de masse et sociales, pour la réaliser. À l’issue de la discussion, la Commission communique les résultats à l’Assemblée nationale par l’intermédiaire de son Président et fait les recommandations pertinentes sur les suggestions et propositions de modifications qui ont été formulées » (toutes les traductions ont été effectuées par l’auteur). Voir sur ce point, A. Noguera Fernández, « La Constitución cubana de 2019 : Un análisis crítico », Revista de Derecho Político, n° 105, mayo-agosto 2019, p. 378.

[10] http://www.caraibcreolenews.com/index.php/caraibes/cuba/item/14046-cuba-reforme-de-la-constitution-la-memoire-et-la-fidelite-a-notre-histoire

[11] Voir notamment, L. Blondiaux et Y. Sintomer, « L’impératif délibératif », Politix, n° 57, 2002, p. 17-35 ; A. Mazeaud, M. Nonjon, R. Parizet, « Les circulations transnationales de l’ingénierie participative », Participations, 2016/1, n° 14, p. 5-35 ; A. Mazeaud, M. Nonjon, « Vers un standard participatif mondial ? Enjeux, conditions et limites de la standardisation internationale de la participation publique », Participations, 2016/1, n° 14, p. 121-151.

[12] A. Chaguaceda y E. Viera Cañive, « El destino de Sísifo. Régimen político y nueva Constitución en Cuba ». Polis Revista Latinoamericana, 2021, 20 (58), p. 65-70. doi: http://dx.doi.org/10.32735/S0718-6568/2021-N58-1578

[13] Consejo de Estado, Intervención de Homero Acosta en la Asamblea Nacional, sobre los principales cambios de la Constitución a partir de la consulta popular, GRANMA, dec. 22, 2018, https://diario-octubre.com/2018/12/22/homero-acosta-un-texto-enriquecido-con-el-aporte-del-pueblo/. Selon le Secrétaire d’État, Homero Acosta, les opinions et les propositions de la population ont été rassemblées dans 9 595 « propositions type », dont 4 809 (50,1 %) ont été approuvées et soit introduites dans le texte constitutionnel, soit converties en propositions de loi. Les 49,9 % restantes ont été rejetées car pour la plupart considérées comme inappropriées du point de vue juridique ou, pour une minorité d’entre elles, incompatibles avec les principes de l’État cubain. Les opinions des Cubains résidant à l’étranger ont également été regroupées en 978 « propositions types », dont 391 ont été acceptées. Enfin, la commission de rédaction a apporté 760 modifications par rapport aux propositions retenues. Voir également : ¿Qué cambios y novedades trae la nueva Constitución de Cuba ?  

[14] Organisation d’un plébiscite le 10 juin 2002 pour confier à l’ANPP la révision de la Constitution en réponse aux pressions exercées par G. W. Bush en vue d’une levée de l’embargo (voir ci-dessous).

[15] Voir notamment L. Catá Backer et al., « Popular Participation in the Constitution of the Illiberal State – An Empirical Study of Popular Engagement and Constitutional Reform in Cuba and the Contours of Cuban Socialist Democracy 2.0 », Emory International Law Review, vol. 34, no. 1, 2020, p. 183-276.

[16] Référendum de ratification de la nouvelle Constitution du 24 février 2019, approuvée par 86,85 % des voix.

[17] A. Chaguaceda y E. Viera Cañive, « El destino de Sísifo. Régimen político y nueva Constitución en Cuba », précité, p. 58-77.

[18] Dictionnaire Larousse.

[19] Dictionnaire Littré, sens figuré du terme transition : « Passage d’un régime politique, d’un état de choses à un autre. La transition de la monarchie à la république. Il s’est fait dans l’atmosphère une brusque transition du chaud au froid ».

[20] Selon M. Ginsburg, le texte de 2019 répondrait aux canons du socialisme du XX1e siècle : M. Ginsburg, « Constituting Socialism for the Twenty-First Century : Examining Cuba’s 2019 Constitution », International Journal of Cuban Studies, 2021, 13.2, p. 303-330.

[21] Article 52.

[22] Article 22, d).

[23] Article 29-8 de la Constitution qui dispose : « L’État promeut l’investissement étranger comme facteur important du développement économique du pays et lui offre des garanties, dans des conditions de protection et d’usage rationnel des ressources humaines et naturelles, ainsi que de respect de la souveraineté et de l’indépendance nationales. La loi fixe les normes relatives au développement de l’investissement étranger sur le territoire national ».

[24] Toutes les traductions ont été effectuées par l’auteur.

[25] Article 80.

