Sabrina Dupouy
CMH UR 4232, Université Clermont Auvergne
Résumé : Concevoir la Nature comme un sujet de droit, une telle révolution juridique suscite de nombreuses questions. Serait-il opportun par exemple que la Nature ait la capacité de s’exprimer auprès d’un conseil d’administration en tant que partie prenante ? Nous étudierons les craintes, légitimes, qui surgissent. Les droits de la nature ne sont-ils pas une négation de la liberté humaine ? N’est-ce pas une idée iconoclaste, dont l’objectif serait en réalité une réponse uniquement dédiée aux peuples autochtones ? Divers enseignements peuvent être retirés. Conférer la qualité de sujet de droit à la nature représenterait tout d’abord un nouvel outil d’interprétation du droit, un guide pour le juge. Les acteurs économiques eux-mêmes pourraient être influencés dans leurs pratiques d’affaires, l’exercice des libertés économiques serait infléchi dans le sens d’un plus grand respect de la nature ainsi que la fabrique même du droit, de manière à accélérer la transition écologique, en comblant des silences juridiques ou en complétant le droit en vigueur. La crainte d’une rivalité entre les droits de la Nature et ceux de l’homme doit donc être écartée, un tel statut reflétant simplement la réalité des liens qui unissent l’homme à la Nature : cette évolution contribuerait à traduire dans le droit ce nouvel humanisme relationnel, où humanisme et écologie ne sont pas opposés.
L’environnement est classé dans la catégorie des choses et l’homme dans celui des personnes ; les premières étant placées au service des secondes. Le sujet de droit entretient une relation verticale avec les objets de droit sur lesquels il exerce son pouvoir. Fort de cette qualification1, l’environnement, qui est plus large que la Nature, car cette notion comprend l’environnement naturel et artificiel de l’homme2, sont appréhendés de multiples façons par le droit : biens3, choses communes4, Patrimoine de la nation5, communs6, biens-environnement7, etc. Ces différentes traductions juridiques expriment le fait que l’environnement est un objet spécial pour l’homme, un objet de droit pas comme les autres, qui mérite à cet égard une attention toute particulière. Un objet donc, assorti de diverses qualifications8 mettant en valeur sa singularité, sa richesse et sa fragilité, mais un objet tout de même, et une telle qualification juridique a contribué, « si ce n’est à la destruction directe de l’environnement, du moins à son manque de protection »9.
Pourtant, le droit de l’environnement français est solidement bâti10, il est un des plus aboutis au monde. Notre droit de l’environnement, historiquement centré sur la protection de la personne humaine contre le risque environnemental, s’est tourné peu à peu vers la protection de l’environnement per se11. La protection est organisée d’une façon tellement aboutie, que Sarah Vanuxem n’hésite pas à faire mention d’« un droit des choses »12. C’est notamment pour cela qu’une partie de la doctrine, à l’instar de Julien Bétaille13, est opposée à l’introduction de ce concept en droit, et plaide davantage pour une meilleure effectivité de l’arsenal juridique dédié à la protection de la Nature. Malgré cet essor formidable, le droit de l’environnement peine à apporter une réponse efficace à la crise écologique14, en témoignent les divers rapports officiels rendus en la matière, par l’IPBES15 notamment, et le scénario du pire prédit une Terre « inhabitable »16. Bruno Latour fait également ce constat : « les natures que l’on voulait dominer absolument nous dominent de façon également globale en nous menaçant tous »17. L’humanisme est une philosophie de l’existence qui accorde une grande part à la dignité de l’homme. Est-ce que l’homme continuera à vivre dignement si ses conditions de vie se détériorent ? Dans ce contexte, la question se pose de savoir si conférer la qualité de sujet de droit à la Nature serait un remède, parmi d’autres, à la crise écologique18.
Cette question nous conduit tout d’abord à nous interroger sur ce qu’est la Nature, et immédiatement c’est une conception qui s’écarte de l’approche anthropocentrique19 qui s’impose. Conférer la qualité de sujet de droit à la Nature, emporte comme première conséquence de la définir différemment, de délaisser ce dualisme sujet/objet hérité de l’antiquité et ce en phase avec les avancées de la science. La théorie darwinienne de l’évolution du vivant ne nous apprend-elle pas que l’homme n’est pas à part dans le monde du vivant mais une espèce comme les autres, prise dans le cycle de l’évolution de la vie20 ? Selon le biologiste Gilles Bœuf « nous faisons partie de la biodiversité, et sa disparition nous entraîne avec elle »21. Ce regard, posé sur la notion de Nature, a conquis d’autres sciences, et se sont édifiés sur cette démonstration des courants visant à construire un lien différent avec la Nature. Certains anthropologues22, philosophes23, ou encore sociologues24 ont pour point commun de repenser la relation de l’homme à la Nature en allant au-delà de la prise en compte des liens indissociables entre l’homme et la nature25, et ce de manière à rechercher un équilibre plus juste entre les activités humaines et la protection de la Nature.
Pourquoi enfin employer le terme de Nature et non de biodiversité26 ? Le terme de Nature, plus ancien, est très symbolique et ce toutes civilisations confondues. Il est davantage présent dans l’imaginaire collectif que celui de biodiversité27, compris dans la notion plus large de la nature comprenant la biodiversité et ses phénomènes28.
Quel serait l’intérêt de consacrer cette vision-là de la Nature en Droit ? Il ne s’agit pas de renverser le système, mais de le fortifier, d’accélérer ce formidable mouvement du Droit selon lequel il existe une autre manière de posséder29, d’entreprendre, etc., et la qualité de sujet de droit s’inscrirait dans cette évolution30. Et ce pour répondre aux objectifs extrêmement ambitieux auxquels s’est engagée la France. La récente décision indienne l’illustre : en 2022, la haute Cour du Tamil Nadu31 a accordé à « Mère Nature » les mêmes droits qu’un être humain et à cette occasion le juge a affirmé que « Le développement durable ne devrait pas être un prétexte pour que l’être humain détruise la nature. S’il achève la biodiversité et nos ressources, alors il ne s’agit pas de développement durable mais de destruction durable »32.
Conférer la qualité de sujet de droit à une entité a en effet toujours été au service d’un but. Selon Demogue, « […] plus un intérêt nous semble digne d’être protégé, plus, dans certains cas, il sera utile de les ériger en patrimoines indépendants à titre de sujets de droit […] »33. Le droit a en effet le pouvoir de réorganiser le réel en fonction des besoins. Au siècle dernier, la personne morale est apparue pour répondre aux besoins de la vie économique34. Demain, le robot sera peut-être doté de la qualité de sujet de droit, toujours dans une conception fonctionnaliste de la personnalité juridique, de manière à répondre aux enjeux en termes de responsabilité qui se posent35. Protéger l’intégrité morale et physique de la personne humaine, puis encourager la vie économique, et dorénavant un nouvel objectif qui justifie la création d’une nouvelle catégorie de personne juridique : personnifier la nature de manière à mieux la protéger, voilà l’essence de ce mouvement d’ores et déjà à l’œuvre36.
Ce mouvement est très divers, dans ses origines, ses manifestations… Ce sont tant des États, que des villes, des communautés d’habitants ou encore des Nations37 qui affichent cette volonté, parfois suivie de consécration juridique, de conférer des droits à la nature. Il est né à partir des années 1970, à la suite de la parution d’un célèbre article, en 1972, écrit par un professeur de droit américain Christopher Stone sur la possibilité pour la nature d’agir en justice pour défendre ses droits, « Should Trees have Standing? »38. Cet article avait pour but de soutenir les associations environnementales qui s’opposaient à un projet porté par une grande société à la fin des années 1960, la société Walt Disney. Cette dernière projetait d’installer un très grand parc d’attractions prévoyant d’accueillir 14 000 touristes par jour dans une vallée de Californie célèbre pour ses séquoias centenaires. Plus tard, en 2006, la petite ville de Tamaqua, située en Pennsylvanie aux États-Unis, la première à notre connaissance dans le monde, a adopté une ordonnance locale reconnaissant des droits à la nature sur son territoire39. Ce mouvement n’a cessé depuis lors de s’intensifier. Divers exemples récents40 et fortement médiatisés nous apprennent que la qualité de sujet de droit pourrait bénéficier à toutes les ressources d’un État41, comme l’eau ou les forêts, ou de manière ponctuelle à certaines entités naturelles. Ce phénomène est tellement puissant qu’il est dénommé par Xavier Magnon de « constitutionnalisme du vivant »42. Plus près de nous, sur le territoire français, est consacré le principe unitaire de vie à l’article 110-3 du code de l’environnement de Nouvelle-Calédonie selon lequel « certains éléments de la Nature pourront se voir reconnaître une personnalité juridique dotée de droits qui leur sont propres »43. Récemment, et pour la première fois en Europe, le 30 septembre 2022, une lagune d’eau salée espagnole, la Mar Menor44, située dans le sud-est de l’Espagne, est devenue la première zone naturelle d’Europe dotée d’une entité juridique propre45.
Saisi par certains comme un moyen de lutte contre des projets polluants, pour d’autres il s’agit de traduire dans la langue du droit des pratiques ancrées depuis des millénaires ou simplement d’affirmer un lien fort avec le territoire. Mais ce n’est pas seulement ça. Nous allons nous interroger tout au long de cette étude sur les virtualités que pourrait – ou non – présenter ce concept, tel qu’un nouvel outil pour interpréter différemment certaines règles ou outils, donner un nouveau souffle au devoir de protéger l’environnement, intensifier la transition écologique, accueillir de nouvelles pratiques, porter la voix de la Nature dans l’enceinte du prétoire, mais pas seulement, pourquoi pas auprès d’un conseil d’administration, dans une médiation… Cette notion est un hymne à l’imagination et à la créativité. Il ne s’agit pas tant de vouloir changer les règles du jeu des procès impliquant des questions environnementales comme le mettent en exergue de célèbres auteurs46, mais se poser la question de manière plus générale, sur tous les bénéfices que l’on pourrait retirer d’un tel outil. En un mot d’imaginer les fonctions qui seraient attachées à une telle consécration, et donc d’apprécier son bien-fondé47. Nous étudierons à cette occasion, les craintes, légitimes, qui surgissent : les outils existants ne sont-ils pas d’ores et déjà suffisants ? Les droits de la nature ne sont-ils pas une négation de la liberté humaine ? Culturellement, n’est-ce pas complètement déplacé comme idée, car derrière n’est-ce pas une réponse uniquement dédiée aux peuples autochtones ?
Dans ce contexte nous allons nous interroger sur le point de savoir si le concept de nature sujet de droit pourrait apporter une pierre supplémentaire à l’édifice en place, ou au contraire, le bousculer. Nous étudierons la notion de nature sujet de droit (I), ses fonctions (II) et son régime (III), et ce de manière prospective naturellement.
I. Le principe même de la reconnaissance de la personnalité
La notion de Nature sujet de droit repose sur des fondements divers ayant pour point commun de mettre à l’honneur un humanisme revivifié par la prise en compte des liens très forts et très particuliers unissant l’homme à la Nature (A). L’expression singulière par cette nouvelle qualification de cette relation renouvelée de l’homme avec la Nature, qui est d’ores et déjà en construction dans notre Droit, nécessite alors une évolution des catégories juridiques (B) de manière à accueillir et protéger au mieux la Nature dans toute son altérité (C).
A) Les fondements de cette reconnaissance
Les fondements sont très divers mais convergent tous vers une nouvelle vision de la Nature par l’homme, où tous deux ne sont pas séparés mais en relation, vers une nouvelle culture du vivant. L’étroite dépendance entre la Nature et les droits de l’homme explique tout d’abord cette évolution48. Le droit à l’eau, le droit à la santé, le droit au développement, le droit à la vie,49 etc. peuvent être mis à mal si la Nature est dégradée. Il existe un lien intime entre les droits fondamentaux de l’homme et la Nature. Cette dernière constitue en effet le cadre dans lequel évolue la personne humaine : en 1972, et de manière hautement symbolique, le premier principe de la Déclaration de Stockholm50 a proclamé que « les deux éléments de son environnement, l’élément naturel et celui qu’il a lui-même créé, sont indispensables à son bien-être et à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit à la vie même ». Et en 2005, le deuxième considérant de la Charte de l’environnement51 s’est inscrit dans le même ordre d’idées en énonçant « que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ». Selon Delmas-Marty, « lutter contre les atteintes à l’environnement […] c’est lutter pour protéger à la fois l’humanité et la qualité de la vie »52 et le biologiste Gilles Bœuf l’affirme également : « détruire cette biodiversité qui nous entoure signifie que nous nous auto-agressons en permanence ! »53. Les peuples autochtones, à côté de leurs croyances, sont également très sensibles au fait que leur droit à un environnement sain dépend de la qualité de la Nature54, comme le traduit la notion de Buen vivir55. Le droit des générations futures56 est également convoqué. Par exemple en 2018 l’Amazonie colombienne a été reconnue comme sujet de droit par la Cour suprême57 au nom des générations présentes et futures58.
