Thibaud Mulier – Les exportations d’armes de la France

Thibaud Mulier
Maître de conférences en droit public, Université Paris Nanterre (CTAD — UMR 7074)

Résumé : Le retour de la guerre ne coïncide pas avec l’essor du commerce des armes. Il est prospère depuis longtemps, en particulier pour la France. Afin de réguler leurs exportations, le cadre juridique s’est sophistiqué. Si la réglementation nationale est peu étoffée, elle a été enrichie avec la Position commune de 2008 de l’Union européenne, puis le Traité sur le commerce des armes de 2013 des Nations Unies. Néanmoins, leur application conforme repose sur des outils de contrôle nationaux. En France, le principal d’entre eux, celui administratif, est hybride, mais il est opaque et s’avère peu efficace. Qu’il s’agisse du Parlement, historiquement faible en matière militaire, ou du juge administratif, retranché derrière la théorie des actes de gouvernement, ces autres moyens de contrôle ne sont pas plus efficients.

Depuis l’agression par la Russie de l’Ukraine, l’Europe est de nouveau le théâtre d’une guerre conventionnelle sur son territoire, alors même que le xive siècle était relativement calme sur cet aspect. En revanche, s’il y a bien une chose qui n’est en rien une découverte ici, c’est la vitalité des ventes d’armes depuis et vers le vieux continent, en particulier pour le cas français.

Vendre des armes dépasse le dualisme du temps de paix et du temps de guerre. Sur la dernière décennie, les chiffres du rapport de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) parlent d’eux-mêmes. Selon son rapport annuel publié le 13 mars 2023, la guerre en Ukraine joue un effet catalyseur : « même si les transferts d’armes ont diminué à l’échelle mondiale, ceux vers l’Europe ont fortement augmenté en raison des tensions entre la Russie et la plupart des États européens »1. Ainsi, parmi les dix exportateurs les plus importants de l’année 2022, quatre sont des États européens, l’Espagne est 8e, le Royaume-Uni est 7e, l’Allemagne est 5e et, enfin, la France est 3e. En miroir, parmi les dix importateurs les plus importants de l’année 2022, l’Ukraine est devenue en l’espace d’une année le 3e importateur d’armes au monde, derrière le Qatar et l’Inde. Néanmoins, avant cette guerre, la France occupait déjà le rang de nation majeure. En effet, entre la période 2013‑2017 et 2018‑2022, les exportations d’armes françaises ont augmenté de 44 %, si bien que la part française dans les exportations mondiales est passée, sur la même période, de 7,1 % à 11 %2. Désormais, la France se hisse avec constance au troisième rang mondial des pays exportateurs d’armes3.

La place tenue par la France peut se résumer à grands traits à deux raisons : l’une est téléologique et l’autre pragmatique. D’abord, elle répond à une volonté d’autonomie stratégique4, laquelle conduit la France à développer une base industrielle et technologique de défense (BITD) à laquelle les gouvernants rattachent des considérations socio-économiques d’une certaine importance5. Ensuite, elle renvoie à la nécessité d’élargir les perspectives des industriels français. Le marché national de défense est trop étriqué au regard de la densité de la BITD française pour qu’elle se satisfasse de la demande interne6. C’est la raison pour laquelle le soutien de l’État aux exportations de matériels militaires est particulièrement soutenu, en particulier à travers l’entremise de la Direction générale de l’armement (DGA)7, afin de compenser les coûts d’innovation de technologies à forte valeur ajoutée dont l’armée française est demandeuse, bien qu’elle soit incapable d’en absorber l’ensemble de la production.

En ce sens, « les transferts d’armes constituent un aspect central de la politique de défense sous la Ve République »8. Il ne faut pas s’y tromper, les exportations de systèmes d’armes constituent un objet pour lequel les États, dont la France, investissent des deniers publics, soutiennent les industriels et développent des partenariats stratégiques. Si l’Union européenne a sans conteste opéré un « saut qualitatif » en matière de soutien capacitaire à l’Ukraine9, il n’en demeure pas moins que le fait d’exporter des armes reste un « objet essentiel de politique étrangère » des États10. Nul étonnement, alors, à ce que le commerce des armes renvoie à une problématique de souveraineté étatique11, tant il est un moyen de s’armer pour se défendre ou d’armer les autres pour venir en aide à un allié.

Or, au même titre que la défense nationale en général, et la guerre en particulier, toutes deux saisies par le droit, la circulation des armes l’est aussi. Sans revenir aux origines des réflexions sur le problème public qu’il pose12, le caractère transnational des exportations d’armes doublé de la subjectivation du concept de sécurité à l’échelle internationale a rendu nécessaire une réglementation multiscalaire de leur commerce. La France ne déroge pas à ce mouvement qui remonte au xxe siècle, puisqu’elle est partie aux principaux instruments internationaux et européens de régulation du commerce des armes.

Ces engagements ne sont pas exempts de « contradictions flagrantes »13. Certes, la France s’emploie à respecter le droit international des droits de l’homme et de droit international humanitaire14, mais, en pratique, les critiques à l’endroit du système français de contrôle des exportations d’armement ne manquent pas15, au point de faire l’objet de propositions d’améliorations récurrentes16. Il ne faut guère s’en étonner : la matière des relations extérieures est caractérisée par une large marge de manœuvre laissée aux gouvernements dans un certain nombre d’États17, sans que la France y déroge tant au regard de la faiblesse du contrôle parlementaire que de celle du contrôle juridictionnel18.

Dès lors, si les exportations d’armes de la France sont encadrées par un dispositif de réglementations internationales, européennes et nationales qui s’est progressivement sophistiqué (I), leur efficacité repose, pour l’essentiel, sur des dispositifs de contrôle peu contraignants (II).