[26] Article 5 : « Le Parti communiste de Cuba, unique, martinien, fidéliste, marxiste et léniniste, avant-garde organisée de la nation cubaine, reposant sur son caractère démocratique et sur sa liaison permanente avec le peuple, est la force politique dirigeante supérieure de la société et de l’État. Il organise et oriente les efforts communs dans la construction du socialisme et la marche vers la société communiste. Il œuvre pour préserver et renforcer l’unité patriotique des Cubains et pour développer des valeurs éthiques, morales et civiques ».

[27] L’article 62 de la Constitution de 1976 affirmait : « Aucune des libertés reconnues au citoyen ne peut être exercée contre les dispositions établies par la Constitution et la loi, ni contre l’existence et les objectifs de l’État socialiste, ni contre la décision du peuple cubain de construire le socialisme et le communisme. L’infraction à ce principe est punissable ».

[28] Article 19 de la Constitution.

[29] Dans le prolongement de la Constitution de 1976, l’article 6 de la Constitution de 2019 dispose : « L’Union des jeunes communistes, organisation d’avant-garde de la jeunesse cubaine, reconnue et encouragée par l’État, contribue à la formation des générations les plus jeunes selon les principes révolutionnaires et éthiques de notre société, et promeut leur participation à l’édification du socialisme ».

[30] L’article 229 de la Constitution dispose : « Ne peuvent être en aucun cas sujets de réforme l’affirmation de l’irrévocabilité du système socialiste établie à l’article 4 et la prohibition de négocier dans les circonstances prévues à l’alinéa a) de l’article 16 ».

[31] « Le contrôle des processus constituants et du contenu des constitutions : faut-il un gardien des processus constituants ? », Annuaire international de justice constitutionnelle, XXX-2014, Economica-PUAM, 2015, p. 603.

[32] V. Bloch, « Le castrisme de marché », Hérodote, n° 171, 2018, p. 135-142.

[33] Conception dominante dans la doctrine rappelée par J. Habel, « Cuba : une nouvelle Constitution pour quelle transition ? », Revue internationale et stratégique, 2018/3, n° 111, p. 133.

[34] Article 1er de la Constitution.

[35] L’article 7 dispose : « La Constitution est la norme juridique suprême de l’État. Tous les citoyens sont obligés de l’observer. Les dispositions et actes des organes de l’État, de leurs dirigeants, fonctionnaires et employés, ainsi que ceux des organisations, groupements et individus, s’ajustent à ses clauses ».

[36] L’ANPP est chargée de « e) contrôler la constitutionnalité des lois, décrets-lois, décrets présidentiels, décrets et autres dispositions, conformément à la procédure prévue par la loi ».

[37] Article 108 b). Le texte prévoit que l’ANPP est chargée de « donner de la Constitution et des lois, le cas échéant, une interprétation générale et obligatoire, en correspondance avec la procédure prévue dans la loi ».

[38] A. Chaguaceda y E. Viera Cañive, « El destino de Sísifo. Régimen político y nueva Constitución en Cuba », précité, p. 73-76.

[39] Article 102 de la Constitution.

[40] Le principe de l’inviolabilité parlementaire est posé à l’article 114 (pas d’arrestation et de jugement sans autorisation de l’ANPP ou du Conseil d’État).

[41] Article 109 de la Constitution.

[42] Les assemblées populaires provinciales ont en effet été supprimées et remplacées par des gouvernements provinciaux, opérant ainsi une recentralisation des pouvoirs au profit du niveau central et par la même la suppression de l’autonomie provinciale au profit d’une entité déconcentrée plutôt que décentralisée. Voir A. Noguera Fernández, « El sistema político-institucional en la nueva Constitución cubana de 2019 : ¿continuidad o reforma ? », Revista Catalana de Dret Públic, 59, p. 128.

[43] Article 109.

[44] Voir : http://fr.granma.cu/cuba/2020-10-28/quelles-sont-les-quatre-lois-adoptees-par-lassemblee-nationale-de-cuba

[45]A. Noguera Fernández, « El sistema político-institucional en la nueva Constitución cubana de 2019 : ¿continuidad o reforma ? », Revista Catalana de Dret Públic, 59, p. 128.

[46] J. C. Guanche, « Parlamento cubano : algunos problemas frente a 2018 (II Parte) », Sin Permiso, 24 avril 2018, en ligne.

[47] Article 110 de la Constitution. Le tiers des membres de l’ANPP peut également demander qu’une session extraordinaire soit convoquée.

[48] A. Noguera Fernández, précité, p. 128.

[49] Article 164 de la Constitution.