La protection de plus en plus organisée de l’environnement témoigne en effet du fait que l’homme est conscient de sa fragilité et des liens très forts qu’il entretient avec elle. Par exemple en Colombie, la pollution dont est victime le fleuve Atrato viole tout à la fois le droit à une eau pure et le droit à la restauration de ce fleuve amazonien59. Si l’on jette un regard sur les différentes règles et les principes qui animent le droit de l’environnement, il apparaît que l’homme l’appréhende cependant de moins en moins en termes de domination que d’utilisation rationnelle. Ces liens sont d’ores et déjà reconnus dans notre droit positif, au travers du principe de continuité écologique par exemple60. Il s’agit bel et bien d’une relation en construction, et le concept de Nature sujet de droit s’inscrit dans cette tendance61. Peu à peu, notre droit se défait d’une approche uniquement anthropocentrée62 et bâtit un nouvel humanisme63, relationnel64, où humanisme et écologie ne sont pas opposés65. Se départir de la vision anthropocentrée de la Nature ne conduit ainsi pas à entacher la notion d’humanisme. L’individuel et le collectif sont convoqués. Plutôt que de mettre l’accent sur une évolution qui suit son cours, à petits pas, selon certains auteurs c’est un changement de paradigme66 qui est à l’œuvre : « Un cambio de paradigma esté operando, institucionalizandose e infiltrando la forma de pensar de la poblacion colombiana »67.
Par ailleurs, à rebours de ce qu’il est parfois dénoncé, conférer des droits à la nature ne s’appuie pas systématiquement, bien loin de là, sur un écocentrisme très poussé. Ses fondements sont pétris de contradictions, dans la mesure où de nombreux intérêts, économiques, sociaux et environnementaux s’entremêlent68. L’équilibre est en effet délicat à trouver, et ces belles valeurs sont parfois mises de côté, à l’épreuve du réel69. Par exemple, alors que le Buen vivir équatorien débouche sur un vaste ensemble de droits, incluant ceux de la Nature, la position bolivienne donne la priorité, devant les droits de la Nature, à des approches utilitaristes de l’environnement, en particulier celles liées à l’extractivisme70.
La notion de Nature sujet de droit s’enracine ensuite sur des traditions culturelles. Les traditions animistes sont naturellement mises sur le devant de scène. Pourtant le premier pays à avoir conféré de tels droits est les États-Unis71.
Tout d’abord, ancestralement, pour les aborigènes, « the two most important kinds of relationship in life are, firstly, those between land and people and, secondly, those amongst people themselves, the second between »72. Cette citation met en évidence le fait que la personnification de la Nature, et ce de manière plus générale pour les peuples autochtones, participe à leur reconnaissance, à leur identité73, voire à leur défense. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, la consécration du Whanganui comme sujet de droit s’appuie sur les croyances, les modes de vie, les responsabilités assumées par les Maoris74. Dans le même esprit, le mont Taranaki, est considéré par eux comme un ancêtre. Il est donc à présent protégé au même titre que les tribus locales et une éventuelle atteinte sera traitée comme une attaque à la tribu. Il s’agit là en quelque sorte d’une codification de la culture autochtone75. En Nouvelle-Calédonie, à titre d’exemple, selon les Kanaks l’arbre peut abriter le souvenir d’une personne76.
Ce lien très fort, identitaire même, avec le territoire se retrouve également dans d’autres cultures occidentales. Au Québec par exemple, la société civile souhaite que soit conférée la qualité de sujet de droit au fleuve Saint-Laurent, car, pour reprendre les mots d’Alexandre Boulerice, chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, dans son discours prononcé à la tribune de l’ONU : « C’est (le fleuve Saint-Laurent) non seulement une richesse comme écosystème et source de vie, mais c’est aussi un immense symbole pour les Québécois et les Québécoises. Cela fait partie de notre identité et de notre imaginaire collectif »77. En Espagne également, sur la base du rapport officiel établi par le Comité de Suivi scientifique de l’état écologique de la « Mar Menor » de 201778 a été conférée fin septembre la qualité de sujet de droit à cette lagune. Dans le préambule de cette loi79, le législateur constate, que la Mar Menor est un des principaux éléments d’identification culturelle de la région de Murcia et relève un fort attachement de ses habitants avec celle-ci : « el mar Menor es uno de los principales elementos de identificación cultural de la Región de Murcia, y despierta en todos los murcianos un fuerte apego emocional ». En France, des initiatives privées ayant pour but de doter certains fleuves d’une personnalité juridique, bien que dépourvues de valeur en droit mais symboliquement fortes, voient le jour. Tel est le cas du parlement de la Loire80, de l’Appel du Rhône81, ou encore en Corse, du Tavignanu, deuxième fleuve de l’île de beauté, qui a été doté le 29 juillet 2021 d’une symbolique Déclaration des droits rédigée par le collectif Tavignanu Vivu, UMANI et Terre de Lien Corsica–Terra di u Cumunu82. Ces différents exemples, prenant corps selon les spécificités locales, sont l’expression d’un rapport sensible à l’eau des habitants côtoyant ces cours d’eau, et investis dans la lutte contre leur pollution. Dans le même esprit, aux États-Unis, la petite ville de Tamaqua en Pennsylvanie a ouvert la voie en 2006. Cette reconnaissance était ici justifiée par la volonté pragmatique de s’opposer à certaines activités industrielles trop polluantes mais autorisées aux États-Unis (en l’espèce une station d’épuration)83. Elle est aujourd’hui suivie par 180 municipalités, dont l’importante ville de Pittsburgh en 201084.
B) Une révolution de l’ordre juridique
Le terme de révolution est employé à dessein, car « la distinction entre la personne humaine et la chose constitue le fondement principal de notre civilisation »85 depuis l’Antiquité86. Au-delà de cet héritage historique, la Nature (excepté lorsqu’elle est une chose commune) est un objet sur lequel peut s’exercer le pouvoir du propriétaire, qui détient un droit très puissant, « inviolable » et « sacré », proclamé notamment à l’article 17 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Cependant l’exercice de cette prérogative sur un élément en particulier, la Nature conduit parfois à sa destruction87, et ce de manière irréversible88. En effet, le souci de la protéger face à des intérêts économiques n’est pas toujours entendu, lorsqu’il s’agit par exemple de remettre en cause l’utilité publique de projets89 ou de mettre en œuvre des mesures de compensation90. La difficulté est également structurelle en raison des incertitudes liées à l’évaluation du prix de la nature ou aux mesures nécessaires à une remise en état. Comme le relève Mireille Delmas-Marty les diverses qualifications conférées à la nature, telles que celle de patrimoine commun de l’humanité, n’ont pas réussi à modifier l’équilibre des pouvoirs91. Pourrait-on concevoir notre relation à la nature en dehors du prisme de l’objet de droit, et remettre en cause la summa divisio ? La technique juridique n’est pas hermétique à une évolution, les catégories juridiques ne sont pas figées de manière immuable, comme en témoignent les nombreuses propositions doctrinales en proposant l’évolution, portant sur la communauté conjugale92 par exemple, les animaux93 ou de manière plus originale d’autres éléments94. Tandis qu’au début du siècle dernier, Demogue suggérait déjà de faire des animaux, des morts, des générations futures et des fœtus des sujets de droit,95 se pose aujourd’hui la question de l’opportunité de reconnaître la personnalité juridique à la nature. C’est une fiction juridique comme démontré depuis fort longtemps par Gény96 notamment : « la personnalité est une donnée juridique qui n’a pas besoin de la vie, au sens biologique du terme, pour être reconnue, par exemple à des groupements […] A fortiori, pourrait-elle donc profiter à un être vivant, encore qu’il ne soit pas humain »97. Depuis plus d’un siècle, la catégorie des personnes est restée inchangée : ce concept vient bousculer l’ordre séculaire de notre droit. Cette profonde transformation explique les nombreuses critiques et oppositions : est-elle nécessaire ?
Dans la mesure où l’homme fait partie de la Nature, et où la dignité de l’homme est intimement liée à la protection de la nature, c’est la relation homme/nature qui est construite sur des bases qui ne sont plus adaptées au monde d’aujourd’hui. Selon François Ost, le monde des communs est un monde relationnel, l’accent n’est pas mis sur le sujet ou sur l’objet de droit, mais sur la relation98. Il est donc compliqué d’entretenir un rapport de pouvoir, de puissance, sur la Nature si l’on part du postulat selon lequel le lien homme-nature se définit en termes de relation. Cette évolution de l’ordre juridique, permettrait de consolider la volonté de s’écarter d’une approche anthropocentrée de la Nature, mais sans remettre en question l’humanité de l’homme. Il s’agit d’une « nouvelle façon de voir le monde », selon l’anthropologue Philippe Descola99. Est-ce que conférer la qualité de sujet de droit à la Nature basculerait notre système juridique dans une cosmologie propre aux peuples autochtones ?100 Nous pensons que cela conduirait simplement à limiter l’exercice du droit de propriété de manière à imposer un usage encore plus raisonnable de celle-ci, de ses ressources. Et il y aura naturellement des adaptations, elle pourra être appropriée101 – à l’instar de la personne morale – ou non, selon les besoins de l’entité naturelle en question.
C) L’individualisation de la Nature
Reconnaître la personnalité juridique à la Nature commande de définir avec précision ces personnes « naturelles ». Tout comme il existe une grande variété de personnes morales102, la Nature comme sujet de droit se pense au pluriel. Dans les pays ayant franchi ce pas, une telle qualité est conférée soit à la Nature dans son ensemble, soit à certaines entités naturelles précisément définies. En Équateur par exemple, il est inscrit dans la constitution même que la Terre Mère est un sujet de droit103, sans délimitation aucune. Potentiellement tous les éléments de la Nature sont donc concernés. Cette très large personnification en traduit une vision ancestrale : une vieille déesse-terre traditionnelle des Amérindiens. La cosmologie de ces peuples le justifie, mais c’est un tout autre contexte que celui français. La Nature est en effet appréhendée différemment d’un pays à l’autre, parfois, dans une vision holistique elle est une Terre Mère sacrée, la Pacha Mama, parfois il s’agit seulement d’un élément naturel, comme en Espagne, la Mar Menor, une grande lagune d’eau salée104.
En France, au regard de notre culture, un tel concept s’inscrirait plutôt dans le courant visant à conférer la qualité de sujet de droit à seulement certains éléments de la biodiversité. Le problème reste alors entier, quels éléments naturels pourraient être concernés ?105 N’aurait-on plus le droit d’écraser le moustique irritant ? Ou de consommer du poisson ? Il s’agirait en réalité de conférer une telle qualité à certains éléments nécessitant une protection particulière. L’intérêt d’une telle qualification est qu’elle organise une protection de l’élément naturel en question en prenant en compte toute sa complexité, tels que les services fournis par ses soins106. Conférer des droits à la nature permettrait d’informer, d’attirer systématiquement l’attention sur les besoins de l’arbre par exemple, qui peuvent varier d’un individu à un autre, selon différents paramètres tels que l’endroit où il se situe107. L’exemple de la forêt de la Teste en France est emblématique. Une sentence arbitrale en date du 27 fructidor an II nous apprend que cette forêt privée est grevée d’un droit d’usage régi par les transactions de 1604 et 1759108. Est-ce qu’au fil des ans et des générations cette forêt est gérée au mieux ? Un rapport relève que des pins sont replantés mais sans tenir compte des conditions dont ils ont besoin pour se développer109 : les arbres sont « malingres », « gênés dans leur croissance »110. La forêt perd de sa superbe et sa biodiversité, inévitablement, s’appauvrit.
Dans le préambule de la loi consacrant récemment la personnalité juridique de la Mar de Menor en Espagne, ce souci de prendre en compte la nature dans toute son altérité ressort très directement : « pour pouvoir la doter, en tant que sujet de droits, d’une charte de droits propres, prenant comme fondement sa valeur écologique intrinsèque et la solidarité intergénérationnelle, afin de garantir sa protection pour les générations futures »111. Si l’on raisonne par analogie, ce serait naturellement la théorie de la fiction et non de la réalité qui serait retenue. L’attribution de la personnalité juridique à certaines entités naturelles dépendrait de la volonté du législateur. Il serait toutefois opportun de laisser une place à la volonté lors de la création de ces nouveaux sujets, en prenant en compte les attentes des populations locales112. De même que certaines formalités doivent être réalisées avant que les personnes morales ne puissent jouir de la personnalité morale, telle que l’inscription au RCS pour les sociétés ou le dépôt des statuts à la mairie pour les syndicats113, dans le même esprit ce serait la loi et elle seule qui permettrait à la Nature d’accéder au statut de personne juridique et qui, ce faisant, organiserait les conditions de son existence en tant que personne.
Le type d’entités naturelles qui pourraient être concernées est vaste : la forêt, les rivières, l’océan, le sol, l’air, etc. De nombreuses questions se posent, quant à la délimitation des sujets eux-mêmes, par exemple est-ce que la « Zone », gagnerait à être dorénavant qualifiée de sujet de droit114 ? Il serait ensuite nécessaire de les individualiser. Si l’on raisonne par analogie avec un autre sujet de droit existant dans notre droit positif, la personne morale, c’est le principe de liberté de choix du nom qui devrait être retenu115. Toutefois, dans un souci de cohérence normative – tant avec les règles juridiques que celles extrajuridiques116 – il est préférable de s’en tenir aux appellations existantes. Le droit de l’environnement protège des entités d’ores et déjà nommées telles que le Parc national des calanques à Marseille, ou encore la Seine à Paris. Toutefois il est vrai que certains arbres remarquables sont dotés d’un nom particulier, et l’originalité pourrait conserver une petite place, qui s’ajouterait aux dénominations obligatoires plus classiques. Le droit permet en effet de conférer à certains arbres le statut de monument naturel117, et, à cette occasion, de les nommer, comme ce fut le cas pour François de Guise, Henri de Guise et Claude de Lorraine118.