I. Un cadre normatif sophistiqué des exportations d’armes de la France

Qu’ils soient internationaux ou nationaux, les différents ordres juridiques prévoient des règles relatives au commerce des armes. À cet égard, l’observation permet de noter deux caractères principaux aux différentes réglementations qui en ressortent. D’une part, il existe un principe de prohibition des exportations d’armes qui pèsent sur les États, dont la France, et a fortiori sur les entreprises exportatrices d’armes19. D’autre part, les différentes réglementations admettent un principe de dérogation expresse à cette interdiction de laquelle découle la nécessité d’un contrôle des exportations d’armes. Certes, le droit international contribue, avec le Traité sur le commerce des armes, à « diffuser »20 ce principe de prohibition et la nécessité de son contrôle. Toutefois, il a parachevé un processus de développement puis de sophistication de plusieurs réglementations relatives aux exportations d’armes qui a pris sa source dans les ordres juridiques étatiques.

Le cadre juridique français. En France21, si les articles L2335-2 et -9 du code de la défense rappellent que l’exportation d’une arme est prohibée, cette interdiction résulte de la codification de l’article 12 du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des matériels de guerre, armes et munitions22. Depuis lors, les demandes de dérogation à cette interdiction sont décidées par l’autorité administrative compétente, le Premier ministre, qui prend appui sur une appréciation in concreto réalisée par un organisme interministériel en charge du pilotage de ce contrôle, la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) créée par un décret du 10 juin 194923. De manière générale, la réglementation française apparaît essentiellement formelle et procédurale. Hormis les articles L2335‑4 et L2335-12 du code, lesquels disposent que l’autorité administrative peut « suspendre, modifier, abroger ou retirer » des licences d’exportation de matériels de guerre (LEMG24) « pour des raisons de respect des engagements internationaux de la France, de protection des intérêts essentiels de sécurité, d’ordre public ou de sécurité publique ou pour non-respect des conditions spécifiées dans la licence », le droit français s’avère discret quant aux règles relatives à la protection des droits de l’homme ou du droit international humanitaire25. Aucun article du code ne les vise de façon explicite. Certes, le terme d’engagement international « désigne les instruments juridiques contraignants » auxquels la France est partie26. Dans cette perspective, il est raisonnable de considérer que le législateur français oblige l’autorité administrative à les respecter27. Toutefois, le manque de précision dénote avec d’autres réglementations étrangères qui renvoient plus explicitement à des règles de garantie des droits de l’homme ou du droit international humanitaire28. Une telle discrétion n’empêche pas les autorités françaises de faire face à des contraintes, notamment produites par les législations de certains de ses homologues. C’est le cas, par exemple, pour la norme étasunienne ITAR (International traffic in arms regulations29), établie dans l’Arms Export Control Act de 197630. En effet, l’intégration de composants étrangers dans les systèmes d’armes français peut s’avérer contraignante : la norme ITAR produit des effets extraterritoriaux qui, parfois, affectent les exportations françaises31. C’est la raison pour laquelle la France participe au développement de programmes d’armements dits « ITAR free » pour s’en défaire, de la conception jusqu’à la production de l’arme32.

Le cadre juridique européen. Ces possibles contradictions entre les différentes réglementations nationales ont mis au jour, au moins à l’échelle européenne, un besoin de coordination des pratiques étatiques pour les surmonter et, ainsi, privilégier la coopération. En effet, le continent européen étant un espace doté de plusieurs BITD nationales dont la taille critique est suffisante pour exporter des armes, le besoin d’une harmonisation des politiques nationales de transferts de matériels de guerre s’est fait ressentir. Ainsi, lors du Conseil européen des 28 et 29 juin 1991 tenu au Luxembourg, l’Annexe VII portait sur la Déclaration relative à la non-prolifération et les exportations d’armements, laquelle formulait pour la première fois la nécessité de formaliser des critères communs de contrôle des exportations d’armes33. Celle-ci fut enrichie l’année suivante, à Lisbonne, lors du Conseil européen des 19 et 20 juin 199234, avant que la France et le Royaume-Uni ne finissent par proposer un dispositif de contrôle des exportations d’armes commun aux États membres avec l’adoption du Code de conduite de l’Union européenne en matière d’exportations d’armements adopté par le Conseil le 8 juin 199835. Avec ce Code, il n’était pas question de centraliser le processus décisionnel des exportations d’armes, mais bien de prévoir qu’à chaque fois qu’un État membre est sollicité pour attribuer une licence d’exportation, il ne peut autoriser un transfert d’armes que si et seulement si huit critères sont satisfaits. Dépourvu de portée contraignante, le Code de conduite a perduré une dizaine d’années avant d’être renforcé par l’adoption de la Position commune du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires36, laquelle a été mise à jour en 201937. Désormais, elle constitue l’instrument principal de régulation des exportations d’armes au sein de l’Union européenne38. Suivant Julien Ancelin, il s’agit même de la « pierre angulaire des règles européennes destinées à responsabiliser les industries de défense des États membres dans leurs projections extérieures »39. À cet égard, la Position commune prend appui sur un Guide d’utilisation40 qui permet de favoriser une application uniformisée des huit critères, et ce, dans une double perspective : aider les autorités compétentes à identifier des violations, supposées ou réelles, de règles de droit international des droits de l’homme et de droit international humanitaire et, par voie de conséquence, responsabiliser les acteurs du commerce des armes conventionnelles.

Ces huit critères se répartissent en deux groupes, le premier étant plus contraignant (critères 1 à 4) que le second, plus incitatif (critères 5 à 8). Le premier groupe oblige l’État membre à refuser toute attribution d’une licence d’exportation de matériel de guerre (LEMG) si, par exemple, elle conduit à la violation des règles de droit international humanitaire (critère 2). Le second groupe invite l’État membre à évaluer, lors du processus d’attribution, si, par exemple, le pays de destination finale présente une attitude conforme aux attendus de la communauté internationale (critère 6). Selon toute vraisemblance, la Position commune oblige a minima les États membres du point de vue de l’ordre juridique de l’Union européenne41. Cependant, ni le Parlement européen ni la Cour de justice ne sont habilités à garantir son respect, dans la mesure où il s’agit d’un dispositif de PESC42. En effet, les exportations d’armes demeurent un domaine dans lequel l’intergouvernemental et l’unanimité des membres de l’Union européenne sont la norme. Dès lors, l’application conforme de la Position commune repose sur les seuls agents d’exécution étatiques, à charge pour leurs organes nationaux de contrôle de s’en assurer.