[50] Article 224 de la Constitution.

[51] Sur la notion d’initiative populaire indirecte, nous nous permettons de renvoyer à notre contribution : M. Fatin-Rouge Stefanini, H. Dumont, « L’initiative citoyenne européenne à la lumière du droit constitutionnel comparé », in E. Dubout, F. Martucci, F. Picod, L’initiative citoyenne européenne, Bruylant, Bruxelles, 2019, p. 43-86. Elle est indirecte car elle s’adresse uniquement au Parlement et non aux citoyens directement et la version dite « faible » est la conséquence de l’absence de contrainte pesant sur l’assemblée quant aux suites à donner à la proposition. Même si l’assemblée effectue des changements, aucune disposition ne contraint cette dernière à soumettre le texte modifié au référendum.

[52] B. Degen, « Initiative populaire », in Dictionnaire historique de la Suisse (DHS).

[53] L’article 228 dispose : « Quand la réforme porte sur l’intégration et les fonctions de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire ou du Conseil d’État, sur les attributions ou la période de mandat du Président de la République, sur les droits, devoirs et garanties consacrés dans la Constitution, celle-ci doit être aussi ratifiée par le vote de la majorité des électeurs dans le cadre d’un référendum organisé à ces fins ».

[54] Article 108 w).

[55] A. Noguera Fernández, précité, p. 124.

[56] Id., p. 126.

[57] Ph. Bolophon, « Bush sermone Fidel Castro », RFI, 21 mai 2002.

[58] Bui Ngoc Son, précité, p. 853.

[59] Article 16 f) de la Constitution qui dispose « (La République de Cuba) promeut la protection et la conservation de l’environnement et la lutte contre les changements climatiques qui menacent la survie de l’espèce humaine à partir de la reconnaissance de responsabilités communes mais différenciées, l’établissement d’un ordre économique international juste et équitable et la suppression des modèles de production et de consommation irrationnels ».

[60] L’article 27 de la Constitution de 1976 affirmait : « Pour garantir le bien-être des citoyens, l’État et la société protègent la nature. Il incombe aux organes compétents ainsi qu’à chaque citoyen de veiller à maintenir la propreté des eaux et de l’atmosphère et à protéger le sol, la flore et la faune ». Ce devoir était d’ailleurs repris et rappelé parmi les devoirs incombant aux citoyens à l’article 90 de la nouvelle constitution.

[61] Il s’agit de deux résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies en date du 1er mai 1974 relatives d’une part à la Déclaration concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international (résolution 3201 (S-VI)) et d’autre part au Programme d’action concernant l’instauration d’un nouvel ordre économique international (résolution 3202 (S-VI)).

[62] L’article 75 de la Constitution dispose en effet : « Toutes les personnes ont droit à un environnement sain et équilibré.

L’État protège l’environnement et les ressources naturelles du pays. Il reconnaît leur lien étroit avec le développement durable de l’économie et de la société afin de mieux rationaliser la vie humaine et d’assurer la survie, le bien-être et la sécurité des générations actuelles et futures ».

[63] M.-A. Cohendet et M. Fleury, « Droit constitutionnel et droit international de l’environnement », Revue française de droit constitutionnel, 2020, n° 122, p. 284.

[64] Article 76 de la Constitution. Le droit de l’homme à l’eau et à l’assainissement a fait l’objet d’une résolution de l’assemblée générale des Nations unies du 28 juillet 2010 (A/RES/64/292).

[65] Article 77.

[66] Article 78 suivant en cela les principes directeurs des Nations unies sur la protection des consommateurs.

[67] Article 45 de la Constitution de 1976.

[68] Article 41.

[69] Article 47.

[70] Le devoir de solidarité entre les territoires est également souligné à l’article 169 de la C. à propos de l’autonomie des communes.

[71] Voir Partie I, titre V, chapitre VI, Des garanties des droits, art. 92 à 100.

[72] Article 99 de la Constitution.

[73] Par exemple, l’action populaire consacrée par l’article 88 de la Constitution colombienne ou la défense d’intérêts collectifs ou diffus prévus par les articles 42 et 43 de la Constitution argentine et l’article 5, LXXIII de la Constitution brésilienne. A. Noguera Fernández, » La Constitución cubana de 2019 : Un análisis crítico », précité, p. 385.

[74] Articles 81 et s.

[75] Article 85 et 86 de la Constitution. L’article 85 dispose notamment : « La violence familiale sous n’importe laquelle de ses manifestations est considérée comme destructrice des personnes impliquées, des familles et de la société, et elle est punie par la loi ».