Un autre élément d’identification serait le lieu où ils se situent, élément aisé à déterminer, car la Nature est immobile. Ce lieu, à l’instar du domicile des personnes morales présente un intérêt en matière processuelle, puisqu’il permet de déterminer la juridiction territorialement compétente119. Les causes de dissolution s’inspireraient quant à elle de la personne physique. Dans la mesure où il s’agit également d’un être vivant, de même, la mort de cette entité naturelle marquerait la fin de la personnalité.
D’autres notions pourraient être réinventées, telle que celle de patrimoine « naturel ». En tant que sujet de droit l’entité naturelle serait en effet dotée d’un patrimoine. À l’actif de celui-ci nous pourrions retrouver les dommages et intérêts reçus à l’issue d’une action en justice par exemple, et au passif, nous pouvons imaginer que l’entité naturelle conclue des contrats par exemple ayant pour objet une prestation de service à titre onéreux par exemple120.
Au-delà de la possibilité même de réaliser une telle révolution juridique, il convient de s’interroger sur son bien-fondé. À quoi cela servirait-il de conférer la qualité de sujet de droit à la nature ? À côté des deux arguments principalement évoqués, la possibilité d’agir en justice121 et la force du symbole122, en existe-t-il d’autres ?
II. Les fonctions de cette reconnaissance
Conférer la qualité de sujet de droit à la nature représenterait un nouvel outil d’interprétation du Droit, un guide pour le juge (A). Les acteurs économiques eux-mêmes pourraient être influencés dans leurs pratiques d’affaires, l’exercice des libertés économiques serait infléchi dans le sens d’un plus grand respect de la nature (B) ainsi que la fabrique même du Droit, de manière à accélérer la transition écologique, en comblant des silences juridiques ou en complétant le droit en vigueur (C).
A) Donner au juge une nouvelle clé d’interprétation du Droit
Conférer des droits à la nature est un moyen, parmi d’autres, pour, peut-être, renforcer l’effectivité du droit de l’environnement123, notamment à l’occasion de son application et donc de son interprétation. Une telle consécration ne s’inscrit pas dans une perspective de rupture mais de renforcement du droit existant. Comme le relève le premier président de la Cour de cassation Christophe Soulard, le juge sait en effet adapter des règles anciennes à de nouvelles attentes de la société. Par exemple, dans un tout autre domaine mais selon une même logique, l’appréciation du consentement propre à exclure la constatation d’un viol a été renouvelée dans le sens d’une exigence plus grande et donc d’un plus grand respect de la valeur124. Dans le même esprit, petit à petit, ces valeurs environnementales s’ancreront certainement de plus en plus dans le paysage juridique, et, au fil du temps, l’attention qui leur est portée, la force normative qui leur sera conférée, et leur champ d’application pourraient être renforcés, et ce dans un mouvement de conciliation et d’accueil naturel.
De nombreuses normes environnementales pourraient ainsi être lues et appliquées à la lumière de cette nouvelle grille de lecture conférée par les droits de la nature, dans la mesure où ces derniers rappellent les limites et les besoins de la Nature, qui seraient eux-mêmes exprimés de manière précise et complète lors de la personnification de la Nature125. Nul doute que cela donnerait une grande force à l’article 1833 du Code civil selon lequel « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Cette boussole126 destinée à guider les dirigeants sociaux lors de l’exécution du contrat de société pourrait en quelque sorte être éclairée par ces dispositions. L’enjeu environnemental correspondrait par exemple au fait de s’assurer lors de l’exploitation de telle forêt que son droit à se régénérer soir respecté. De même, les entreprises qui se font fort d’avoir adopté tel code de bonne conduite ou telle charte respectant l’environnement verront ces engagements de soft law127 très certainement être appréciés à la lumière des nouveaux droits conférés à la Nature. S’engager à protéger l’environnement serait ainsi assorti d’un autre sens, cela signifierait que l’on s’engage à respecter ses droits fondamentaux. Également, le mécanisme du préjudice écologique128 permet de prendre en compte et de faire cesser un risque d’atteinte à l’environnement, avant même qu’il ne se réalise129. Si un préjudice est susceptible de survenir sur une entité ayant le droit à la conservation et de surcroît qui est utile à une communauté, il est possible que la prévention d’un tel type de préjudice soit plus poussée, cela permettrait d’agir bien plus en amont que le mécanisme de cessation de l’illicite130 organisé par le préjudice écologique131. Dans le même esprit, le principe de précaution pourrait être interprété plus largement. En droit positif il est en effet strictement limité à certains contentieux et s’exprime très peu sur la scène juridique. Dans la mesure où les intérêts de la Nature doivent se penser sur un temps long132, là encore cet outil serait à même de renforcer ce principe en lui donnant une nouvelle envergure normative. Cela permettrait d’évoluer d’un système de réparation et compensation des atteintes à un monde de prévention beaucoup plus poussé133. Un autre exemple, les contours du devoir de vigilance, sa force, pourrait être affermie par les nouveaux droits de la Nature. Il s’agit de l’obligation pour certaines grandes sociétés d’élaborer un plan prenant en compte notamment les risques environnementaux de manière à les identifier et à les prévenir en application de l’article L. 225-102-4 du code de l’environnement. En effet, de nombreuses questions restent en suspens, au sujet tant de son champ d’application (tout au long de la chaîne de valeur de l’entreprise ?) que du contenu de plan. À ce propos, pour la première fois, une banque française, BNP Paribas a été mise en demeure134 fin octobre 2022 par trois ONG135 pour avoir, selon ces tiers intéressés, manquée à son devoir de vigilance. Plus précisément, sont ici dénoncés des contrats de financement qui seraient liés à la déforestation au Brésil136. En l’espèce, le tiers au contrat ne dénonce pas un manquement à une inexécution contractuelle dont il serait victime, mais plutôt l’existence même d’une activité (orientée vers l’exploitation d’énergie fossile) et donc des contrats l’organisant. Si l’on porte un regard contractualiste sur cette affaire et si l’on comprend bien la teneur des reproches formulés par ces ONG à l’encontre de cette banque, en application du devoir de vigilance, il y a des contrats qui, en raison même de leur objet (exploitation d’énergie fossile, etc.), ne devraient pas exister, être conclus, car ils sont la source de risques trop importants. C’est donc une atteinte au principe de liberté contractuelle et à une de ses expressions, la liberté de conclure ou non un contrat, qui est dès lors plébiscitée. Cela interroge naturellement dans la mesure où, depuis l’ordonnance portant réforme du droit des contrats, la liberté contractuelle est érigée au rang de dispositions liminaires et qu’elle occupe ce faisant une place toute particulière en droit commun des contrats. Dans ce contexte, il est possible d’imaginer que si des écosystèmes ou des espèces pouvaient défendre leurs droits en justice, ils pourraient s’opposer à certaines manifestations de la liberté d’entreprendre ou de la liberté contractuelle et par exemple s’opposer à certains projets qui auraient trop d’impact sur la biodiversité, le climat, etc.
La Charte de l’environnement137 elle-même pourrait être réinterprétée à la lumière de ces nouvelles valeurs, et plus précisément le devoir de protéger l’environnement prendrait une autre dimension si, naturellement, l’environnement est une personne. En effet, le Conseil constitutionnel, notamment, est vigilant quant aux atteintes portées à l’environnement à l’occasion de l’exploitation d’une activité économique comme en témoigne la récente décision en date du 12 août 2022138 relative à la réalisation d’un terminal méthanier flottant sur le site portuaire du Havre. Au regard des risques que cela représente pour l’environnement, le Conseil nous apprend que certaines mesures doivent être prises pour les limiter, telles qu’une durée d’exploitation réduite (5 ans), l’information du public sur les incidences notables du projet sur l’environnement et la santé humaine et l’obligation pour l’exploitant de se conformer aux mesures d’évitement et de réduction des atteintes à des espèces protégées et à leurs habitats. Nul doute que la nature en tant que personne conférerait une autre dimension aux mesures à adopter.
Le droit pénal pourrait encore être influencé, et notamment le principe de nécessité. Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 mars 2023 et promis aux honneurs du Bulletin139, un groupe de militants écologistes a fait irruption dans trois magasins contenant des articles de jardinage. Ils se sont emparés de bidons de produits en vente dans ces magasins pour les disposer sur une bâche, et les enduire de peinture, et ont expliqué que leurs actions visaient à alerter sur les dangers du glyphosate, contenu dans ces produits, lesquels étaient selon eux en vente dans des conditions contraires à la réglementation. Pour rejeter le fait justificatif tiré de l’état de nécessité invoqué par les prévenus, le juge nous apprend que ces derniers ne démontrent pas en quoi la dégradation de bidons et de flacons de produits désherbants dans un magasin constituerait un acte nécessaire et le seul moyen indispensable à la sauvegarde des personnes, alors « qu’ils avaient accès à de nombreux moyens d’action, politiques, militants, institutionnels qui existent dans tout État démocratique ».
L’office du juge pourrait ainsi conduire à mettre l’accent davantage sur la responsabilité et le devoir de chacun de prendre soin de la Nature. Mais ce devoir est également exercé de la meilleure des façons grâce aux pratiques d’affaires elles-mêmes.
B) Orienter vers de bonnes pratiques d’affaires
Les acteurs économiques sont souvent désignés comme responsables de la crise climatique, à tel point que le terme « entrepocène »140 est parfois utilisé. Choisissant une approche plus positive, nous proposons de mettre davantage l’accent sur leurs bonnes pratiques. L’effet vertueux de ce concept réside dans le fait que cela ne poserait pas forcément de nouvelles limites qui pourraient être mal perçues par les acteurs économiques. Cela permettrait d’infléchir l’exercice de leurs libertés économiques – d’entreprendre, de contracter, etc. – dans un sens vertueux tant pour les intérêts économiques que pour ceux de la Nature. Il s’agit de rendre plus visibles les pratiques respectueuses de la Nature de manière qu’elles puissent en recueillir les avantages qu’elles recèlent. L’idée n’est pas de brider l’activité économique, mais bien de l’orienter dans une nouvelle direction, de renforcer et d’accompagner la révolution verte qui est à l’œuvre. Bien que les droits de la nature soient parfois utilisés de manière à rompre complètement avec le système capitaliste141, ils sont également en mesure d’accompagner notre modèle économique vers une économie plus « verte »142.
Conférer la qualité de sujet de droit permettrait d’encourager de telles pratiques, de les mettre davantage en valeur. Dire en effet qu’une entreprise respecte les droits de la Nature, qu’elle veille à ce que le droit à la vie ou encore le droit à se régénérer de telle ou telle entité naturelle soit assuré, est un message ô combien clair et percutant ! Nul doute que l’image de marque de l’entreprise et son rayonnement auprès des investisseurs, consommateurs ou encore sur la Place serait fortifié. Par un effet vertueux, la mise en valeur des pratiques les plus fidèlement respectueuses de la Nature permettrait de participer à la lutte contre le greenwashing143. Cela contribuerait en effet à révéler, encourager les pratiques vertueuses des grands acteurs économiques. Et elles sont nombreuses, très souvent spontanées et organisées sans contrainte juridique. Il s’agit donc de s’appuyer sur la personnification de la Nature de manière à reconnaître ces pratiques, pour leur donner une force et une visibilité plus grande, une nouvelle dimension. En outre, si les pratiques trompeuses en faveur de la protection de la Nature sont davantage dénoncées sur ce fondement, celles vertueuses seront davantage valorisées, et ce par un concours d’intérêts144 entre ceux économiques et ceux de la Nature. En effet, dans le contexte de multiplication des procès environnementaux, le risque de contentieux serait accru si la nature était dotée de droits145. Le risque d’une action en justice fondée sur la violation de ces droits et donc d’atteinte à son image et à sa réputation pourrait provoquer ce changement, car les comportements des acteurs économiques sont empreints de rationalité. Les décisions de production des entreprises sont naturellement influencées par les règles du droit de l’environnement, comme elles l’ont été par d’autres branches du droit auparavant, telles que le droit de la responsabilité civile146 qui incite à la prudence ou le droit pénal147.
Un tri spontané serait réalisé, par exemple les entreprises prenant soin de leur image grâce à des mesures de compensation, comme cela est le cas des entreprises affichant une « neutralité carbone »148, ne pourrait plus être présentée de la même manière au grand public. Les mesures de compensation sont en effet moins respectueuses de l’environnement et ne prennent pas en compte son droit à la régénération par exemple149. Sur la place publique, ces communications seront plus claires : une entreprise affichant une « neutralité carbone » ne pourra pas être considérée comme respectant les droits de la Nature.
Par ailleurs, ce concept de nature sujet de droit permettrait de remettre davantage la prévention des atteintes à la nature au cœur des activités économiques. Le droit de l’environnement, imprégné de la logique Éviter, Réduire, Compenser, autorise d’une certaine façon des atteintes à la nature, et ce même si ces atteintes sont irréversibles. Il s’est tout d’abord efforcé de réguler les activités humaines de manière à réduire et à éviter et réduire les nuisances pour les riverains150, puis une logique de responsabilité, plus précisément de réparation et prévention s’est installée151. Cette dernière dimension de la responsabilité au sens large pourrait être affermie par ce concept. Et, cela pourrait influencer le contenu des contrats, au travers de l’insertion de certaines clauses destinées à assurer le respect de ces droits fondamentaux ou cela pourrait avoir un impact sur le contenu des codes et chartes de bonne conduite.