Le cadre juridique international. Les règles relatives à la régulation internationale du commerce des armes fait jour d’une limite comparable à celle de la Position commune. Si le Traité sur le commerce des armes43 encadre les modalités de transferts d’armes des États signataires, le respect de ses dispositions dépend de la (bonne) volonté des États. L’article 5 (§ 2) du Traité sur le commerce des armes dispose que « chaque État Partie institue et tient à jour un régime de contrôle national, notamment une liste nationale de contrôle, afin de mettre en œuvre les dispositions du présent Traité ». Si le Traité parachève un mouvement qui tend à universaliser les règles relatives au commerce des armes conventionnelles44, il fait face à des limites semblables à celles observées pour la Position commune, laquelle a sans conteste été une source d’inspiration. En effet, le Traité sur le commerce des armes oscille entre des dispositions qui interdisent purement et simplement l’exportation (art. 6) quand d’autres laissent plus de latitude à l’État partie, responsable de l’évaluation (art. 7). Si cet instrument conventionnel constitue une avancée considérable, comme en atteste son objectif de « responsabilis[er] ses acteurs et […] [d’éradiquer] toutes formes de trafics illicites »45, il est dépourvu d’un organe susceptible d’en assurer l’application conforme. Par voie de conséquence, toute réaction à la violation de l’une des dispositions pertinentes du Traité repose sur les autorités étatiques compétentes46… lesquelles sont souvent accusées d’être à l’origine de manquements aux règles internationales et européennes47, comme en témoignent plusieurs contentieux nationaux48. Tantôt, ces violations sont le fait de sociétés exportatrices elles-mêmes49, tantôt elles sont directement celui des autorités compétentes dont les impératifs sont parfois contradictoires entre « être responsable » et « commercer des armes »50. C’est ainsi que plusieurs États, parmi lesquels la France, ont poursuivi des exportations d’armes à destination de pays impliqués dans des violations du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui ont été étayées par plusieurs organisations intergouvernementales et non gouvernementales51. Plusieurs enquêtes et révélations publiques ont en effet mis en lumière cette situation. À titre d’exemple, l’autorité administrative compétente était au courant que la réévaluation de l’attribution de licences d’exportation à destination de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis était nécessaire pour se mettre en conformité avec les dispositions du Traité sur le commerce des armes, a fortiori avec les critères de la Position commune52, sans que cette exigence ait été suivie d’effet.

En résumé, il apparaît que l’internationalisation des réglementations d’exportation d’armes est seulement « normative, [et] non pas institutionnelle »53. Par voie de conséquence, le développement progressif de plusieurs réglementations a rendu le cadre juridique des exportations d’armes particulièrement sophistiqué. Il n’en demeure pas moins que son prolongement institutionnel, nécessaire à la garantie de sa bonne application, peut apparaître décevant selon l’État étudié.

Certes, des réflexions interétatiques pour « négocier des évolutions juridiques et [échanger] sur l’interprétation de dispositions et les bonnes pratiques de contrôle »54 existent : le « COARM » (Export Control Informal Working Group) constitue la preuve que les États ont en commun le souci d’agir autant que faire se peut de manière coordonnée55. Néanmoins, ces instruments restent limités : la licéité d’une exportation d’armes décidée par la France repose sur l’appréciation étatique des règles européennes et internationales, laquelle est peu contrainte, à tel point que l’efficacité des réglementations évoquées semble plutôt faible.

II. Un contrôle institutionnel des exportations d’armes de la France peu efficace

Si les obligations internationales et européennes en matière de transferts d’armes lient les États parties en général, et la France en particulier, il n’en demeure pas moins qu’exporter une arme constitue « une prérogative souveraine »56. Dans cette mesure, la contrainte des différents engagements internationaux à l’égard desquels la France est partie dépend de ses organes chargés de contrôler les demandes d’exportations d’armes.

Respect de la norme, contrôle institutionnel. À première vue, les États sont soucieux de respecter les réglementations internationales et européennes : le cas de l’agression de l’Ukraine par la Russie en témoigne. En effet, le Conseil de l’Union européenne a invité le Haut représentant et les États membres à conclure les « arrangements nécessaires avec le bénéficiaire » de la Facilité européenne pour la paix – en l’espèce l’Ukraine – « pour s’assurer » du respect du droit international, sans quoi les mesures d’assistance seraient suspendues, en particulier celles qui concernent le financement de la fourniture d’armes57. Dans le même ordre d’idées, les États membres ont signé des accords techniques avec l’Ukraine dans le cadre de leur politique de « dons d’armements » décidés, en dehors du cadre européen, comme le suggère le rapport du Gouvernement français rendu au Parlement sur les exportations d’armes pour 202258. Ces précautions s’expliquent en raison du fait que, d’une part, l’Ukraine n’a pas encore ratifié le Traité sur le commerce des armes59 et, d’autre part, elle n’est pas astreinte aux critères de la Position commune de l’Union européenne, puisqu’elle ne dispose que du statut d’État candidat à l’adhésion60.

Pour autant, la garantie des normes qui encadrent les exportations d’armes dépend des institutions de contrôle qui en assurent la bonne application. Or les outils dédiés ne permettent pas toujours de garantir la licéité d’un transfert d’arme61. La France l’illustre avec une certaine acuité. Il existe trois dispositifs de contrôle des exportations d’armes : administratif, parlementaire et juridictionnel. Ces outils permettent de s’assurer que l’autorité administrative compétente prend une décision régulière lorsqu’elle attribue ou réévalue une LEMG. Autrement dit, il s’agit de vérifier que la dérogation au principe de prohibition des exportations d’armes est bien licite, notamment à l’égard des obligations internationales et européennes conclues par la France. En pratique, le principal dispositif de contrôle, interne à l’administration, est défaillant, car il conduit l’autorité décisionnelle à se retrouver juge et partie, sans que le Parlement ou le juge administratif ne puissent le contrebalancer.