[76] À titre d’exemple, l’Albanie (art. 54), la Bolivie (art. 15, II), le Brésil (art. 227), …

[77] 192 408 propositions furent rassemblées soit 24,57 % du total, dans le cadre de 88 066 réunions, la grande majorité étant favorable au maintien du texte en vigueur. Source : https://diario-octubre.com/2018/12/22/homero-acosta-un-texto-enriquecido-con-el-aporte-del-pueblo/.

[78] J. Gabilondo, « Whither the Revolution ? Framing Political Animosities between Sexual Minorities and Churches in Cuba’s New Constitution », Harvard Latinx Law Review, 23, 2020, p. 43-72.

[79] L’article 36 de la Constitution de 1976 disposait en effet : « Le mariage est l’union volontairement décidée d’un homme et d’une femme qui en ont la capacité légale, afin de mener une vie commune ».

[80] L’article 82 dispose : « Le mariage est une institution sociale et juridique. Il est l’une des formes d’organisation des familles. Il se fonde sur le libre consentement et sur l’égalité des conjoints en matière de droits, d’obligation et de capacité légale.

La loi détermine la façon dont il se constitue et ses effets. […] ».

[81] J. Gabilondo, précité, p. 54.

[82] Article 15 de la Constitution.

[83] L. Ortiz, « L’Amérique latine, l’éveil juridique d’un continent ? », L’Ordinaire des Amériques [En ligne], 221, 2016, mis en ligne le 17 novembre 2016, consulté le 3 septembre 2020 ; H. Tigroudja, « Le droit international dans les États d’Amérique Latine : regards sur l’ordre juridique argentin », Revue internationale de droit comparé, 2008-1, p. 89-119.

[84] A. Noguera Fernández, » La Constitución cubana de 2019 : Un análisis crítico », précité, p. 383.

[85] Article 54 de la Constitution de 2019.

[86] Article 56 de la Constitution de 2019.

[87] L’article 53 de la Constitution de 1976 énonçait : « Les libertés de parole et de la presse sont reconnues aux citoyens, conformément aux objectifs de la société socialiste. Les conditions matérielles pour leur exercice sont assurées par le fait que la presse, la radio, la télévision, le cinéma et les autres moyens de diffusion de masse relèvent de la propriété de l’État ou de la société, et, en aucun cas, de la propriété privée, ce qui garantit leur emploi au service exclusif du peuple travailleur et de l’intérêt de la société.

La loi règle l’exercice de ces libertés ».

[88] L’article 54 de la Constitution de 1976 énonçait : « Les droits de réunion, de manifestation et d’association sont exercés par les travailleurs manuels et intellectuels, les paysans, les femmes, les étudiants et les autres secteurs du peuple travailleur ; ils disposent des moyens nécessaires à cet effet. Les organisations sociales et de masse disposent de toutes les facilités pour le développement de leurs activités, et leurs membres jouissent de la plus large liberté de parole et d’opinion, fondée sur le droit sans limites à l’initiative et à la critique ».

[89] L’article 101 dispose en effet : « la liberté de discussion, l’exercice de la critique et de l’autocritique et la subordination de la minorité à la majorité régissent tous les organes étatiques collégiaux ».

[90] Art. 16 m).

[91] V. Bloch, précité, p. 139.

[92] Voir sur cette question, Janette Habel, précité, p. 127.

[93] R. Monzon, « Introducing Private-Property Rights to Cuba : How Cuba’s New Constitution Paves the Way for Economic Growth », Case Western Reserve Journal of International Law, 52, 2020, p. 629-668.

[94] R. Monzon, précité, p. 667.

[95] Article 123 de la Constitution de 1976.

[96] L’article 149 de la Constitution dispose : « Les magistrats et les juges non professionnels du Tribunal suprême populaire sont élus par l’Assemblée nationale du pouvoir populaire ou, le cas échéant, par le Conseil d’État. La loi détermine l’élection des autres juges ».

[97] Article 149 de la Constitution.

[98] Art. 154 de la Constitution.

[99] Chaguaceda, A y Viera Cañive, E. (2021). El destino de Sísifo. Régimen político y nueva Constitución en Cuba, précité, p. 75.

[100] L’article 122 de la Constitution indique que le Conseil d’État veille au respect de la Constitution et des lois.

[101] Article 156 de la Constitution.

[102] A. Noguera Fernández, » La Constitución cubana de 2019 : Un análisis crítico », précité, p. 382.

[103] À propos notamment de l’interprétation de la liberté de circulation : V. Bloch, précité, p. 146.

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