De même que la notion revisitée d’intérêt social fixe un cap au dirigeant152, qu’il s’efforce de retranscrire de diverses manières, en s’appuyant sur des codes de bonne conduite par exemple, de même conférer des droits à la nature constitue, en quelque sorte, l’abécédaire des pratiques respectueuses de la Nature : plus qu’un cap, c’est une méthode à suivre. Elles pourraient pour ce faire utiliser les outils classiques d’exploitation dont elles disposent, tels que la blockchain, qui par son automaticité est redoutablement efficace, et également d’autres mécanismes que l’on retrouve dans toute la chaîne de valeur de l’entreprise, tel que des clauses relatives au risque environnemental. Ces pratiques sont d’ores et déjà utilisées par les entreprises, mais nul doute que le fait de conférer la qualité de sujet de droit intensifierait de telles pratiques, et que le contenu de ces stipulations serait remodelé à la lumière des droits de la Nature. En effet, cela clarifierait les attentes de la société au regard de la Nature (par exemple l’entreprise aurait l’obligation de s’assurer que le cours d’eau exploité puisse se régénérer). Et cela s’inscrirait naturellement dans la direction que le droit économique emprunte.
Enfin, on connaît l’influence des pratiques sur le droit. Si des clauses par exemple pour poursuivre ces objectifs encore plus poussés de respect de l’environnement se standardisent, ou si des modèles types de contrats voient le jour, peut-être, demain, feront-ils leur entrée dans le droit dur. Par un effet vertueux ces nouveaux droits reconnus à la nature seraient donc susceptibles d’influencer les pratiques des entreprises, en les éclairant sous un nouveau jour aux yeux du grand public, et, à leur tour, ces pratiques pourraient être à l’origine de nouvelles règles, telles qu’un nouveau contrat spécial dédié à l’approvisionnement écologique par exemple.
C) Intensifier la transition écologique
Le devoir général de protéger l’environnement qui traverse notre droit de l’environnement prendrait alors un autre sens et cela permet de mettre au jour certains silences de notre Droit, certaines problématiques délaissées comme le constatent des auteurs colombiens « se trae a la luz problematicas que muchos ignoraban »153. Par exemple the draft National Ganga River Rights Act en date de 2016154 propose d’interdire les activités qui portent atteinte au droit du Gange « to survive and flourish »155. Il s’agit là d’une recherche constante d’équilibre : « L’équilibre avec la dimension économique est l’un des aspects les plus controversés dans les débats sur la durabilité. Sur ce point, la Constitution équatorienne précise que cela doit être fait dans le cadre des limites biophysiques de la Nature, et du respect dû à la vie et aux cultures (art. 284) »156. Le cas du fleuve Atrato est emblématique. Ce fleuve est un sujet de droit depuis la décision rendue par la Cour constitutionnelle en 2016157. De nombreuses critiques du concept de la Nature comme sujet de droit se sont appuyées sur ce cas pour dénoncer, malgré ce nouveau statut, le caractère toujours pollué de ce fleuve. Pourtant, des actions de dépollution uniques dans l’histoire de la Colombie, sont en cours : « en septiembre 2019 se invierten mas de mil millones de pesos para descontaminar el rio Atrato y sus afluentes, algo nunca visto en la historia del rio »158. Une autre conséquence de ce nouveau statut dont bénéficie le fleuve Atrato, est la mise en place d’un plan d’action, toujours tourné vers la décontamination du fleuve, organisant de telles mesures de manière immédiate mais également sur un temps plus long : « otro efectivo positivo de la sentencia es la adopcion, en diciembre del 2019, de un plan de accion entre el gobierno colombiano y las comunidades, con el cual se busca descontaminar el rio Atrato »159.
Par ailleurs, la force du symbole est très importante. Selon Christopher Stone, pionnier du mouvement : « Si la perception que j’ai de ce genre d’influences est correcte, alors une société dans laquelle serait établi, quoique de manière vague, “que les rivières ont des droits” élaborerait avec le temps un système juridique différent de celui auquel aboutirait une société qui n’emploie pas cette expression, même si l’une et l’autre avaient eu au départ des règles légales identiques à tout autre point de vue »160. Le devoir constitutionnel de protéger l’environnement prendrait alors une signification plus particulière si celui-ci porte sur une personne dotée de droits fondamentaux : le droit positif imposera en effet des obligations davantage poussées, telles que l’obligation de ne pas détruire l’entité naturelle en question161. Une telle consistance de ce devoir ressort de la lettre même de la Constitution de l’Équateur, qui proclame à l’alinéa 3 de son article 71 que « l’État doit inciter les personnes physiques et morales et les communautés à protéger la nature et à promouvoir le respect de tous les éléments qui composent un écosystème » et que « L’État applique des mesures préventives et restrictives aux activités qui pourraient entraîner l’extinction d’espèces, la destruction d’écosystème et l’altération permanente des cycles naturels »162. La Bolivie encourage également une nouvelle façon de concevoir l’économie en accord avec les intérêts de la Nature163. De même, dans le cas de la Mar Menor en Espagne, la loi la consacrant comme sujet de droit prévoit à l’article 7 que le droit à la protection emporte l’obligation (parmi d’autres) de limiter de manière immédiate, d’empêcher ou d’interdire les activités qui emportent un risque pour l’écosystème ou peuvent lui porter préjudice164. De tels objectifs énoncés dans différents textes juridiques conférant la qualité de sujet de droit dans des pays tout autour du globe devront certainement entraîner une évolution de la loi et peut-être, par exemple, un encadrement plus strict ou tout au moins différent, de certaines activités polluantes. En France, cela permettrait donc de donner un nouveau souffle à ce devoir général, peut-être qu’un droit du sol bâti autour des besoins précis de ce milieu verrait alors le jour, ainsi qu’à toutes les déclinaisons qu’il connaît aujourd’hui dans de nombreuses branches du droit dans le but de moduler les effets du pouvoir économique exercé par l’homme165.
Les sanctions assortissant divers mécanismes pourraient également être revues à cette occasion, car elles sont parfois insatisfaisantes166. L’amende par exemple pourrait être revue à l’aune des objectifs à atteindre. En effet, « l’amende qui est une des sanctions environnementales les plus utilisées tend à être considérée comme un coût de production supplémentaire pouvant être répercutée sur les consommateurs »167. Le droit de la preuve en matière environnementale pourrait aussi évoluer dans la mesure où rapporter une atteinte à la Nature pourrait, si l’entité naturelle en question est un sujet, être appréciée à la lumière de ses droits fondamentaux. En définitive, ces nouveaux droits renforceraient le devoir général de protéger l’environnement et toutes les déclinaisons de ce dernier dans diverses lois spéciales.
III. Les principales expressions de cette reconnaissance
Cette naissance dans le monde du droit, conférerait donc à la nature le droit d’être dans le monde juridique (A) et celui corrélatif d’agir (B).
A) Être juridiquement : les droits de la nature
Conférer la qualité de sujet de droit, la considérer comme une entité à part entière, permet de la doter des attributs de la personne juridique : de droits à respecter notamment, car les sujets de droit sont les supports des prérogatives reconnues et protégées par le système juridique168. Comme nous l’avons précédemment évoqué, en effet, la menace majeure pesant sur la nature est sa destruction. Le droit de ne pas être détruit pourrait ainsi être assuré par divers droits fondamentaux conférés à la nature, tel que le droit de ne pas être pollué, le droit à la régénération, à la conservation, etc.
Mais les droits reconnus à la nature diffèrent des droits humains, et seront adaptés au type d’entité concernée, un arbre ou une rivière169. Par exemple, une association française se dénommant A.R.B.R.E.S a élaboré une déclaration des droits de l’arbre en 2019170. Selon celle-ci, l’arbre doit être respecté tout au long de sa vie, avec le droit de se développer et se reproduire librement, de sa naissance à sa mort naturelle, qu’il soit arbre des villes ou des campagnes.
Par ailleurs, la dignité de la personne humaine171 est le socle commun des droits fondamentaux. Dans le même esprit, il serait intéressant de consacrer un principe de la même force au bénéfice de la nature, tel que le droit de ne pas être détruit de manière irréversible :
In the case of a river being recognised as a legal person, the most basic right would be the right to live. We argue that this would means the river has a right to flow without being dammed or diverted in such a significant way that the river’s basic character is latered. Furthermore, the right to live implies the right not to be polluted to an extend that essential biological and other processes are irreparably damaged. 172
Ces divers droits fondamentaux permettraient de contrôler une appropriation raisonnable des entités naturelles vulnérables, sans les épuiser, sans menacer la survie même de la faune ou de la flore. D’ores et déjà, la Constitution bolivienne en date de 2009 garantit le droit à un environnement sain pour « les individus et groupes des générations présentes et futures, ainsi qu’aux autres êtres vivants, pour qu’ils puissent se développer de façon normale ». Puis, une loi adoptée en 2010173 est venue préciser et lister à l’article 7 les droits de la terre-mère : le droit à la vie, le droit à la diversité de la vie, le droit à l’eau, le droit à l’air pur, le droit à l’équilibre, le droit à la restauration, et le droit à vivre sans pollution. La Constitution actuelle de l’Équateur, adoptée par referendum en 2008, précise quant à elle, dès le préambule, que le peuple d’Équateur “célèbre la nature, la Pacha, dont (il fait) partie et qui est vitale pour (son) existence” et proclame que la « Nature, ou Pacha Mama, la terre mère » a le droit au respect intégral de son existence, au maintien et à la régénération de ses cycles, de sa structure, de ses fonctions. L’alinéa 2 de l’article 14174 précise ces différents droits : existence, maintien, régénération, de ses cycles vitaux, droit à la restauration en cas de préjudice. Le premier paragraphe de l’article 72 énonce de manière fort intéressante que : « La nature a droit à la restauration. Et il est précisé que cette restauration sera indépendante de l’obligation de l’État et des personnes physiques et morales d’indemniser les individus et les collectivités qui dépendent des systèmes naturels affectés ». Le caractère très général de ces droits formulés en Équateur et Bolivie au bénéfice de la nature permet – mais l’avenir jurisprudentiel nous donnera la réponse – que le préjudice écologique est mieux pris en compte lorsque la nature agit en son nom, puisqu’il n’est imposé ici aucune limite relative à la gravité du préjudice pour qu’il puisse être accueilli devant les tribunaux. Et ce contrairement à l’article 1247 du Code civil, aux termes duquel sont prises en compte seules les atteintes « non négligeables », c’est-à-dire les catastrophes écologiques ou la menace d’un « dommage imminent » en application de l’article 1251 du Code civil175. Une telle protection serait ainsi redoutablement efficace, dans la mesure où elle s’organiserait ex ante, bien avant que ne survienne un dommage. Les droits de la personnalité sont en effet extrêmement puissants. La reconnaissance de leur personnalité à des personnes non humaines, aux personnes morales, en témoigne. Ces dernières jouissent de droits et libertés fondamentaux qui tendent à assurer le respect de cette autonomie et qui ne sont pas attachés à la personne humaine176. Tel est le cas, par exemple du droit à la vie privée qui n’est pas soumis, en principe, à la preuve d’une faute ou d’un dommage177. L’atteinte à la vie privée, en soi et automatiquement entraîne des sanctions diverses et très protectrices, telle que la possibilité en référé de remédier à cette atteinte, de la faire cesser ou encore l’attribution plus classique de dommages et intérêts178. Si l’on raisonne par analogie, une telle organisation au bénéfice de la nature est adaptée au regard du caractère bien souvent irréversible de certains dommages environnementaux et de l’irrépressible extinction de la biodiversité179. Il est également reconnu que les personnes morales ont droit à la tranquillité, comme en atteste la jurisprudence réprimant le harcèlement commis à leur encontre180. Ces différents droits, seraient susceptibles d’apporter une protection différente à la faune et à la flore. À titre d’exemple il a été prouvé que les diverses nuisances sonores d’origine anthropique (bateaux à moteur, exploitation des fonds marins, etc.) sont la source d’importants préjudices à l’encontre des cétacés181. En revanche, si la nature, et en l’occurrence ces mammifères, étaient dotés de la qualité de sujet de droit, ils seraient en mesure de défendre différents droits essentiels à leur survie, tel que le droit au silence, sur le fondement du droit à la vie privé. Néanmoins, classiquement ces droits pourraient être écartés au regard des circonstances de l’espèce, en application du contrôle de proportionnalité. Et ce d’autant plus que ce mouvement, tendant à l’assimilation des personnes morales aux personnes physiques est affermi par le jeu de l’interprétation évolutive de la Convention européenne des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales182, qui reconnaît par exemple à des personnes non humaines, les personnes morales, le droit au respect du domicile en application de l’article 8 de la Convention183. L’idée n’est en réalité pas tant iconoclaste que cela si l’on jette un regard sur la pratique judiciaire. À l’occasion d’un litige relatif au refus d’exploitation d’une carrière, les juges nous apprennent que les oiseaux (un couple d’aigles de Bonelli en l’espèce) disposent d’un « droit à la tranquillité pour pondre et élever leurs petits »184. Par ailleurs, une décision rendue par un tribunal argentin le 3 novembre 2016185 illustre avec force les virtualités de ce concept. En l’espèce le juge a reconnu la qualité de « personne non humaine », pour la première fois à une femelle orang-outang, et, fort de cette qualification juridique, elle a pu bénéficier de l’habeas corpus. Elle était détenue dans un zoo dans des conditions extrêmement dures, « manifestement contraires aux impératifs biologiques des chimpanzés »186, comparables, selon le juge, à de l’esclavage. Il a considéré en conséquence qu’elle était privée de liberté de manière illégale et devait être transférée dans une réserve.