Un contrôle interministériel hybride. Au sein de l’appareil d’État français, il existe un dispositif de caractère hybride, où l’autorité administrative est à la fois décideuse de l’attribution d’une LEMG et contrôleuse de sa légalité. En effet, qu’il s’agisse d’une transaction ou d’un don d’armes, après avoir été sollicitée, la DGA classe l’arme en cause à partir d’une liste fixée par un arrêté du 27 juin 2012 qui, lui-même, reprend la Common Military List de l’Union européenne et qui, elle-même, est inspirée des 22 Munitions List de l’Arrangement de Wassenaar62. Une fois cette opération réalisée, l’arme est rattachée à un régime juridique63, lequel oblige à procéder à une instruction par la DGA pour déroger au principe de prohibition des exportations. Pour l’entité exportatrice qui sollicite l’administration compétente, l’objectif poursuivi consiste en l’obtention d’une licence unique (générale, globale ou individuelle)64 afin que les autorités douanières autorisent le transfert de l’arme en cause au-delà des frontières françaises.

Pour y parvenir, deux étapes doivent être surmontées au préalable. La première est une phase administrative à propos de la recevabilité de la demande de LEMG, laquelle est analysée pour s’assurer de sa complétude, sa lisibilité et sa cohérence. Cette étape a beau être technique, elle constitue aussi une phase de soutien à l’exportation réalisée par l’autorité administrative65. La seconde étape est quant à elle une phase d’instruction, plus politique, qui est divisée en deux parties. D’abord, la phase ministérielle invite le ministère des Affaires étrangères, celui des Armées et le ministère de l’Économie et des Finances à instruire le dossier selon leurs propres critères d’appréciation (économiques, juridiques, géopolitiques…) pour rendre un avis sur la demande. Parfois, des réunions dites « pré-CIEEMG » sont organisées pour permettre une meilleure coordination, dans la mesure où les demandes de LEMG sont multiscalaires et multisectorielles. Ensuite, le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) recueille les différents avis et demande une réunion de la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériel de guerre (CIEEMG) au sein de laquelle figurent les ministères sollicités, qui tous les trois disposent d’une voix délibérative66. Cette étape interministérielle se prononce sur deux catégories de dossiers : soit, il s’agit de demandes « non sensibles » pour lesquelles l’instruction est dématérialisée via l’outil SIGALE, l’autorisation étant délivrée par le Premier ministre pour une période donnée, après avis favorable de la CIEEMG, et peut être assortie de conditions comme celle de destination finale67 ou l’assortiment d’une clause de non-réexportation ; soit, il s’agit de demandes « sensibles » ou ayant fait l’objet d’au moins un avis défavorable lors de l’instruction ministérielle, lesquelles obligent à la tenue d’une séance plénière de la CIEEMG pour procéder à un arbitrage et émettre un avis à destination du Premier ministre.

À cette occasion, une réflexion collective est entamée à partir d’une triple expertise : le SGDSN expose ses directives de haut niveau (DHN) qui servent de guide à la décision68 ; la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des Armées examine le respect des règles de droit international en jeu ; et, enfin, la Direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement (DAS) du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères propose une expertise sur le respect du droit international humanitaire. « Chaque dossier fait l’objet d’une délibération à l’issue de laquelle le SGDSN recueille les avis des [ministères à voix délibérative] et formule l’avis de la CIEEMG (favorable, défavorable ou ajournement), inscrit dans Sigale »69. Si un blocage apparaît en CIEEMG, ou si le consensus n’est pas trouvé, le dossier est ajourné et renvoyé vers Matignon, soit en « réunion post-CIEEMG », qui se compose des mêmes acteurs, à ceci près que la présidence est assurée par le conseiller diplomatique et le chef du cabinet militaire du Premier ministre.

Enfin, une fois que l’avis a été pris, soit en CIEEMG, soit en « post-CIEEMG », la décision revient au Premier ministre ou, par délégation, au SGDSN de signer la licence d’exportation qui vient d’être instruite. S’ensuit l’ultime étape de notification des conditions de délivrance des licences à la Direction générale des Douanes et Droits indirects et à l’entreprise exportatrice. Ces dernières précisent les conditions suspensives à lever avant les démarches commerciales, la signature des contrats et/ou la livraison effective au pays importateur70.

En somme, « le contrôle des exportations d’armement revêt une véritable dimension politique dont l’expression est la décision du Premier ministre qui sanctionne une instruction collective et administrative »71. Autrement dit, ce mécanisme de contrôle interministériel est à la fois une étape de contrôle… et un moment de prise de décision. Certes, le dispositif est régulièrement qualifié de « rigoureux »72 et « robuste »73, même à l’occasion de rapports (relativement) critiques74, au point de le qualifier de « transparent et responsable »75, mais comment s’en assurer, à partir du moment où le contrôle est, comme son nom l’indique, interne à l’autorité décisionnelle ? Le contrôle interministériel place en effet « l’exécutif [en tant que] juge et partie de la qualité du processus d’examen des demandes de licences »76.

Des contrôles externes limités. Un tel dispositif nourrit suspicions et critiques quant à la question de savoir si les obligations internationales et européennes relatives aux exportations des armes sont effectivement garanties. D’autant plus que les deux dispositifs de contrôle externes à l’autorité administrative ne permettent pas de relativiser ce caractère hybride.