De cette manière, la nature pourrait certes être utilisée, mais de manière raisonnable, respectueuse, en accord avec ses besoins, ses qualités, etc. Elle ne deviendrait donc pas inaliénable ou inappropriable, en dehors du commerce juridique. À l’instar d’une personne morale, telle qu’une société, elle pourra donc être cédée, exploitée. Il ne s’agit pas d’adopter une conception de la protection de la nature telle que les populations coutumières pourrait être chassées de leurs milieux de vie par exemple187. La nature ne bénéficierait donc pas de droits absolus, exclusifs de toute intervention de l’homme.
La crainte d’une rivalité188 entre les droits de la Nature et ceux de l’homme doit donc être écartée, néanmoins, ils devront parfois être conciliés et ce de manière classique lorsque des droits fondamentaux s’entrechoquent189. Il permet aussi de régler les conflits entre des droits fondamentaux opposés, comme la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée, en effectuant, au cas par cas, une balance des intérêts en présence pour chercher soit à les concilier, soit à faire prévaloir l’un sur l’autre en fonction des circonstances de l’espèce. Une telle conciliation est nécessaire : est-ce que nos libertés auront la même force si la dégradation de la Nature est fidèle aux dernières prévisions du GIEC ? Quel serait le visage de la liberté d’entreprendre sans ressource à exploiter ? Un cas emblématique est celui de l’apiculteur, dont la liberté d’exploiter est mise à mal par la grande mortalité des abeilles, mais cette problématique concerne également les très grandes entreprises. Conférer des droits à la Nature n’est donc pas liberticide, les libertés économiques continueront à s’exprimer pleinement et ce d’autant plus que leur exercice est parfois indissociable d’une Nature préservée190. Et cette conciliation permettrait de s’opposer à des projets trop attentatoires à la Nature, et ce bien qu’ils soient autorisés par le droit en vigueur. L’affaire Los cedres l’illustre. En l’espèce, la Cour constitutionnelle d’Équateur a jugé fin 2021191 que l’exploitation minière dans cette forêt protégée viole les droits de la nature qui sont garantis par la Constitution équatorienne. Selon les juges, la délivrance de permis d’exploitation minière porte atteinte à la biodiversité de la forêt qui abrite des espèces menacées d’extinction et des écosystèmes fragiles, ce qui nécessite la mise en œuvre de mesures préventives et restrictives. La Cour a ainsi déclaré que les permis d’exploitation minière qui avaient été délivrés par les autorités gouvernementales sont révoqués. Les droits de la Nature peuvent donc être utilisés comme une arme d’une redoutable efficacité.
B) Agir contractuellement et procéduralement : la capacité de la Nature
Pour agir, la Nature devrait tout d’abord être dotée d’un représentant. Tout comme la personne morale, la Nature n’a pas la capacité de s’exprimer directement, sa capacité d’exercice est donc de fait limitée192. Les personnes morales s’appuient donc pour ce faire sur des personnes physiques telles que gérants, présidents, administrateurs, autorités administratives, qu’elles investissent du pouvoir d’agir en leur nom et dans leur intérêt193. Dans le même esprit, un tel mandat est confié à divers représentants, très différents d’un pays à l’autre, selon les traditions culturelles194. Il peut s’agit d’un tuteur en Nouvelle-Zélande195. Certains auteurs qualifient cette représentation de « parenthood », d’autres de « custiodianship »196 dans certains pays, comme en Inde, où le lien est très fort avec l’entité ainsi protégée. La représentation peut encore combiner plusieurs personnes comme c’est le cas en Espagne, où Gardiens, comités scientifiques et centres de recherche vont exercer un tel rôle ensemble197.
Au-delà de la qualité des représentants se pose la question de la nature de leur mission. Le pouvoir d’action du représentant de la personne naturelle pourrait, par analogie avec les pouvoirs conférés au dirigeant social198, être circonscrit aux « actes de gestion ». Ce représentant ensuite, sera à même d’effectuer des actes de gestion, de porter la voix de la Nature, et ce de multiples façons. Il est possible d’imaginer qu’en tant que partie prenante par exemple, une entité naturelle, via son représentant, s’exprime sur la politique ou sur un projet en particulier d’une entreprise. Les codes de gouvernance prévoient en effet parfois que l’entreprise doit être dotée d’un comité des parties prenantes, indépendant du conseil d’administration, qui est investi d’un rôle consultatif199. Dans le cadre du devoir de vigilance, la loi elle-même incite les acteurs économiques à associer les parties prenantes à l’élaboration du plan de vigilance200.
La Nature en tant que sujet serait également capable de contracter. De même, si l’on raisonne par analogie en s’inspirant des personnes morales, ces dernières jouissent de la capacité de contracter dans la limite du principe de spécialité en vertu duquel la personne morale ne peut agir que dans le but déterminé pour lequel elle a été créée. Elle ne peut pas accomplir des actes qui ne correspondent pas à son objet défini par la loi ou les statuts201. Cela signifie que les pouvoirs du représentant devraient être utilisés dans l’intérêt de la personne naturelle. Le champ des possibles s’ouvre alors : nous pouvons imaginer qu’une entité naturelle soit partie à une médiation202 par exemple.
Enfin, naturellement, une telle capacité lui confère le droit d’ester en justice. Selon le professeur Marguénaud, il s’agit là de l’avantage majeur de la personnalité juridique203. Toutefois le succès des actions en justice d’ores et déjà intentées dépend d’un pays à l’autre, et des entraves demeurent, tel que le coût de la justice204. En Équateur par exemple, 64 cas sont recensés sur le site Observatorio Jurídico de Derechos de la Naturaleza205, et parmi ceux-ci 23 au moins ont obtenu gain de cause206.
À noter que, pour favoriser ces actions, parfois la capacité des personnes d’ester en justice au nom de la Nature diffère des personnes chargées de la représenter. Par exemple en Équateur, les articles 71 et 72 de sa Constitution, organisent un mécanisme particulier de recours, une actio popularis : « toute personne, communauté, peuple et nation peut en appeler aux autorités publiques pour mettre en œuvre les droits de la nature ». Tout citoyen est donc à même de défendre les droits de la nature.De même,aux États-Unis, par exemple, une municipalité pennsylvanienne a adopté une ordonnance consacrant des droits aux écosystèmes locaux et a donné à tout résident le droit de porter plainte au nom de ceux-ci afin de faire respecter ces droits face aux entreprises207. En Espagne encore, l’autre innovation importante de cette loi réside dans le fait que toute personne physique ou juridique est habilitée à défendre l’écosystème de la « Mar Menor »208. Un tel dispositif ne paraît pas totalement étranger à notre droit, dans la mesure où l’article 2 de la Charte de l’environnement dispose que « toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et l’amélioration de l’environnement »209.
Par ailleurs, la manière de conduire le procès à l’occasion d’atteintes subies par la Nature, en qualité de sujet de droit, serait différente. Elle devrait être représentée devant le juge, à l’instar d’autres groupements bénéficiant de la personnalité morale, comme les associations ou les sociétés. Une représentation d’une grande importance dans la mesure où les intérêts de la nature seraient portés devant le juge avec une force de conviction inégalable. En effet la nature pourrait par exemple bénéficier du principe du respect de « l’égalité des armes » consacré par la Cour européenne des droits de l’homme210, de manière à porter de la manière la plus complète la voix de la nature dans le prétoire. Plus précisément, la nature aurait notamment droit à un avocat, à ses représentants, mais surtout à des traducteurs : c’est-à-dire des personnes (scientifiques, etc.) ayant les compétences pour expliquer les besoins et intérêts des entités naturelles représentées, tels qu’un fleuve, une forêt, etc. Enfin, des questions restent naturellement en suspens, telles que le délai raisonnable dans lequel il conviendrait d’enfermer une telle action.
En définitive, il convient d’être très prudent, car si cette voie est séduisante à bien des égards, son articulation avec le droit de l’environnement d’ores et déjà installé dans le paysage juridique sera extrêmement délicate. Tout l’enjeu résiderait finalement, si cette voie est choisie, à assurer une mise en œuvre cohérente de ce concept avec le corpus légal existant et tentaculaire de manière à participer à l’objectif premier du droit de l’environnement211 : protéger la nature, dans l’intérêt de l’homme ou non.
1 L. Neyret, Atteintes au vivant et responsabilité civile, Paris, LGDJ, 2006, n° 375.
2 M. Prieur, J. Bétaille, M.-A. Cohendet, H. Delzangles, J. Makowiak, P. Steichen, Droit de l’environnement, 8e éd., 2019, n° 1, Dalloz.
3 Le droit de propriété est défini à l’article 544 du Code civil.
4 Article 714 du Code civil.
5 J.-B. Seube, « Les choses et les personnes », in M. Mekki (dir.), Les notions fondamentales de droit privé à l’épreuve des questions environnementales, Bruylant, 2016, p. 94, spéc. p. 96 ; J. Attard, « Le fondement solidariste du concept environnement patrimoine commun », RJE, 2/2003, p. 169.
6 J. Rochfeld, M. Cornu et G. J. Martin, Rapport L’échelle de communalité. Propositions de réforme pour intégrer les biens communs en droit, 2021.
7 G. J. Martin, « “Les biens-environnements”. Une approche par les catégories juridiques », RIDE, 2015/2, p. 139.
8 Voy. sur la notion de patrimoine commun de l’humanité, A. Van Lang, Droit de l’environnement, 5e éd., PUF, 2021, n° 277 et s.
9 L. Neyret, « Trois défis pour une responsabilité écologique », Esprit, 2018/1-2, p. 113.
10 B. Parance, « Personnification de la nature : techniques et opportunités pour le système juridique français », JCP G, n° 9, 2020, doctr. 249.
11 Comme en témoigne par exemple la consécration dans le marbre de la loi du préjudice écologique pur, Voy. M. Hautereau-Boutonnet, Le Code civil, un code pour l’environnement, Dalloz, 2021, p. 99.
12 S. Vanuxem, Des choses de la nature et de leurs droits, éd. Quae, 2020.
13 J. Bétaille, « La personnalité juridique de la nature démystifiée, éléments de contre-argumentation (2/2) », publié le 16 nov. 2020.
14 Bien que tous deux professent en dehors de la France (Suisse et Belgique) le constat sur le manque de résultat du droit de l’environnement est très général et comprend celui français. François Ost souligne « l’échec assez généralisé́ des politiques mises en place depuis des décennies et du droit de l’environnement classique qui les accompagne ». F. Ost, « La personnalisation de la nature et ses alternatives », Les possibles, n° 26, hiver 2020-2021, p. 4. Dominique Bourg énonce que « Depuis une cinquantaine d’années, depuis le début des années 1970, nous reconnaissons peu ou prou l’existence de problèmes appréhendés comme nouveaux, taxés de problèmes environnementaux ou écologiques. Depuis une cinquantaine d’années, cette reconnaissance a engendré un empilement de dispositifs institutionnels. Or, sur quoi ont débouché ces cinq décennies de politiques publiques et de droit dédiés à l’environnement ? Force est de constater que lesdits problèmes n’ont cessé d’empirer, et partant il est difficile de ne pas convenir de l’échec de ce tissage institutionnel et juridique ». D. Bourg, « À quoi sert le droit de l’environnement ? Plaidoyer pour les droits de la nature », Les cahiers de la justice, 2019 p. 407.
15 Le dernier rapport est en date du 8 juill. 2022, disponible en ligne. Derrière se déroule la crise climatique, dans la mesure où toutes les entités naturelles participent de l’équilibre écologique et partant de celui climatique, comme en témoigne les nombreux procès environnementaux, J. Rochfeld, Justice pour le climat. Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne, Odile Jacob, 2019.
16 S. Maljean-Dubois (dir.), Livre Blanc, l’Anthropocène, 2023, disponible en ligne, www.ilaparis, p. 16.
17 B. Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La Découverte, 2006, p. 20.
18 Voy. not. sur ce constat Y. Aguila, « Le droit à l’épreuve de la crise écologique », RJSCP, n° 18, 2020, p. 3.
19 Voy. A. Van Lang, Droit de l’environnement, op. cit., n° 18.
20 Ch. Darwin, L’Origine des espèces, 1858, rééd. Poche, 2009.
21 G. Bœuf, « Pourquoi sauver la biodiversité ? », RJE, 2022/2, p. 247, spéc. p. 250.
22 Ph. Descola, « Chapitre 1. Humain, trop humain ? », in R. Beau et C. Larrère (dir.), Penser l’Anthropocène, Presses de Sciences Po, 2018, p. 19, spéc. p. 34 : « Ce que permet l’anthropologie, en revanche, c’est de donner la preuve que d’autres manières d’habiter le monde sont possibles puisque certaines d’entre elles, aussi improbables qu’elles puissent paraître, ont été explorées ailleurs ou jadis, montrer donc que l’avenir n’est pas un simple prolongement linéaire du présent, qu’il est gros de potentialités inouïes dont nous devons imaginer la réalisation afin d’édifier au plus tôt une véritable maison commune, avant que l’ancienne ne s’écroule sous l’effet de la dévastation désinvolte à laquelle certains humains l’ont soumise ».