Pour ce qui est du contrôle parlementaire, les représentants de la Nation n’ont aucune prise sur le processus d’attribution évoqué. Le Parlement ne dispose d’aucun droit de regard, alors même que le processus de contrôle interministériel est particulièrement opaque77. Les parlementaires ne sont pas habilités au secret de la défense nationale pour connaître ni des délibérations de la CIEEMG ni des positions formulées par les ministères à voix délibérative. À cet égard, ce refus d’un renforcement du contrôle parlementaire est motivé – de façon hasardeuse, voire erronée – au nom du respect du principe de séparation des pouvoirs78 et de l’article 20 de la Constitution qui habilite le Gouvernement à déterminer et conduire la politique de la Nation, dont celle relative aux exportations d’armes79. Pourtant, ni ce principe ni l’article 20 n’empêchent le Parlement d’assurer une fonction de contrôle de l’action du gouvernement80, comme en témoigne la mise en place d’une délégation parlementaire au renseignement81. Une modeste avancée semble toutefois avoir été actée avec la création, à la faveur de l’article 54 de la loi de programmation militaire 2024-2030, d’une « commission parlementaire d’évaluation de la politique du Gouvernement d’exportation de matériels de guerre et de matériels assimilés, de transfert de produits liés à la défense ainsi que d’exportation et de transfert de biens à double usage ». Toutefois, ses prérogatives se limitent à prendre connaissance d’informations non classifiées et d’auditionner les ministères disposant d’une voix délibérative. Dans une matière aussi encadrée par le secret-défense, l’absence d’habilitation de ses membres à en connaître, sur le modèle de la délégation parlementaire au renseignement, révèle la maigre avancée de cette nouvelle commission82. En réalité, les parlementaires ne sont jamais vraiment informés en amont de la procédure d’attribution d’une LEMG. Toutes les données relatives aux exportations d’armes de la France qui peuvent être publicisées parviennent au Parlement, le plus souvent, après la décision du Premier ministre, à l’occasion de la remise d’un rapport annuel sur les exportations d’armes dont le caractère famélique est connu, si bien que les élus de la Nation estiment que ce « n’est pas un outil de contrôle »83. Par voie de conséquence, l’efficacité du contrôle interministériel, en particulier lorsqu’il s’agit de s’assurer du respect des obligations internationales et européennes relatives au commerce des armes, peut être discutée84, dans la mesure où le principal organe politique de contrôle ne dispose guère, jusqu’à présent, de moyens pour s’en assurer. Comme le souligne un rapport parlementaire, « il aurait été décidé, dans le contexte du conflit au Yémen, d’un durcissement des conditions d’octroi des autorisations d’exportation, qu’il est toutefois impossible de vérifier compte tenu du secret des délibérations de la CIEEMG »85. L’existence d’un Comité ministériel du contrôle a posteriori des exportations de matériel de guerre (CMCAP) réalisé sur place et sur pièces n’y change rien. En effet, ce contrôle a posteriori est, à nouveau, un ressort administratif : il relève de la responsabilité du ministère des Armées, en particulier de la sous-direction du contrôle export de la DGA, puisqu’il est présidé par le Contrôle général des armées86. D’ailleurs, si ce dernier « détermine le programme de contrôle, en approuve les procédures, formule un avis sur les suites des contrôles, propose des évolutions réglementaires », la Cour des comptes elle-même souligne son caractère lacunaire, en particulier en raison du fait que son rapport d’activité n’est remis, avant la création de la commission parlementaire d’évaluation, qu’au SGDSN et le nombre de contrôles réalisés apparaît bien modeste87.

Pour ce qui est du contrôle juridictionnel, la faiblesse du Parlement n’est pas compensée. En effet, depuis janvier 2023, le Conseil d’État estime que toute demande de suspension d’une LEMG est insusceptible de recours juridictionnel si la demande est de portée générale88. Sans réelle surprise, le Conseil d’État « s’abrite » une nouvelle fois derrière la théorie des actes de gouvernement, même lorsque la violation aux droits internationaux des droits de l’homme et humanitaire est documentée89. Partant, hormis une demande émanant d’une société exportatrice, seule à même de formuler une demande de portée individuelle à l’endroit d’une LEMG, toute sollicitation formulée par un tiers aboutit à une décision administrative qui n’est pas détachable de la conduite des relations extérieures de la France. Après une hésitation entre les deux premiers degrés de juridiction, le Conseil d’État a donc seulement entrouvert la porte du prétoire de la juridiction administrative aux entreprises intéressées90. Au-delà, même si le prétoire s’ouvre à un requérant qui parvient à formuler une demande de portée individuelle et qui a un intérêt à agir, il n’est pas certain que le juge exerce un contrôle de compatibilité de la LEMG avec les engagements internationaux de la France. En effet, selon le tribunal administratif de Paris91, la mention du « respect des engagements internationaux de la France » figurant à l’article L2335-4 du code de la défense ne suffit pas pour convaincre le juge de l’intégration de ces instruments conventionnels à l’ordre juridique français. Selon lui, le Traité sur le commerce des armes de 2013 et la Position commune de 2008 sont dépourvus d’effet direct92. Pourtant, une autre lecture est possible93, comme en témoigne la position du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) qui estime que la Position commune s’impose aux États membres. Elle est d’ailleurs, selon lui, « invocable devant les juridictions internes des États membres »94 sans conteste, l’intérêt d’un renforcement du contrôle juridictionnel reste discuté, tant l’attribution d’une LEMG renvoie à « un domaine indissociable de ses secrets diplomatiques et militaires »95, mais les exemples de droit comparé démontrent combien un rôle accru du juge est envisageable96.

En somme, les exportations d’armes de la France font face à des dispositifs de contrôle dont la portée est à relativiser : leur hybridité ou leur lacune ne permettent pas de s’assurer de la garantie constante et effective des obligations internationales qui pèsent sur la France. Il ne faut guère s’en étonner : sous la Ve République, la faiblesse du contrôle parlementaire et du contrôle juridictionnel en matière de défense est particulièrement prégnante.


En définitive, les exportations d’armes de la France sont à l’image de la tension évoquée tout au long de cet article, laquelle est résumée par Julien Ancelin. En matière de transferts de matériels de guerre, deux intérêts sont placés en contradiction : « le respect des engagements applicables et la diplomatie des valeurs d’une part et la liberté des choix stratégiques d’autre part »97. Ainsi, la France s’astreint, sur le plan normatif, à un ensemble de règles de droit en vue de réguler le commerce des armes conventionnelles. Dans le même temps, elle prévoit, sur le plan institutionnel, un dispositif d’attribution des LEMG particulièrement favorable à l’efficacité de la prise de décision, laquelle n’est pas empêchée par les mécanismes de contrôle parlementaire et juridictionnel.

Avec ou sans le « retour de la guerre », le risque d’une dérive existe pour les autorités françaises98 et, avec elle, la nécessité de ménager tout autant des espaces critiques aux pratiques des exportations d’armes que de renforcer ses modalités de contrôle en ce qui concerne la France.


1 SIPRI, Communiqué de presse. Hausse des importations d’armes en Europe ; Domination accrue des États-Unis sur le commerce mondial des armes, 13 mars 2013.