23 B. Morizot, Manières d’être vivant, Arles, Actes Sud, 2020. C. Pelluchon, Éthique de la considération, Paris, Le Seuil, 2018, p. 33 et p. 127.
24 Selon Bruno Latour, tous les organismes vivants sont imbriqués, B. Latour, Face à Gaïa, La Découverte, 2015, p. 133. Voy. égal. Alain Papaux, « La représentation de la nature : de la certitude moderne à l’incertitude contemporaine ou quand la théorie du droit rencontre la philosophie des sciences », in L’Arbre de la méthode et ses fruits civils. Recueil de travaux en l’honneur du Professeur Suzette Sandoz, Lausanne, 2006, p. 95.
25 La Charte de l’environnement énonce : « Que l’avenir et l’existence même de l’humanité sont indissociables de son milieu naturel ».
26 Le Code de l’environnement français depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 qui a ajouté à l’article L. 110-1 une définition de la biodiversité, ou diversité biologique, comme « la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins ou autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants ».
27 J. A. McNeely, « Nature, biodiversité et écosystèmes », in P. Jacquet, Laurence Tubiana, Regards sur la Terre 2008. Dossier : Biodiversité, nature et développement, Presses de Sciences Po, 2007, p. 87.
28 Le terme de « biodiversité », beaucoup plus récent, renvoie à la diversité du monde vivant, ce qui englobe bien sûr la faune et la flore, mais également les gènes, à l’origine même de cette diversité.
29 M. Cornu, F. Orsi et J. Rochfeld (dir.), Dictionnaire des biens communs, 2e éd., 2021, PUF.
30 « … (the) article 312 of the Constitution of Bolivia, established the need for a model of a plural economy and the industrialization and exploitation of naturel resources processes must be ruled by it. », Rights of nature. Milestones for the construction of a general theory, 2022, p. 24.
31 Haute Cour Tamil Nadu, 19 avril 2022, n° 18636 of 2013.
32 Ibid.
33 R. Demogue, « La notion de sujet de droit », RTD civ., 1909, p. 611.
34 L. Michoud, La théorie de la personnalité morale et son application en droit français, 1re éd., 1906, p. 20.
35 Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)) AG.
36 Sur ce mouvement et ses avancées, voy. par ex., M.-A. Hermitte, « Le concept de diversité biologique et la création d’un statut de la nature », in B. Edelman et M.-A. Hermitte (dir.), L’Homme, la nature et le droit, Paris, Christian Bourgois, 1988, p. 238 ; P. Brunet, « Vouloir pour la nature. La représentation juridique des entités naturelles », Journal of Interdisciplinary History of ideas, 2019, Volume 8 Issue 15, p. 2 ; J. Rochfeld, Justice pour le climat. Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne, O. Jacob, 2019, Partie 3.
37 Par exemple aux États-Unis, la Nation Ponca en 2018 ; la Nation Hochunk en 2018 ; la première Nation Chippewa White Earth, Resolution 001-19-009 ; la Yurok Nation, Resolution en 2018, Resolution establishing the Rights of the Klamath River, la Nez Perce Tribe, en 2020 Resolution SPGC20-02 sur la rivière Snake ; la Menominee Indian Tribe of Wisconsin, en 2020 Resolution n° 19-52 : Recognition of the Rights of the Menominee River.
38 Ch. Stone, « Should trees have standing? Toward legal rights for natural objects », Southern California Law Review, 1972, p. 450.
39 V. Cabanes, Homo natura. En harmonie avec le vivant, Buchet Chastel, 2017, p. 95. Tamaqua Borough, Schuylkill County, Pennsylvania, Ordinance n° 612 of 2006. Voy. F. Ost, « La nature, sujet de droit », in Les natures en questions, conférence réalisée au Collège de France le 20 oct. 2017, disponible sur le site du Collège de France.
40 Voy. not. Th. Deleuil, « La “Terre nourricière”, un progrès pour la protection de l’environnement ? », RJE, 2017/2, p. 255.
41 Comme l’a consacré la Constitution bolivienne en 2009 ou, de la même façon, la Constitution actuelle de l’Équateur, adoptée par referendum en 2008, V. David, « La lente consécration de la nature, sujet de droit. Le monde est-il enfin Stone ? », RJE, 2012/3.
42 X. Magnon, « Vers un constitutionnalisme anthropodécentré : le constitutionnalisme du vivant ? », D., 2022, p. 1033.
43 L’article L. 110-3 du Code de l’environnement de la Province des Îles Loyauté en Nouvelle-Calédonie énonce le principe unitaire de vie et introduit en droit français la possibilité de reconnaître la personnalité juridique à des éléments de la nature. Dispositions qui entreront en vigueur au printemps 2023.
44 Loi 19/2022, du 30 septembre, pour la reconnaissance de la personnalité juridique à la lagune de la Mar Menor et à son bassin (Ley 19/2022, de 30 de septiembre, para el reconocimiento de personalidad jurídica a la laguna del Mar Menor y su cuenca).
45 Ce cas illustre les limites rencontrées parfois par le droit de l’environnement : malgré sa protection très poussée, la Mar Menor est en voie de disparition. Cette lagune est en effet protégée à plus d’un titre : c’est une zone humide RAMSAR, une Zone d’Importance Spécialement Protégée pour la Méditerranée (Convention de Barcelone), une Zone de Protection Spéciale pour les Oiseaux (ZEPA), et enfin un Site d’Importance pour la Conservation appartenant au Réseau Natura 2000. Malgré cela elle subit une grave pollution causée par l’intensification de l’agriculture et la surfertilisation des sols à ses abords.
46 Ch. Stone, « Should trees have standing? Toward legal rights for natural objects », Southern California Law Review, 1972, p. 450 ; M.-A. Hermitte, « La nature, sujet de droit ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 66, no. 1, 2011, p. 173, qui fait met l’accent surtout, à côté de la personnification substantielle de la Nature, sur la personnification procédurale de celle-ci. Voy. égal. D. Boyd, « The Rights of Nature: A Legal Revolution That Could Save the World », ECW, 2017 ; C. Cullinan, Wild Law: A Manifesto for Earth Justice, 2e éd., GreenBooks, 2011.
47 R. Martin, « Personne et sujet de droit », RTD civ., 1981, p. 785.
48 J. Morand-Deviller, Le droit de l’environnement. PUF, 2023, p. 5.
49 Voy. par exemple l’arrêt rendu par la CEDH, Öneryıldız c. Turquie, 30 nov. 2004, n° 48939/99.
50 Déclaration de Stockholm, 5-16 juin 1972.
51 Charte de l’environnement, loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005.
52 M. Delmas-Marty, Résister, responsabiliser, anticiper, Seuil, 2013, p. 52.
53 G. Bœuf, « Pourquoi sauver la biodiversité ? », RJE, 2022/2, p. 247, spéc. p. 250.
54 « […] moins comme une forme d’animisme que comme la recherche d’un moyen juridique de faire valoir un droit à un environnement sain », P. Brunet et J. Rochfeld, « De l’animisme juridique à base scientifique : une voie pour la nature ? », in Le droit à l’épreuve de la société des sciences et des techniques, Liber amicorum en l’honneur de Marie-Angèle Hermitte, Academia university press, 2022, p. 340, spéc. p. 351.
55 « Dans la philosophie du Buen Vivir (Sumak Kawsay en quechua), l’harmonie avec la nature vise à assurer une “bonne vie” aux humains mais aussi aux générations futures », D. Roman, La cause des droits, Dalloz, 2022, p. 141.
56 Voy. les travaux d’É. Gaillard, not. sa thèse, Générations futures et droit privé, LGDJ, 2011.
57 Corte Suprema de Justicia, 5 avr. 2018, Decision STCA4360.
58 El derecho a la proteccion de un ambiante sano de todas las generaciones presentes y futuras.
59 J. Rochfeld, Justice pour le climat. Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne, Odile Jacob, 2019, p. 161.
60 « Au titre du fondement du lien de solidarité tout d’abord, elle relève justement l’avènement, dans la loi “biodiversité” de 2016, de “zones prioritaires de biodiversité” ainsi que la consécration d’un “principe de solidarité écologique” et de “continuité écologique”, comme si se mettaient en place des schémas de liens entre humains et non-humains », P. Brunet et J. Rochfeld, « De l’animisme juridique à base scientifique : une voie pour la nature ? », in Le droit à l’épreuve de la société des sciences et des techniques, Liber amicorum en l’honneur de Marie-Angèle Hermitte, Academia university press, 2022, p. 340, spéc. p. 365. Voy. Marie-Angèle Hermitte, « Artificialisation de la nature et droit(s) du vivant », in Ph. Desola (dir.), Les natures en question, Paris, Odile Jacob, 2018, p. 257.
61 E. O’Donnell, « Re-setting our relationsgip with rivers », in Une personnalité juridique pour le Fleuve Saint-Laurent et les Fleuves du monde, JFD, 2021, p. 271, spéc. p. 276.
62 En effet, humanisme et anthropocentrisme ne vont pas de pair.
63 « Tout le problème revient à désincarcérer l’humanisme de l’anthropocentrisme, à défaire l’équation qui les noue ensemble alors qu’ils ont peu en commun. L’anthropocentrisme n’est que la forme dévoyée de l’humanisme lorsqu’il est construit sur une ontologie des substances, où l’humain serait un règne séparé du reste du vivant et des conditions abiotiques. Mais si l’on conçoit l’humanité en termes relationnels, comme ses relations-mêmes avec les autres, alors l’humanisme prend un autre visage : un humanisme relationnel », B. Morizot, « L’écologie contre l’Humanisme. Sur l’insistance d’un faux problème », Revue interdisciplinaire d’Humanités, 2018, n° 13, p. 105, spéc. p. 115.
64 « Un humanisme relationnel où l’identité et le salut de l’humain sont constitués par ses relations intrinsèques avec les abeilles, les forêts anciennes et modernes, les bassins-versants, les loups et la couche d’ozone », B. Morizot, « L’écologie contre l’Humanisme. Sur l’insistance d’un faux problème », Revue interdisciplinaire d’Humanités, 2018, n° 13, p. 105, spéc. p. 117.
65 L. Neyret, « Réveillez l’écocide », Revue de science criminelle et de droit pénal comparé, vol. 4, n° 4, 2022, p. 767.
66 M. Yzquierdo (dir.), Les droits de la nature. Vers un nouveau paradigme de protection du vivant, Le Pommier, 2022, p. 17.
67 Y. Vega Cárdenas et N. Parra Meza, « El reconocimiento de los Rios y la Naturaleza colombiana como sujetos de derechos », in Y. Vega Cárdenas, D. Turp, Une personnalité juridique pour le Fleuve Saint-Laurent et les Fleuves du monde, JFD, 2021, p. 333, spéc. p. 382.
68 « Cependant, si ce sont les sociétés qui doivent mettre dans la balance les divers intérêts pour arriver à un modèle plus équilibré, dans un point de vue anthropocentré, les écosystèmes ne se sortiront pas très bien de l’équation. En effet, il ne sera pas facile de déterminer la fine ligne entre le degré de destruction qui est permis et celui qui devra être sanctionné en fonction des répercussions ou du spectre des conséquences, des dommages sur l’humain, sur la société et sur la biodiversité ». Y. Vega Cárdenas et N. Parra Meza, « La posture épistémologique de la Nature comme sujet de droit », in Y. Vega Cárdenas, D. Turp, Une personnalité juridique pour le Fleuve Saint-Laurent et les Fleuves du monde, JFD, 2021, p. 147.
69 E. Gudynas, « Si eres tan progresista ¿Por qué destruyes la naturaleza? Neœxtractivismo, izquierda y alternativas en Revista Ecuador Debate », CAAP, Quito, No 79, 2010, p. 61.
70 E. Gudynas, « Développement, droits de la Nature et Bien Vivre : l’expérience équatorienne », Mouvements, vol. 68, 2011/4, p. 15, spéc. p. 24.
71 Tamaqua Borough, Schuylkill County, Pennsylvania, Ordinance n° 612 of 2006.
72 M. Graham, 1999, « Some Thoughts about the Philosophical Underpinnings of Aboriginal Worldviews », Worldviews Environment, Culture, Religion, p. 181.
73 Voy. not. sur le lien entre le territoire naturel et l’identité, l’exemple des Kanaks, R. Lafargue, « Le préjudice civilisationnel pour atteinte à l’environnement. Droit au cadre naturel et réalités socioculturelles : interdépendances et interdisciplinarité », Droit et société, 2010/1, p. 151.
74 C. Magallanes, « Maori cultural rights in Aotearoa New Zealand: protecting the cosmology that protects the environment », Widener Law Review, vol. 21 (2015), p. 273 et s.
75 N.-F. Unuigbe, « The significance of the Stewardship Ethic of the indigenous people of Nigeria’s Niger Delta Region on Biodiversity conservation », in Sustainability and the Rights of Nature in practise, CRC, 2019, p. 167.
76 M. Eude, Du droit de l’arbre pour une protection fonctionnelle, Thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, n° 453.
77 Voy. Discours d’Alexandre Boulerice (chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, au Canada) dans son allocution du 22 avril 2022 à l’ONU, pour proposer un statut juridique au fleuve du Saint-Laurent.