2 Il s’agit de sources publiques fournies par le SIPRI. Elles sont disponibles en ligne.

3 J. Droff, J. Malizard, « En graphique : les exportations d’armes françaises », The Conversation, 5 janv. 2022.

4 L. Béraud-Sudreau, French arms exports. The business of sovereignty, London, Routledge, IISS, 2020, p. 19-29.

5 Selon la Cour des comptes, un rapport de 2014 commandé par le ministère de la Défense à l’Institut McKinsey évalue à 40 000 emplois directs et indirects en matière d’exportations d’armes, sur un total d’environ 200 000 emplois pour l’ensemble du secteur de la défense (Cour des comptes, Le soutien aux exportations de matériel militaire, coll. Rapport public thématique, janv. 2023, notes de bas de page 203 et 204, p. 129). Ce chiffre est contesté par certains journalistes qui l’estiment à hauteur de 22 000 emplois directs et indirects (A. Lavrilleux, « L’effort démesuré de l’État pour soutenir les exportations d’armes », Alternatives économiques, 28 fév. 2023).

6 La dépendance à l’exportation représente environ 30 % de la BITD française. Voy. Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), Rapport d’information fait au nom de la Commission des Affaires étrangères sur le contrôle des exportations d’armement, n° 3581, 18 nov. 2020, p. 31 ; Cour des comptes, op. cit., p. 129.

7 Voy. le portail de l’armement, développé par la DGA qui constitue le pilier administratif du soutien à l’export.

8 J. Ancelin, « La géométrie variable du droit de l’armement. À propos des exportations françaises vers l’Arabie saoudite », Délibérée, vol. 17, n° 3, 2022, p. 60.

9 M. Saoudi, « La politique européenne de défense à la lumière du CFP 2021-2027 : vers un droit européen de la défense ? », Les Champs de Mars, 2021-1, n° 36, p. 148.

10 Gouvernement, É. Borne, S. Lecornu (coll.), Projet de loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense, 4 avril 2023, p. 111.

11 G. Nystuen and K. Egeland, « Chapter 12. The potential of the Arms Trade Treaty to reduce violations of international humanitarian law and human rights law », in C. M. Bailliet (éd.), Research Handbook on International Law and Peace, Edward Elgar Publishing, coll. Research Handbooks in International Law series, 2019, p. 267-283, en part. p. 270.

12 Pour un historique de la régulation internationale du commerce des armes depuis la fin du xixe siècle : M. Brehm, « The Arms Trade and States’ Duty to Ensure Respect for Humanitarian and Human Rights Law », Journal of Conflict & Security Law, 2007, vol. 12, p. 359-387.

13 J. Ancelin, op. cit., p. 60.

14 « Entretien avec le haut fonctionnaire au sein de la direction des affaires politiques et de sécurité, ministère des Affaires étrangères », in H. Mangold, Décider de l’exportation d’armes, définir les relations à l’international : dans le sillage de la vente française des Mistrals à la Russie, Université Paris 1, mém. dactyl., 2017, p. 42-44.

15 Voy. par ex. : T. Fortin, Le contrôle parlementaire des exportations d’armes. Le contre-rapport de l’observatoire des armements, Bruxelles, mars 2021, 40 p.

16 Voy. par ex. : Sénat, M. Gréaume et al. (coll.), Proposition de loi visant à renforcer le contrôle sur le commerce des armes et relative à la violation des embargos, n° 878, 9 sept. 2022.

17 G. Galustian, Constitution et politique extérieure de l’État. Étude comparée : États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie, Université de Montpellier, th. dactyl., 9 déc. 2022.

18 T. Mulier, Les relations extérieures de l’État en droit constitutionnel français, Paris, Mare & Martin, coll. BDT, 2020.

19 J. Tous, « La participation des entreprises aux conflits armés à travers leur activité de transfert d’armes : quelle responsabilité en cas d’infractions au droit international humanitaire et d’atteinte aux droits de l’homme ? », in L. Trigeaud (dir.), Droit de l’homme et droit international humanitaire : quelles conséquences sur les transferts d’armements conventionnels de guerre ?, Pedone, 2022, p. 91-116.

20 J. Ancelin, op. cit., p. 62.

21 Titre III « Matériels de guerre, armes et munitions » du code de la défense (art. L2331-1 à L2339-19 et R2331-1 à R2339).

22 Il a fait l’objet d’une codification à la suite de l’ordonnance n° 2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code de la défense.

23 Décret n° 49-770 du 10 juin 1949 portant création d’une commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (JORF, 14 juin 1949). La CIEEMG a ensuite été réformée par le décret n° 55-965 du 16 juillet 1955 portant réorganisation de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (JORF, 21 juil. 1955).

24 Qu’il s’agisse de transferts depuis la France à l’intérieur ou vers l’extérieur de l’Union européenne.

25 Loi n° 2001-702 du 22 juin 2011 relative au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, à la simplification des transferts des produits liés à la défense dans l’Union européenne et aux marchés de défense et de sécurité (JORF n° 0144, 23 juin 2011).

26 L. Trigeaud, « Les exportations d’armements et de matériels de guerre dans le Code de la défense : aspects juridiques », Les Champs de Mars, 2021-1, n° 36, p. 82.

27 Assemblée nationale, Y. Fromion (rapp.), 6 avril 2011, Rapport sur le projet de loi relatif au contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre et de matériels assimilés, n° 331, p. 58.

28 T. Mulier, « Réglementation française et droit comparé en matière de transferts d’armement de guerre », in L. Trigeaud (dir.), Droit de l’Homme et droit international humanitaire…, op. cit., p. 149-156.

29 United States Code of Federal Regulations, Title 22 « Foreign Relations », Chapter I « Department of State », Subchapter M « International Traffic in arms regulations », Parts 120 to 130.

30 Congress of United States, « International Security Assistance and Arms Export Control », Public Law 94-329, June 30, 1976 [H. R. 13680].