78 Comité de Asesoramiento Científico del Mar Menor, Informe integral sobre el estado ecológico del Mar Menor, 13 de febrero de 2017.
79 Loi 19/2022, du 30 septembre, pour la reconnaissance de la personnalité juridique à la lagune de la Mar Menor et à son bassin (Ley 19/2022, de 30 de septiembre, para el reconocimiento de personalidad jurídica a la laguna del Mar Menor y su cuenca).
80 [https://polau.org/incubations/demarche-du-parlement-de-loire].
81 [https://www.appeldurhone.org]. La première session de l’Assemblée populaire du Rhône a eu lieu du 27 au 29 août 2021 à Arles, pour inviter les riverains à imaginer un nouveau modèle d’écologie sociale.
82 [https://www.tavignanu.corsica]. Née d’une lutte contre un projet d’enfouissement des déchets, la démarche a été poursuivie par le collectif, en s’appuyant sur l’affect développé avec le cours d’eau, pour porter un message plus universel de reconnaissance du fleuve.or.
83 Tamaqua Borough, Schuylkill County, Pennsylvania, Ordinance n° 612 of 2006.
84 M. S. Perkins, « How Pittsburgh embraced a radical environmental movement popping up in conservative towns across America », Business Insider, 9 juillet 2017.
85 Ph. Malaurie, Les personnes, 12e éd., Defrenois, 2022, p. 6.
86 Gaius, Institutes, trad. J. Reinach, Les Belles Lettres, 2003, II, 1.
87 M. Rémond-Gouilloud, Du droit de détruire. Essai sur le droit de l’environnement, Paris, PUF, p. 12.
88 « Dans certains cas, une fois le dommage réalisé […], il n’est pas de possible retour à l’état antérieur ». Voy. A. Van Lang, Droit de l’environnement, op. cit., n° 452.
89 M. Moliner-Dubost, Droit de l’environnement, 2e éd., Dalloz, 2019, p. 13.
90 Prévues à l’article L. 163, 1°, I du code de l’environnement.
91 M. Delmas Marty, « Avant-propos : la 21 COP, un pari sur l’avenir », in M. Torre-Schaub, Bilan et perspective de l’Accord de Paris (21 COP) : regards croisés, IRJS-éditions, 2017, p. 1.
92 La thèse de la personnalité morale de la communauté conjugale a été soutenue par Jean Carbonnier, J. Carbonnier, Le régime matrimonial, sa nature juridique sous le rapport des notions de société et d’association, th. Bordeaux, 1932.
93 J.-P. Marguénaud, « La personnalité juridique des animaux », D., 1998, p. 205.
94 « Rien n’empêche le système juridique de faire d’objets quelconques – divinités, saints, temples, terrains, œuvres d’art – des points d’imputation en leur donnant la capacité juridique », G. Teubner, Droit et réflexivité, Kluwer, 1994, p. 218.
95 R. Demogue, « Le sujet de droit », RTD civ., 1909, p. 611, spéc. p. 612.
96 F. Gény, Sciences et technique, Nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, t. 3, Sirey, 1921, p. 218.
97 G. Loiseau, « Pour un droit des choses », D., 2006, p. 3015, n° 7.
98 F. Ost, « Du commun à la personnalité juridique accordée à la nature », in séminaire organisé par D. Misonne sur Actualités des communs en droit de l’environnement et de la culture, 28 novembre 2017, CEDRE, Université Saint Louis, Bruxelles.
99 Ph. Descola, « Chapitre 1. Humain, trop humain ? », in R. Beau et C. Larrère (dir.), Penser l’Anthropocène, Presses de Sciences Po, 2018, p. 19, spéc. p. 34 : « Ce que permet l’anthropologie, en revanche, c’est de donner la preuve que d’autres manières d’habiter le monde sont possibles puisque certaines d’entre elles, aussi improbables qu’elles puissent paraître, ont été explorées ailleurs ou jadis, montrer donc que l’avenir n’est pas un simple prolongement linéaire du présent, qu’il est gros de potentialités inouïes dont nous devons imaginer la réalisation afin d’édifier au plus tôt une véritable maison commune, avant que l’ancienne ne s’écroule sous l’effet de la dévastation désinvolte à laquelle certains humains l’ont soumise ».
100 Il est vrai que de nombreuses consécrations des droits de la nature ont été observées au sein d’États peuplés par des communautés autochtones, P. Matthias. « La nature : d’un objet d’appropriation à un sujet de droit. Réflexions pour un nouveau modèle de société », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 80, n° 1, 2018, p. 207.
101 Selon le professeur Brunet en revanche, la nature deviendra inaliénable. « Toutefois l’idée même de droits de la nature exclut celle d’appropriation ou de possession au sens que confère le droit de propriété dans le droit occidental qui tend à réduire l’entité naturelle à une ressource utilisable au seul profit et à la seule fin du propriétaire », P. Brunet, « Les droits de la nature et la personnalité juridique des entités naturelles : un commun qui s’ignore ? », Journal of Constitutional History, Constitution and Change. Crisis of representative Institutions and new Challenges of Democracy, 2/2019, p. 39, spéc. p. 43.
102 Voy. A. Marais, Droit des personnes, 4e éd., Dalloz, 2021, n° 115 et s.
103 Art. 10. La naturaleza será sujeto de aquellos derechos que le reconozca la Constitución.
104 Loi 19/2022, du 30 septembre, pour la reconnaissance de la personnalité juridique à la lagune de la Mar Menor et à son bassin (Ley 19/2022, de 30 de septiembre, para el reconocimiento de personalidad jurídica a la laguna del Mar Menor y su cuenca).
105 Voy. sur la définition de la Nature et de ses avatars, A. Van Lang, Droit de l’environnement, 5e éd., op. cit., n° 26 et s.
106 À ce propos, en mai 2020, Curridabat, une petite ville du Costa Rica, a octroyé la citoyenneté aux insectes pollinisateurs, aux arbres et aux plantes indigènes.
107 Voy. not. l’œuvre du célèbre anthropologue, E. Kohn, Comment pensent les forêts : vers une anthropologie au-delà de l’humain, éd. Zones sensibles, 2017.
108 Rapport CGEDD, La forêt usagère de la Teste de Buch Un fragile équilibre entre propriété et usage, n° 014045-01, CGAAER n° 21092 établi par B. Cinotti et F. Lavarde, janv. 2022, p. 15.
109 Rapport CGEDD, La forêt usagère de la Teste de Buch Un fragile équilibre entre propriété et usage, n° 014045-01, CGAAER n° 21092 établi par B. Cinotti et F. Lavarde, janv. 2022, p. 15, « le pin maritime, essence de lumière ne peut se régénérer que dans des trouées d’une certaine taille ».
110 Ibid.
111 Préambule de la Loi 19/2022.
112 Voy. supra les initiatives locales au bénéfice de la Loire par exemple.
113 A. Marais, Droit des personnes, 4e éd., Dalloz, 2021, n° 122.
114 P. Chaumette (dir.), « Livre 8. La protection internationale des océans », in Droits maritimes 2021/2022, Dalloz Action, p. 1717.
115 G. Wicker et J.-Ch. Pagnucco, Personne morale, Rép. de droit civil, Dalloz, 2018, n° 104.
116 Par exemple la géographie.
117 Article L. 341-1 du Code de l’environnement : Il est établi dans chaque département une liste des monuments naturels et des sites dont la conservation ou la préservation présente, au point de vue artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque, un intérêt général.
118 M. Eude, Du droit de l’arbre pour une protection fonctionnelle, Thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, n° 245.
119 G. Wicker et J.-Ch. Pagnucco, Personne morale, Rép. de droit civil, Dalloz, 2018, n° 108.
120 Via son représentant comme nous l’étudierons infra dans le III.
121 M.-A. Hermitte, « La nature, sujet de droit ? », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 66, n° 1, 2011, p. 173.
122 Ch. Stone, « Should trees have standing? Towards legal rights for natural objects », Southern California Law Review, 45, p. 450, spéc. p. 489.
123 Voy. contra J. Bétaille, « La personnalité juridique de la nature démystifiée, éléments de contre-argumentation (2/2) », publié le 16 nov. 2020, disponible sur www.actu-environnement.com.
124 Ch. Soulard, « Le juge et les valeurs fondamentales : pour une éthique de la discussion », Les cahiers de la justice, 2022, p. 65.
125 Voy. supra. C. L’individualisation de la Nature.
126 J. Mestre, « La boussole de l’intérêt social se tourne vers les générations futures… (à propos de la réécriture de l’article 1833 du Code civil), in S. El Hassani Sbai (dir.), Quelle conciliation entre le droit économique et le droit de l’environnement ?, Presse universitaire de Rabat, 2023, à paraître.
127 Voy. sur les différents degrés de juridicité de ces engagements, P. Deumier, « Chartes et codes de conduite des entreprises : les degrés de normativité des engagements éthiques », RTD civ., 2009, p. 77.
128 M. Hautereau-Boutonnet, « Responsabilité civile environnementale », Rép. civ., Dalloz, 2021, n° 225 et s.
129 La fonction préventive du préjudice écologique, consacrée à l’article 1252 du Code civil est à parfaire. En témoigne par exemple le fait que le professeur Hautereau-Boutonnet plébiscite la création d’une nouvelle action préventive, M. Hautereau-Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, LGDJ, 2005.
130 C. Block, La cessation de l’illicite : recherche sur une fonction méconnue de la responsabilité civile extracontractuelle, dir. R. Bout et M. Bruschi, LGDJ, 2006.
131 L’article 1251 du Code civil fait mention d’un cas de dommage imminent.
132 M. Boutonnet, Le principe de précaution en droit de la responsabilité civile, dir. C. Thibierge, LGDJ ; D. Mazeaud, « Responsabilité civile et principe de précaution », in La responsabilité civile à l’aube du XXIe siècle, RCA, 2001, p. 72.
133 Voy. sur le principe de prévention et ses expressions, Van Lang, Droit de l’environnement, op. cit., n° 126 et s.
134 Le respect de ce dispositif est garanti dans un premier temps par un mécanisme de mise en demeure de mettre en application ces obligations, puis dans un second temps d’injonction en cas d’abstention par l’entreprise d’avoir pris les mesures nécessaires (C. com., art. L. 225-102-4, II).
135 Les Amis de la Terre, Oxfam et Notre affaire à tous.
136 BNP Paribas a fourni des services financiers à Marfrig, entreprise brésilienne de production de viande bovine, qui participerait à la déforestation de l’Amazonie, à l’accaparement des territoires autochtones et à des pratiques de travail forcé dans les élevages bovins.
137 Charte de l’environnement, loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement, JORF, n° 51, 2 mars 2005, p. 3697.
138 Cons. const., DC, 12 août 2022, n° 2022-843.
139 Cass., crim. 29 mars 2023, n° 22-83.911, à paraître.
140 J.-M. Granier, « Bienvenue dans l’entrepocène », Esprit, 2020/3, p. 52.
141 L. Lloredo Alix, « Los derechos de la naturaleza: un enfoque anticapitalista, post-humanista y decolonial », in Le droit à l’épreuve de la société des sciences et des techniques, Liber amicorum en l’honneur de Marie-Angèle Hermitte, Academia university press, 2022, p. 237.
142 Cependant pour certains auteurs, dont Michel Serres, le droit de propriété est la source culturelle de la pollution dans le sens où l’exclusivité revendiquée par l’individu sur la nature légitime les comportements destructeurs, M. Serres, Le Contrat naturel, Paris, François Bourin, 1990.
143 La lutte contre le greenwashing est organisée sur le fondement de l’article L. 121-1 du code de la consommation qui prohibe les pratiques commerciales déloyales et encadre ce faisant la liberté de la concurrence.
144 J. Mestre, « Cap sur le concours d’intérêts », RLDC, n° 153, 1er nov. 2017.
145 Voy. Hautereau-Boutonnet M. et É. Truilhé, Rapport final de recherche. Le procès environnemental. Du procès sur l’environnement au procès pour l’environnement, disponible en ligne, 2019, p. 52.
146 G. Canivet, « La pertinence de l’analyse économique du droit : le point de vue du juge », LPA 2005, n° 99, p. 23-27).
147 G. Becker, « Crime and Punishment: An Economic Approach », Journal of Political Economy, 1968, n° 76, p. 169.
148 Décret n° 2022-539 du 13 avr. 2022 relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité.
149 G. J. Martin, « La compensation écologique : de la clandestinité honteuse à l’affichage mal assumé », RJE, 2016/4, p. 601, spéc. p. 609.
150 L. Neyret, « Construire la responsabilité écologique », in A. Supiot, M. Delmas-Marty (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, Paris, Presses universitaires de France, 2015, et notamment p. 121.
151 Van Lang, Droit de l’environnement, op. cit., n° 126 et s.
152 G. Goffaux Callebaut, « L’intérêt social. La notion d’intérêt social à l’épreuve des questions environnementales », in M. Mekki, Les notions fondamentales de droit privé à l’épreuve des questions environnementales, Bruylant, 2016, p. 144, spéc. p. 148.
153 Y. Vega Cárdenas et N. Parra Meza, « El reconocimiento de los Rios y la Naturaleza colombiana como sujetos de derechos », in Y. Vega Cárdenas, D. Turp, Une personnalité juridique pour le Fleuve Saint-Laurent et les Fleuves du monde, JFD, 2021, p. 333, spéc. p. 380. Ibid.