31 Cour des comptes, op. cit., p. 62-63.

32 Ibid., p. 63.

33 Conseil européen, « Conclusions de la présidence », 28 et 29 juin 1991, SN 151/3/91, Luxembourg, p. 31-32.

34 Conseil européen, « Conclusions de la présidence », 26 et 27 juin 1992, SN 3321/1/92, Lisbonne, p. 26-27.

35 Conseil de l’Union européenne, « Code de conduite de l’Union européenne en matière d’exportation d’armements », 5 juin 1998, 8675/2/98, PESC/137, Bruxelles.

36 Position commune 2008/944/PESC du Conseil du 8 décembre 2008 définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires (JOUE, L 335, 13 déc. 2008, p. 99-103).

37 Décision (PESC) 2019/1560 du Conseil du 16 septembre 2019 modifiant la position commune 2008/944/PESC définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires (JOUE, L 239, 17 sept. 2019, p. 16-18).

38 Pour un panorama des différents instruments européens : Cour des comptes, « Annexe IV », op. cit., p. 138-144.

39 J. Ancelin, op. cit., p. 64.

40 Conseil de l’Union européenne, « Guide d’utilisation de la position commune 2008/944/PESC du Conseil définissant des règles communes régissant le contrôle des exportations de technologie et d’équipements militaires », 29 avril 2009, 9241/09, PESC/545, Bruxelles.

41 Art. 25 et 29 du Traité sur l’Union européenne (TUE).

42 Art. 24 du TUE et art. 275 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

43 Nations Unies, Traité sur le commerce des armes, 2 avril 2013. Il a été signé le 3 juin 2013, puis ratifié le 2 avril 2014 par la France.

44 Voy. par ex. Nations Unies, Protocole contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de leurs pièces, éléments et munitions, additionnel à la convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, 31 mai 2001.

45 J. Ancelin, op. cit., p. 62.

46 Certes, un manquement à ce Traité est constitutif d’un fait internationalement illicite susceptible d’engager la responsabilité internationale de l’État, mais la dépendance aux dispositifs nationaux relativise cette potentialité.

47 Voy. par ex. : Amnesty International France, « Les ventes d’armes à l’Arabie saoudite bafouent les obligations des États de l’UE au regard du Traité sur le commerce des armes », 13 mai 2019.

48 Voy. par ex. J.-B. Merlin, « Les contentieux nationaux relatifs à la vente interétatique d’armes », AFDI, vol. 65, 2019, p. 71-103 ; J. Kirkham, « L’émergence de contentieux nationaux », in L. Trigeaud, Droits de l’homme et droit international humanitaire…, op. cit., p. 169-181.

49 Voy. par ex. : Ch. Schliemann et L. Bryk, « Arms trade and corporate responsibility: Liability, Litigation and Legislative Reform », Berlin, Friedrich Ebert Stiftung, 2019, p. 8-11 ; « La FN Herstal visée par une plainte au pénal pour l’exportation d’armes vers l’Arabie saoudite », Le Soir, 17 avril 2023.

50 L. Béraud-Sudreau et H. Meijer, « Enjeux stratégiques et économiques des politiques d’exportation d’armement. Une comparaison franco-américaine », Revue internationale de politique comparée, 2016‑1, vol. 23, p. 60-62 ; « Entretien avec haut fonctionnaire, membre du cabinet du Premier ministre É. Philippe », in H. Mangold, op. cit., p. 89.

51 Voy. par ex. : Nations Unies, « Yémen : des enquêteurs de l’ONU dénoncent la poursuite des “crimes de guerre” », ONU Info, 8 sept. 2021.

52 FIDH, « Ventes d’armes : France et Émirats arabes unis, partenaires dans les crimes commis au Yémen ? », n° 781f, déc. 2021.

53 L. Trigeaud, « Les exportations d’armements et de matériels de guerre dans le Code de la défense : aspects juridiques », op. cit., p. 86.

54 Cour des comptes, op. cit., p. 148-149.

55 Une mise à jour de la position commune est d’ailleurs prévue en 2024 : art. 15 de la Décision (PESC) 2019/1560, op. cit.

56 Gouvernement, É. Borne, S. Lecornu (coll.), Projet de loi relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030…, op. cit., p. 111.

57 Art. 62 de la décision (PESC) 2021/509 du Conseil du 22 mars 2021 établissant une facilité européenne pour la paix, et abrogeant la décision (PESC) 2015/528 (JOUE, 24 mars 2021, L 102/14).

58 « Malgré leurs circonstances exceptionnelles, les exportations d’armement vers l’Ukraine ne dérogent en aucune manière à ces règles, et font l’objet de licences d’exportation, délivrées par le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationales, sous l’autorité du Premier ministre ». Gouvernement, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, 2022, p. 3.

59 L’Ukraine a signé le Traité du commerce des armes le 23 septembre 2014.

60 Conseil européen, Conclusions de la présidence, 23 et 24 juin 2022, Bruxelles, EUCO 24/22, p. 4.

61 Voy. par ex., à propos de la Belgique, de la France et du Royaume-Uni : T. Mulier, « Réglementation française et droit comparé en matière de transferts d’armement de guerre », op. cit., p. 156-164.

62 L’Arrangement de Wassenaar est un forum multilatéral relatif au contrôle des exportations d’armement. La classification des armes participe à la coordination des politiques publiques d’exportation des États. L’Arrangement a mis en exergue 22 listes appelées les Munition List qui permettent de répertorier ce qui circule entre les États dans une perspective de transparence sur la nature des exportations de matériels de guerre. Ces Military List sont ainsi des aides à la décision pour les demandes de LEMG.

63 Art. L2335-2 et -3 du code de la défense.

64 Le principe de la licence unique couvre « l’intégralité d’une opération d’exportation ou de transfert alors qu’auparavant le contrôle se faisait en deux phases : agrément préalable et autorisation d’exportation ». Gouvernement, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, 2022, p. 62.

65 Cour des comptes, op. cit., p. 23-26.

66 Décret n° 2012-1176 du 23 octobre 2012 modifiant le décret n° 55-965 du 16 juillet 1955 portant réorganisation de la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (JORF n° 0249, 25 oct. 2012).

67 En France, lors de l’exportation d’un matériel de guerre, l’autorité de contrôle de l’État exportateur peut exiger un certificat d’utilisation finale ou d’utilisateur final (CUF ou end-use/end-user certificate) ou un certificat de destination finale (CDF). Ce genre de documents est un moyen pour garantir que l’acheteur de l’arme exportée est bien le seul à l’utiliser ou à l’intégrer dans un composant, sans possibilité de transférer ou de réexporter à des fins autres que celles définies par la LEMG. Il est demandé pour des exportations extra-européennes. Ces certifications expliquent pourquoi, conformément à la Position commune par exemple, la CIEEMG doit évaluer la situation du pays importateur ou encore déterminer les risques de mauvaises utilisations de l’arme exportée dans le cadre d’une procédure d’attribution ou de réévaluation d’une LEMG. 

68 Ces directives de haut niveau sont classifiées secret défense : Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), op. cit., p. 42.

69 Cour des comptes, op. cit., p. 32.

70 En principe, en étroit lien avec la DGA, le franchissement de frontière est traité via le guichet unique national du dédouanement.

71 Gouvernement, Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France, 2002, p. 29 ; Ibid., 2003, p. 29.

72 Ibid., 2002, p. 29 ; Ibid., 2003, p. 29 ; Ibid., 2016, p. 22 ; Ibid., 2020, p. 7 et 25 ; Ibid., 2022, p. 7 et 24.

73 Ibid., 2021, p. 3 ; Ibid., 2022, p. 3.

74 Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), op. cit., p. 36, 44 et 132 ; Cour des comptes, op. cit., p. 10 et 23.

75 Assemblée nationale, N. Chabanne et Y. Foulon (rapp.), Rapport d’information fait au nom de la Commission de la défense nationale et des forces armées sur le dispositif de soutien aux exportations d’armement, n° 2469, 17 déc. 2014, p. 111.

76 Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), op. cit., p. 116.

77 T. Mulier, « Réglementation française et droit comparé en matière de transferts d’armement de guerre », op. cit., p. 164-167.

78 Pour une approche critique de l’invocation de la séparation des pouvoirs pour justifier l’exclusion du Parlement pour contrôler des éléments classifiés : M. Christelle, « Le secret de la défense nationale : la raison d’État dans l’œil du droit », Les Champs de Mars, vol. 36, 2021-1, p. 126-128. Pour une approche légitimiste : J.-J. Urvoas, « Le secret de la Défense nationale », Titre VII, n° 10, avril 2023.

79 De manière plus générale, l’étude du droit comparé souligne combien la séparation des pouvoirs est une ressource régulièrement invoquée en matière de « questions politiques » : C. Saunier, La doctrine des « questions politiques ». Étude comparée : Angleterre, États-Unis, France, LGDJ, t. 164, 2023.

80 Article 24 de la Constitution française du 4 octobre 1958.

81 Loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007 portant création d’une délégation parlementaire au renseignement (JORF n° 235 du 10 octobre 2007, texte n° 2).

82 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (JORF n° 0177 du 2 août 2023, Texte n° 1).

83 Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), op. cit., p. 110.

84 Le quai d’Orsay assume, en CIEEMG, le rôle de « gardien du temple » du respect du droit international (« Entretien avec l’officier de l’armée de l’air, sous-directeur au SGDSN », in H. Mangold, op. cit., p. 70), mais le ministre étant lié par la solidarité gouvernementale, il ne constitue pas un organe de contrôle indépendant, d’autant plus que d’autres impératifs peuvent mettre en balance le respect des engagements internationaux de la France.

85 Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), op. cit., p. 55-56.

86 Art. R2335-37 du code de la défense et Titre VI de l’Arrêté du 30 novembre 2011 fixant l’organisation du contrôle sur pièces et sur place effectué par le ministère de la Défense en application de l’article L. 2339-1 du code de la défense (JORF n° 0284, 8 déc. 2011).

87 Pour une critique, voy. : Cour des comptes, op. cit., p. 38-39.

88 CE, 27 janv. 2023, ACAT et ASER, req. 436 098 et 436 099, § 4.

89 C’est le cas, en l’espèce, pour le Yémen, mais aussi pour d’autres contentieux. Par exemple, voy. à propos de l’achat par la France de six embarcations rapides de type 1200 Rafale pour en faire cession aux autorités libyennes (elle a depuis été avortée) : D. Lochak, C. Rodier, « L’“acte de gouvernement” », pour éviter d’avoir à juger », Plein droit, vol. 136, 2023-1, p. 49-52.

90 T. Mulier, « Contentieux des licences d’exportation de matériel de guerre. La porte du prétoire de la juridiction administrative est seulement entrouverte », AJDA, n° 18, 22 mai 2023, p. 954-959.

91 TA de Paris, 8 juil. 2019, ASER, req. 1 807 203/6-2.

92 Une partie de la doctrine souligne cette absence d’effet direct : J.-B. Merlin, op. cit., p. 77, 81 et 102 ; J. Kirkham, op. cit., 174-175.

93 T. Mulier, « Le tribunal administratif de Paris donne d’une main pour reprendre de l’autre », AJDA, n° 37, 2019, p. 2187-2191 ; V. Desprez, A. Truc, Le contentieux des licences d’exportation d’armes en France. Étude sur l’invocabilité de la Position commune de la PESC et de celle de l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, juin 2021, p. 8-34.

94 Assemblée nationale, J. Maire et M. Tabarot (rapp.), op. cit., p. 77.

95 L. Trigeaud, « Les exportations d’armements et de matériels de guerre dans le Code de la défense : aspects juridiques », op. cit., p. 90.

96 Voy. par ex. : CE belge, sect., n° 249 991, 5 mars 2021, LDH et autres c/ Région walonne, VII.2, p. 12.

97 J. Ancelin, art. cit., p. 60

98 Voy. le dossier de révélation de données classifiées par Disclose : French Arms. Enquête sur les ventes d’armes de la France, 2018-2021.


Thibaud Mulier, « Les exportations d’armes de la France », Le retour de la guerre [Dossier], Confluence des droits_La revue [En ligne], 12 | 2023, mis en ligne le 17 décembre 2023. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p=2481.

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