154 Disponible en ligne www.GangaAction.org.
155 Une telle interdiction aurait eu des répercussions sur le droit à venir si la décision décidant de conférer la qualité de sujet de droit au Gange n’avait pas été infirmée en appel. Court of Uttarakhand, Writ Petition (PIL) 30 march 2017 30 march 2017, n° 140 of 2015.
156 E. Gudynas, « Développement, droits de la Nature et Bien Vivre : l’expérience équatorienne », Mouvements, vol. 68, 2011/4, p. 15, spéc. p. 24.
157 Corte constitutional, 10 nov. 2016, T-622-2016.
158 Y. Vega Cárdenas et N. Parra Meza, « El reconocimiento de los Rios y la Naturaleza colombiana como sujetos de derechos », art. préc., spéc. p. 380.
159 Ibid.
160 Ch. Stone, « Should trees have standing? Towards legal rights for natural objects », Southern California Law Review, 45, p. 450, spéc. p. 489.
161 Et ce d’autant plus que les devoirs sont de plus en plus présents sur la scène juridique Voy. sur le caractère exponentiel des devoirs environnementaux des personnes, M. Hautereau-Boutonnet, Le Code civil, un code pour l’environnement, Dalloz, 2021, p. 105.
162 Art. 13. Las personas y colectividades tienen derecho al acceso seguro y permanente a alimentos sanos, suficientes y nutritivos; preferentemente producidos a nivel local y en correspondencia con sus diversas identidades y tradiciones culturales. El Estado ecuatoriano promoverá la soberanía alimentaria. Constitucion de la republica del Ecuador, 20 oct. 2008, disponible en ligne.
163 “. . . (the) article 312 of the Constitution of Bolivia, established the need for a model of a plural economy and the industrialization and exploitation of naturel resources processes must be ruled by it.”, Rights of nature. Milestones for the construction of a general theory, dir. B. MilikanLuiz Felipe Acerda, 2022, p. 24.
164 « Restringir de forma inmediata aquellas actividades que puedan conducir a la extinción de especies, la destrucción de ecosistemas o la alteración permanente de los ciclos naturales », Loi 19/2022, du 30 septembre, pour la reconnaissance de la personnalité juridique à la lagune de la Mar Menor et à son bassin (Ley 19/2022, de 30 de septiembre, para el reconocimiento de personalidad jurídica a la laguna del Mar Menor y su cuenca).
165 Voy. par ex. H. Jonas, Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique, 3e éd., Passages, 1979, p. 195. U. Beck, La société du risque. Sur la voie d’une autre modernité, Flammarion, 2004.
166 L’affaire de l’ours Cannelle en porte témoignage. La disparition d’une espèce protégée a conduit à l’allocation de seulement 10 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile, et au pénal le chasseur a été relaxé du délit de destruction d’espèce protégée. Cass. crim. 1er juin 2010, n° 09-87.159, obs. L. Neyret, Env., 2011 comm. 2. Voy. à ce sujet L. Neyret, « Les sanctions à l’épreuve des enjeux environnementaux », in M. Mekki (dir.), Les notions fondamentales de droit privé à l’épreuve des questions environnementales, Bruylant, 2016, p. 171, spéc. p. 179.
167 L. Neyret cite A. Nieto Martin, « Justice restaurative et sanctions pour un droit pénal international de l’environnement », in L. Neyret (dir.), Des écocrimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, Bruylant, 2015, p. 183.
168 J. Dabin, « Le droit subjectif », Arch. phil. droit, t. 34, 1989 ; E. Jaulneau, La subjectivation du droit, thèse Orléans 2007 ; L. Favoreu, J. Tremeau, P. Gaïa, R. Ghevontian, F. Mélin-Soucramanien, O. Pfersmann, J. Pini, A. Roux, A. Pena, G. Soffoni, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, 7e éd., 2015, p. 3.
169 Voy. à ce sujet not. P. Burdon, « The Rights of Nature: Reconsidered », Australian Humanities Review, November 2010, n° 49, p. 79. T. Berry, Evening Thoughts: Reflections on Earth as Sacred Community, San Francisco, Sierra Club Books, 2006, p. 150.
170 A.R.B.R.E.S, Déclaration des droits de l’arbre proclamée, lors du Colloque dédié à l’Assemblée nationale le 5 avril 2019.
171 Voy., pour une vue d’ensemble, F. Borella, « Le concept de dignité de la personne humaine », in Ph. Pedrot (dir.), Éthique, droit et dignité de la personne, Economica, 1999, p. 28. Le Conseil constitutionnel a entériné la consécration de la valeur constitutionnelle de la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, dans une décision de 1994, Cons. const., 27 juill. 1994, déc. n° 94-343/344 DC, obs. L. Favoreu, D., 1995, p. 299.
172 S. Bajpai, « Rights of Rivers: the India case! », in Une personnalité juridique pour le Fleuve Saint-Laurent et les Fleuves du monde, JFD, 2021, p. 317, spéc. p. 323.
173 Ley de Derechos de la Madre Tierra, 21 dec. 2020, n° 071.
174 « Se declara de interés público la preservación del ambiente, la conservación de los ecosistemas, la biodiversidad y la integridad del patrimonio genético del país, la prevención del daño ambiental y la recuperación de los espacios naturales degradados ».
175 Les dépenses exposées pour prévenir la réalisation imminente d’un dommage, pour éviter son aggravation ou pour en réduire les conséquences constituent un préjudice réparable.
176 N. Mathey, « Les droits et libertés fondamentaux des personnes morales de droit privé », RTD civ., 2008, p. 205.
177 Il n’est aujourd’hui pas douteux que les personnes morales sont titulaires de droits fondamentaux. Les grands textes constitutionnels et conventionnels disent peu de choses sur cette question puisqu’il n’y a que l’article premier du protocole 1er de la Conv. EDH qui contienne une affirmation explicite en ce sens : Article 1 du Protocole n° 1 « 1. Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international ». Pourtant, cela n’est pas un obstacle à ce que les juges leur reconnaissent des droits tel que le droit à la vie privée. Le droit à la vie privée des personnes morales a été récemment affirmé par le Conseil d’État, CE 7 oct. 2022, n° 443826.
178 A. Marais, Droit des personnes, Dalloz, 2022, p. 230.
179 Voy. le dernier rapport de l’IPBES, Le rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques, 2022.
180 Crim. 25 oct. 2000, no 99-87.371.
181 Des préjudices divers, tels que la désorientation de ces mammifères, allant jusqu’à leur mort. C. Duarte et al., « The Soundscape of the Anthropocene ocean », Science Magazine, 5.02.2021, vol. 371.
182 G. Royer, « La convention EDH et le droit des sociétés », JCP, 2008, p. 185 ; V. Wester-Houisse, « La jurisprudence et les personnes morales : du propre de l’homme aux droits de l’homme », JCP, 2009, p. 121.
183 CEDH 16 avr. 2002, req. no 37971/97.
184 L. Martin-Meyer, « La nature au tribunal », Sesame, 2022/1, n° 11, p. 42.
185 Décision EXPTE.NRO.P-72.254/15 A.F.A.D.A. respecto del chimpancé Cécilia-sujeto no humano, rendue le 3 novembre 2016 par le tribunal de Mendoza. Voy. pour de plus amples développements, J.‑P. Marguénaud, « La femelle chimpanzé Cécilia, premier animal reconnu comme personne juridique non humaine », RSDA, 2016/2, p. 15.
186 Ibid., p. 16.
187 Ph. Descola, Par-delà nature et culture, Gallimard, 2005, p. 36.
188 « De plus, hisser la nature au rang de sujet de droit fait naître une nouvelle problématique sans la résoudre, qui concerne les conflits de droits entre sujets rivaux ». L. Neyret, « Construire la responsabilité écologique », in A. Supiot, M. Delmas-Marty (dir.), Prendre la responsabilité au sérieux, Paris, Presses universitaires de France, 2015, et notamment p. 121.
189 Liberté d’expression et vie privée par exemple.
190 « Les droits de la nature, tels que nous les concevons, n’ont donc pas pour but de protéger une nature intacte. L’objectif n’est pas de revenir à un état pré-civilisationnel de chasseur-cueilleur comme le soutient une certaine version caricaturale des revendications écologistes. Ces droits ont pour but d’opérer une balance durable où les sociétés humaines peuvent continuer à prospérer mais dans le respect des limites planétaires. L’introduction des droits de la nature ne revient pas à inscrire l’homme dans une essence qui lui ôterait sa liberté », P. Matthias. « La nature : d’un objet d’appropriation à un sujet de droit. Réflexions pour un nouveau modèle de société », Revue interdisciplinaire d’études juridiques, vol. 80, no 1, 2018, p. 207. p. 53. Voy. égal. J. Nedelsky, « Reconceiving Rights as Relationship », Review of Constitutional Studies, vol. 1, 1993, n° 1, p. 8 ; R. Bentirou, « Droits environnementaux et droits de l’homme : cœxistence pacifique, conflit éternel ? », in C. Cournil et C. Colard-Fabregoule (dir.), Changements environnementaux globaux et Droits de l’Homme, Bruylant, 2012, p. 155.
191 Corte constitucional del Ecuador, D.M., 10 de noviembre de 2021, Sentencia No. 1149-19-JP/21.
192 G. Wicker et J.-Ch. Pagnucco, Personne morale, Rép. de droit civil, Dalloz, 2018, n° 83.
193 Ibid.
194 D. Shelton, « Nature as a legal person », Vertigo, 2015, hors-série n° 22, p. 5.
195 F. Taylan, « Droits des peuples autochtones et communs environnementaux : le cas du fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande », Annales des Mines – Responsabilité et environnement, n° 92 (octobre 2018), p. 21.
196 S. Bajpai, « Rights of Rivers: the India case! », », in Une personnalité juridique pour le Fleuve Saint-Laurent et les Fleuves du monde, JFD, 2021, p. 317, spéc. p. 326.
197 Loi 19/2022, du 30 septembre, pour la reconnaissance de la personnalité juridique à la lagune de la Mar Menor et à son bassin (Ley 19/2022, de 30 de septiembre, para el reconocimiento de personalidad jurídica a la laguna del Mar Menor y su cuenca), Article 3 : La representación y gobernanza de la laguna del Mar Menor y de su cuenca, se concreta en tres figuras: Un Comité de Representantes, compuesto por representantes de las Administraciones Públicas que intervienen en este ámbito y de la ciudadanía de los municipios ribereños; una Comisión de Seguimiento (los guardianes o guardianas de la Laguna del Mar Menor); y un Comité Científico, del que formará parte una comisión independiente de científicos y expertos, las universidades y los centros de investigación.
198 N° 177.
199 I. Parachkevova-Racine, « Éthique environnementale et droit des sociétés », RIDE, vol. xxxv, no. 3, 2021, p. 55.
200 L’article L. 225-102-4 du Code de commerce nous apprend que le plan de vigilance « a vocation à être élaboré en association avec les parties prenantes de la société ».
201 Selon la 1145 du Code civil, la capacité des personnes morales est limitée par les règles applicables à chacune d’entre elles. À cette limitation générale de la capacité par le principe de spécialité, la loi édicte des incapacités spéciales à certaines catégories de personnes morales.
202 Voy. not. N. Le Méhauté, « Les “absents” : place de l’environnement et des vivants non humains », in N. Le Méhauté (dir.), Médiations environnementales. Pour construire un monde commun, Érès, 2022, p. 181 ; B. Morizot, Les diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Wildproject, 2016, p. 45.
203 Le Fleuve qui voulait écrire. Audition 1., LLL, 2021, p. 107.
204 F. Ost, « La nature, sujet de droit », in Les natures en questions, conférence réalisée au Collège de France le 20 oct. 2017, disponible sur le site du Collège de France.
205 Disponibles en ligne : [https://www.derechosdelanaturaleza.org.ec/casos-ecuador/].
206 Voy. à ce propos la base de données The Eco-Jurisprudence Monitor qui rassemble toutes les initiatives en ce domaine.
207 Voy. l’ouvrage, M. Hautereau-Boutonnet, Le Code civil, un code pour l’environnement, Dalloz, 2021, p. 65.
208 H. Delzangles et A. Zabalza, « La reconnaissance, en Espagne, de la personnalité juridique et de droits accordés à la Mar Menor. Quels enseignements pour la France ? », AJDA, 2023, p. 606. H. Delzangles, « La reconnaissance, en Espagne, de la personnalité juridique et de droits à la “mar menor”. Une contribution à la réflexion sur les “biens communs environnementaux” ? », RJE, 2023/2, p. 173.
209 Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005.
210 CEDH 30 juin 1959 Szwabowicz c. Suède, n° 434/58. Ce principe consacré par la Cour européenne des droits de l’homme est inhérent au droit à un procès équitable. Elle a pour la première fois employé l’expression dans l’affaire Szwabowicz c. Suède : « Le droit à un procès équitable implique que toute partie à une action civile et a fortiori à une action pénale, doit avoir une possibilité raisonnable d’exposer sa cause au tribunal dans des conditions qui ne la désavantagent pas d’une manière appréciable par rapport à la partie adverse. »
211 Voy. sur cette finalité du droit de l’environnement, A. Van Lang, Droit de l’environnement, op. cit., n° 71 et s.
Sabrina Dupouy, « La Nature, sujet de droit», Confluence des droits_La revue [En ligne], 02 | 2024, mis en ligne le 12 février 2024. URL : https://confluencedesdroits-larevue.com/?p =3384.